Contes-Quebec-2

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incrustée en mosaïque, tient le milieu de la salle, et porte pêle-mêle mille objets de luxe futile, dont une partie se perd sous un encombrement d’instruments de musique. Un sofa dont les bras s’ouvrent voluptueusement aux fatigues et à l’indolence, occupe la pénombre d’une alcôve faiblement déclive. Éliza y est assise et promène une main agitée sur les dernières touches du clavecin dont l’extrémité atteint presque le sofa. Carolle est devant elle, debout, le coude appuyé sur la console de la cheminée, et regardant les oiseaux se becqueter sur la fenêtre. Tous deux se taisent, le son discordant que produisent les coups de doigts nerveux de la jeune fille, sur le clavecin, troublent seuls ce silence ennuyeux. Enfin elle retire son bras et s’adressant à son frère: – Quelle heure est-il ? Carolle. – Six heures à peine. Je ne sais ce qui a pu nous tirer si tôt du lit. Ce n’est pourtant pas la joie précoce de voir arriver papa. Car, quoique ma résolution soit bien prise, il m’en coûte de partir. – Oui, partir, reprit sa soeur, partir... et moi qui n’ai de joies que les tiennes, de peines que les tiennes, tu ne me juges pas digne d’être consultée sur une affaire dont les suites me seront aussi personnelles qu’à toi. – Pardon, ma soeur, pour te consulter là-dessus, il n’aurait pas même fallu songer à partir, car ton avis 34


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