Segur-maman

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mon visage et je me levai péniblement, tout étourdie et tout écorchée, tandis que la voiture descendait la côte à toute vitesse, emportant les trois enfants qui avaient les bras au ciel et les yeux hors de la tête. La barrière arrêta l’élan impétueux de Rapide et nous en fûmes quittes pour la peur. Je rentrai en pleurnichant et ma bonne mère me soigna de telle façon que je fus vite guérie. Comme cet accident, la tortue, puis l’écureuil, furent dans le livre de ma mère : Les Malheurs de Sophie, des réminiscences de ma jeunesse. Ma tortue faisait mes délices à Paris ; logée dans une caisse, elle vaguait parfois sur le tapis de ma chambre que j’avais soin de joncher de salades, malgré les cris de ma bonne, afin de nourrir ma chère petite bête. L’écureuil était normand. Il me fuyait, car je lui faisais sans cesse des niches, mais il aimait fort ma bonne qui le soignait à merveille. Il errait en liberté dans la nursery, affectionnant les grands bonnets cauchois d’Adèle, où il allait se blottir et sommeiller. Parfois il escaladait audacieusement le dos de ma bonne et, s’installant avec confiance sur son cou tandis qu’elle était penchée vers son ouvrage, il relevait coquettement sa queue en panache et savourait une noisette. Il y avait des jours où cette confiance dégénérait en familiarité excessive, car ma bonne sentait de petites gouttes d’un 44


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