Journal du 24 - 31 décembre 2014 :hO 12/23/14 5:30 aM Page 16
Haïti-observateur
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24 - 31 décembre 2014
Un après-midi culturel au Mireille’s Restaurant à Westbury, Long Island (new York) Par Jean Robert noël Le dimanche 19 octobre dernier, Mireille’s Restaurant a été le lieu de rendez-vous des gens cultivés et intelligents qui valorisent toutes les facettes de la culture haïtienne. Le programme avait commencé avec le lancement et la vente-signature du livre « La Péninsule Républicaine » d’Alin Louis Hall. Pour marquer la diversité des activités de cet après-midi culturel, un hommage posthume a été rendu à Carl « Carlito » Labossière. On célébrait sa vie.
équilatéral Cap-Haitien-Cayes-Port-auPrince. Cette triangularité met en évidence le travail d’un pèlerin patient, parti à la recherche de la connaissance et du savoir. En fait, l’auteur a réussi dans sa conquête en pénétrant l’inconnu pour lever le voile sur une vérité historique ayant à voir avec la contribution des hommes et femmes du Grand Sud à l’histoire de l’Indépendance d’Haïti. Ce serait une omission grave de négliger de mentionner les interventions intermittentes du sociologue Daniel Supplice, qui, d’ailleurs, a préfacé « La Péninsule Républicaine ». Il est interve-
Alin Louis Hall signant des copies de son livre. À ce brassage culturel, la participation du pianiste Alix Condé et de la poétesse Jeanie Bogart a mis en relief la dimension artistique de ce spectacle, comme l’avait conceptualisé Moryl Gatte-
Eddy Mésidor dans son intervention. reau jr. Ce n’était pas un coup d’essai, puisque Gattereau a déjà réalisé des rendez-vous culturels qui, selon les observateurs avisés, se surpassent d’année en année. Le voyage au grand jardin culturel A l’heure prévue, le maître de cérémonie, Professeur Étienne Télémaque, a ouvert les portes du grand jardin culturel où il a promené les invités pour découvrir les talents à l’affiche. Après les salutations d’usage, il fit une présentation sommaire des activités à l’ordre du jour, introduisant l’auteur et présentant son œuvre. Il a entrepris une brève envolée sur l’œuvre et a eu le soin de féliciter l’écrivain-historien pour ce travail, le fruit de longues recherches. Il a dressé une brève biographie de l’auteur, soulignant qu’Alin Louis Hall est né au CapHaitien et a fait ses études primaires dans la ville des Cayes. Puis, il a passé le micro à l’auteur pour qu’il puisse présenter son profil et parler de son parcours, tout aussi bien de son œuvre. M. Hall a confirmé qu’il est né au Cap-Haitien et a complété ses études primaires Aux Cayes. Il entra à Port-auPrince pour compléter ses études secondaires et universitaires, d’après ses déclarations. Ce ne serait pas abusif de placer Alin Louis Hall au centre du triangle
nu pour mieux situer l’œuvre dans son contexte historique, et cela sans passer par quatre chemins. Il nous a conduits dans ses périples sans emprunter de raccourcis. « Pa gen wout pa bwa » en histoire. Et le temps ne peut effacer les faits historiques qui ont marqué un peuple. L’histoire a bonne mémoire et elle ne peut mentir. Le maître de cérémonie, gérant le temps, a repris le micro pour annoncer la partie réservée à Carl Labossière. Un hommage posthume bien mérité à Carl Labossière M. Télémaque a brièvement parlé de Carl Labossière qu’il a connu. Il l’a présenté comme étant un solide monument que le temps ne peut détruire ni effacer. En peu de mots, il a retracé son parcours littéraire, faisant son éloge et le décrivant comme un journaliste qui a marqué des générations de lecteurs et d’intellectuels. Puis, il remit le micro au Dr. Fritz Boutin, un homme d’une simplicité rare, qui, d’après le maître de cérémonie, était proche du défunt. Il a été choisi à l’improviste. Étienne Télémaque aime surprendre son assistance en choisissant, parmi les invités, un orateur dont il connaît bien la capacité intellectuelle et qu’il juge capable d’improviser. Le Dr. Boutin n’a pas décliné l’invitation. Une fois intervenu, l’assistance fut témoin d’une franche camaraderie qui se déroulait entre Winshell Beague et lui autour de la table qu’occupaient ce dernier et son épouse, Gladys, Frantz Beague et sa conjointe. En fait, ce n’était pas une plaisanterie de mauvais goût, mais une taquinerie qui aurait pu créer une tension, voire même une peur chez un orateur inexpérimenté. Le Dr. Boutin garda son calme et a fit son intervention à la grande satisfaction des invités. Le moment qui avait surtout marqué cette réunion de famille fut l’intervention de Mme Marie-Thérèse Labossière-Thomas, la sœur de Carlito. Un silence sépulcral couvrit la salle entière quand M. Télémaque annonça son intervention, après que Moryl Gattereau eut établi le contact avec elle par téléphone. Elle ne pouvait s’absenter à cet événe-
Jeanie Bogart, la poetesse ment. Au micro du maitre de cérémonie, elle a présenté les merveilles de l’univers qu’elle partageait avec son frère. Elle l’a fait avec un naturel qui confirme sa maturité intellectuelle. Les faits qu’elle a révélés semblent arrêter le temps pour placer l’existence de Carlito dans un présent infini. D’ailleurs, le texte
de Mme Labossière-Thomas est aussi publié sur Radio Télévision Caraïbes et Haïti Actualités. Il peut être lu dans son intégralité sur ces sites et d’autres réseaux sociaux. Il faut aussi souligner que cet événement a été retransmis en direct sur Radio Télévision Caraïbes. C’était une bonne façon de célébrer la vie de ce génie, ce géant de la plume, cette étoile brillante. Il faut se rappeler qu’une étoile ne cesse jamais de briller. Elle devient inaperçue aux yeux de chair. Mais dans l’intemporel, elle continue à briller de tout son éclat. Avec le départ de Carl Labossière, l’intelligentsia haïtienne a perdu un trésor. Cet intellectuel de belle eau est parti avec son talent, sa verve, mais il nous laisse de beaux souvenirs. Un voyage en poésie à travers l’histoire avec Jeanie Bogart L’horloge semble s’arrêter pour permettre aux invités de jouir pleinement du plaisir que procurent « Okay ». À travers « CRI », Mme Bogart a remonté le cours de l’histoire des Noirs pour faire entendre le cri d’une fille d’esclaves. À la première strophe, elle dit : « Enfant des tropiques, fille d’esclaves suis-je, ce n’est pas une plainte ni une lamentation, c’est un cri ». En quelques minutes, Jeanie Bogart nous a fait traverser des siècles d’histoire pour nous conduire devant le miroir d’un peuple fier de son passé historique, même si le présent paraît amer, douloureux et triste. Elle crie haut et fort : « Mon pays se meurt, l’indépendance à l’air d’une farce, l’homme semble perdre la mémoire, l’homme à quatre pattes lèche les bottes des colons modernes… ». La poétesse a montré sa force de conviction. Toutefois, Jeanie Bogart voit briller l’espoir d’une réalité que rien ne peut nous empêcher de vivre. Avec un cri du cœur, elle termine son poème avec ces mots : « Non ! Je ne retournerai pas aux champs de canne, je deviendrai gouverneure générale comme Michaëlle Jean, je deviendrai président comme Obama pour diriger les colons, pour éduquer les colons, le rêve devient réalité ». La poétesse fut vivement applaudie, par l’assistance qui se leva pour l’ovationner. Le message est partagé, Jeanie. Elle n’a pas songé à déclarer aussi : « Je deviendrai secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie comme Michaëlle Jean ». Jeanie Bogart lut ensuite son deuxième poème « Okay », que les promo-
teurs de la langue créole auraient aimé. Cette œuvre retrace ses souvenirs d’enfance, que le temps n’a pu balayer ou emporter. On ne peut se tromper en l’écoutant dire à travers « Okay »: « Tout souvni danfans mwen, tout lapenn jenès mwen ap dodomeya la, rèv mwen koke jiskaprezan sou yon pye pen prèskil dèzikak, l ap voye ti bo bay lanmè Karayib… ». C’est beau ! Les poèmes de Jeanie Bogart sont plus profonds que tous les océans réunis du monde. Vêtue d’une jolie robe rouge, la poétesse reflète la beauté de l’aurore, et l’éclat du soleil qui danse au rythme quotidien de la ville des Cayes, quand mère nature sourit. Au moment où elle lisait ses poèmes, Alix Condé avait jugé bon de l’ac-
compagner dans ses périples, en utilisant des pièces musicales conçues en mode
Alix Condé au clavier. mineur pour répondre aux exigences du temps et créer l’atmosphère de détente dont le public avait besoin pour jouir de cet instant de bonheur. Ce qui a surtout retenu l’attention, c’était la justesse du pianiste et de la diseuse/poétesse. Le pianiste comblait tous les intervalles quand
qui ne pouvaient répondre à l’invitation lancée par Moryl Gattereau jr. Il y a eu une franche interaction entre le public et l’auteur, à travers une période de Questions/ Réponses. Jean Junior Joseph a été le premier à adresser une question à l’auteur. En fait, c’était la crème de la crème de la communauté intellectuelle de New York qui avait fait le déplacement. On remarquait la présence de quelques personnalités connues telles que : Jean Max Calvin, Bob Magloire, ancien conseiller du président Préval, Jessie Trouillot, Jona Lubin, Edens Desbas/Patrick Morisseau/ Magalie Théodore de « Tout Haïti/Haïti d’abord », Winchell Beague et sa conjointe Gladys, Frantz Beague et son épouse. D’autres personnalités importantes avaient aussi, de leur présence, rempli leur devoir de sponsors de la culture haïtienne. Citons, entre autres : Carlo Placide, Lisa Buteau, Eddy Mésidor, Magalie Rodriguez, Ernst Alexandre. On ne saurait oublier de signaler la participation de Lesly Condé, le consul général d’Haïti à Chicago. Bien qu’absent, il s’est porté commanditaire de l’événement. Comme toujours, il ne marchande jamais ses services ni son apport quand il s’agit de la culture haïtienne ou d’Haïti en général. De source crédible, on apprend que le cardiologue Hanscy Séide, en qualité de bon philanthrope, a aussi contribué à la réalisation de ce grand événement cul-
Carlo Placide, au centre, parle de Carlo Labossière. Jeanie Bogard observait une courte pause bien millimétrée entre chaque ligne qu’elle lisait. Tout cela traduit le professionnalisme d’Alix Condé et la maturité de Jeanie Bogart. Pour réussir une telle improvisation, il faut avoir du rythme et un esprit d’anticipation capable de faciliter l’harmonisation poésie-musique. Ce beau dialogue artistique entre Alix et Jeanie avait un goût à caractère permanent. Vraiment, on se croyait au jardin de l’Éternité, muni d’un billet de voyage allersimple nous permettant de découvrir et d’explorer ce grand univers artistique. Il a fallu l’expertise du maître de cérémonie, qui nous a apportés un billet-retour et nous a ainsi reconduits à La Péninsule Républicaine. La vente signature du livre « La Péninsule Républicaine » : Un succès sans précédent Au retour, le maître de cérémonie a mené un micro-sondage autour des tables pour recueillir les opinions de quelques invités sur les faits qui ont marqué cet après-midi culturel. Toutes les opinions ont convergé dans le même sens. L’intervention d’Eddy Mésidor a été succincte. Mais il s’est exprimé dans un langage simple et clair. Mes voisins de table avaient vite compris qu’il fallait que chacun de nous achète une copie du livre, qu’ils considèrent un ouvrage de référence, un livre de chevet. La même réaction était remarquée à travers toute la salle. On croyait même que les doigts de l’auteur seraient ankylosés, considérant la longue ligne de gens qui attendaient que l’historien leur signe leur livre. Certaines gens en ont même acheté deux copies, peut-être pour offrir en cadeau à des amis, des membres de leur famille, ou des voisins,
tuel. L’audio-visuel a été assuré par Marc Désulmé, qui détient tous les secrets de l’art. Avant la fin de cet événement culturel, le Dr Boutin revint au micro pour présenter ses félicitations à Étienne Télémaque, qui a su s’acquitter avec brio de se responsabilité de maître de cérémonie. Il a remercié l’assistance d’avoir rehaussé l’éclat de la cérémonie « culturelle ». Il a trouvé les mots justes pour faire ressortir la haute qualité du spectacle. Il s’adressa au public en disant ce qui suit : « Vous avez apporté un cachet spécial qu’aucune cérémonie n’ait connu avant ». Le Dr. Boutin a ensuite exhorté Winshell Beague et Moryl Gattereau à consolider la solidarité cayenne qui les réunit toujours autour des hommes célèbres. Quelle fierté ! On peut dire que cet après-midi culturel a été un grand succès, non seulement au niveau de la présentation, de l’hommage rendu à Carlito, de la musique d’Alix Condé, de la poésie de Jeanie Bogart, de la ventesignature, de la planification, mais aussi de la qualité du public qui avait répondu à l’invitation. Moryl Gattereau a encore prouvé qu’il détient vraiment le secret et la clé du succès de ces genres d’activités culturelles. Il a su regrouper autour de lui des gens qui s’y connaissent dans le domaine de l’organisation des manifestations culturelles. Travailler ensemble c’est bien, mais pour réussir, il faut que tous les membres de l’organisation partagent le même idéal. Ils doivent avoir les mêmes aspirations et surtout le même but : contribuer à l’épanouissement de la culture haïtienne. L’on se demande à quand le prochain rendez-vous culturel et qui sera l’auteur invité ? robertnoel22@yahoo.com