Boris vian l`ecume des jours 1947

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« Tenez ça, dit-il à Colin en la lui fourrant dans la main. Asseyez-vous, mon petit », dit-il à Chloé. Il fit le tour de son bureau et s’assit lui-même. « Voyez-vous, lui dit-il, vous avez quelque chose au poumon. Quelque chose dans le poumon, plus exactement. J’espérais que ce serait… » Il s’interrompit et se leva d’un coup. « À rien ne sert de bavarder, dit-il. Venez avec moi. Posez cette brosse où vous voudrez », ajouta-t-il à l’adresse de Colin qui ne savait vraiment quoi en faire. Colin voulut suivre Chloé et le professeur, mais il dut écarter une sorte de voile invisible et consistant qui venait de se poser entre eux. Son cœur éprouvait une angoisse étrange et battait irrégulièrement. Il fit un effort, se ressaisit et serra les poings. Rassemblant toutes ses forces, il réussit à avancer de quelques pas, et, dès qu’il toucha la main de Chloé, cela disparut. Elle donnait la main au professeur et celui-ci la conduisit dans une petite salle blanche au plafond chromé, dont un appareil lisse et trapu occupait un côté entier. « Je préfère que vous soyez assise, dit le professeur. Cela ne va pas durer longtemps. » Il y avait, en face de la machine, un écran d’argent rouge, encadré de cristal, et un seul bouton de réglage, en émail noir, scintillait sur le socle. « Vous restez ? demanda le professeur à Colin.

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