Chevalier-capitaine

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Ces paroles furent prononcées avec une volubilité extrême, qui ne permit pas à Harriet d’y glisser un mot. Elle se contenta d’examiner son interlocuteur. Il était petit de taille, riche d’embonpoint, mafflé, lippu, rouge de figure, comme une pomme d’api. Il avait les yeux à fleur de tête, clignotant sans cesse à droite, à gauche, sous une paire de lunettes à verres convexes ; une apparence de bonhomie, de douceur qui jurait affreusement avec sa profession de pirate. Malgré sa corpulence, tous ses mouvements avaient une vivacité électrique. Jamais il n’était en repos. Une circonstance l’obligeait-elle à rester debout, sans marcher, il dansait alternativement sur une jambe ou sur l’autre. Ses bras fonctionnaient sans cesse comme les ailes d’un télégraphe. On doutait qu’il se tînt immobile même en dormant. Sa langue était dans une agitation perpétuelle, qui le forçait à lire, à étudier, à penser tout haut. On l’appelait le major Guérin ; mais les matelots du bord l’avaient rebaptisé le docteur Vif-Argent. Malgré ses brusqueries, ses gourmades, ils avaient pour lui une affection dévouée ; car il était habile, obligeant, et plus d’un lui devait la conservation de ses jours. Quoique assez pénétrante, madame Stevenson ne sut pas apprécier le major Guérin. Elle le prit pour quelque 158


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