JUNKPAGE#58 — ÉTÉ 2018

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SCÈNES

Chaque année semble annoncer une nouvelle ère pour Fest’arts, the festival des arts de la rue en Nouvelle-Aquitaine. En 2018, ouf, pas de changement à sa tête, Tiphaine Giry en est toujours la directrice. Mais le périmètre de jeu évolue et se concentre uniquement sur le cœur de bastide pour accueillir 44 compagnies. Dans ce dédale de 150 propositions, gros plan sur les créations les plus fraîches : la toute première de Tentative(s) d’utopie vitale à la sauce Marie-Do Fréval, le Duo d’escalier de Née d’un doute ou l’expérience insolite de Maison Graziana par Caroline Melon.

DE NEUF Dans la bastide de bord de Dordogne, les quais réaménagés offrent un tout nouveau terrain de jeux pour Fest’arts, qui a choisi de renoncer à certains de ses espaces emblématiques – les cours du lycée MaxLinder ou le parc de l’Épinette –, pour préférer le centre-bourg où la voiture a été totalement interdite pendant les trois jours du festival. Les fleurs lumineuses du Chant des coquelicots de Fredandco, installation plastique et musicale en bord de fleuve, disent cette envie de renouveau et de fraîcheur d’un festival qui a tâtonné quelque peu depuis le départ du père-fondateur Dominique Beyly, en 2015, et le passage express de Stéphanie Bulteau. Tiphaine Giry, dont c’est la deuxième édition, semble apprécier les aventures main dans la main avec les artistes, les projets qui émergent du contact avec le territoire. Dans cette 27e édition, nombre de créations sont le fruit de résidences et d’accueil de compagnies tout au long de l’année. La Baleine-Cargo en fait partie, venue présenter son Cimetière itinérant de canapés. En personnages principaux, de vieux sofas élimés, des banquettes à papys démodés, des assises au rebut porteuses de mémoires et de souvenirs. La Baleine-Cargo a créé ce spectacle-installation en 2010. Depuis, ils ont bougé, voyagé, récupéré d’autres vieux canapés ailleurs, raconté d’autres récits comme cette version libournaise, inspirée des souvenirs, bons ou moins bons, des habitants. On s’y arrête, on y écoute, on y regarde aussi surgir des personnages. Tout aussi insolite, la proposition de Caroline Melon, directrice de la compagnie De chair et d’os, convie à pénétrer un univers étrange, une maison vide, celle de Jeanine

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D. R.

COUPS

Block d’Amaia Elizaran

Graziana, femme d’origine italienne, héritière de l’entreprise Béton armé Graziana, créé par son grand-père. Léguée à la mairie « dans son jus », la Maison Graziana devient pendant deux ans le terrain de jeu artistique de Caroline Melon et de ses complices, qui n’aiment rien tant que remonter le fil poétique des lieux abandonnés. Travaillant in situ jusqu’en 2019, Caroline Melon propose une étape de travail en deux temps : un parcours sensitif, individuel, qui invite à pousser les portes et se laisser aller à la mémoire du lieu, et une exposition – « Les soubassements » –, bouts d’objets, de recherches à voir à la chapelle de la Miséricorde. La danse explorera aussi les recoins de la cité libournaise avec, entre autres, le duo féminin de la compagnie Née d’un doute, habituée des créations dans l’espace public. Les deux danseuses utilisent la figure de l’escalier comme support et contrainte d’un jeu de portés, de déséquilibres et de mouvements autour des lignes architecturales. La pièce se réécrit à chaque nouvel escalier où elle se pose. À Libourne, l’endroit sera révélé au dernier moment. Les spectateurs, casques sur les oreilles, s’immergeront alors dans une proposition paysagère, physique et sonore. Marie-Do Fréval, turbulente artiste de rue, de bars et de tout endroit où le public est à portée de main, a elle aussi arpenté les rues de Libourne en mai et juin pour créer son tout nouveau solo Tentative(s) d’utopie vitale. Comme dans sa Tentative(s) de résistance(s), plébiscitée lors de l’édition 2017, elle se transforme en différents personnages, figures féminines souvent, telles Rosa la Rouge ou entités plus symboliques, vieille dame ou bébé naissant. Avec son langage cru, insolent,

poétique, la fondatrice de Bouche à Bouche creuse et déterre l’utopie, celle qui, malgré l’état « d’effroi mental » et « l’impasse de l’engagement », reste tapie au fond des corps et des esprits. Et puis on verra aussi la toute dernière pièce danse et théâtre de Patrice de Bénédetti, Marseillais venu travailler un temps au Liburnia cette année pour élaborer son deuxième solo Vous êtes ici, pétri, en cette année de Coupe du monde, du geste du footballeur, celui des rues, marqueur social, adepte d’un jeu propice aux rencontres, et, qui sait, à l’émancipation. Quant à la compagnie L’Arbre à Vache, à qui l’on doit M. et Mme Poiseau ou Bob, transports en tout genre, elle donnera son tout nouveau Goodbye Persil, une étrange histoire pour une voiture et deux frères, obligés d’interrompre le cours de leur vie pour remplir une drôle de mission. Fest’arts poursuit également son partenariat Euskadi à Libourne, en accueillant deux spectacles du collectif de spectacles de rue Karrikan. La Légende de l’homme-oiseau est une drôle d’installation performance où les sculptures-coiffures occupent le centre d’un conte capillaire onirique. Les deux danseuses d’Amaia Elizaran pour Block, duo entre deux corps de femmes qui se confrontent ou se repoussent, explorent la résistance, le blocage et l’empêchement comme forme de langage chorégraphique. SP Fest’arts, du jeudi 2 au samedi 4 août, Libourne (33500).

www.festarts.com


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