André Lafon - L'élève Gilles.

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promettait de revenir quelque jour me surprendre par l’étalage de ses splendeurs. L’heure sonna où elle dut songer à les rejoindre. Maria nous l’amena, un matin, pour qu’elle fît ses adieux. Elle avait laissé le tablier à carreaux et portait une robe verte serrée d’un ruban noir ; une croix d’argent pendait à son cou. Je fus touché de la voir résignée à sa modeste parure ; on tenta de provoquer son bavardage, mais elle ne se départit point d’une réserve décente qui me plut. Ma tante eut quelques menus objets à lui offrir et qu’elle voulut bien prendre, mais elle remercia si mal que Maria la trouvant sotte, parla de l’emmener. Je ne sais ce qui se passa en moi à l’idée que Zoé quittait La Grangère ; les larmes emplirent mes yeux, et je suppliais qu’on me laissât mon amie ; ma mère et ma tante rirent beaucoup d’une flamme si subite, et Maria s’en gaussa tout haut. Ce furent bien d’autres éclats quand je protestai vouloir épouser Zoé, et que je m’entêtai de la plus violente façon dans le projet que je venais de former. Cependant, elle ne paraissait nullement émue, et fixait l’extrémité d’un de ses pieds dont elle grattait le parquet ; un peu de gêne lui venait seulement, de voir se prolonger devant elle une discussion dont elle se savait l’objet. On me permit du moins de l’embrasser, en m’assurant que ma demande serait examinée ; elle me tendit docilement la joue et sortit après une révérence, 176


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