Rilke-poete

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Je pense si souvent à vous, cher Monsieur Kappus, et concentre tellement mes vœux sur vous, que cela devrait, semble-t-il, vous aider de quelque manière. Tout à l’inverse, je mets souvent en doute que mes lettres vous soient d’un réel secours. Ne dites pas : « Mais oui, elles le sont. » Prenez-les comme elles vous viennent, sans trop m’en remercier, et laissez faire le temps. Il n’est peut-être pas utile que j’entre dans le détail de ce que vous dites. Tout ce que je pourrais vous dire moi-même sur votre penchant au doute, sur les difficultés que vous éprouvez à accorder votre vie extérieure à votre vie intérieure, ou sur toutes autres, je vous l’ai déjà dit. Je ne puis que formuler une fois de plus le vœu que vous trouviez assez de patience en vous-même pour supporter, et assez de simplicité pour croire. Confiez-vous toujours davantage à tout ce qui est difficile et à votre solitude. Pour le reste, laissez faire la vie. Croyez-moi, la vie a toujours raison. Pour ce qui est des sentiments, purs sont tous les sentiments sur lesquels vous concentrez votre être entier et qui vous élèvent ; impur est un sentiment qui ne répond qu’à une partie de vous-même et par conséquent vous déforme. Tout ce qu’il vous advient de penser quand vous vous reportez à votre enfance est bon. Tout ce qui fait de vous plus que vous n’étiez 53


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