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sa baïonnette ; sa figure n’avait pas changé : cela me réjouit. J’aurais bien voulu savoir si Klipfel et Furst se trouvaient aussi dans leurs rangs, mais alors le commandement de « Portez armes ! » me fit songer à autre chose. Les trois premières colonnes ennemies s’étaient arrêtées sur la colline de Gross-Gorschen pour attendre les trois autres, qui s’approchaient le fusil sur l’épaule. Le village, entre nous dans le vallon, brûlait, les toits de chaume flambaient, la fumée montait jusqu’au ciel, et sur une côte, à gauche, nous voyions arriver, à travers les terres de labour, une longue file de canons pour nous prendre en écharpe. Il pouvait être midi lorsque les six colonnes se mirent en marche, et que, sur les deux côtés de GrossGorschen, se déployèrent des masses de hussards et de chasseurs à cheval. Notre artillerie, placée en arrière des carrés, au haut de la côte, avait ouvert un feu terrible contre les canonniers prussiens, qui lui répondaient sur toute la ligne. Nos tambours commençaient à battre dans les carrés, pour avertir que l’ennemi s’approchait ; on les entendait comme le bourdonnement d’une mouche pendant un orage, et dans le fond du vallon les Prussiens criaient tous ensemble : « Faterland ! Faterland ! » 169


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