Maupassant-mort

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Quand Faust chanta : Laisse-moi, laisse-moi contempler ton visage, il y eut dans les notes envolées de sa bouche un tel accent d’adoration, de transport et de supplication que, vraiment, le désir d’aimer souleva un instant tous les cœurs. Olivier se rappela qu’il l’avait murmurée lui-même, cette phrase, dans le parc de Roncières, sous les fenêtres du château. Jusqu’alors, il l’avait jugée un peu banale, et maintenant elle lui venait à la bouche comme un dernier cri de passion, une dernière prière, le dernier espoir et la dernière faveur qu’il pût attendre en cette vie. Puis il n’écouta plus rien, il n’entendit plus rien. Une crise de jalousie suraiguë le déchira, car il venait de voir Annette porter son mouchoir à ses yeux. Elle pleurait ! Donc son cœur s’éveillait, s’animait, s’agitait, son petit cœur de femme qui ne savait rien encore. Là, tout près de lui, sans qu’elle songeât à lui, elle avait la révélation de la façon dont l’amour peut bouleverser l’être humain, et cette révélation, cette initiation lui étaient venues de ce misérable cabotin chantant. 325


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