erckmann-conscrit

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plusieurs personnes, des paysans et des gens de la ville, qui lisaient une affiche. Nous montâmes le perron et nous entrâmes dans l’église, où plus de vingt femmes, jeunes et vieilles, étaient à genoux sur le pavé, malgré le froid épouvantable. « Voyez-vous, fit Brainstein, qu’est-ce que je vous disais ? Elles viennent déjà prier, et je suis sûr que la moitié sont là depuis cinq heures. » Il ouvrit la petite porte de la tour par où l’on monte aux orgues, et nous nous mîmes à grimper dans les ténèbres. Une fois dans les orgues, nous prîmes à gauche du soufflet, et nous montâmes jusqu’aux cloches. Je fus bien content de revoir le ciel bleu et de respirer le grand air, car la mauvaise odeur des chauvessouris qui vivent dans ces boyaux vous étouffait presque. Mais quel froid épouvantable dans cette cage ouverte à tous les vents, et quelle lumière éblouissante par ces temps de neige, où la vue s’étendait sur vingt lieues de pays ! Toute la petite ville de Phalsbourg, avec ses six bastions, ses trois demi-lunes, ses deux avancées, ses casernes, ses poudrières, ses ponts, ses glacis et ses remparts, sa grande place d’armes et ses petites maisons bien alignées, se dessinait là comme sur un papier blanc. On voyait jusqu’au fond des cours, et moi qui n’étais pas encore habitué à cela, je me tenais 45


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