Revue de Presse - Michel Cloup Duo - Ici Et Là-Bas

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28/3/2016

À découvrir absolument ADA : Le lien entre les trois disques se trouve peut­être dans leurs aspects autobiographiques. Sauf que celui­ci est d’avantage encré dans le monde. Michel Cloup : Complètement. Dans mon questionnement intime, j’ai réalisé que j’étais dans des interrogations malheureusement assez actuelles – par rapport à ces histoires d’origine, essentiellement. Et puis ce retour en Italie à bouleversé des choses : je me suis retrouvé prêt à partir vivre ailleurs tant je n’en pouvais plus de la France, de ce dilemme « je m’en vais, je reste ». Ce sont des choses que j’ai personnellement vécu : tu en as marre de ton pays, tu veux faire quelque chose d’autre ailleurs ; et paradoxalement, quand tu passes un peu de temps dans ce fameux ailleurs, tu réalises que tu n’y as pas non plus ta place, qu’il va falloir se la trouver, et tu reviens ensuite chez toi, dans cette France où tu ne te sens plus très bien car tu n’aimes pas ce qu’elle devient… Bon, je réduis tout ce qui est raconté dans le disque mais il y a cette idée. Et à un moment donné, je me suis dit : « c’est marrant, tu lis des articles, des interviews, tu rencontres des gens qui sont dans un même questionnement lié à la génération, aux origines, à l’identité. » Cela m’a donné envie de raconter ma propre histoire, qui pourrait résonner avec ce que peuvent traverser, de façon différente, d’autres personnes… L’idée consistait donc à partir de moi puis d’essayer d’être le plus sincère et honnête possible, pour que les gens puissent s’approprier le truc, pour que mon histoire (comme sur les précédents albums) résonne avec l’auditeur jusqu’au point de rencontre. Mais loin de moi l’idée de faire de la chanson engagée. En effet, on me parle déjà beaucoup de politique par rapport à l’album. Ici et Là­ bas raconte une histoire et se place dans une époque, aujourd’hui, mais les chansons ne sont pas engagées. ADA : Je n’emploierai pas le mot « engagé » pour définir l’album… Michel Cloup : Oui mais tu sais, certains prennent des raccourcis rapides… La chanson engagée ne m’intéresse pas vraiment. Ce n’est pas trop ma came…. Tout dépend de ce que tu entends par « chansons engagées », mais il y a quand même beaucoup de charlots et de lieux communs. Je pense qu’aujourd’hui, juste dire « ça c’est bien, ça c’est mal, il y a les gentils et les méchants, nous sommes les gentils et vous êtes les méchants », ce n’est pas très intéressant. Le problème est plus vaste : on est tous un peu gentil, un peu méchant, tous un peu con, tous un peu perdu, tous un peu brillant… Enfin, presque tous ! (Rire) ADA : Après, la chanson engagée, ça n’a jamais été ton truc. Tu ne fonctionnes pas comme cela. Michel Cloup : Non, non. Mais bon : pour beaucoup, la « politique » dans le rock est un gros mot. Encore plus aujourd’hui, finalement. Car tout est dépolitisé, la musique est devenue un simple divertissement qui ne raconte plus d’histoires. Elle ne fait que reprendre des codes et des clichés qui ne servent qu’à vendre des fringues ou des voitures. Certains racontent encore des histoires ; mais, à mon goût, il n’y en a pas assez. Cela m’a beaucoup manqué, ces dernières années. Voilà pourquoi Sleaford Mods m’a fait du bien : de l’énergie, quelque chose de vrai. Tu peux ne pas comprendre toutes les paroles, mais tu devines le fond. ADA : L’absence d’histoires, cela te manque particulièrement en France ? Michel Cloup : Nous ne sommes pas les plus mal lotis, je trouve ! C’est à un niveau global. ADA : Beaucoup préfèrent peut­être le slogan à l’intime… Michel Cloup : Après, pourquoi pas ? Personnellement, j’aimerai bien entendre une chanson engagée qui soit… bonne. Mais elles retombent trop souvent sur des ficelles, sur un côté simpliste qui n’a plus lieu d’être. L’époque est tellement complexe… Il faut tout dire plutôt qu’affirmer ce qui nous arrange. Si on continue à faire semblant de parler mais à ne pas tout dire, on ne va pas beaucoup avancer. Bien sûr, la musique ne changera jamais la société – je n’y crois guère depuis longtemps – ; mais elle peut faire du bien. C’est déjà ça, non ? ADA : Oui !... Depuis trois albums, tu te positionnes de plus en plus en tant que fils et père. Michel Cloup :Ce n’était pas aussi fort avant, effectivement. Quand tu as des enfants qui grandissent, tu es dans une position de transmission, donc de père ; mais aussi de fils car tu fais un petit retour en arrière. Tu n’échappes pas à ton enfance. Pour moi, ces thèmes deviennent importants. Et puis les enfants, en tout cas les miens, sont vachement en demande… ADA : Ce positionnement père / fils, depuis trois albums, a un peu modifié ta façon d’écrire, je trouve… Michel Cloup : Parce que j’évolue dans ma vie. Cela possède une influence sur ce que je raconte, je crois. J’aime bien ça, chez les artistes : sentir qu’il s’agit toujours de la même chose mais que des petits trucs changent… Quand tu prends Smog dans les années 90 et Bill Callahan aujourd’hui, il s’agit du même mec mais tu as pourtant l’impression d’une personne différente. Quand tu suis son parcours, c’est pourtant cohérent. ADA : Tu es également le genre de musiciens qui aiment se remettre en question. Par nécessité ? Michel Cloup : Par envie. Par nature. Il faut être excité par ce que tu fais, il faut un peu chercher le danger. Si je sortais un nouveau disque en ayant l’impression de toujours faire la même chose, la musique en pâtirait bien sûr, et puis je ne serai pas satisfait. Car finalement, le schéma se répète : tu te poses, tu écris, tu enregistres, tu repars en tournée, puis tu te poses à nouveau, tu écris, etc. Rentrer dans un truc qui ronronne ne m’exciterait pas. ADA : Comment s’est déroulé l’enregistrement, avec Triboulet ? Michel Cloup : Avec Triboulet, on a beaucoup bossé en live (guitares, batterie, voix). En fonction de ce qui était bon sur les prises, on reprenait ou pas. Une moitié a donc été enregistrée en live avec quelques overdubs de guitares. J’ai également refait quelques

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