Bourget-Cornelis

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impossible à repousser. Elle fut ainsi durant les instants qui suivirent la lecture des lettres. Puis la crise diminua, je réfléchis, et tout de suite ma tendresse pour ma mère entra en lutte contre le cauchemar. À l’attaque de ces exécrables imaginations, j’opposai des faits, dans leur certitude et leur netteté. Je me rappelai par le menu les moments où j’avais vu ma mère et mon père, en présence l’un de l’autre, pour la dernière fois. C’était à la table du déjeuner d’où il s’était levé pour aller là-bas, vers l’assassin. Mais est-ce que ma mère n’était pas rieuse, à son ordinaire, ce matin-là ? Est-ce que Jacques Termonde n’avait pas déjeuné avec nous ? N’était-il pas demeuré ensuite, après le départ de mon père, à causer, tandis que je jouais ? C’était à ce moment même, entre une heure et deux, que le mystérieux Rochdale commettait le crime. Termonde ne pouvait pas être à la fois dans notre salon et à l’hôtel Impérial, pas plus que ma mère n’aurait pu, impressionnable comme je la connaissais, parler ainsi paisiblement, heureusement, si elle avait su qu’à cette heure-là son mari tombait pour ne plus se relever... J’étais un fou d’avoir laissé une pareille hypothèse dessiner son image monstrueuse devant mes yeux, une seule minute. J’étais un infâme d’avoir aussitôt dépassé les plus insultantes défiances de mon père. Déjà et sans preuve aucune que l’expression d’une jalousie qui s’avouait elle-même déraisonnable, j’en étais arrivé où cet homme, 129


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