Bazin-terre

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par amitié pour lui, n’avait pas voulu retourner au bourg avec le père, et, étendu à plat ventre dans l’herbe, lisait le journal à haute voix. De temps en temps, il commentait les nouvelles, lui qui avait couru le monde ; il expliquait où se trouvaient Clermont-Ferrand, l’Inde, le Japon, Lille en Flandre, et, en le faisant, il tordait sa petite moustache blonde, et toute la fleur de sa jeunesse, un peu d’amour-propre naïf, apparaissaient dans sa physionomie ouverte et amusée. Vers quatre heures, sur la gauche de Sallertaine, un clairon sonna. Ce devait être à mi-distance entre la paroisse des Lumineau et celle de Soullans, en plein Marais. Mathurin, réveillé de la torpeur où la lecture l’avait plongé, regarda André, qui avait laissé tomber le journal, à la première note, et qui, le visage levé, l’oreille tendue, souriait à la fanfare. – Ce sont les gars de la classe, dit l’aîné ; ils vont partir bientôt, et ils se promènent. – Ils jouent la fanfare des chasseurs d’Afrique, répondit le cadet, avec une flamme dans les yeux. Je la reconnais. Il y a donc un ancien de chez nous, dans le Marais ? – Oui, le fils d’un bourrinier du Fief. Il a fait son temps dans les zouaves. Il y eut un silence, pendant lequel les deux hommes 158


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