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femme, des bonnets à poil pelés, des shakos défoncés, des vestes de Cosaques, des mouchoirs et des chemises entortillés autour des pieds ; ils sortaient des charrettes en se cramponnant et vous regardaient comme des bêtes sauvages, les yeux enfoncés dans la tête et les poils de la figure hérissés. Les bohémiens qui dorment au coin des bois en auraient eu pitié, et pourtant c’étaient encore les plus heureux, puisqu’ils étaient réchappés du carnage, et que des milliers de leurs camarades avaient péri dans les neiges ou sur les champs de bataille. Klipfel, Zébédé, Furst et moi nous allions voir ces malheureux ; ils nous racontaient toute la débâcle depuis Moscou, et je vis bien alors que le 29e Bulletin, si terrible, n’avait dit que la vérité. Ces histoires nous excitaient contre les Russes ; plusieurs disaient : « Ah ! pourvu que la guerre recommence bientôt ; ils en verront des dures, cette fois... ce n’est pas fini... ce n’est pas fini ! » Leur colère me gagnait moi-même, et quelquefois je pensais : « Joseph, est-ce que tu perds la tête maintenant ? Ces Russes défendaient leur pays, leurs familles, tout ce que les hommes ont de plus sacré dans ce monde. S’ils ne les avaient pas défendus, on aurait raison de les mépriser. » En ce temps, d’extraordinaire.

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arriva

quelque

chose


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