La cause animale un nouveau territoire graphique à conquérir - mémoire DNSEP

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école supérieure d’art des pyrénées — Pau tarbes

Mémoire de Dnsep mentiOn Design graphique multimédia — Jessica portassau

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école supérieure d’art des pyrénées — Pau tarbes janvier 2017

Mémoire de Dnsep mentiOn Design graphique multimédia — Jessica portassau


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Conçu et relié par Jessica Portassau, imprimé à 6 exemplaires sur papier recyclé à l’École supérieure d’art des Pyrénées – Pau Tarbes. Le contenu textuel est entièrement composé avec le caractère TheSans, le texte courant en SemiLight corps 8, les notes en Bold corps 6 et les titres en Black Cap corps 20. Le mémoire a été pensé en trois grandes parties chacune composées d’un corpus d’images, 2017.

colophon


remerciements Je souhaite remercier mes amis et ma famille pour l’aide régulière qu’ils m’ont consacré. Je suis également reconnaissante envers l’équipe enseignante de l’École supérieure d’art des Pyrénées site de Pau, pour m’avoir fait confiance dans mon engagement sur la cause animale. Les informations qu’ils m’ont transmis m’ont été d’un grand soutien, leurs avis critiques, les réflexions nécessaires à ce sujet, m’ont ainsi guidée jusqu’à la réalisation de mon mémoire édité.




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Introduction

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La défense de la cause animale a pris en ce début de xxie siècle une ampleur considérable, plus particulièrement dans nos sociétés occidentales, et les débats qu’elle provoque dépassent largement les simples registres rhétoriques ou émotionnels. Depuis une quinzaine d’années, aux états-Unis comme en France, la production éditoriale sur ce sujet connait un essor remarquable. Philosophes, scientifiques, sociologues, journalistes… s’emparent des questions liées à la protection des espèces animales et s’engagent en définitive pour la sauvegarde des équilibres de nos écosystèmes. 1, 2, 3 Effet papillon de la mondialisation, la planète est en danger à cause des déséquilibres provoqués par les effets pervers et dévastateurs d’une industrialisation à outrance, au détriment des espèces qui la peuplent. Aujourd’hui, la protection animale est un réel enjeu économique, social, politique. Elle alimente la réflexion morale contemporaine et s’invite dans les textes législatifs. Pour preuve, depuis 2015, notre code civil ne considère plus les animaux comme des biens « meubles » mais comme des biens « corporels », « doués de sensibilité ». Phénomène sans précédant, on assiste à la naissance de nouvelles disciplines, des groupes sociaux et des concepts voient le jour ; éthique animale, antispécisme, véganisme… 4, 5 Une prise de conscience collective émerge et la sensibilité à la souffrance 1 Singer Peter, La libération animale, Poche, 2012. 2 Despret Vinciane, Que diraient les animaux, si... on leur posait les bonnes questions ? La Découverte, 2014. 3 Burgat Florence, La cause des animaux – Pour un destin commun, Dans le vif, 2015.

4 L’éthique animale se définit comme étant un questionnement sur la nécessité de chercher à maximiser le bien-être des animaux. 5 L’antispécisme désigne en France les personnes s’opposant au « spécisme », désignant l’oppression des espèces non humaines.

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animale dépasse les groupes de soutien historiques de la protection des animaux, que sont les associations comme wwf ou la spa. 6, 7

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C’est à partir de ce constat que je souhaite entreprendre une étude centrée sur l’un des volets de ce phénomène qui se déploie à l’échelle mondiale : « la communication visuelle » autour de la défense de la cause animale, « territoire graphique » qui reste encore à conquérir. Étudier les formes graphiques qui illustrent la protection des espèces animales, c’est commencer par poser les questions suivantes : Quel lien historique existe-t-il entre le graphisme et l’engagement politique et les différentes causes éthiques ? La production graphique actuelle au service de la cause animale est-elle critiquable ? Que peut-on envisager dans l’avenir pour donner une nouvelle dimension communicationnelle à la cause animale ? Ces questionnements m’ont permis d’établir la problématique de mon mémoire : Comment renouveler la communication de la cause animale ? Elle a été le fil conducteur de mes recherches, notamment pour mon contenu iconographique, constitué, d’affiches dites politiques autour de grandes périodes, de productions graphiques conçues par des graphistes impliqués dans une forme de militantisme, de campagnes publicitaires provenant d’associations et divers projets graphiques au soutien de la défense de la cause animale. Le mémoire se présente de la manière suivante : une première partie où je montre que le graphisme a toujours eu un lien avec la politique et les différentes causes éthiques, hormis la cause animale, une deuxième partie consacrée aux productions graphiques menées 6 Caron Aymeric, Antispéciste : réconcilier l’humain, l’animal, la nature, éditions Don Quichotte, 2016.

7 Giesbert Franz-Olivier, L’animal est une personne – Pour nos frères et sœurs les bêtes, éditions Fayard, 2014.


par les associations défendant la cause animale, souvent calquées sur des logiques publicitaires et enfin une troisième partie portant sur les prémices d’une communication visuelle qui créent le lien entre la cause animale et le design graphique.

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introduction

13 – 17

Conclusion

161 – 166

Bibliographie et sitographie

177 – 182


PArtie I

Le contexte

23 – 78

Historique 29 – 52 Contemporain 55 – 78 Partie II

Le regard critique

83 – 122

Partie III

Les réponses

127 – 156

Annexes 171 – 179 Vincent Perrottet 173 – 175

Isidro Ferrer 177 – 179



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Le Contexte

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L’engagement est l’acte par lequel on s’engage à accomplir quelque chose. Il naît d’une émotion ou d’une expérience. Par la suite, l’engagement se nourrit et grandit avec la concrétisation de ses actions. Lorsqu’il s’agit de défendre des idées, une cause, l’engagement peut se déployer de nombreuses manières et développer de multiples supports de diffusion. Nous allons nous intéresser dans cette première partie à l’affiche politique autour de grandes périodes marquées par l’existence d’une communication de masse lié au militantisme politique. L’après guerre de 1914-1918, entraine au xxe siècle, un graphisme riche en revendications, dénonciations et soutiens qui a joué un rôle prépondérant dans l’histoire de la culture visuelle. à travers les pays, l’histoire de l’affiche politique, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale où elle a souvent été mise à contribution comme art de manipulation du public, est marquée par les grands mouvements artistiques, le style narratif en France, le futurisme en Italie, l’expressionnisme en Allemagne, De Stijl aux Pays-Bas, le constructivisme en Russie, le Bauhaus en Allemagne… Dans un premier temps, nous montrerons que le graphisme a toujours eu un lien avec la politique, le social et l’humanitaire, depuis l’affiche de Villeneuve-Saint-Georges en 1908, réalisée par Jules Grandjouan, pour l’union des Syndicats du département de la Seine, jusqu’à aujourd’hui.

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Nous nous attarderons plus particulièrement, sur les affiches de l’Atelier Populaire de mai 68. Dans cette partie du xxe siècle, l’affiche va s’avérer être un vecteur de communication privilégié, d’informations libres, rapide à exécuter et à diffuser. Produites en très grandes quantités par l’école des Beaux-Arts puis par l’école des Arts Déco à Paris, elles ont investi les rues. L’affiche politique prend le pas sur l’affiche publicitaire, une manière pour les étudiants de contester les règles d’une société qu’ils rejettent. Illustrées d’un graphisme vigoureux, concentré, dépouillé de tout artifice, ne visant qu’à l’efficacité et à la rapidité de diffusion de l’information, elles sont imprimées en sérigraphie. Les étudiants produisent des affiches qui, par la force de leurs slogans, serviront d’exemple au monde entier. Le mouvement de Mai 68 a laissé une empreinte profonde. Ses retombées sont multiples sur les plans politique, économique, social et culturel. Les mouvements féministes et écologiques sont les héritiers de cette époque. La crise de 1968, a accouché de nouveaux comportements, a contribué à la modernisation de la société française. Le collectif Grapus est l’exemple même de cette évolution. Il a réussi à faire vivre une utopie. Ses membres ont joué un rôle essentiel dans l’évolution du graphisme français avec des approches et un vocabulaire nouveau. Ils jouent avec les mots et leurs sens, la photo, le graphisme, la typographie et le graffiti avec une totale liberté. Ils sont les représentants même de l’antithèse des agences publicitaires.


Dans un second temps, nous nous immergerons, dans l’univers d’une création graphique liée à des formes d’engagements. à travers les campagnes traitées par les « héritiers » de Grapus, tous inventent un graphisme à l’opposé des codes publicitaires rabâchés et d’une communication lisse. Ils jouent sur le vide, la saturation, ou encore proposent des formules à double sens, qui invitent à la réflexion au lieu d’asséner un message. Ici, les affiches transpirent, elles aboient des slogans, crachent des mots, des couleurs. Au service de l’impact, elles portent les idées les plus revendicatives.

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Historique


L’affiche « Villeneuve-Saint-Georges », réalisée en 1908 par Jules Grandjouan, pour l’union des Syndicats du département de la Seine est considérée comme l’une des premières affiches politique. 8 Elle représente, à la manière d’un dessin de presse, une scène de charge de cavalerie d’une extrême violence. Elle marque l’entrée de l’affiche syndicale dans l’espace public. A — p.37 De leur côté, les autorités politiques vont s’emparer de l’affiche pour multiplier les appels à la mobilisation générale et à la solidarité nationale durant la Première Guerre mondiale. Le doigt pointé en avant, le regard quelque peu terrifiant, fixé sur le passant, l’homme politique britannique Horatio Herbert Kitchener lance en 1914 le premier appel patriotique par l’affiche. Réalisée par l’artiste britannique Alfred Leete, le message est là et la machine de propagande de guerre a démarré. Elle représente l’image même de l’autorité, placardée dans tout Londres, elle est un mélange de slogans publicitaires et politiques. B — p.38 L’affiche de James Montgomery Flagg, « I want You for the U.S. Arm » créée en 1917, est l’une des plus connues au monde. L’artiste américain, a repris les signes distinctifs de George Washington et d’Abraham Lincoln pour créer le personnage de son affiche. L’image reprend la symbolique du doigt pointé vers le citoyen. C — p.39 La République socialiste fédérative soviétique de Russie, sous l’impulsion de Lénine, saura mettre à profit cette imagerie de combat à des fins idéologiques. L’engagement politique dans le graphisme connait en France ses heures de gloire en 1968. Un mouvement de contestation par l’image, des réalisations construites sur de nombreux supports vecteurs d’expressions 8 T. Schnapp Jeffrey, L’art de l’affiche politique 1914-1989, Les vagues révolutionnaires, Skira, 2005

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militantes, comme les livres, les journaux, les tracts, les autocollants et principalement les affiches, supports de prédilection. Dans un contexte perturbé, où la France est dirigée par le général Charles de Gaulle (1958-1969), revenu au pouvoir en tant que président du conseil puis président de la République, l’année 1968 commence par des émeutes étudiantes et ouvrières à Caen, Besançon, Nantes, Le Mans. Les premiers incidents annonciateurs de la crise se déroulent en mars, ce sont les milieux culturels qui s’agitent et bientôt la fermeture de l’Université de Nanterre avec le mouvement du 22 mars. Tout bascule avec la révolte étudiante, le 3 mai, arrive la première émeute qui s’envenime, dès lors, l’agitation se transporte au centre de Paris, ce qui n’était qu’une série d’incidents devient une crise nationale. Le 13 mai, une manifestation d’un million de personnes défile dans Paris et le 22 mai, la crise prend alors une nouvelle dimension. De façon tout à fait inattendue et spontanée, une vague de grèves s’enclenche. La France est paralysée par 9 millions de grévistes. L’école des beaux-arts de Paris est très active. Le 8 mai, à l’initiative des élèves, un comité de grève se constitue. Certains artistes et des membres de courants politiques rejoignent les étudiants et les aident à mettre au point les bases d’un fonctionnement dans l’école occupée. Le 14 mai, étudiants et artistes impriment une première affiche en lithographie à 30 exemplaires « Usines, Universités, Union » qui vont être collées sur les murs de la ville de Paris. Les 3 « U » superposés, dont la graisse est identique, s’empilent harmonieusement. La fusion révolutionnaire de l’usine et de l’université est dans le corps du mot « Union », qui semble l’addition des corps plus maigres des mots « Usine » et « Université ». D — p.40

Le jour même, l’artiste Guy de Rougemont et le sérigraphe éric Seydoux mettent en place un atelier de sérigraphie et initient les étudiants à cette technique,


qui permet d’imprimer plus rapidement et efficacement que la lithographie un grand nombre d’affiches. La totalité des affiches imprimées atteindra le million. Le 16 mai, les ateliers sont rebaptisés Atelier Populaire, ils fonctionnent jour et nuit et la première sérigraphie voit le jour, un poing levé stylisé qui illustre depuis des années la première page du journal de l’Union des Jeunesses Communistes Marxistes-Léninistes (ujcml). Les tirages se font en continu et des bénévoles viennent chercher des lots d’affiches qu’ils vont ensuite placarder dans la rue. Le recours à la sérigraphie, l’usage d’un papier médiocre et de petit format sont dû à la situation de pénurie. Les impératifs du collage à la sauvette et la volonté de réagir au plus vite sont les raisons d’urgence qui ont compté dans l’élaboration du style des affiches. La simplicité de leur graphisme, l’anonymat des affiches, la réactivité aux évènements et cette économie particulière des moyens employés par l’Atelier Populaire. Au bout du compte, plus qu’un choix technique, la restriction des moyens volontaires est devenu un choix esthétique. Aux Arts Décoratifs, un atelier similaire se met en place à partir du 29 mai, avec les mêmes bases théoriques : travail de groupe, critique collective, efficacité du message, soutien des luttes. Les artisans improvisés sont leurs propres commanditaires, ils choisissent leurs mots d’ordre et inventent un style sans équivalent, une écriture plastique dont la simplicité exprime les aspirations à une société égalitaire, libre et fraternelle. L’éventail des thématiques et des slogans sont illustrées de manière récurrente dans les deux écoles : les attaques contre le général de Gaulle et son gouvernement, la dénonciation de la répression policière, la critique du capitalisme et des profits, l’opposition au parlementarisme, la défense d’un pouvoir populaire et de l’unité entre les étudiants et les ouvriers, les appels à la poursuite des luttes et à la solidarité, le soutien aux grévistes. E, G, J, K, L — p.41/48

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Aussi, on distingue souvent la répétition de la même iconographie, avec les portraits du chef de l’État, les silhouettes d’usines, les poings levés, les casques de Compagnies Républicaines de Sécurité (crs), les outils stylisés. Certaines des affiches produites pour le mouvement de manière anonyme et dans un souci d’efficacité économique, semblent issues de la recherche esthétique du pictogramme, c’est à dire d’une forme condensée où l’écriture fait image et inversement l’image fait écriture. Par exemple, on retrouve le motif du poing levé, l’un des plus emblématiques de la production de l’atelier, repris avec « Les travailleurs vaincront sur leurs lieux de travail » ou « La lutte continue », produite le 22 mai, une affiche représentant une usine avec des verrières en dent de scie et une haute cheminée. F, H — p.42/44 Après une intense période d’activité pour dénoncer la police et le pouvoir gaulliste, le 27 juin, l’Atelier Populaire est contraint de fermer ses portes, avec une dernière affiche qui verra le jour dans la foulée, elle déclare « La police s’affiche aux Beaux-Arts, les Beaux-Arts affichent dans la rue ». 9, 10, I — p.45 Mai 68 constitue un mouvement culturel, social et politique. C’est par ce triple aspect, que d’une part, il conteste la société de consommation, plus soucieuse de la rentabilité financière que du bonheur des hommes. D’autre part, il exalte l’épanouissement de l’individu, son droit au bonheur, contre la rigidité des hiérarchies et des disciplines. Ainsi est remis en cause le modèle autoritaire, le style de commandement hiérarchique, qui prévaut dans toutes les organisations et structures sociales. 9 L’affiche au xxe siècle – Les Arts Décoratifs www.lesartsdecoratifs.fr/ francais/musees/musee-desarts-decoratifs/collections/

10 Petite histoire de l’affiche française – Les Arts Décoratifs www.lesartsdecoratifs.fr/ francais/musees/musee-desarts-decoratifs/collections/


L’explosion de ce mouvement a profondément ébranlé la société française par une remise en cause globale de ses valeurs traditionnelles, et a été le révélateur d’une crise de civilisation. Cette incroyable libération de la parole, ce bouillonnement social inattendu ont pris des allures de révolution. L’imagination fut au pouvoir et la création exceptionnellement fut le résultat d’un acte collectif porté par des artistes et des étudiants qui furent les seuls à travailler alors que toute la France était en grève. 11, 12, 13 L’Atelier Populaire des Arts Décoratifs donna naissance, en 1970 au groupe de graphistes très militants, Grapus. Malgré sa brève existence, le collectif est l’un des mythes de l’affiche française. Fondé par Pierre Bernard, François Miehe et Gérard Paris-Clavel qui se sont connus à l’Atelier Populaire de l’École Nationale des Arts Décoratifs, en mai 1968. Après leurs études à l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ensad), Pierre Bernard et Gérard ParisClavel suivent l’enseignement de Henryk Tomaszewski en Pologne. L’enseignement de ce dernier, tient dans l’idée que la conception d’une affiche est avant tout une démarche intellectuelle et que le savoir-faire graphique vient dans un deuxième temps. Tout sujet peut être prétexte à une affiche de « combat ». Comme l’écrit l’auteur et artiste Jean-Jacques Lebel : « Toute révolution produit ses propres images, ses propres langages. L’originalité des images de mai 68 tient du processus d’élaboration. Un travail collectif qui portait à la fois sur le contenu politique et sur la forme la plus claire possible. Ces affiches ont contribué 11 Dary Anne, Les affiches de mai 68, Beaux-art de Paris éditeur, 2008. 12 Weil Alain, Encyclopédie de l’affiche, Hazan, 2011.

13 Encyclopédie Larousse en ligne – événements de mai 1968 www.larousse.fr/encyclopedie/ divers/événements

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à transformer la ville en poème collectif et en théâtre de la liberté. » 14 Le collectif développe un graphisme engagé et puise son inspiration dans les images de l’école polonaise. Source principale, presque modèle, le groupe de graphistes créait alors des images pour les secteurs associatifs et culturels. Elles donnent naissance au cours des années 1970 au «style Grapus», qui se cristallise en France sous la dénomination de « graphisme d’utilité publique ». Grapus, inscrit de nouvelles formes d’engagements sociaux qui appellent à une plus large ouverture sur le monde. L’affiche ayant pour titre « La Paix ! », réalisée en 1970, est représentative de l’engagement devenu plus humanitaire, plus international que national. Construite autour d’une terre dessinée au feutre noir, elle recrache un avion, un char, un missile et autres armes de guerre. Très expressive, dans chaque coin de l’affiche et dans quatre langues différentes, français, anglais, hébreu et arabe, est marqué en grosses lettres noires « La Paix ! ». Le message est clairement explicite et ce principe permet une lecture compréhensible d’un format à la française ou à l’italienne dans le monde entier. P — p.52 Alexander Jordan et Jean-Paul Bachollet rejoignent le groupe en 1976. Jusqu’en 1978, Grapus se consacre essentiellement à l’image politique, sociale et culturelle avec des créations où l’humour et la provocation sont exprimés librement. Leur graphisme, direct, revêt un aspect amateur et ludique. La plupart des textes sont écrits à la main et les illustrations ressemblent à des dessins d’enfant. L’image est sans cesse parasitée par des collages, des distorsions, des rajouts d’éléments, 14 Pierre Bernard & Grapus, graphisme d’utilité publique, 1942 / 2015 www.grapheine.com/divers/ pierre-bernard/


des décalages, des traces de pinceau, des taches et des éclaboussures… ce qui lui permet d’acquérir une force et un dynamisme particuliers. Leurs affiches se résument à la juxtaposition d’un slogan et d’une illustration, l’homogénéité dans l’attitude provocatrice, caractérise le groupe. M, N — p.49/50 Grapus créa la ligne graphique de plusieurs petits théâtres. L’affiche nommée « Les Bas-fonds » est réalisée en 1982, pour la pièce de théâtre écrite par Maxime Gork. Grapus a détourné la fameuse image du communiste avec le couteau entre les dents, remplacé ici par un élément graphique. Elle représente la misère économique, symbolisée par cette image repoussante d’une dentition mal soignée. O — p.51 Les affiches produites durant le xxe siècle, ont marqué une époque et touchent l’histoire contemporaine. Depuis, chaque membre du groupe a tiré ses conclusions de l’évolution des forces politiques en France et de sa propre évolution artistique. Finalement le groupe se dissout en 1990 et trois ateliers se recomposent autour des trois figures marquantes du groupe. Gérard Paris-Clavel créé « Ne Pas Plier », Pierre Bernard créé « L’Atelier de Création Graphique » et Alexander Jordan créé « Nous travaillons ensemble ». 15, 16, 17

15 De Smet Catherine, études sur le collectif Grapus, 1970-1990, entretiens et archives, éditions B42, 2016. 16 Favier Léo, Comment, tu ne connais pas Grapus ? Spector Books, 2014.

17 Un peu de lecture sur Grapus – Index Grafik www.indexgrafik.fr/un-peude-lecture-sur-grapus/

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A

L’union des Syndicats du département de la Seine

« Villeneuve-Saint-Georges », Jules Grandjouan, 1908 France Affiche

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B

L’appel patriotique

« Britons Join Your Country’s Army ! », Alfred Leete, 1914 Royaume-Uni Affiche

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C

L’appel patriotique

« I want You for the U.S. Army », James Montgomery Flagg, 1917 États-Unis Affiche

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D

La défense d’un pouvoir populaire et de l’unité entre les étudiants et les ouvriers

« Usines, Universités, Union », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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E

La critique du capitalisme et des profits

« Capitalisme : la participation c’est pour mieux vous croquer mes enfants ! », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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F

Les appels à la poursuite des luttes et à la solidarité

« La lutte continue », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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G

Le soutien aux grévistes

« Oui, usines occupées », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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H

Le soutien aux grévistes

« Les travailleurs vaincront sur leurs lieux de travail », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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I

La dénonciation de la répression policière

« La police s’affiche aux beaux arts, les beaux arts affichent dans le rue », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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J

Les attaques contre le général de Gaulle et son gouvernement

« La chienlit c’est lui ! », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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K

Les attaques contre le général de Gaulle et son gouvernement

« Brisons les vieux engrenages », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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L

L’opposition au parlementarisme

« je participe, tu participes, il participe, nous participons, vous participez, ils profitent », Atelier Populaire, 1968 France Affiche

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M

Les droits de l’Homme et du Citoyen

« Rich Poor », Grapus, 1989 France Affiche

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N

Les droits de l’Homme en Turquie

« Turquie », Grapus, 1982 France Affiche

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O

La lutte contre la misère économique

« Les Bas-fonds », Grapus, 1982 France Affiche

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P

Le mouvement anti-guerre

« La Paix ! », Grapus, 1970 France Affiche

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Contemporain


Aujourd’hui, de nouvelles formes d’engagements voient le jour et appellent à une plus large ouverture sur le monde. Conscients des enjeux sociaux qui forment le contexte de leurs réalisations, les graphistes du monde entier se servent de l’actualité pour développer les sujets de leur communication. 18, 19, 20, 21, 22 Nous avons choisi ici de nous appuyer sur des productions réalisées par des graphistes français. En France, le mouvement de mai 68 fait désormais partie de notre histoire culturelle commune, et témoigne de la persistance des liens entre la création graphique et des formes d’engagements. Il compte une poignée de représentants, dont les maîtres du graphisme, Gérard Paris-Clavel ou Pierre Bernard, venus de Grapus. Ce mouvement, pose en France les bases d’une pratique dont les designers graphiques français et les collectifs comme Vincent Perrottet et sa bande de « graphistes associés », Claude Baillargeon, Pascal Colrat, Jean-Charles Blais, Christophe Gaudard, Anne-Marie Latrémolière, Régis Léger, Thierry Sarfis, Pierre Di Sciullo, Bruno Souêtre. Puis des groupes comme Formes vives, Atelier de création graphique, Ne pas plier, Nous Travaillons Ensemble, mené par Alex Jordan, puis Alain Le Quernec et Michel Quarez. Enfin des auteurs plus jeunes, moins connus, Vanessa Vérillon, Elsa Maillot ou Sébastien Marchal sont les « héritiers ». On découvre une nouvelle génération de designers graphiques disséminés à travers la France et engagés sur le terrain du graphisme à usage politique qui se veut démonstratif et pédagogique. Tous, sont 18 Frank Beekers, Rob Schröder et Lies Ros du collectif Wild Plakken (Pays-Bas) 19 Héctor Villaverde, Milton Glaser et Seymour Chwast du studio Push Pin (états-Unis)

20 Shigeo Fukuda (Japon) 21 René Azcuy Cárdenas (Cuba) 22 Gunter Rambow (Allemagne)

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les empêcheurs d’afficher en rond, ils disent leurs rêves et leur colère à travers différents sujets de revendication ou de soutien, comme l’expression en toute liberté de nos opinions, nos sentiments et nos besoins avec l’affirmation de valeurs. Dans l’idée d’alternative politique, les graphistes travaillent autour de l’utopie, pour une société humaniste, sans classe et sans guerre. Dans celle de l’action syndicale, l’objectif vise à défendre des intérêts collectifs en s’unissant les uns aux autres. Leur domaine d’engagement touche aussi la défense des plus précaires, la lutte antiraciste, le droit de vote des étrangers, le droit des femmes et tout autre thème lié à la solidarité. F, H, I — p.68/71

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L’engagement est sans doute ce qu’il y a de plus fort pour penser le graphisme et les sujets de revendication et de soutien sont nombreux. Pour cela, nous proposons une immersion dans l’univers riche d’une création graphique qui questionne notre espace public avec des réalisations dans les champs politique, social et humanitaire, qui datent des années 2000. L, N, O — p.74/77 Nous évoluons dans des sociétés qui façonnent nos consciences par les images et nous sommes quotidiennement confrontés à des messages visuels. C’est dans cette logique que la série de dix affiches politiques contre le libéralisme à vu le jour, en 2006. Le designer graphique Vincent Perrottet a travaillé en partenariat pour ce projet avec le photographe Myr Muratet. Elles sont destinées à être exposées dans des lieux publics, associatifs, éducatifs et artistiques mais aussi dans la rue lors de manifestations. Comme avec l’exemple de l’affiche pour la lutte antiraciste de Sebastien Marchal, lors de la marche des 30 ans pour l’égalité des droits et la justice pour tous. G — p.69 Au format portrait ou paysage, le recto propose trois niveaux de sens, le premier mot d’ordre est très fort « La loi du marché sur la tête » ou « Ne plus en pouvoir


d’achat », avec en surimpression des textes et citations. Au verso de chaque affiche se trouve la photo d’une société organisée autour d’une consommation compulsive, sans aucun commentaire. Les images résonnent avec les textes proposés au recto. D — p.66 La plupart des graphistes de cette génération, travaillent un graphisme engagé, une pratique politique de l’art graphique, sur des « non-commandes » dans le but de réaliser de vraies actions militantes. Certains tentent de reconquérir l’espace public, lieux d’échanges et d’expression. L’association Ne pas plier agit depuis 1991 dans le champs des luttes politiques en utilisant les images et les signes dans l’espace urbain : autocollants, tracts, cartes postales, affiches, banderoles... Gérard ParisClavel, graphiste engagé, a coproduit l’autocollant culte « Rêve générale » en 2009, avec l’association Ne pas plier. L’idée est que chacun puisse s’approprier l’œuvre et la déployer en fonction des besoins du moment. E — p.67 Qu’il s’agisse d’une démarche partisane, P — p.78 ou simplement citoyenne, il reste cependant difficile de participer au « bonheur » social en dénonçant les travers de la société et ses injustices tout en générant des profits au titre de la campagne menée dans l’espace public. Trop peu sont les espaces d’affichage municipaux qui offrent une visibilité institutionnelle à des campagnes qui défendent des problématiques militantes. Seul, l’altruisme de certains maires en France permet que ces supports soient habités, de temps en temps. La campagne de solidarité mondiale réalisée par l’Atelier de création graphique, en 2001 est l´occasion de présenter les messages et les actions de solidarité citoyenne du Secours Populaire Français. L’association a souhaité donner une identité forte et cohérente à sa campagne de communication, par une image porteuse de dynamisme et d’espoir. A — p.63 L’entraide et la collaboration s’étend également au domaine de l’édition. D’abord site internet fondé

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en 2008, l’équipe d’Article11 collabore à la version papier de leur journal avec le collectif Formes vives, en 2010. Les graphistes ont ainsi travaillé sur l’identité du journal, sur le regard critique et subversif des sujets sociaux et politiques contemporains et bien sûr à la mise en forme de ce journal. J — p.72 Les jeunes graphistes ont aussi leur mot à dire. Régis Léger, renommé Dugudus, est un passionné de la représentation de l’image sociale et politique française. Pour cela, il offre une nouvelle identité à l’image engagée en collaborant en 2015 avec la revue AlterMondes, pour son hors-série des 10 ans . Il crée la première de couverture du numéro et deux illustrations pleine page. L’objectif de la coopérative est de décrypter et analyser l’actualité internationale avec un vrai engagement. K — p.73 Jeune graphiste indépendante, Elsa Maillot mène un graphisme engagé au service du mouvement politique et associatif de sa région. L’affiche est pour elle l’un de ses moyens privilégié. « Politisez votre assiette » est une affiche réalisée en 2010, annonçant une fête-débat. La conception graphique de son image par l’illustration associé à une composition typographique, donne une écriture originale, propre à sa production. M — p.75 Le graphiste Christophe Gaudard ou l’illustratrice Vanessa Vérillon, travaille beaucoup pour les municipalités, ses affiches sont d’ailleurs en grande partie commandées par des mairies. Chaque année, elle engage aussi sa créativité graphique pour la journée des droits des femmes. L’affiche de 2012, souligne les difficultés et les préjugés sexistes auxquelles les femmes se heurtent dans le monde du travail. En se dégageant de l’informatif, elle propose un langage graphique nourrit d’humour. B, C — p.64/65

Ces quelques exemples nous ont permis de distinguer une activité professionnelle où le parti pris politique est assumé, où la volonté d’améliorer la société est le


prétexte qui motive des graphistes à produire des images engagées, porteuses de puissantes réflexions sur la cause soutenue. L’étude focalisée sur l’engagement graphique nous permet dans un premier temps de comprendre la fonction du graphisme : outil de résolution de problèmes et moyen d’expression ou de contestation. Il nous permet aussi dans un second temps d’affirmer que le graphisme a toujours eu un lien avec le militantisme politique, social et humanitaire. Dans un monde en proie à une course effrénée à la croissance malmenant les territoires et les espèces avec cynisme et violence, il semble naturel qu’un plaidoyer en faveur des espèces vivantes, prenne une tournure politique. 23 Aujourd’hui, pourtant devenu sujet d’actualité, la défense de la cause animale reste un thème peu traité par les graphistes. Pourquoi ? Nous avons posé la question à deux designers graphiques l’espagnol Isidro Ferrer et le français Vincent Perrottet, rencontrés à l’espace d’art contemporain du Bel Ordinaire, à Billère. Retenons ici deux réflexions : pour Isidro Ferrer, « La défense des animaux reste probablement un sujet de second choix pour la majorité des graphistes ». Selon Vincent Perrottet, « Il y a tellement de causes, qui sont des sujets de révoltes, d’indignations. La tendance serait de réfléchir collectivement sur ce qu’il est possible de faire pour venir en aide à la cause animale ». Pour lui, confier à des agences de communication, qui traitent aussi bien de la promotion d’un produit carné que de celle de produits cosmétiques (dont on sait qu’ils sont testés sur des animaux) est en totale contradiction avec un quelconque engagement « publicitaire » pour défendre la cause animale. Pour lui, le graphiste salarié ne peut, dans ces conditions, réussir sa campagne. La logique 23 Bailly Jean-Christophe, Le parti pris des animaux, Christian Bourgois éditeur, 2013.

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serait que le graphiste qui s’implique pour cette cause partage l’idée, par exemple, qu’il ne faut plus acheter de produits issus de l’industrialisation de l’élevage. Par ailleurs, ce serait aux associations de manifester leurs besoins en s’adressant à des designers graphiques impliqués dans une forme de militantisme. Dans cette situation, Isidro Ferrer et Vincent Perrottet déclarent être concernés par ce sujet et s’engageraient volontiers pour une collaboration sur un projet de campagne. Ce dernier affirme, qu’un graphiste sensible aux images dites politiques fera toujours cent fois mieux que ce que peuvent faire les publicitaires, avec des images souvent trop violentes, provocantes, stéréotypées et même simplistes. Néanmoins, la meilleure solution pour aider à la défense de cette cause, reste d’aller à la rencontre des associations, de proposer de les accompagner en tant que designer graphique et ainsi de se mettre à leur service. (Se reporter à l’annexe page 171).

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A

Le Secours Populaire Français

« Mondialisons la solidarité », Atelier de création graphique, 2001 France Affiche

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B

La journée internationale des droits des femmes

« Agir contre les violences faites aux femmes », Christophe Gaudard, 2007 France Affiche

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C

La journée internationale des droits des femmes

« Injustice, Sexisme, Précarité, Chômage », Vanessa Vérillon, 2014 France Affiche

65


D

L’affirmation de valeurs

Série « Travaille d’abord, tu t’amuseras ensuite », Vincent Perrottet, 2008 France Affiche

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E

L’affirmation de valeurs

« Rêve générale », Gérard Paris-Clavel, 2009 Coproduction Ne pas plier France Autocollant

67


F

La lutte antiraciste

Série « Partager » , Anne-Marie Latrémolière, 1996 France Affiche

68


G

La lutte antiraciste

« égalité des droits, justice pour tous », Sébastien Marchal, 2013 France Affiche

69


H

La lutte contre le sida

« Ce qui distingue l’homme de l’animal c’est, dit-on, l’intelligence », Alain Le Quernec, 1993 France Affiche

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I

La lutte contre le sida

« La lutte contre le sida », Jean-Charles Blais, 1993 France Affiche

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J

Les droits de l’Homme et du Citoyen

« Article11 », Formes vives, 2010 France Journal

72


K

L’actualité sur l’engagement internationale

« AlerteMondes », Régis Léger, 2015 France Revue

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L

La Ligue des droits de l’homme

« Oui ! », Thierry Sarfis, 2010 France Affiche

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M

Le débat pour le Collectif des Alternatives au Capitalisme

« Politisez votre assiette », Elsa Maillot, 2010 France Affiche

75


N

La dénonciation du parti politique

« Terror is me », Nous Travaillons Ensemble, 2003 France Affiche

76


O

L’action syndicale

« Dans grève il y a rêve », Pascal Colrat, 2012 France Affiche

77


P

L’alternative politique

« Rien qu’du bonheur », Bruno Souêtre, 2014 France Affiche

78






Le Regard critique

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La défense de la cause animale est avant tout une réflexion sur la place de l’animal dans la société. Les animaux ont-ils des droits ? Avons-nous des devoirs envers eux ? Dans quelle mesure peut-on les tuer pour se nourrir, se divertir, faire de la recherche, enseigner, faire la guerre ? En quoi l’élevage industriel est-il problématique ? Pourquoi le foie gras est-il interdit dans certains pays ? Quels sont les enjeux éthiques sur la question des animaux transgéniques ? Faut-il abolir la corrida, la chasse aux phoques, l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques ? Ces questions soulevées par l’évolution des rapports entre l’homme et l’animal, déclenchent le débat contemporain sur l’éthique animale. 24 En 2015, nous avons mené un travail de recherches et de documentation sur les campagnes publicitaires actuelles dédiées à la défense de la cause animale. Aujourd’hui, nous assistons, par exemple, à une prise de conscience au niveau mondial de l’importance des effets négatifs de l’industrialisation sur notre planète comme la déforestation ou les élevages intensifs. Traiter de ce sujet, sous l’angle du design graphique c’est participer à la description et à la connaissance d’un phénomène sociétal éminemment actuel. Grâce à certains philosophes comme Jeremy Bentham ou Arthur Schopenhauer (ou Pytagore bien avant eux) notre regard sur les animaux à pris d’autres dimensions, de simples nourritures 24 Jeangène Vilmer Jean-Baptiste, éthique animale, PUF, 2008.

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ils sont devenus des êtres sensibles (loi votée le 28 janvier 2015, par l’Assemblée nationale). 25 Relayée jusqu’à aujourd’hui principalement par des associations qui, partout dans le monde luttent en faveur de la protection des animaux, elles utilisent les moyens de communication actuels : du simple flyer d’informations distribué à la sortie des usines, en passant par les campagnes internationales diffusées sur des panneaux publicitaire 4x3, jusqu’au sites internet. 26 Par conséquent, nous nous consacrerons ici à la lecture d’un phénomène sociétal sous l’angle du design graphique, notre discipline. Nous proposerons de porter un regard critique sur la production actuelle des différents thèmes que les associations de défense de la cause animale abordent. Ainsi, nous décrypterons les approches marketing et les partis pris actuels appliqués aux productions graphiques, réalisés par les agences de communication pour répondre aux commandes des associations, en France mais aussi dans plusieurs pays.

25 Jean Glavany, ancien ministre socialiste de l’agriculture qui est à l’origine du projet de loi sur le statut des animaux.

26 Burtenshaw Ken, Mahon Nik, Barfoot Caroline, Les fondamentaux de la publicité, Pyramyd, 2012.




En 1824, en Grande-Bretagne, la première association de protection animale, la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (rspca), est fondée par William Wilberforce et Richard Martin. En collaboration avec la World Society for the Protection of Animals (wspa), dont le siège principal se trouve à Londres, elle dispose de 13 filiales dans le monde. Cette dernière a été créée en 1981 par la fusion de deux organisations de protection des animaux, la World Federation for the Protection of Animals (wfpa), fondée en 1953 et l’International Society for the Protection of Animals (ispa), fondée en 1959. En France, la première association de protection animale est la Société Protectrice des Animaux (spa), elle existe depuis 1845 et a été implantée à Paris, par Étienne Pariset, médecin français. Dans le monde, c’est une multitude d’associations, de fondations et d’autres organismes à but non lucratif qui voient le jour, tels que, la Fondation Brigitte Bardot en 1986, People for the Ethical Treatment of Animals (peta) en 1980, L214 en 2008, Global Action in the Interest of Animals (gaia) en 1992, World Wide Fund (wwf) en 1961, Greenpeace en 1971, Pro Wildlife en 1999, Born Free en 1998, Natural Resources Defense Council (nrdc) en 1970, 30 Millions d’Amis en 1978, et bien d’autres. Ces groupes abordent différents sujets d’actualité comme l’expérimentation animale, l’univers de la mode, les pratiques alimentaires, l’adoption et l’abandon, le droit animal, les pratiques culturelles et l’écologie. 27 Cela représente de vastes programmes de communication pour ces associations qui utilisent divers moyens de diffusion : affiches, magazines, tracts, sites web... Ces campagnes sont de plus en plus visibles dans notre environnement quotidien, dans la rue, 27 Giesbert Franz-Olivier, Manifeste : pour les animaux, éditions Autrement, 2014.

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le métro, la télévision, sur les réseaux sociaux et dans la presse. Comme nous avons pu le constater lors de nos précédentes recherches, ces supports de communications furent dans un premier temps confiés à des graphistes indépendants. Depuis le milieu des années 1980, ils sont élaborés par des designers graphiques salariés, le plus souvent par des agences de communication. C’est d’ailleurs à cette époque qu’apparaissent un grand nombre d’associations dans le monde. Visant à sensibiliser un large public, les graphistes salariés sont, malheureusement soumis à des directives qui parfois leur imposent des options créatives restreintes, un certain style d’image et de message, une véritable logique marketing. Les affiches sont alors trop souvent liées aux codes de la publicité et les graphistes sont les exécutants d’une commande où leurs pratiques liées à la communication visuelle ne correspondent pas toujours à l’engagement militant que devrait être la défense de la cause animale. L’étude menée dans cette partie nous permettra de nous interroger sur l’efficacité de ces affiches. Commençons par une campagne d’information nationale sur le commerce de la fourrure. L’affiche créée par la Fondation Brigitte Bardot en 2010 est construite autour de l’accroche « Le ridicule tue, 50 millions d’animaux par an ». L’idée est détourné du message que l’on trouvait en 2003 sur les paquets de cigarettes « fumer tue ». Une menace claire qui jouait sur une émotion primaire. Or, nous le savons le choc provoqué par cette campagne auprès des populations n’a duré qu’un temps. Une fois la surprise passée, les mots « tue », « cancer » ou « mort » se sont vidés de leur sens. Ce message n’a donc pas été suffisant pour convaincre tous les fumeurs d’arrêter. Cette même accroche reprise dans la campagne


commanditée par la Fondation Brigitte Bardot n’a pas eu les retombées espérées. A — p.99 Depuis 2011, les autorités sanitaires misent sur des photos choquantes imprimées sur chaque paquet de cigarettes, qui viennent renforcer le slogan. Cependant, aucune étude démontre le véritable impact sur la consommation de cigarettes. Cette méthode offensive est parfois utilisée pour soutenir la cause animale. Effectivement, les agences de communication préfèrent le réalisme souvent cru de la photographie de type journalistique, M — p.111 montrant l’animal en tant que victime et l’homme en tant que bourreau. En 2016, l’affiche réalisée par peta aux états-Unis contre l’industrie de la laine en est un bon exemple. La mannequin Joanna Krupa est mise en scène de manière normative et caricaturale. peta a l’habitude d’instrumentaliser la nudité féminine en s’appuyant sur des célébrités pour dénoncer des comportements. L’association en a fait son code marketing. Cette stratégie créative exploite la provocation dans le but de susciter la polémique par la violence, la nudité et la mort. B — p.100 Pour un grand nombre d’associations, la sensibilisation à la cause animale passe par une sensibilisation morale : il s’agit, avec des images fortes, de choquer le spectateur sur le sort fait aux animaux. 28, 29, 30 L’association L214, s’est fait connaitre du grand public par ses actions autour de la dénonciation d’actes de cruauté dans les abattoirs de plusieurs régions de France. Elle diffuse sur les réseaux sociaux, des 28 Haraway Donna, Manifeste des espèces de compagnie, chiens, humains et autres genres significatifs, Éditions de l’Éclat, 2010.

29 Giesbert Franz-Olivier, L’animal est une personne – Pour nos frères et sœurs les bêtes, éditions Fayard, 2014. 30 Cyrulnik Boris, De Fontenay Elisabeth, Singer Peter, Les animaux aussi ont des droits, Seuil, 2013.

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vidéos qui révèlent l’horreur et la violence épouvantable faites aux animaux dans ces lieux d’abattage. L’usage et la diffusion de ces images est pour cette association un moyen non seulement de dénoncer des pratiques barbares mais aussi d’inspirer chez les citoyens du dégoût et de les amener à ne plus consommer de produits carnés issus de ce type d’exploitations animales. L’affiche publicitaire de 2016, commanditée par cette même association joue des ressorts de l’anthropomorphisme : un bœuf prend la parole, manière de rappeler qu’il est un être vivant. Dans cette narration, les mots choisis désignent à la fois l’anatomie de l’animal et les pièces de boucherie qui servent à l’élaboration de plats comme la « côte », la « joue » ou la « langue ». L’objectif de ce dispositif langagier est d’insister sur la nature intrinsèque de l’animal : un être vivant. D — p.102 En complément de ses campagnes provocantes, l’association peta France lance en 2016 le magazine « Le guide du végan en herbe de peta ». Gratuit et accessible à tous ceux qui le désire. Il est conçu pour aider à la transition vers une alimentation sans viande ni produits d’origine animale. Le guide allie des informations, des recettes et des conseils pratiques, une manière de rassurer et de persuader le lecteur qu’il est simple de devenir végan. C — p.101 Depuis 2011, l’association gaia en Belgique, propose une revue trimestrielle envoyée gratuitement à tous ses membres. Elle aborde tous les trois mois un sujet différent, comme « Abattage sans étourdissement, les méandres du dossier », « Sauvons les chiens et les chats de labos », « Faire stériliser sauve des vies », « 7 raisons pour ne plus manger de foie gras » ou « Sauvons les animaux des laboratoires ». F — p.104 Les Pays-Bas ne sont pas en reste. En 2016, une affiche traite du sujet de l’expérimentation animale au moment où le gouvernement des Pays-Bas envisage, d’ici 2025, d’arrêter définitivement l’expérimentation


animale. En effet, certaines institutions réinterprètent la loi mise en vigueur depuis 2013, qui interdit de tester les produits cosmétiques sur les animaux dans l’Union européenne. En toute illégalité, elles autorisent la vente de rouges à lèvres, de déodorants ou d’autres produits cosmétiques qui ont fait l’objet de tests sur des animaux. 31 Le propos est illustré par une photographie très explicite : une queue de rat sort d’un tube de crème qu’une femme s’apprête à utiliser. Dans une ambiance plutôt monochrome, cette communication visuelle est assez originale. E — p.103 Par ailleurs, en France, aux états-Unis et surtout en Allemagne, l’écologie est devenu le terrain favori de certaines associations qui luttent pour la protection animale. Une manière pour elles de montrer que la faune et la flore sont étroitement liées. 32 On retrouve donc, des sujets touchant à la préservation de l’environnement et à la sauvegarde des espèces en danger tels que, l’impact des activités humaines sur la planète, l’épuisement des ressources, la pollution, le réchauffement climatique, la déforestation et la destruction des écosystèmes, la cruauté envers les animaux et la négation de leurs droits. G, J, K — p.105/p.109 En 2010, l’association wwf diffuse en Hongrie une campane destinée à interpeller le public afin qu’il se mobilise pour sauver les espèces animales en voie de disparition. L’affiche est simple et explicite, construite à partir d’un pop-up informatique et de la photographie en gros plan d’un jeune orang-outan. Le slogan « pour une planète vivante » (traduit en français) est placé dans la partie inférieure gauche de l’affiche. En son centre, une fenêtre d’alerte propose deux boutons où il est 31 Jougla Audrey, Profession : Animal de laboratoire, Autrement, 2015.

32 De Fontenay Elisabeth, Sans offenser le genre humain, réflexions sur la cause animale, Albin Michel, Bibliothèque Idées, 2008.

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inscrit « Ne pas sauver » et « Sauver ». H — p.106 S’ensuit en 2016 une nouvelle campagne de sensibilisation contre les destructions causées par l’industrialisation. « Détruire la nature c’est détruire la vie » tel est le slogan de l’affiche commanditée par la fondation Robin Wood en Allemagne. L’image est réalisée par le designer Surachai Puthikulangkura de l’agence Grabarz & Partner et fusionne le fond (l’incendie) représentant la destruction de la planète via les activités humaines et la forme (la fuite d’un singe) représentant l’animal menacé. I — p.107 Restons en Allemagne avec une campagne commanditée par l’association Pro Wildlife, qui, dans le même esprit, encourage la population à prendre soin de la planète. Conçue par l’agence de communication Jung von Matt, l’affiche met en scène des animaux personnifiés en combattants prêts à protéger la nature des actions humaines dévastatrices. L — p.110

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Les interventions de ces associations touchent aussi aux pratiques culturelles, telles que les combats d’animaux ou les massacres de taureaux dans les corridas qui demeurent légales en France. N — p.112 La dernière campagne réalisée par la spa, en 2016, est construite autour d’un slogan sous forme de question : « La torture. C’est légal ? ». Suite à cette invective, le Conseil d’État a radié définitivement la corrida du patrimoine immatériel de France. O — p.113 Longtemps dédaigné par le droit, les animaux deviennent l’objet de réflexions juridiques de plus en plus nourries. Les associations de protection animale deviennent alors porteuses de lois défendant les actes de cruauté envers les animaux. L’association Animal Anti-Cruelty League en est un exemple, elle lutte contre toutes formes de violences faites aux animaux. La campagne de 2008 « Arrêtons les abus » est construite autour d’un trompe l’œil, celui d’un animal-objet. S — p.117 Durant la même année la rspca décide d’assimiler l’abus des droits des animaux


à la violence domestique. Associée à une campagne télévisée, l’affiche illustre la maltraitance animale par la photographie d’un enfant battu. T — p.118 Néanmoins, il persiste certaines dérives encore autorisées dans plusieurs pays. Les cirques sont la plupart du temps des lieux où les animaux sont réduits à l’esclavage. 33 Quand ils ne sont pas exploités pour le divertissement du public, ils restent enfermés dans des cages. Q — p.115 La Chine est l’un des pays où les méthodes de dressage sont extrêmement cruelles et violentes. En 2013, l’association Animals Asia, dénonce ces actes via une affiche qui décrit une scène de crime. R — p.116 En Suisse, il est interdit d’exercer de mauvais traitements sur les animaux sous peine de plusieurs sanctions pénales. Pour illustrer ce principe, l’association Tier Im Recht, a diffusé en 2014 une affiche présentant un mouton coiffé de la célèbre perruque portée par les juges. Ainsi affublé l’animal semble exercer luimême la fonction d’un juge pénal apte à apprécier les conséquences juridiques de comportements violents. Une manière aussi de protéger ses congénères contre les actes de cruauté humaine. La campagne veut attirer l’attention sur le fait que les infractions à la protection des animaux seraient trop peu cohérentes avec les sanctions infligées par les autorités suisses. P — p.114 Ces associations luttent contre toutes formes de violence faite aux animaux, comme la maltraitance ou l’abandon. 34 L’abandon d’un animal, acte récurrent lors des vacances d’été est sévèrement puni par la loi française. V — p.120 Commanditée en 2016, par la fondation 30 Millions d’Amis, la dernière campagne nationale de sensibilisation au fléau des abandons est réalisée 33 De Fontenay Elisabeth, Pasquier Marie-Claire, Traduire le parler des bêtes, L’Herne, 2008.

34 Plutarque, Trois traités pour les animaux, Pol, 1992.

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par l’agence de communication Buzzman. Visible dans un premier temps sur les réseaux sociaux, à la télévision puis sous forme d’affiches placardées dans l’espace public, elle immerge le spectateur dans une atmosphère pesante où est mise en exergue la fidélité d’un chien, face à la lâcheté d’un propriétaire peu scrupuleux. U — p.119 Les abandons étant en progression, ils engendrent la saturation des refuges. Les associations promeuvent donc également l’adoption des animaux recueillis. Une démarche qui reste trop souvent négligée au profit de l’achat dans les animaleries. W — p.121 C’est pourquoi, en 2016, la SPA diffuse une vaste campagne d’affichage en faveur des adoptions qui témoigne des méthodes de vente des animaux domestiques. L’humour est choisi comme accroche pour le slogan « Et vous, vous achetez vos amis ? Adoptez ! ». L’affiche présente un animal traité visuellement comme objet de consommation. X — p.122

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Nous avons vu que majoritairement, les associations de défense de la cause animale font appel à des agences de communication pour les aider dans la conception de leurs campagnes car elles ont un besoin réel de l’efficacité publicitaire, dans la diffusion massive d’un message. Pour autant nous savons que la publicité appartient au monde de la vente et son objectif premier est commercial. Nous nous trouvons donc face à un paradoxe puisque la cause animale relève de la sphère altruiste. 35 Même si elles savent faire œuvre utile en exerçant leur réflexion à des fins honorables, il ne fait aucun doute que les agences de communication utilisent plus souvent leurs talents de manière à promouvoir des produits et des services. Sensibiliser, faire prendre conscience, mobiliser, créer de la solidarité, faire appel 35 Berger John, Pourquoi regarder les animaux ? Poche, 2011.


aux dons, modifier les comportements, les raisons sont nombreuses de communiquer en faveur d’une cause. 36 Aussi, il ne faut pas négliger le fait qu’une affiche est toujours en « exposition », collée sur des panneaux d’affichage, publiée sur des pages dans la presse ou sur internet. Le dispositif à toute son importance puisque c’est lui qui sert de diffusion. Cette sélection, notamment de campagnes d’affiches, nous a permis d’illustrer les logiques marketing dans la diffusion d’images ou de message. Appliqués à ces créations, souvent construites à partir de la technique de photomontage, nous avons défini les options créatives qui ont été adoptées selon les sujets car tous ne sont pas traités de la même façon. L’ironie ou l’humour, l’émotion, la culpabilisation, la provocation, le réalisme, la persuasion et l’illusion sont autant de narrations au service de la défense animale. Les agences de communication ont la lourde tâche de trouver le registre adéquat, ni trop dénonciateur, ni trop moralisateur.

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36 Burgat Florence, Une autre existence : la condition animale, Albin Michel, 2012.



A

L’univers de la mode

« Le ridicule tue, 50 millions d’animaux par an », Fondation Brigitte Bardot, 2010 France Affiche

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B

L’univers de la mode

« Wool : The Naked Truth », peta, 2016 états-Unis Affiche

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C

Les pratiques alimentaires

« Le guide du végan en herbe », peta,2016 France Magazine

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D

Les pratiques alimentaires

« Vous vous en sortez bien sans cote de bœuf. Moi pas », L214, 2016 France Affiche

102


E

L’expérimentation animale

« How many test animals have to pay for your cosmetics ? », Bite Back, 2016 Pays-Bas Affiche

103


F

L’expérimentation animale

«Sauvons les animaux des laboratoires », gaia, 2015 Belgique Revue

104


G

L’écologie

« Internet wildlife trade. Killing with clicking », nrdc, 2008 États-Unis Affiche

105


H

L’écologie

« Don’t Save / Save », wwf, 2010 Hongrie Affiche

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I

L’écologie

« Destroying nature is destroying life », Robin Wood, 2016 Allemagne Affiche

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J

L’écologie

« Every 60 Seconds a Species Dies Out », bund, 2011 Allemagne Affiche

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K

L’écologie

« Our oceans need more protection », Greenpeace, 2007 états-Unis Affiche

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L

L’écologie

« Help Mother Nature to Fight Back », Pro Wildlife, 2005 Allemagne Affiche

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M

L’écologie

« If you don’t pick it up they will », Endangered Wildlife Trust, 2010 Afrique du sud Affiche

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N

Les pratiques culturelles

« Corrida, Basta ! », Respectons, 2013 France Affiche

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O

Les pratiques culturelles

« La torture... c’est légal ? », spa, 2016 France Affiche

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P

Le droit animal

« Wenn Tiere gelber richten könnten, würde Tierquälerei härter bestraft werden », Tier Im Recht, 2014 Suisse Affiche

114


Q

Le droit animal

« Animals are not clowns », Acção Animal et LDPA, 2008 Portugal Affiche

115


R

Le droit animal

« Not Born to Perform», Animals Asia, 2013 Chine Affiche

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S

Le droit animal

« Stop the Abuse », Animal Anti-Cruelty League, 2008 Afrique du sud Affiche

117


T

Le droit animal

« Animal cruelty shows itself in many ways », rspca, 2008 Royaume-Uni Affiche

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U

Contre les abandons

« Je n’ai pas besoin de 30 millions d’amis. Mais d’un seul », 30 Millions d’Amis, 2016 France Affiche

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V

Contre les abandons

« Abandonner, c’est tuer lentement », spa, 2014 France Affiche

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W

Pour les adoptions

« N’achetez pas... Adoptez ! », Fondation Brigitte Bardot, 2015 France Affiche

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X

Pour les adoptions

« Et vous, vous achetez vos amis ? Adoptez ! », spa, 2016 France Affiche

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Les RĂŠponses

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Défendre la cause animale aujourd’hui, c’est s’affranchir de l’uniformité que l’on a pu observer et dans laquelle nous maintiennent les agences de communication. Il est primordial de trouver les solutions qui permettraient de renouveler le regard du citoyen afin de parvenir à une mobilisation plus attentive du grand public sur la sensibilité animale. Défendre la cause de la protection animale, c’est mettre son art au service d’un engagement. Les travaux de graphistes indépendants, engagés, peuvent nous servir de modèle pour élaborer des projets graphiques défendant cette cause. L’idée se traduirait par l’usage des couleurs vives comme dans le travail du graphiste français Michel Quarez et par des formes simples et épurées, allant jusqu’au minimalisme comme dans le travail de l’affichiste polonais Wladyslaw Pluta qui s’appuie souvent sur des jeux typographiques pour composer ses productions. L’utilisation des découpages, des collages et des associations signifiantes à la manière du travail de l’artiste Isidro Ferrer peut aussi être source d’inspiration. Cela reste des exemples, nous pouvons aussi bien nous intéresser au détournement culturel, au texte faisant image, à l’utilisation de la géométrie, à la superposition, à l’espace blanc et bien d’autres techniques dont les graphistes ont su s’emparer durant l’histoire, des idées qui ont transformé le graphisme. 37 Par conséquent, une des suggestions retenue 37 Heller Steven, Vienne Véronique, 100 idées qui ont transformé le graphisme, Seuil, 2012.

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serait d’employer des formes inattendues en abordant un ton original et décalé. Ainsi, le choc ne viendrait pas de la violence des images mais de la conception originale du support de diffusion. L’intention serait donc de bousculer les habitudes en proposant des figures auxquelles le public n’a pas l’habitude d’être confronté, de façon à créer la surprise et l’étonnement, mais surtout de manière à forger une prise de conscience et à transformer les aprioris, l’aveuglement ou l’ignorance. Ce que nous pourrions ajouter est que, quelque soit la forme produite, le travail du graphiste à destination de la cause animale devrait pouvoir inviter le public à une réflexion sur la gravité de la situation. 38 De façon générale, l’hypothèse serait de réinvestir ce domaine qui, jusqu’au milieu des années 1980 était confié par les associations de protection animale à des graphistes indépendants. Cette perception de l’avenir est aujourd’hui imaginable, nous allons le voir avec des projets qui tendent à renverser la situation actuelle. Dans cette dernière partie, notre objectif est de démontrer que le design graphique est un moyen pour s’engager dans la défense de la cause animale. 39 L’expression « design graphique » désigne l’activité consistant à mettre en forme différents supports de communication visuelle et dans une perspective interdisciplinaire, alliant théorie et pratique, de multiples projets voient le jour : affiches, livres, revues, pages pour la presse, 38 Weil Alain, Le design graphique, Découvertes Gallimard, 2003.

39 Regan Tom, Les droits des animaux, Hermann, 2013.


applications pour tablettes ou téléphones portables suscitent le débat contemporain sur l’éthique animale.

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La tradition occidentale a toujours placé le genre humain au-dessus des animaux. En 1990 le végétarisme était encore considéré comme une lubie. 40, 41 Ce temps semble révolu, nous sommes sans doute dans un moment historique singulier car après s’être attaqué au racisme et au sexisme, le graphiste doit maintenant s’emparer du spécisme. Les créations graphiques et les formes d’engagements suivantes nous le prouve, la libération des animaux est placée dans une perspective historique après celle des Noirs, des homosexuels ou des femmes. Le mouvement pour la défense de la cause animale est propre à la modernité et à l’industrialisation. Sa défense devient un combat dont certains investissent le terrain avec des approches novatrices. Alors que depuis les années 1950, publicité et design graphique constituent des champs professionnels séparés, où les designers graphiques travaillent surtout dans le domaine de la commande d’utilité publique et laissent aux publicitaires la conception de campagnes qui flattent un produit. 42 En 2017, des graphistes indépendants mais aussi des associations et des agences de communication, tous emboîtent le pas et proposent de nouveaux concepts originaux, dans le but de bousculer les habitudes. En 2015, l’association wwf a innové avec le lancement des Creative Awards, concours qui a permis à de nombreux jeunes graphistes et étudiants en design graphique de travailler sur le thème de l’écologie. L’objectif était d’alerter sur l’urgence à dénoncer la gravité de la pollution de nos océans. Ainsi, la réflexion autour 40 Burgat Florence, La protection de l’animal, Paris, PUF, 1997. 41 De Fontenay Elisabeth, Le silence des bêtes. La philosophie à l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, 1999.

42 Un dispositif dans le dispositif. Les expositions de design graphique contemporain www.marges.revues.org/984

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de cette campagne de communication de wwf, a permis de collecter plus de 800 créations inédites. Retenons ici l’image d’un pélican avec une bouteille plastique coincée dans la gorge ; cette affiche dénonçant les activités humaines néfastes à la planète, telle l’utilisation à tout va des matières plastiques, a remporté le deuxième prix du jury. A — p.141 Depuis 50 ans, la mission de wwf est essentiellement liée à l’écologie ; sauver la faune des menaces comme le braconnage, la perte d’habitat et la surexploitation des ressources naturelles. L’application wwf Together créée en 2014, est une expérience immersive au travers de visuels et de minis jeux intéractifs exploitant les fonctionnalités de l’iPad. Sur le thème de l’origami, elle nous permet de découvrir de manière ludique et interactive les différentes espèces menacées, de connaître les possibles pour venir en aide à certains animaux et à la planète. B — p.142 En 2015, afin d’attirer l’attention sur les espèces menacées et de sensibiliser au maximum les internautes, Bryan James, jeune designer graphique, a mis ses compétences digitales en action pour réaliser une page en ligne présentant 30 espèces animales singulières en voie de disparition. Une manière de mettre le numérique au service de la cause animale. Le projet baptisé « Species in pieces » propose de visionner les animaux en naviguant par un simple scroll. À chaque transition, 30 blocs se mettent en mouvement et se transforment pour former un nouvel animal en origami. C — p.143

Des initiatives commencent à apparaître nonseulement sur la toile mais aussi dans notre environnement quotidien comme le métro. Récemment en 2016, à Londres, une campagne financée par les internautes, du nom de cats « Citizens Advertising Takeover Service » a été pensée par l’agence de communication Glimpse, qui s’investit auprès de la cause animale. L’initiative en question était


de remplacer les publicités d’une station de métro par des portraits de chats proposés à l’adoption. Pendant deux semaines, les panneaux d’affichages d’une station de Londres étaient investis par des affiches simples et explicites construites autour de photographies de chats, choisis parmi les protégés de deux grandes associations de protection animale du Royaume-Uni. D — p.144 Restons en Angleterre avec la chaîne bbc Wildlife Fund qui créait pour l’année 2009 un support inattendu pour sensibiliser à la quantité d’espèces animales en voie d’extinction à travers le monde : un calendrier. L’idée était de montrer les nuisances causées par l’homme sur la planète. Envoyé le 1er janvier avec un stylo rouge, le calendrier invitait le destinataire à barrer d’une croix rouge une espèce différente tous les jours de l’année. E — p.145

Les projets soutenant la défense de la cause animale prennent aussi d’autres formes éditées. Imprimée à seulement 20 exemplaires et reliée à la main, la revue « Meat » du collectif Gram Publishing est construite à partir de photographies qui documentent le quotidien d’un abattoir. Pour soutenir nettement la cohérence du propos, il présente sur son site l’édition photographique sur un prospectus promotionnel dédié à la consommation carnée, dénonçant de la sorte le processus d’abattage des bovins en Italie. J — p.150 Restons avec des photographies de type reportage journalistique. Le livre du graphiste Erik Kessels conçu en 2010 documente la relation que l’homme peut entretenir avec l’animal. L’artiste rassemble une série d’images absurdes et amusantes provenant d’un blog japonais. à la manière du célèbre photographe William Wegman, le propriétaire d’un lapin du nom d’Oolong publie sur son site, des photos de son animal domestique posant avec divers objets placés sur sa tête. F — p.146 Dans la continuité d’un univers surréaliste, citons le projet de Camille Holtz, Fétichistes, revue qui propose

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une véritable plongée dans l’univers précieux des concours canins. Cette jeune photographe a arpenté pendant plusieurs années, différents salons et concours nationaux pour nous livrer en 2010, une vision curieuse et interrogative de cet univers particulier. Au-delà d’une simple description, la revue donne à voir concrètement cette relation particulière qui lie l’humain à l’animal domestique, ici devenu véritable objet de convoitises et de projections, remettant en question la place et le rôle de l’animal. G — p.147 « Les mangeurs » est une édition produite en 2012 par l’organisme Orange, pour le lancement de l’événement d’art actuel de Saint-Hyacinthe au Québec. Développée à partir d’une double préoccupation : l’alimentation de l’homme et la mort. à travers des pratiques diversifiées, les pistes explorées et les hypothèses envisagées trouvent ancrage dans les œuvres des dix-neuf artistes invités pour l’événement. La première de couverture de la revue est rose, un cochon est représenté à la manière de ces images d’animaux « cartographiés » que l’on trouve dans les boucheries et qui répertorient et nomment chaque partie comestible. Il n’est pas question ici de défendre la cause animale mais de questionner l’abattage des animaux. En passant par la chasse jusqu’aux rites et croyances, Orange s’intéresse à ceux qui mangent, à leur condition de mortels et à la relation complexe qu’ils entretiennent avec la nourriture. K — p.151 En 2016, le programme du festival Art and the Animal organisé par M1 Singapore Fringe Festival présente des recherches créatives diversifiées et invite le spectateur dans un bestiaire qui questionne notre relation avec les bêtes. Les animaux sont souvent pris comme exemple quand nous voulons décrire des comportements humains. La première de couverture de l’édition illustre ce constat, divisée en deux parties : du côté gauche le visage de l’animal et du côté droit celui de l’homme, les deux photographies


fusionnent au centre. L — p.152 En écho à l’exposition « Les androïdes » proposée par Marie-Haude Caraës lors de la Biennale Internationale de Design de Saint-Étienne en 2013, le n°39 de la revue Azimuts publiée par l’école supérieure d’art et de design de Saint-Etienne est consacré à l’animal et aux liens que le design entretient avec lui. 43 Rédigée et réalisée par les étudiants du post-diplôme de l’établissement, elle offre au lecteur une grande diversité de points de vue sur l’animal. Ce dossier s’articule autour de la réédition des pages que Siegfried Giedion a consacré à l’industrialisation de la viande. Ce texte est accompagné de propos du philosophe Pierre-Damien Huyghe et d’un texte de Léon Tolstoï où le romancier relate sa visite des abattoirs de Toula, près de Moscou. I — p.149 Même si certains projets ne sont pas directement liés à la défense de la cause animale, il est intéressant de les évoquer pour décrire les techniques employées. « Wild About Shapes » par exemple, conçu par l’illustrateur Jérémie Fischer, est un livre créé de façon ludique afin que des animaux cachés, se révèlent lorsque se superposent les pages d’acétates imprimées. Alternant habilement l’usage de formes et de couleurs, la représentation animale est fascinante pour les lecteurs de tous âges. O — p.155

Dans un autre champs d’investigation, la question du trompe-l’œil est un élément récurrent dans la pratique artistique de Nino Laisné. à partir de cette technique, l’artiste coproduit un projet photographique avec le Frac Aquitaine, en 2014. L’artiste a placé sur les quais du tramway bordelais, des photographies de spectateurs pris de dos observant des animaux empaillés provenant de dioramas animaliers, mise 43 Azimuts, « n°39 Animal », école supérieure d’art et de design de Saint-Etienne, 2013.

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en scène qui permet de simuler la réalité. Ces images à l’échelle 1 proviennent de la série « Touristes ». En les insérant dans les panneaux d’affichages des stations de tramway, la proximité inhabituelle qui se crée avec ces animaux est troublante car ces images suggèrent la présence d’animaux sauvages sur les quais aux côtés des passagers du tram. M — p.153 En Chine, réputée pour être un des pays où les droits protégeant les animaux sont moindres voir inexistant, certaines personnes se battent pour faire évoluer cette situation. Ils militent par exemple pour stopper le commerce de la peau ou pour arrêter les expérimentations sur les primates dans les laboratoires. Horng-Jer Lin affichiste chinois, fait partie de ces personnes. En 2007, il publie une série de cinq affiches pour les services publics. Poétiques elles sont tout d’abord destinées à déclencher une prise de conscience de la part des citoyens sur des sujets comme l’écologie, le braconnage, la chasse et la pêche. H — p.148 Le Mozambique voit depuis des années sa faune décimée par le braconnage et le dérèglement climatique. En 2014, l’agence ddb Mozambique a voulu dénoncer les massacres dans sa campagne « Wear the cause », en imaginant les corps dépecés d’animaux emblématiques provenant des logos de grandes marques. Sur un fond uni vert le célèbre crocodile de la marque Lacoste est privé de sa peau, un détournement qui interpelle. P — p.156 édité par Les Requins Marteaux, maison d’édition satirique et spécialisée dans la bande dessinée humoristique, le manuel, à la fois drôle et dérangeant, Cruelty to animals réalisée par le graphiste Vivien Le Jeune Durhin nous explique comment maltraiter chaque espèce animale en partant de leurs caractéristiques propres : combler les rayures d’un zèbre, crucifier un albatros ou tondre un hérisson. à l’aide de croquis et de consignes en six langues, le graphiste a tenté


de mettre en avant une certaine absurdité et un certain humour tout au long du livre. Une aberration renforcée par les choix de schémas méticuleux et d’une liste d’outils destinés à la maltraitance des bêtes. Le livre critique avec cynisme les comportements de l’homme envers les animaux et certaines pages du livre dénoncent même clairement des pratiques comme le gavage des oies, la découpe des ailerons des requins et même le citron sur les huîtres. Le ton sarcastique de cet ouvrage peut faire penser qu’il s’agit de faire l’apologie de violences envers les animaux mais au contraire, d’une certaine manière, il la dénonce. N — p.154 Ce type de projets graphique porte les prémices d’une communication visuelle qui s’affranchit de certaines techniques publicitaires imposées par les agences de communication, comme par exemple, la provocation et le réalisme souvent cru. Ainsi, ils se démarquent des campagnes d’informations parfois brutales auxquelles nous ont habitué certaines associations. La diffusion de ces exemples d’objets graphiques nonpublicitaire, produits en dehors du cadre commercial, servira sans aucun doute à l’éclosion d’une demande plus importante des associations auprès des designers graphiques indépendants. à l’évidence, ils seront envisager des objets communicants avec des formes moins culpabilisantes pour le lecteur, le spectateur ou l’usager, proposant une véritable culture visuelle.

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A

L’écologie

wwf, 2016 France Affiche

« Protéger les océans c’est sauver notre planète »,

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B

L’écologie

« wwf Together », wwf, 2014 Royaume-Uni Application

142


C

L’écologie

« Species in pieces », Bryan James, 2015 Royaume-Uni Site web

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D

Pour les adoptions

cats « Citizens Advertising Takeover Service », James Turner, 2016 Royaume-Uni Affiche

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E

L’écologie

« Almost Extinct », bbc Wildlife Fund, 2009 Royaume-Uni Calendrier

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F

La relation entre l’homme et l’animal

« Oolong & others », Erik Kessels, 2010 Pays-Bas édition

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G

Le droit animal

« Fétiches », Camille Holtz, 2010 France Revue

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H

L’écologie

« Save me », Horng-Jer Lin, 2007 Chine Affiche

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I

Le droit animal

« n°39 Animal », Azimuts, 2014 France Revue

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J

Les pratiques alimentaires

« Meat », Gram Publishing, 2014 Italie Revue

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K

Les pratiques alimentaires

« Les mangeurs », Orange, 2012 Quebec édition

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L

La relation entre l’homme et l’animal

« Art & the Animal », M1 Singapore Fringe Festival, 2016 Asie du Sud-Est Programme

152


M

La représentation animale

« Touristes », Nino Laisné, 2014 France Photographie

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N

Le droit animal

« Cruelty to animals », Vivien Le Jeune Durhin, 2014 France Manuel

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O

La représentation animale

« Wild About Shapes », Jérémie Fischer, 2015 Royaume-Uni Livre

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P

L’écologie

« Wear the cause », ddb Mozambique, 2014 Mozambique Affiche

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Conclusion

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à ce jour, il reste encore un important travail de réflexion à mener autour de la « communication visuelle » liée à la cause animale. Véritable sujet d’actualité dans la plupart des grands pays industrialisés, la protection des espèces n’est plus le champ de bataille de quelques éthologues éclairés. 44 Philosophes, scientifiques, anthropologues, sociologues, journalistes, avocats s’intéressent à ce sujet et publient les résultats de leurs travaux. 45, 46, 47 Cette abondante littérature alimente depuis les dix dernières années le débat autour de la cause animale et forgent les actions autour de questions qui dépassent la seule relation empathique que l’on peut avoir avec l’animal : santé, pollution, législation, ravages écologiques, bouleversements des écosystèmes, industrialisation de l’agriculture et de l’élevage... Inspirée par la portée des travaux étudiés ici, j’ai cherché dans ce mémoire à convoquer les formes graphiques qui illustrent la protection des espèces animales, plus particulièrement. à travers le monde, des associations militant pour le respect des animaux, définis, par certains, comme des personnes non-humaines, mènent des campagnes visuelles engagées. 48, 49 Comme le philosophe ou le scientifique, le designer graphique joue un rôle très important dans l’information des publics. Qu’ils soient théoriques ou visuels, leurs travaux militent 44 Jane Goodall, célèbre primatologue britannique.

47 Vinciane Despret, philosophe des sciences belge à l’Université de Liège.

45 Peter Singer, philosophe australien connu comme le fondateur des mouvements modernes des droits des animaux.

48 La libération animale est un mouvement contemporain posant les bases philosophiques des droits des animaux.

46 Dominique Lestel, philosophe, éthologue française et membre d’une équipe de recherche en éco-anthropologie.

49 L’abolitionnisme est un mouvement radical où l’oppression des animaux est mis au même niveau que l’esclavage.

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pour apporter des connaissances, des prises de conscience autour de questions qui engagent l’avenir de nos sociétés et la place du citoyen dans le monde. L’engagement, le militantisme sont des attitudes qui ne sont pas récentes dans la profession de graphiste. Ainsi, la sélection du corpus iconographique me permet de poser une série de constats. Je me suis intéressée tout d’abord au mouvement culturel, social et politique de Mai 68 qui posa en France les bases d’une pratique graphique militante portée par le groupe de graphistes Grapus, dont les designers graphiques français et les collectifs actuels sont les « héritiers ». Les affiches produites durant le xxe siècle, ont marqué une époque et continuent de toucher l’histoire contemporaine : luttes sociales, racisme, droits des femmes... ont été abondamment illustrées. Dans un monde en proie à une course effrénée à la croissance, la lutte pour la protection des espèces animales est devenue un enjeu vital qui prend toute sa place dans les débats politiques. Alors que la condition animale fait débat, un droit des animaux émerge dans plusieurs pays pour les défendre et les protéger. 50 Sujet d’actualité, la défense de la cause animale reste cependant un thème peu traité par les graphistes impliqués dans des projets « militants ». Selon Vincent Perrottet et Isidro Ferrer, les associations ont encore pour habitude de faire appel à des agences de communication pour concevoir leurs campagnes et n’ont pas encore nécessairement l’idée de manifester leurs besoins auprès de designers graphiques indépendants. à l’affût de toutes actualités concernant la cause qu’elles soutiennent les associations ont constamment de nombreux messages à faire passer et ont pour 50 Antoine Goetschel, avocat allemand spécialiste du droit animal.


stratégie d’intervenir rapidement via divers supports médiatiques. Elles ont toutes les mêmes objectifs et leurs combats se livrent à l’échelle mondiale. Majoritairement, ce sont les agences de communication qui ont la lourde tâche de répondre aux commandes de ces associations. Pour autant la publicité appartient au monde de la vente et son objectif premier étant commercial, on peut se demander si les stratagèmes qu’elle convoque sont vraiment adaptés pour soutenir la défense d’une cause ? Nous nous trouvons donc face à un paradoxe puisque la défense de la cause animale relève davantage, encore aujourd’hui, de la sphère altruiste. En 2017, la sensibilité des animaux, êtres vivants dotés de capacités cognitives, ne fait plus aucun doute. Mais la maltraitance perdure et les défenseurs des droits des animaux redoublent de vigilance. Quelques uns, ont même créé, comme aux Pays-Bas un Parti politique pour les animaux (Partij voor de Dieren) qui siège au gouvernement, et aujourd’hui il existe 16 Partis pour les animaux dans le monde. 51 Les initiatives se multiplient depuis plusieurs années à travers le monde pour faire évoluer la condition animale et les rapports que l’homme entretient avec les animaux, qu’ils soient domestiques, sauvages, d’élevages ou de laboratoires. De l’aménagement architectural des zones d’abattage (Mary Temple Grandin, professeur en sciences animales et spécialiste mondiale des conditions d’abattage des animaux d’élevage), aux espaces de production (en 2012, la dimension d’une cage pour chaque poule est équivalente à la surface d’une carte postale) et à la diffusion de vidéos-chocs sur les mauvais traitements 51 Marianne Thieme, présidente et fondatrice néerlandaise du Parti pour les animaux aux Pays-Bas.

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infligés aux animaux de laboratoire ou d’élevage (association française L214) diverses actions sont menées dans de nombreux pays. 52, 53 Les images révélant les violences faites aux animaux bousculent avec force nos consciences. Le designer graphique engagé dans la défense de la cause animale explore et élabore divers supports de diffusions : affiche, revue, livre, site web... la communication visuelle est l’un des maillons de ce vaste mouvement de protection des espèces et plus généralement de la sauvegarde de la planète. Renouveler et enrichir la communication de la cause animale en s’affranchissant des mises en scène marketing est le défi du designer graphique aujourd’hui. Plusieurs possibilités s’offrent à lui. Les travaux de graphistes engagés, peuvent potentiellement servir de modèle pour élaborer des projets graphiques défendant la cause animale. 54 Comme j’ai pu le voir, l’utilisation de formes originales, inattendues, tirées essentiellement de la culture graphique (typographie, couleurs, mise en page) peuvent servir l’éducation du citoyen et le sensibiliser à la cause animale. Acteur de la société dans laquelle il évolue, le graphiste joue un rôle de premier plan dans l’accompagnement des bouleversements culturels, sociaux, politiques et économiques qui forgent la conscience citoyenne.

52 Gary Francione, philosophe américain et chef de fil du courant de pensée abolitionniste. 53 Sébastien Arsac, porte-parole français de l’association L214.

54 Buquet Benoit, Art et design graphique : essai d’histoire visuelle, 1950-1970, Pyramyd, 2015.






annexes

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Vincent Perrottet Entretien avec le designer graphique Vincent Perrottet le vendredi 8 et le samedi 9 janvier 2015 à l’espace d’art contemporain du Bel Ordinaire, à Billère, dans le cadre de l’exposition « Regarder ».


Jessica Portassau Je m’intéresse fortement à l’engagement du design graphique dans la défense de grandes causes et plus particulièrement à la cause de la protection animale. Cet intérêt pour ce sujet devenu d’actualité, m’a amené à constater que la défense de la cause animale reste un sujet peu traité par les graphistes impliqués dans une forme de militantisme. Pourquoi ? Vincent Perrottet Pour qu’un designer graphique s’implique auprès de cette cause, il faut qu’il se sente concerné. Dans les images d’accompagnement de causes dites politique, il faut vraiment partager l’idée. Il faut aussi que le commanditaire ait l’idée d’aller vers des graphistes qui seraient de qualité. Peut-être aussi que la plupart des graphistes sont encore des consommateurs de jambon « Herta ». Je dois dire qu’il m’arrive d’en manger, même si j’aimerais arrêter, mais ce n’est pas si évident. JP Justement, imaginons qu’une association de la cause animale vienne vous demander votre aide, seriez-vous intéressé ? Est-t-il possible d’envisager qu’un graphiste travaillant autour d’une réflexion politique, traite de ce sujet ? VP Bien évidemment je pense que j’irais, car cela me concerne. Mais, il y a tellement de causes, qui sont des causes de révoltes, d’indignations qu’on passerait son temps à ne faire que ça. J’ai longtemps fait des images qui dénonçaient maintenant j’essaie de faire des images qui seraient plutôt dans le sens de la proposition, c’est pas facile non plus. Et sur un sujet comme la défense de la cause animale, j’aurais beaucoup de difficultés car c’est un sujet qui est extrêmement compliqué tant il y a d’opacité. D’abord, si j’étais logique il faudrait que je ne mange plus de « Herta », sinon quel sens cela aurait-il ? D’un autre côté, ce que je trouve bien, c’est que si ce sujet te concerne et bien c’est à toi d’y aller ! C’est d’une telle évidence ! De toute façon, si tu es sensible aux images

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politiques, tu feras toujours cent fois mieux que ce que vont faire les publicitaires et tu verras qu’il y a de très bonnes images et d’autres extrêmement mauvaises, parce que trop violentes, provocantes, stéréotypées et même simplistes.

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JP Vous évoquez les publicitaires. La plupart des campagnes conçues pour la défense de la cause animale, sont réalisées par des graphistes salariés dans des agences de communication, qu’en pensez-vous ? VP Selon moi, ce sont les agences de communication qui contribuent à ce que les animaux aillent très mal. Si on vend du jambon « Herta » on ne peut pas être pour la cause animale, si on demande au graphiste qui fait une pub pour le jambon « Herta » de faire une pub pour la cause animale, il ne peut pas réussir son coup. Il suffirait de mettre du « Herta » à coté d’un cochon pour comprendre. Les publicitaires qui font ces affiches c’est exactement comme les gens extrêmement riches qui donne l’aumône aux pauvres à la sortie des églises, ça n’améliore pas le problème, je dirais que cela à tendance à l’empirer. Si ces personnes veulent vraiment aider le pauvre, ils l’invitent chez eux et ils partagent un bon repas mais ils ne donnent pas une pièce. JP Les associations s’organisent autour d’actions pour venir en aide aux animaux mais dans le champs du design graphique, selon-vous, quelle serait alors la solution pour une évolution de la cause animale ? VP Ce n’est pas facile parce que la tendance serait de dire : réfléchissons ensemble à ce qu’on pourrait faire d’une démarche collective sur ce sujet là. Il y a des années c’était les problématiques du droits au logement. Si on est sensible à ce que subissent les animaux, c’est-à-dire l’usage industriel de leur bidoche, la meilleure solution serait d’aller à la rencontre des associations qui défendent la cause de la protection animale, de leur proposer de


les accompagner et de se mettre à leur service. Selon moi, la meilleure façon d’obtenir des résultats, c’est de militer. En tant que designer graphique, nous faisons des images, c’est un travail professionnel, si nous allons avec des tracts devant l’usine « Herta », c’est un acte militant. Et ce n’est pas la même chose. Il y a aussi une forme de militantisme, bien que le sujet soit beaucoup moins grave, chez ceux qui travaillent pour la culture. Ce sont des gens qui aiment aller au cinéma ou au théâtre, voir de la danse, écouter de la musique, lire des bouquins. Si cet intérêt n’existait pas, la communication d’actions culturelles ne marcherait pas. Je compte sur toi pour que les campagnes de communication visuelle autour de la cause animale s’améliorent, et que ce sujet continue d’être traité comme n’importe quel sujet socio-culturel.

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Isidro Ferrer Entretien avec l’illustrateur et graphiste espagnol Isidro Ferrer le mercredi 7 décembre 2016 à l’espace d’art contemporain du Bel Ordinaire, à Billère, durant la semaine de workshop organisé par Charles Gauthier et Fabrice Mallorca.


Jessica Portassau Je m'intéresse à l’engagement du design graphique qu’il soit éthique, humanitaire, politique... J’ai constaté que vous avez traité des sujets sociaux au travers vos affiches, comment appréhendezvous la réalisation d'un projet graphique sur un sujet d'engagement ? Isidro Ferrer Je travaille avec des collaborations, ce sont des affiches que je fais pour manifester en fonction des sujets d'actualité et des évènements. Par exemple, en 2011 il y a un mouvement qui est apparu en Espagne et qui s'appelle les « Indignés ». C’est un mouvement spontané de citoyens pour manifester leur répulsion face à la politique du gouvernement, ils dénoncent une classe politique corrompue et incapable de sortir de la crise. Mes affiches, je les fais de façon spontanée, pour manifester ma répulsion et ainsi parler de divers sujets sociaux, du travail, de la guerre d'Irak à laquelle a participé l'état espagnol. Ce ne sont jamais des commandes mais parfois ce sont des organisations qui me demande de réaliser un projet pour l'activisme politique. JP J'ai remarqué que vous utilisez beaucoup l'image de l'animal dans vos réalisations, est-ce un clin d’œil à la cause animale ? IF Non, je ne sais pas exactement pourquoi les animaux sont récurrents, il faudrait que je vois un psychologue pour voir si c'est une maladie ou pas. C'est une chose qui fait partie de mon univers de référence, pas forcement visuel mais plutôt émotionnel. C'est toujours plus facile de représenter un animal pour parler de l'homme. En France vous avez les fables qui racontent une histoire avec une morale à la fin et les personnages sont toujours des animaux. Il y a un anthropomorphisme qui change les hommes en animaux, c’est imagé, c’est une façon de parler des hommes. Par exemple, l'affiche que j’ai conçu avec la grenouille

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qui est un « a », la grenouille a la potentialité d'être un prince, parce que dans les contes c'est la princesse qui embrasse la grenouille. C'est une transformation possible pour tous les enfants, toutes les grenouilles ont la possibilité d'être un prince, la possibilité de transformation c'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup. Parce que c'est non seulement lié à l'enfance mais elle touche tout le monde et toutes choses peuvent être une autre chose. C'est pour ça que j'utilise la grenouille comme un symbole de transformation et le « a » c'est pour la première lettre de l'abécédaire. Cette lettre ouvre la porte à la création littéraire. Le « a » c'est la lettre qui a toutes les formes de l'abécédaire, tout commence par le « a », c'est l'unique lettre de l'abécédaire qui contient tous les éléments des autres lettres, c'est la plus complète c'est aussi un symbole de la littérature qui permet d'entrer dans l'alphabet.

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JP Mes recherches sur l'engagement dans le design graphique m’ont amené à constater que la défense de la cause animale reste un sujet peu traité par les graphistes impliqués dans une forme de militantisme. Commanditées par les associations de la protection animale, les campagnes sont essentiellement confiées à des agences de communication. Pourquoi ? IF En ce moment il y a un déséquilibre total avec l'homme, que ce soit dans les conflits ou autres il y a une désorganisation et là ou il y a des maltraitances, l'animal reste en second plan. Les animaux attirent l'attention uniquement quand l'économie va bien et quand il n'y a pas de conflit. Et les lois pour la défense des animaux sont surtout votées dans les pays les plus riches. JP Imaginons qu’une association de la cause animale vienne vous demander votre aide pour réaliser leur prochaine campagne de communication, seriez-vous intéressé ?


IF Oui pourquoi pas, en Espagne la cause animale est un sujet très proche de la culture espagnole. Il y a des mouvements importants contre les fêtes avec l’utilisation des animaux. Il y a beaucoup d'associations, contre la maltraitance des animaux en général mais surtout contre les fêtes traditionnelles qui existent partout sur le territoire. Il y a des manifestations contre ces fêtes cruelles pour arrêter le lancer des chèvres ou le feu allumé sur les cornes des taureaux mais aussi pour la protection des chiens utilisés pour les courses. Dans le pays, les associations se mobilisent énormément contre de telles traditions ancestrales.

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Bibliographie et Sitographie


A

B

Azimuts, « n°39 Animal », école supérieure d’art et de design de Saint-Étienne, 2013. — p.137

Bailly Jean-Christophe, Le versant animal, Bayard, 2007.

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janvier 2017

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