Journal de l'assurance — Édition d'avril 2020

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DOSSIER CAMIONNAGE

Du simple au double : comment un camionneur vit sa hausse d'assurance Bruce Cashman est un voiturier-remorqueur qui fait du transport aux États-Unis. La hausse de ses primes d’assurance, il en vit les conséquences au quotidien. TEXTE : ALAIN CASTONGUAY

L

e Journal de l’assurance s’est entretenu avec Bruce Cashman. C’est le cabinet de courtage Lemay Coulombe qui nous a mis en contact avec lui pour qu’il témoigne de sa situation. La prime de ce voiturier-remorqueur, communément appelé broker dans le jargon de l’industrie du camionnage, est passée du simple au double en quelques années. Lorsque nous lui avons parlé, il revenait des ÉtatsUnis et avait pris un chargement à Chambly avant de rentrer à Québec. Il était d’ailleurs sur la route au moment de notre entretien téléphonique. M. Cashman travaille à son compte et conduit un tracteur semi-remorque fermé, qu’il utilise pour effectuer diverses livraisons partout sur le continent nordaméricain. Il est aussi spécialisé dans le transport de voitures de luxe. Étant propriétaire exploitant depuis une dizaine d’années, il est titulaire de ses propres polices d’assurance. Son dossier de conduite est impeccable, tout comme son dossier de propriétaire ou exploitant de véhicule lourd (PEVL). Pourtant, depuis trois ans, sa prime d’assurance a doublé. Il lui en coute désormais 2 000 $ par mois pour continuer à traverser la frontière avec son camion. Le transporteur comprend bien les raisons de cette hausse de prime. Sa courtière, Marie Key, « a pédalé vraiment fort pour organiser ça. Les assureurs ne sont plus tellement nombreux. Ils sont très durs à négocier. C’est ce prix-là ou ce n’est rien du tout », dit-il. Lui-même transporteur, le porte-parole de l’Association des routiers professionnels du Québec, Francis Rouleau, confirme que ses propres primes d’assurance ont augmenté de près de 125 % depuis trois ans. Et ce, malgré un dossier impeccable et sans réclamation.

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Une passion « On réussit quand même à tirer notre épingle du jeu en s’organisant bien, dit M. Cashman. On essaie toujours d’avoir de l’équipement récent, fiable, économique pour favoriser le rendement. C’est important. On a aussi besoin d’avoir de bons donneurs d’ouvrage qui paient bien. Ça donne un bon coup de main. Il y en a qui sont moins bien organisés. Ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas de bons camionneurs. » M. Cashman dit adorer son métier, comme la plupart des camionneurs. Il reconnait qu’il devient difficile de se lancer en affaires. « C’est vraiment triste que ce soit rendu comme ça, parce que tout augmente », dit-il en déplorant le prix plus élevé du carburant diésel par rapport à l’essence. Il dit comprendre le manque d’intérêt de la relève pour le transport routier. « On peut se retrouver en prison du jour au lendemain, pour rien, en faisant simplement notre travail. Même si tu n’as pas encore été trouvé coupable de quelque chose, si tu es pris dans un carambolage, c’est toujours de la faute des camionneurs. Nous sommes toujours les premiers suspects », dit-il. Le voiturier-remorqueur, qui est un routier professionnel et un entrepreneur, ferait davantage attention à son matériel roulant et à son dossier de conduite que le conducteur d’une flotte, estime M. Cashman. « J’ai eu deux pépins avec des collisions, des gens qui m’ont reculé dessus avec leur camion, et les deux fois, c’était des chauffeurs de flotte », dit-il. Une imposition… qui rend de mauvaise humeur Il y a toutefois une nouvelle règle qui rend M. Cashman de mauvaise humeur. Le 13 juin 2019, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a dévoilé la règlementation canadienne concernant les dispositifs de consignation électronique (DCE), mieux connus sous l’acronyme anglais ELD, pour electronic logbook. D’ici le 12 juin 2021, tous les camions devront être équipés d’un DCE. Ce dispositif permet de s’assurer que les conducteurs respectent la limite qui leur est imposée concernant les heures de service. En faisant l’annonce, le ministre a confirmé que la règlementation visait à mettre fin aux pratiques frauduleuses de certains transporteurs. M. Cashman voit le tout d’un mauvais œil. L’entrepreneur estime que ce changement est dangereux. Selon lui, le DCE enlève la possibilité au voiturier de compenser les pertes qu’on lui fait subir, tant de la part des expéditeurs que des destinataires, sans parler de la circulation. Les DCE et les règles touchant les heures de conduite ont été imposés par des « bureaucrates qui


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