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Les muses de Janette

« Une République qui maintiendra les femmes dans une condition d’infériorité ne pourra pas faire les hommes égaux. »

10 avril 1848: Marie-AnneHubertine Auclert naît dans l’Allier.

Jane Doe

notre muse du mois Hubertine Auclert 1880: elle organise un boycott fiscal féministe. 1910: elle se présente aux élections législatives. Sa candidature est déclarée illégale.  Une féministe trop novatrice 

1881 - 1891 : elle fonde et dirige le journal suffragiste, « La Citoyenne ». 1898 - 1908: elle organise des pétitions suffragistes, des manifestations et des actions parfois violentes. 1878: elle réclame le suffrage féminin au Congrès international du droit des femmes (Paris).

Luttant contre l’autorité établie et pour l’émancipation totale des femmes, militant parfois avec éclat pour l’éligibilité et le droit de vote féminins, ses idées se concrétiseront 30 ans après sa mort, en 1945, quand les Françaises voteront pour la première fois de leur histoire.

Marie Anne Hubertine Auclert naît le 10 avril 1848 à Saint-Priest-en-Murat en Auvergne, cinquième d’une fratrie de sept enfants. Son père Jean-Baptiste, riche fermier républicain, devient maire de la commune en 1848, lors de la seconde République. Le coup d’État de LouisNapoléon Bonaparte en décembre 1851, puis l’instauration du Second Empire mettent fin à l’aventure démocratique. Ils marqueront Hubertine. Issue d’une famille de propriétaires terriens, sa mère, Marie Chanudet, se consacre elle aux filles-mères rejetées par leurs familles.

RÉPUBLICAINE ET ANTICLÉRICALE Envoyée dans un couvent, Hubertine reçoit une éducation catholique et envisage même une vie religieuse. À la mort de son père, elle retourne cependant auprès de sa mère. Cette dernière sensibilise l’adolescente aux conditions des femmes, reléguées au rang d’êtres inférieurs par le code Napoléon (1804), et soumises à la tutelle du père et du mari. Lorsque sa mère décède, son frère place la jeune fille dans un couvent. Jugée trop indépendante par les sœurs, elle est renvoyée. L’expérience déterminera son anticléricalisme.

Libre et indépendante financièrement – l’héritage de ses parents la dispense

de travailler – fervente républicaine, Hubertine milite pour les droits des femmes. Elle prône avant tout la révision de cette législation, qui réduit les femmes au statut de mineures, et l’abrogation de leur incapacité juridique.

TROP VISIONNAIRE POUR SON TEMPS Au début des années 1870, Hubertine se rend à Paris, alors que la chute de Napoléon III et l’instauration définitive de la Troisième République (1875) relancent l’activisme des femmes pour leurs droits et l’égalité des sexes. Celles-ci revendiquent l’accès à l’éducation, à l’indépendance économique, au divorce… Mais Hubertine voit plus loin: elle exige l’éligibilité et le vote féminins. Selon elle, le régime inégal entre hommes et femmes n’aurait pu être instauré, si celles-ci avaient pu siéger au parlement et légiférer.

En 1876, elle fonde la société Le droit des femmes, qui devient Le suffrage des femmes. Et en 1877, elle appelle les femmes de France à l’émancipation, sur le modèle du mouvement ouvrier. En 1878, le Congrès international du droit des femmes réunit 600 personnes de 11 pays à Paris, sur les thèmes du divorce, de l’éducation et du travail des

 ANECDOTES Entre autres actions d’éclat, Hubertine a interrompu des cérémonies de mariage à la mairie, a brûlé le Code civil, et a organisé une vingtaine de pétitions. Elle se ré-approprie le terme « féminisme », naguère péjoratif, pour lui donner son sens moderne de lutte pour l’émancipation des femmes et pour la défense de leurs droits.  femmes. Mais à la déception d’Hubertine, la question du suffrage est écartée. ENNEMIE DE L’ORDRE ÉTABLI En 1880, elle décide une grève de l’impôt. Faute de représentation légale selon elle, les femmes ne devraient pas être imposables. Dans ce combat, elle fait la connaissance d’Antonin Lévrier, un de ses conseillers juridiques, qu’elle épousera en 1887. En 1881, elle doit céder face aux huissiers, qui apposent les scellés à son domicile. La même année, Hubertine fonde alors La Citoyenne, un journal qui plaide la libération féminine. Elle dénonce la loi sur le divorce, revendique le contrat de mariage avec séparation des biens et partage des salaires, ou bien le droit des femmes à concourir aux emplois publics. Elle réclame également la féminisation de la langue française et de certains mots comme avocat, électeur, député… Elle lance également des pétitions et des manifestations en faveur du suffrage des femmes. En 1888, elle rejoint Antonin Lévrier muté en Algérie comme juge de paix, où elle mène une enquête de terrain sur la condition des femmes, dont elle publiera un livre, Les femmes arabes en Algérie (1900). À la mort de ce dernier en 1892, elle rentre en France. Entretemps, en 1891, elle met un terme à «La Citoyenne», en proie à des difficultés financières. Elle continue cependant ses chroniques de presse. En 1910, Hubertine et deux autres femmes se présentent aux élections législatives. Leur candidature n’est pas retenue. Hubertine poursuit son combat jusqu’à sa mort en 1914. Elle ne verra jamais la concrétisation du suffrage des femmes. Et ce n’est qu’en avril 1945, que celles-ci voteront pour la première fois, lors d’élections municipales.