Fiodor Dostoievski - Le Double.

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« bonjour », puis s’écartèrent de lui. D’autres ne lui firent qu’un court salut de la tête. Un de ses collègues se détourna de lui, faisant semblant de ne pas le voir. Enfin, suprême offense pour notre héros, quelques jeunes galopins sans grades, des gamins uniquement capables, suivant l’expression très juste de M. Goliadkine, de jouer à pile ou face et de traîner dans de mauvais lieux, firent cercle autour de lui. Petit à petit, ils l’entourèrent complètement, lui coupant toute retraite. Tous le dévisageaient avec curiosité et dédain. C’était de mauvais augure. M. Goliadkine s’en rendit compte et prit la décision de ne pas y prêter attention. Mais soudain, un événement absolument imprévu vint bouleverser ses plans et réduire à néant tous ses espoirs. Du groupe des jeunes fonctionnaires, qui faisaient cercle autour de notre héros en cette minute funeste, surgit, tout à coup, son homonyme. Il était, comme d’habitude, enjoué et sémillant. Oui, il était espiègle, sautillant, moqueur, cajoleur, vif à la répartie, la jambe alerte, comme d’habitude, comme toujours, comme la veille, en particulier, au cours de cette séance dont notre héros conservait un si cuisant souvenir. Il tournoyait, voltigeait, avec un sourire qui découvrait ses dents, un sourire qui souhaitait le bonsoir à toute l’assistance. En quelques secondes, il fut au centre du groupe, serra des

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