Bazin-terre

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par le dernier cri de l’âme qui s’était échappée. – Seigneur ! dit Lumineau encore agenouillé, faites qu’il ne parte pas sans ses pâques ; faites qu’il ne soit pas mort ! Et tout de suite, quittant sa veste et la jetant sur les épaules et la poitrine de son fils, le bordant comme avec une couverture de lit, il abandonna sa yole, et poussa l’autre hors du pré, celle qui portait Mathurin. Un peu d’espoir le soutenait, et redonnait de la force à ses vieux bras. Il fallait trouver du secours. Debout, cherchant à s’orienter dans cette nuit profonde, le père continua quelque temps d’avancer, avant de découvrir un feu de ferme. Puis un rayon de lumière perça les brumes, à droite. La yole glissa plus vite. En suivant le fossé, elle s’approcha ; le métayer put reconnaître la métairie au dessin des portes et des fenêtres éclairées. Hélas ! c’était la Seulière, et on y veillait. Des bruits de rires, des chansons, les notes essoufflées de l’accordéon, flottaient autour des murs, et se dispersaient dans le vent. Le métayer longea la motte brune, et la dépassa. Tout en yolant, le plus rapidement qu’il pouvait, il épiait si la grande ombre que faisait Mathurin n’avait pas remué, et, la voyant immobile, il pensa : « Mon enfant est mort. » À cinq cents mètres au-delà, et de l’autre côté du canal, il savait maintenant qu’il y avait une autre 310


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