Actes de l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux

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Actes de l'AcadĂŠmie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Gères, Jules de (1817-1878). Auteur du texte. Actes de l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. 1899. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : - des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. - des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter utilisation.commerciale@bnf.fr.


DON FRANCISCO GOYA Y

LUCIENTES

PAR M. GUSTAVE LABAT

J'ai constaté que

l'on a beaucoup écrit dans ces dermiers temps sur la translation de Bordeaux à Madrid des cendres de l'illustre peintre espagnol don Francisco Goya y Lucientes, les auteurs des nombreux articles de journaux et de publications périodiques qui ont paru sur ce sujet étaient bien mal renseignés. si

les faits On sait que Goya, patriote ardent (qui fut cependant un moment jos~fislc) (~), est mort exilé voloutairc à Bordcuur le rfi avril r8z8 (~), au deuxièmc étage de la maison formant le coin du cours de l'Intendauce et de la rite des Grandes.CannéIites (3), apparlellaul aloI' au pcillire-gravcur Pierre Lacour fil, membre de 1«.cadémic des Sciences, l3elles-Leltres de l3ur~lcaux, el <Iu'il fut inhumé lc lermlcmain au l'j!llelil~rc cuthuIi (PIC de la Clrarlreuse dans la tumUc de son compntrintc ci ami llartiu Goicoccliea, ancien maire de \Imlrid sous Joseph, mort Il' 2 jt1ilICt IS:¿Cj, Don Francisco Goya dormait de soit dernier soiiioici

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meil depuis cinquante-six ans, sous les grands arbres des Chartreux, lorsqu'en 1884, le roi don Alphonse Q. D. G. proposa, dans un conseil de ministres qu'il présidait, de demander au cabinet français l'autorisation de transporter au Panthéon de \Iadrid la dépouille mortelle du grand artiste. L'année suivante, le roi mourait (1), Trois ans après, en 1888 (les choses ne marchent pas toujours vite à notre époque), le consul d'Espagne à Bordeaux, VI. Joaquim de Percyra, recevait de son gouvernement l'ordre de s'occuper de cette délicate affaire. Sachant combien je m'intéresse à tout ce qui regarde les beaux-arts et les artistes, 11I. de Pereyra me fit l'honneur de me prier d'associer mes efforts aux siens pour obtenir promptement le résultat désiré; j'acceptai. Les dernières formalités furent bientôt aplanies, et le 16 novembre de la dite année, le consul d'Espagne procédait, en compagnie d'un fonctionnaire espagnol de passage dans notre ville, à l'ouverture de la tombe de Goya, cérémonie à laquelle je servis de témoin avec un ami commun, 1~I. Maurice Mercier de Saubion. La pierre descellée, les fossoyeurs descendirent dans le caveau, les cercueils de bois n'existaient plus et les ossements de deux corps gisaient épars sur le sol à droite, ceux d'un homme de petite taille, qu'on attribua, sans hésitation, à Goicocchea qu'on savait, par tradition, n'être pas grand; à gauche, près d'une bière en zinc toute déformée, les débris d'un colosse, une forte épine dorsale voûtée, des tibias énormes. Il n'y avait pas à en douter un instant, c'était là ce qui res(1) Le ,5 novembre 1885.


tait du célèbre peintre dont la stature,

à l'opposé de

celle de son compatriote, était remarquablement élevée et puissante. Seulement, notre émotion fut bien vive les fossoyeurs ne trouvèrent qu'une tête, celle de Goicoechea confondue avec les débris de son corps. La tête de Goya avait disparu, une main sacrilège l'avait dérobée, où, quand et comment~ Après y avoir réfléchi longtemps, voici, selon toute vraisemblance, ce qui était arrivé En 1828, l'illustre Dr Gall (1) avait, depuis quelques années déjà, développé son système de l'anatomie du cerveau et quelque médecin bordelais, enthousiaste de ce système bien fait pour séduire les imaginations ardentes, avait voulu étudier le cerveau toujours en ébullition du célèbre auteur des Cnprices e( des Désas ires de la guerre. Or, la preuve existe, le corps de Goya a été enseveli (')

Il

Gall (Franz-Joseph), philosophe, physiologiste et an,atomiste ellemand, qui a joui d'une célébrité iiiii~erselle, naquit à Tiefenbrunn (duché étudia la médecin(' à Strasbourg et à Vienne de Baden) le 9 mars et se fixadans cette ville en 1-,85 pour exercer l'art de guérir. Ses premières observations sur la physiologie intcllectuefle et la cranioscopie remontent jusqu'à l'époque de ses éludes au coll~e; néanmoins, ce n'est qu'en 179B qu'il annonça la prochaine puhlicalion d'un ou% t-are étendu sur sa doctrine du cerveau, La cour de Vienne, alarmée, lui inlNrJit le droit d'exposer ses idées; ce ne fut qu'à Berlin, sept ans après, en aHil i8o5, qu'il commença un cours de phrénologie, qui eut le plus g-rand succès. Gall visita ensuite quelques-unes des principales villes de l'Europe et erriva Paris en octobre 18°7. Son système ne rencontra qu'un aceu('il réservé dans le monde médical; la cranomancie n'en vint pas moins à la modc à Paris. En ~do8, Gall présenta à l'Institut national de Frauce un mémoire sur l'anatomie du ceweau que l'illustre Cuvier réduisit à néant dans le rapport dont il était chargé; c'est à Paris, cependant, que Gall avait rencontré le milieu le plus favoreble au développement des idées auxquelles il avait consacré sa vie entière, c'esL à Paris qu'il avait rencontré ses disciples les plus distingués; mais la vogue de son sJ~lème n'a éuère duré plus d'une dizaine d'années, et quand il mourut, son rôle de systématique était fini depuis

longtemps.


avec sa tète;

de Brug-ada (1), une amie de la dernière heure, mariée à son élèye favori Antonio, a affirmé que Goya avait été C'nnloppé dans sa capa, dont nous avons retrouvé des morceaux, et qu'il était coiffé d'une casquette à v isièrc de cuir, dont il ne restait par extraordinaire aucun vestige. On avait donc violé le domicile de la mort? La chose était possible alors; en 1828 le cimetière était circonscrit à l'ouest par la ruette Coupe-Gor~e, conduisant du chemin d' Arès dans les prairies sans issue arrosées par la Devè'se, et complètement déserte la nuit. La surveillance était élémentaire; dix à douze pas séparaient la tombe de la muraille facile à enjamber. le reste se devine. Enfin, quoi qu'il en soit, les constatations légales terminées, on mit les ossements des deux corps chacun dans une caisse parliculière qu'on ferma et scella devant le consul, le fonctionnaire espagnol et nous, et les deux caisses furent portées religieusement au dépositoire du cimetière en attendant de nouveaux ordres. Le jour même, :\1. de Pereyra envoyait a )Iadt-id le procès-verbal, signé des témoins, relalant cet incident iNI-1

aussi pénible qu'inattendu. L'affaire n'était pas terminée, qu'un proamaciamienfo amena un changement du ministère espagnol, et il ne fut plus question de rien. Au bout d'un an et un jour, les dépouilles de Go> et de soit ami furent réintégrées dans leur tombeau. En 1894, on reparla un moment de translation

du

n'hésitait pas dans sa déclara-

(1) !\lD' de Brugada, nonagnnairc en lion, elle avait trcntc am, à l:mnsrt ilc (~oya; CT'l1''Tf'" ~I~·

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d'abord à biadrid, puis à Saragosse, car Goya était à Paris, le Fi~aro et d'autres journaux ~lragonais; parisiens, et à Bordeaux la Giromle se firent l'écho des feuilles espagnoles; mais rien n'aboutit encore et tout en resta là. Je n'y pensais guère plus, lorsque le 1er juin de l'année dernière, je recevais de l'honorable M. Joaquim de Pere)Ta une lettre où il me priait instamment d'assister, comme témoin, à la nouvelle ouyerture du tombeau de Goya, fixée au 5 juin suivant, à neuf heures du matin. Je n'eus garde d'y manquer. Ce jour-là, le consul d'Espagne, accompagné de Don Alberto de Albiïtana, profcsseur d'architecture à l'École des Beaux-Arts de :\Iadricl, délégué spécialement à cet effet par son gouvernement, présidait, en présence de plusieurs membres de la colonie espagnole, parmi lesquels était le sympathique Gonzales de Lopidana, à la seconde exhumation des restes de Francisco Goya et les deux caisses furent retroude son compatriote vées intactes et les indications mises onze ans auparavan parfaitement reconnaissables. Après une vérification simplement pour la forme, on plaça devant nous daus une grande bière de plomb, renfermée elle-même dans une seconde en bois de chêne lrès fort à poignées argentées, divisée en deux compartiments premièrement, dans celui des pieds, la caisse contenant les restes de Goicoechea, et deuxièmement, dans l'autre, le plus grand, une nouvelle caisse en chêne verni renfermant la bière ceux de Goya avec une plaque indicatrice; de plomb fut soudée, celle de bois fermée et l'on mit sur cette dernière une nouvelle plaque portant gravé le nom seul de don Francisco Goya y Lucientes. Ce pieux travail achevé, le clergé de Saint-Bruno fit


la levée du corps, et nous nous acheminâmes lente ment à travers les méandres ombragés du cimetière vers l'église, où une messe basse fut célébrée à l'intention de celui qui avait été pendant soixante et onze ans l'hôte de la Chartreuse de Bordeaux. M. Joaquim de Pereyra, qui avait dit publiquement quelques instants avant la part que j'avais prise à cet acte de tardive justice, voulut, à la satisfaction de tous les Espagnols présents, que je suivisse le corps entre Don Alberto de AlbiiÍana et lui. Après le service religieux, la bière, placée dans une voiture des Pompes funèbres, fut portée à la gare du Midi, d'où, le soir, elle partait pour Madrid pour être déposée au Panthéon de S(tri Isiclr~o le jour anniversaire du centenaire de Velasquez.

C'est ainsi que finit l'odyssée du grand artiste don Francisco Goya y Lucientes.


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