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REGARDS SUR

LE TERROIR

Rien ne relie Nicolas Boulard à Frédéric Lefever si ce n’est peut-être un intérêt commun pour le terroir et l’identité régionale. Le premier pioche dans le monde viticole quand le second s’attelle aux frontons de pelote basque. La série prenant pour sujet ces murs de jeu comptabilise au total 220 spécimens répartis sur une vaste portion territoriale qui parcourt bien sûr le Pays basque français et espagnol mais aussi le Gers, la Gironde, les Hautes-Pyrénées et les Landes. Réalisé en 2013, cet ensemble de tirages vient conclure deux décennies d’explorations. « Depuis plus de 20 ans, je photographie frontalement de l’architecture, des murs de maison, les bâtis qui nous entourent… En faisant des recherches sur l’architecture basque, je suis tombé sur un document de fronton. C’était un choc. Tout ce que je cherchais depuis tout ce temps était concentré dans ces murs de jeux » explique Frédéric Lefever. L’aboutissement de ce travail sur la frontalité se mesure dans une approche qui pose l’ambition d’échapper aux sacro-saintes maximes de l’image figée. En l’occurrence, chez Lefever : échapper au cadrage et évacuer l’instant décisif. Ces indices de la neutralité sont toutefois perturbés par le sujet empreint de cette dimension humaine inhérente aux architectures vernaculaires, à savoir ces constructions propres à un pays et à leurs habitants. « J’ai été complètement émerveillé par la variété de ces murs colorés dressés au milieu des villages. Certains ont des blasons, d’autres des étoiles basques, des drapeaux… Il y a tout un monde de couleurs, de formes, de textures, de matériaux, d’échelles, de tailles, toute une dimension poétique, politique et identitaire autour de ces objets. Quand on s’intéresse au vernaculaire, on s’intéresse à quelque chose de local qui répond à un désir et un besoin universels, comme jouer, habiter, prier… » conclut ce Belge passé par la Villa Médicis en 2004. À Bordeaux, une dizaine de ses tirages sont présentés. La totalité de la série, elle, est rassemblée dans un ouvrage fraîchement imprimé et coédité par les éditions Confluences et le Frac Aquitaine. Avec dérision et distance, Nicolas Boulard échafaude pour sa part des passerelles entre le monde du vin et celui de l’art. Ce natif de Champagne, qui exposait au MoMA de San Francisco en 2010, réalise des œuvres hybrides où se distillent les références à l’histoire de l’art (Giacometti, Tony Smith, Albrecht Dürer…). Sa Diagonale du fou réunit ainsi dans un tube de verre largement inspiré par l’artiste minimaliste américain Dan Flavin, deux breuvages bachiques issus de zones géographiquement opposées (un vin d’Alsace et un autre du Pays basque). Des emboîtements inédits qui se déclinent dans Clos mobile, Nuancier finement boisé, Cuve mélancolique, The Diagonal of International Drunkenness et son Wallpainting chromatique réalisé à partir de terre prélevée dans chacune des parcelles grand cru de Bordeaux. AM « Jeu de balle », Frédéric Lefever « Critique du raisin pur », Nicolas Boulard

du jeudi 19 mai au samedi 10 septembre, Frac Aquitaine.

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Bright Rays © Pascal Amoyel

Le Frac Aquitaine inaugure deux expositions monographiques consacrées aux artistes Nicolas Boulard et Frédéric Lefever.

Frédéric Lefever, Lerate (E), 2013, Série Frontons. Collection Frac Aquitaine. Acquisition 2015 © Frédéric Lefever

EXPOSITIONS

Deux salles de la collection permanente du musée des Arts décoratifs et du Design accueillent le jeune designer français basé à Londres, Fabien Cappello.

NOUVELLE

LUMIÈRE C’est dans le salon Gacq et la chambre Garance du musée des Arts décoratifs de Bordeaux que Fabien Cappello, né à Paris en 1984, intervient. Pour l’occasion, les éclairages habituels sont éteints, troqués pour d’autres : une série de luminaires intitulée « Bright Rays ». Dessiné par ce jeune designer formé à la Haute École d’Arts appliqués de Lausanne (ECAL) et au Royal College of Arts de Londres, cet ensemble de six lampes en métal perforé et verre évoque des pièces de Meccano. « Le mot bright en anglais signifie lumineux, radieux mais il suggère aussi cette notion que j’aime bien, plus conceptuelle, de brillant, intelligent, éveillé. C’est un travail sur l’idée même de la lumière, sur ce que la lumière nous fait voir. C’est un objet capable de créer une atmosphère et ici il entre en contraste avec ce mobilier du xviiie siècle », fait savoir l’intéressé qui espère bien que ses créations modifient l’appréciation des pièces historiques. Présentés aussi, deux autres objets, Perforato et Column Light. Cette dernière est une pièce réalisée en acier perforé. Formellement, ce luminaire de plus de 2 mètres de haut est à l’échelle de l’architecture, une grande colonne qui joue des pleins et des vides sans jamais dévoiler sa source lumineuse. Cependant, contrairement à ce qu’on pourrait présumer, le travail de Cappello ne se cantonne pas aux appareils d’éclairage. Avec son studio, ouvert en 2010, il produit aussi des chaises, des bureaux, des poignées de porte, un système de rayonnage, fauteuil en bois courbé, petites tables, etc. Dernièrement, il a même imaginé un mobilier urbain pour la ville de Kingston au sud-ouest de Londres fait de racks à vélo, poteaux, bancs, poubelles. Certains objets de ce projet prendront place cet été dans les vitrines des Galeries Lafayette. Derrière l’hétérogénéité assumée de celui qui a été plébiscité « designer de l’année » par le magazine Elle Déco en 2012, une constance : « répondre à une question de contexte », nous dit-il. AM « Variations autour de la lumière »,

jusqu’au lundi 25 juillet, Musée des Arts décoratifs et du Design.

www.bordeaux.fr


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