Boylesve-dangereux

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Henri ne se troubla pas. Il crut que Lucie l’avait vendu. – Elle est un peu rosse, fit-il, de t’avoir dit que j’étais allé la voir, attendu que c’est pour son bien autant que pour le nôtre que j’ai fait cette démarche : tu te démoralises auprès de Lucie, ma chère amie ; tu la fatigues, elle, au lieu de la secourir, c’est certain ; quant à ce qu’il en résulte, ici, tu le vois : la vie est devenue impossible. Je n’ai à me reprocher ni ma visite à Lucie ni d’avoir prié ton amie de t’éloigner par tous les moyens. Mathilde fulmina. Elle se leva de table en jetant sa serviette, au grand ébahissement des enfants et des domestiques. Non seulement pareille chose n’était jamais arrivée, mais nul n’avait vu l’apparence de l’ordre sérieusement troublée chez les Angibault, toute querelle, depuis les quelques semaines qu’une querelle était devenue possible, ne donnant son éclat que dans le privé. – Je n’ai plus de mari, plus d’amie !... murmurait Mathilde d’une voix étouffée, en se retirant. Et, se retirant, elle ne savait plus où aller, parce qu’il ne lui était de sa vie, arrivé de quitter la table, seule et en de pareilles conditions ; elle allait d’instinct vers sa chambre, mais elle s’arrêta dès le salon, à la pensée que peut-être on l’y viendrait rejoindre. Elle se retirait, non 148


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