André Lafon - L'élève Gilles.

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dents, s’oubliait à contempler par le vitrage des portes, la montée de l’ombre dans les branches ; d’autres achevaient de manger en cachette le pain fourré dans leur poche pour courir plus librement, et qui semblait meilleur à cette heure. Les cinq coups de l’horloge tombaient, un à un, dans la cour ; l’Angelus aussi y venait battre... Je songeais à La Grangère, aux crépuscules sur le jardin, au feu plus vif dans le gris de la petite salle, à ma tante qui se signait, aux beaux devoirs que j’eusse faits sous la lampe. D’un petit coup frappé sur la chaire, le maître me rappelait à la tâche, et ses yeux me fixaient, les sourcils rapprochés. Il était sévère, mais ne s’accordait rien de plus que ce qu’il nous permettait. Il ne se chauffait jamais au poêle, se montrait exact, et n’apportait en étude que des livres de travail. S’il punissait durement une légère désobéissance, il suffisait d’un peu d’application, de bonne volonté témoignée pour le faire revenir sur sa vivacité. Il s’appelait M. Laurin. Une fois, j’eus besoin d’aide pour mes problèmes que je ne comprenais pas toujours très vite, je me rendis près de lui. Il eut un geste d’impatience et m’écarta de la main, mais me retint aussitôt par le bras. Je le vis continuer de chercher un mot sur le dictionnaire, y renoncer, puis me demander avec douceur ce que je désirais. Ces études du soir étaient gênées par la présence des

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