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tentent d’opérer, de faire ce pari de la culture comme levier d’une nouvelle économie et d’un renouveau d’image. Cette désindustrialisation est porteuse en elle‐même d’un projet culturel. Nous remettrons en question plus loin cette notion qu’il est important de citer ici : le monument dispersé. C’est l’expression que Jean Blaise, conseiller de la culture de Nantes et aujourd’hui chargé du grand ensemble « culture tourisme », s’atèle à développer pour promouvoir en 2012 Nantes comme capitale créative, avec le support du « voyage à Nantes ». Si aujourd’hui unifier le patrimoine fragmenté et le considérer comme une unité est l’objectif, c’est qu’il est l’enjeu d’un processus démarré à l’arrivé de Jean Blaise, qui, d’évènements en évènements, va transformer l’image de la métropole. Il s’agit, avant de revenir sur le postulat fondateur de ce cheminement culturel, d’examiner la difficulté d’identifier un patrimoine.
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Les acteurs d’une régénération culturelle Comment se construit un patrimoine ? Le patrimoine crée‐t‐il une nouvelle identité ? Nous l’avons vu plus haut, les résidus d’un passé, celui d’une désindustrialisation pour Nantes ou d’une démilitarisation pour Saint‐Nazaire, induisent de nouvelles cibles de patrimonialisation, de reconquête et d’appropriation par les éléments du loisir et de la culture. Mais finalement ils sont symptomatiques d’un fait sous‐jacent : ne pas avoir d’édifices, d’éléments‐monuments. Jean Blaise (fig 37) déclare en effet que « Nantes n’est pas forcément une ville remarquable, alors que Bordeaux est connue pour son architecture ou ses vins »33. Cette phrase est le point de départ de l’entreprise colossale menée par jean Blaise, investigateur d’une structure complexe de réinvention d’un patrimoine. Selon lui, la capitale des Pays de la Loire est plus difficile à caractériser du fait de l’absence de monuments internationalement reconnus. Dominique Sagot‐ Duvauroux34, spécialiste de l’économie culturelle, montre ce qu’est ce pari de la métropole sur la culture avec « un patrimoine architectural moins riche ». Le seul élément qui est accepté comme tel est le Château des Ducs de Bretagne. Pourtant, depuis l’arrivée de jean Blaise, lieutenant de longue date de Jean‐Marc Ayrault, et qui fait figure d’oracle de la culture, Nantes affirme son succès. A l’origine de celui‐ci, « une activité culturelle bouillonnante qui a su redonner vie à toute une cité », note Le Point 33
Interview de Jean Blaise, par Héléne Hamon, pour le magazine internet Fragil, Voyage au centre d’une ville, 10 décembre 2011, http://www.fragil.org/focus/1832#nb1 34 GRANDET M., PAJOT S., SAGOT DUVAUROUX D. GUIBERT G., Nantes la belle éveillée,Le paris de la culture.Les éditions de l’attribut, 2010