Brunet-hypocrites

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même sur son lit s’exprimer simplement : « De l’autre côté, Là-haut... » Philippe méprisait son père, qui, jusqu’au bout, croyait à ces fariboles. Il revoyait le collège lointain dont il parlait souvent, les congés du Jour de l’An sous la neige, la voiture qui, de cinq lieues, la voiture du grand-père qui venait le chercher pour ces quelques heures de fête. Philippe s’émouvait à ces souvenirs d’un autre, et il se disait : « Il ne comprenait pas la poésie de tout ça. » Philippe était fier de lui. Il ne pensait plus à l’argent. Dans le couloir, la tante Bertha le suivait. Elle avait les yeux rouges : – De l’autre côté, mon pauvre enfant ! – Vous voyez qu’il n’en a pas pour longtemps. Philippe était heureux de le dire. Il en était heureux, parce que Philippe eut toujours le goût de biffer, de déchirer, d’en finir, sorte de rage d’enfant qui brise ses jouets, rage de timide qui veut tout détruire pour échapper à son mal. Il était heureux, parce que, ne croyant pas lui-même à la maladie de son père, les prétextes de la tante Bertha l’exaspéraient : – Ce ne sera rien... Dans quelques jours, il sera remis... Il triomphait maintenant de la tante Bertha. Elle ne voulait pas croire à la mort, pour l’écarter. C’était une timide qui ne voulait rien voir en face, qui camouflait 42


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