Loranger-contes1

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Chapeau bas, le marchand de tabac lui avait soufflé délicatement cette réflexion : – Ne seriez-vous pas, mademoiselle, Marie Folcu, fille légitime de Joë Folcu ? La jeune fille n’avait pas hésité à rabrouer un tel polisson. Jamais Joë Folcu ne pouvait imaginer qu’une jeune fille pût s’indigner qu’on lui attribuât le sobriquet de « Folcu » lorsque le nom de Folcu n’était pas le sien propre. Pourtant, il eût été bien facile que le marchand de tabac en feuilles utilisât son procureur en séparation de corps pour se mettre en communication avec mademoiselle Marie Folcu. Mais le père désemparé craignait que sa femme n’interprétât ses démarches comme de simples travaux d’approche dans un but de réconciliation conjugale. Joë Folcu préférait s’en tenir au hasard des rencontres pour suggérer à sa fille, maintenant majeure, un retour « discrétionnaire » vers son vieux papa. Peu importait que Marie se retirât en permanence dans les appartements de son père ou qu’elle ne consentît qu’à y faire des séjours plus ou moins longs. Pour le moins, Joë Folcu, du consentement de sa fille, ne pouvait-il pas se la partager avec 1’autre madame Joë Folcu, et alternativement ?

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