erckmann-conscrit

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verres à ce pauvre diable. Vers cinq heures du soir, en approchant du village de Risa, nous aperçûmes à gauche un vieux moulin avec son pont de bois, que suivait un sentier de traverse. Nous prîmes le sentier pour couper au court, et nous n’étions plus qu’à deux cents pas du moulin, lorsque nous entendîmes de grands cris. En même temps, deux femmes, une toute vieille et l’autre plus jeune, traversèrent un jardin, entraînant après elles des enfants. Elles tâchaient de gagner un petit bois qui borde la route, sur la côte en face. Presque aussitôt nous vîmes plusieurs de nos soldats sortir du moulin avec des sacs, d’autres remonter d’une cave à la file avec de petites tonnes, qu’ils se dépêchaient de charger sur une charrette, près de l’écluse, d’autres amenaient des vaches et des chevaux d’une étable, tandis qu’un vieillard, devant la porte, levait les mains au ciel, et que cinq ou six de ces mauvais gueux entouraient le meunier tout pâle et les yeux hors de la tête. Tout cela : le moulin, la digue, les fenêtres défoncées, les femmes qui se sauvent, nos soldats en bonnet de police, faits comme de véritables bandits, le vieux qui les maudit, et les vaches qui secouent la tête, pour se débarrasser de ceux qui les emmènent, pendant que d’autres les piquent derrière avec leurs baïonnettes... tout est là... devant moi... je crois encore 241


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