JUNKPAGE#65 — MARS 2019

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© Christophe Raynaud de Lage

{ Scènes }

© Les Güms

MATTHIEU ROY Le metteur en scène Kälk, Les GüMs

PÉRIPÉ’CIRQUE La manifestation circassienne, désormais bien établie dans son territoire comme dans le calendrier, attaque sa 6e édition. Thibaud Keller, directeur du Champ de Foire, fait le point. Propos recueillis par Marc A. Bertin

EN PISTE ! Quel était l’objectif initial de ce rendezvous ? Non pas de monter un festival de plus, mais, au contraire, d’installer un temps fort de la saison du Champ de Foire, dans la durée, avec une attention toute particulière sur la création contemporaine dans le cirque, qui plus est dans un territoire spécifique : le Nord Gironde. Un double objectif donc, basé sur une pratique offrant visibilité et accessibilité avec l’étroite collaboration de la communauté de communes du Grand Cubzaguais et de la communauté de communes Latitude Nord Gironde. Nulle concurrence avec la ville de Bègles ? Saint-André-de-Cubzac et Bègles adhérent au réseau Territoires de cirque - Association de structures de production et de diffusion artistique, tout comme Biscarosse ou Boulazac. Nous ne sommes pas membres de la Métropole contrairement à Bègles. Les temporalités, les équipes et les moyens sont différents. Néanmoins, je pense plutôt à une forme de complémentarité ; nous nous acheminons notamment vers des partenariats d’accueil. Il y a plus matière à collaboration que concurrence. En Gironde, peu de lieux sont proprement dédiés au cirque malgré une bonne école et des compagnies de qualité. Pourquoi le choix d’une programmation consacrée aux compagnies nationales ? Ce choix a été pris par mon prédécesseur et répond à une espèce d’équilibre dans la programmation globale du Champ de Foire. D’un côté, un axe consacré au théâtre contemporain avec des compagnies locales y compris dans le compagnonnage, le Collectif Os’o jadis, la Grosse Situation aujourd’hui. D’un autre côté, Péripé’cirque et ses propositions de compagnies nationales. Cela offre une visibilité bienvenue au Champ de Foire car nous accueillons souvent des créations et des premières. Ce sera encore le cas cette année avec Kälk du duo Les GüMs.

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En outre, cette manifestation propose de la découverte au plus près du territoire sans avoir nécessairement à se déplacer. Qu’en est-il du programme 2019 ? Hormis, Dystonie de la compagnie deFracto, cette édition est centrée sur des nouvelles créations comme Baltringue des Limougeauds du Cirque Plein Air ou Les Madeleines de poulpe de Kadavresky. Nous déplorons hélas l’annulation du spectacle Face nord version féminine pour des raisons médicales. D’Aubieet-Espessas à Donnezac en passant par le Champ de Foire, nous contribuons à un véritable aménagement culturel du territoire. Le Nord Gironde traverse une mutation en termes de population, SaintAndré-de-Cubzac glisse de gros bourg vers une ville péri-métropolitaine par exemple. Ce changement induit de facto de nouvelles attentes. Nous avons désormais un devoir d’être au plus près et de proposer une offre culturelle suscitant la curiosité. Cirque, arts de la piste, arts circassiens… Que traduit ce glissement sémantique ? Vraisemblablement une variété des propositions. Cependant, on peut, à mon sens, trouver un dénominateur commun : l’engagement dans le risque ou dans la mise en jeu du corps de manière importante. C’est aussi le cas, je pense, dans la danse contemporaine. Une sorte de base commune pour inclure l’aspect performatif comme chez les plasticiens ou dans le solo, de même dans l’utilisation de la musique ou de la vidéo. Toutefois, on conserve des séquences, annonçant des numéros, quel que soit le dispositif. Après, les appellations, c’est pareil dans le théâtre d’animation, on n’en sort pas. Une chose est sûre : le public se montre très attentif aux propositions car il n’y a aucun artifice. Le décalage suscitera toujours la curiosité. Péripé’cirque,

du mardi 5 au mercredi 20 mars.

www.lechampdefoire.org

poitevin, artiste associé à la scène nationale d’Aubusson, organise une immersion intimiste dans l’Ofpra.

PRINCIPES ET CHANCELLEMENTS

« Pourquoi avez-vous quitté votre pays ? – Vous n’avez pas de deuxième nationalité ? – Avez-vous quelque chose à ajouter ? – Pourquoi demandez-vous l’asile ? – Un verre d’eau ? … » Un espace minuscule, aussi étroit que les box vitrés d’une dizaine de mètres carrés de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), sépare les spectateurs assis face à face. Entre eux, le décor est sommaire : un bureau et trois chaises ; une pour l’officier de protection qui mène et retranscrit l’entretien, une pour le demandeur d’asile qui lui fait face, une dernière pour l’interprète. Ici se racontent des parcours tragiques en fonction desquels l’administration peut accorder (ou pas) sa protection aux étrangers venus trouver refuge en France. L’étape est donc fondamentale. Est-ce une fiction ? Est-ce la réalité ? Nous sommes bien au théâtre mais dans un théâtre qualifié de documentaire. Pour l’écriture du texte, Aiat Fayez a sollicité l’Ofpra de Fontenay-sous-Bois pour s’immerger une semaine par mois pendant 10 mois, et assister aux entretiens et aux instructions. Pascal Brice, alors directeur de l’établissement, donne son accord. « Vers la fin de la résidence, je commençais à réaliser que je ne tenais pas debout sur mes principes, mais sur mes chancellements », écrit Aiat Fayez, à la fois effrayé et fasciné par l’attraction qu’exerce sur lui l’Institution, par le pouvoir des officiers de protection, dont la responsabilité est de déterminer la part de vérité ou de mensonge. Sans pathos, de façon aussi clinique que l’est l’administration française, l’auteur et dramaturge, lui-même apatride, fait un collage rapide et rythmé, alternant, sans trou d’air, le récit des réfugiés et les questions des officiers. Directeur artistique de la compagnie si bien nommée du Veilleur, Matthieu Roy fait un travail de vigie. Il observe, il alerte. Un pays dans le ciel est une partition à trois voix pour trois comédiens fantastiques (Gustave Akakpo, Hélène Chevallier et Aurore Déon) tour à tour homme ou femme, Ukrainiens, Africains ou Kosovars, réfugié, traducteur et officier. À l’Ofpra, Pascal Brice, qui avait accepté cette résidence d’écriture, n’a pas été reconduit dans ses fonctions et l’Office est sans directeur depuis fin décembre. Une vacance révélatrice des hésitations traversant le gouvernement sur le dossier migratoire, porté vers plus de fermeté, quand c’est d’humanité dont il s’agit. HP Un pays dans le ciel, mise en scène de Matthieu Roy,

mercredi 6 mars, L’Imagiscène, centre culturel de Terrasson, Terrasson-Lavilledieu (24122).

www.centre-culturel-terrasson.fr

du jeudi 7 au vendredi 8 mars, centre culturel Jean-Le-Bail, Limoges (87000).

www.centres-culturels-limoges.fr

du mardi 12 au vendredi 15 mars, 20 h, Glob Théâtre.

www.globtheatre.net


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