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n’est pas à cette heure que vous pouvez vous rendre chez Giulietta. » Érasme fit volte-face. « Que parlezvous de Giulietta ! » s’écria-t-il d’une voix farouche. Et il saisit en même temps le drôle rouge à la poitrine. Mais celui-ci tourna sur lui-même avec la rapidité de l’éclair ; et avant qu’Érasme s’en fût aperçu, il avait disparu. Érasme resta tout étourdi, ayant dans sa main le bouton d’acier qu’il avait arraché au drôle habillé de rouge. – « C’était le docteur aux miracles, signor Dapertutto, dit le valet ; que vous voulait-il donc, monsieur ? » Mais Érasme frémit en lui-même, et, sans répondre, il se hâta de gagner son logis. Giulietta accueillit Érasme avec la grâce ravissante et l’amabilité qui lui étaient propres. À la passion frénétique dont Érasme était enflammé, elle n’opposait que de la douceur et des manières indifférentes. De temps en temps, pourtant, ses yeux étincelaient d’un plus vif éclat ; et lorsqu’elle lançait à Érasme un de ces regards perçants, il se sentait pénétré jusqu’au fond de son être d’un vague et étrange frisson. Jamais elle ne lui avait dit qu’elle l’aimait, et cependant toute sa conduite et ses procédés envers lui le lui faisaient évidemment comprendre. C’est ainsi qu’il se trouva de plus en plus étroitement enlacé dans cet amour. Une véritable vie 118


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