A pele do vidro, Roger Zmekhol et le Wilton Paes De Almeida, une épopée brésilienne - Inès Jammes

« A PELE DO VIDRO » Roger Zmekhol et la conception du Wilton Paēs de Almeida, une épopée brésilienne , 1960-2018 _____

1

3

C’est une après-midi d’avril, il fait chaud et moite à Sāo Paulo.

Il est 14h et le thermomètre de la pharmacie du coin affiche 32 degrés. Le centre est désert à cette heure-ci. Il l’est souvent d’ailleurs. Les Paulistes les plus aisés ont fuit pour des résidences en périphérie, plus propres et plus sécurisées. Le centre en devient même inquiétant mais ce soleil de plomb peine à nous le faire remarquer. Non loin de la place animée de la République, se tient cette petite place, le Largo de Paissandu, où en son centre, une petite église jaune se dresse fièrement. Elle crée le contraste avec les gratte-ciels qui se dressent autour d’elle. En la traversant, on arrive à ses pieds: toujours fier, bien que dévisagé.

Malgré les tags et les fenêtres cassées, il reste d’une élégance remarquable dans ce décor de béton.

————————————————

5

: Fig.1 — Photographie de l’édifice Wilton Paēs de Almeida depuis l’avenue Sāo Joāo.

Photographie de Joāo Xavier, ex-professeur à la faculté d’architecture d’urbanisme de l’université de Sāo Paulo. Dates non renseignées.

Fig.2 — Photographie de la façade Nord de l’édifice depuis l’avenue Rio Branco.

Photographie de Jōao Xavier.

Fig 3 — Photographie de la façade Nord de l’édifice depuis l’hôtel Sāo Joāo, avenue Rio Branco. Photographie de Jōao Xavier.

Fig.4 — Photographie de la façade Sud de l’édifice depuis une chambre de l’hôtel Moraēs. Photographie de Jōao Xavier.

Fig.5 — Photographie de l’escalier hélicoïdal depuis le Rez de chaussée. Photographie de Jōao Xavier.

Fig.6 — Photographie de l’escalier hélicoïdal depuis le premier étage. Photographie de Jōao Xavier.

Fig.7 — Photographie de l’édifice à la fin de la constuction, depuis la rue Antônio de Godói.

Fig.8 — Photographie de l’édifice pendant l’occupation. Photographie de Carlos Alkmin. 2017 Fig.9 — Photographie de l’édifice pendant l’occupation. Photographie de Carlos Alkmin. 2017 Fig.10 — Texte d’avant-propos suite à la rencontre de l’édifice en avril 2018. Par l’auteure

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« A pele do vidro »

_ Roger Zmekhol et la conception du Wilton Paēs de Almeida, une épopée brésilienne , 1960-2018

Jammes Inès Séminaire « Histoire de l’architecture contemporaine » Sous la direction de Richard Klein et Caroline Bauer École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille Mai 2019

9

Sommaire

1

1.1

1.2

2

2.1

L’INSCRIPTION DANS UN LANGAGE COMMUN, ESPACE ET STRUCTURE 1.2.1 L’aspiration à une nouvelle architecture, assimilations et distinctions

des théories fonctionnalistes

1.2.2 Les leçons de « l’expérience américaine », la verticalisation: un langage

esthétique et technique

19 21

21 22 25

28

28

36

L’AFFRANCHISSEMENT

47

LES SYSTÈMES MÉCANIQUES INNOVANTS À LA RECHERCHE DU CONFORT, VERS UNE OEUVRE BRÉSILIENNE

51

57 57 62

LE CONFORT « CACHÉ DANS L’OMBRE »

2.2.1 D’une méthode rationnelle à la recherche du confort 2.2.2 Vers un confort thermique

2.2.3 Vers un confort lumineux, et l’objectivité du calcul 2.2.4 Vers un confort acoustique

69

69 71 78 82

L’INNOVATION

Épilogue

le bâtiment-évènement, histoire d’un symbole et de sa réception

89

Conclusion

une oeuvre brésilienne

99

2.2

DES PHÉNOMÈNES DE CRÉATION À LA COMMANDE 1.1.1 De l’acculturation

1.1.2. À la « généalogie »

1.1.3. Roger Zmekhol et la Compagnie de Verre du Brésil

2 7

15

LE CONFORT SPATIAL, RÉFLEXIONS SUR LA FLEXIBILITÉ DE

L’ESPACE DE TRAVAIL

2.1.1 De la bure au « bureau paysage » , histoire d’une évolution

2.1.2 Du plan libre aux systèmes innovants, du bien être « direct » de l’employé

caractère spécial « être moderne » méthode de travail

LE CONTEXTE DE CRÉATION ET LA FORME STRUCTURELLE INFLUENCES DES PARADIGMES MODERNES, INFLUENCES?

Avant-propos Introduction

85

Iconographie Bibliographie Annexes

105 107 111

1

Je remercie particulièrement mes directeurs de séminaire Richard Klein et Caroline Bauer leurs précieux conseils.

Un immense merci à Denise Zmekhol, fille de l’architecte, sans qui ce mémoire n’aurait pas été possible. Je la remercie pour sa patience et son engouement à par tager avec moi documents et anecdotes sur l’architecte qu’était son père.

Enfin je souhaite remercier mes proches pour leurs relectures et leur soutient.

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3

Avant-propos

caractère spécial _________________

Le choix de l’objet d’étude s’est fait à l’inverse de ce que désire révéler ce présent travail. J’ai découvert le Wilton Paēs de Almeida en premier lieu, non comme le joyau de l’architecture moderne qu’il était, mais comme l’effigie de quatorze années d’ocupaçāo1 clandestine. Ayant travaillé avec l’Ocupacāo Vicentāo à Belo Horizonte, dans l’état du Minas Gerais pendant l’année 2018, j’ai pu aborder les enjeux liés non seulement à l’architecture de ces espaces — à l’origine conçus pour abriter des bureaux — mais également les enjeux politiques, sociaux et économiques liés à ce phénomène.

L’ histoire est simple et pourtant se répand aujourd’hui dans tout le Brésil2. São Paulo compte en 2018, 206 occupations, où vivent plus de 45000 personnes3 dans des circonstances extrêmement précaires, avec souvent aucun accès à l’eau ou à l’électricité, et quand bien même, dans des conditions dangereuses. La rencontre avec le Wilton Paēs de Almeida et peu de temps après, l’incendie qui entraîna sa disparition totale et la mort de huit personnes furent des évènements marquants et sujets à des questionnements nombreux et variés.

Les ocupações ou occupations urbaines en français, résultent de l’impulsion d’un groupe de familles dans des conditions précaires, et de ce fait prenant possession d’immeubles abandonnés. Ce sont le plus souvent d’anciens immeubles commerciaux délaissés que les familles s’approprient, et essayent tant bien que mal de transformer en ce qui peut ressembler à un « chez soi ».

1

Le nombre d’ocupacão dans tout le Brésil est difficile à obtenir du fait quelles soient illégales. Selon Edesio Fernandes, chercheur et écrivain anglo-brésilien, il existe 6,9 millions de familles sans logement au Brésil, face à 6,05 millions de logements vacants.

2

3

Données du secrétariat municipal du logement de São Paulo. Chiffres du 02/05/2018.

4

En premier lieu, à la vue de l’édifice en avril 2018, une réflexion et une stupéfaction instinctive sur son esthétique « contemporaine », la nommera-t-on. Ces gigantesques murs vitrés, couverts de Pixos4, et de cartons découpés, servant à occulter la lumière dans ce qui pourrait faire office de chambre. L’ image dépasse l’entendement et force à se demander comment peuvent vivre des hommes dans ce géant de verre à l’origine conçu pour accueillir des bureaux?

Puis, son écroulement au 1er mai 2018, conséquence d’un incendie qui anéantira ses vingt-quatre étages de verre en cendres. Scène qui suscite la surprise et la tristesse, puis, la stupeur à la découverte de ce qu’était originellement l’édifice.

Les journaux locaux et internationaux qualifient le drame au lendemain matin de l’incident: « Au coeur de São Paulo, une tragédie sociale et architecturale » titre Le Monde; « De luxe moderniste à occupation précaire: l’histoire de plus d’un demisiècle de l’édifice qui s’est écroulé à São Paulo » titre l’antenne brésilienne de la BBC. Cet étonnement soudain devient cocasse quand on sait que l’édifice a été laissé à l’abandon par les politiques de la ville dans une indifférence totale pendant presque quinze ans. À croire qu’il avait fatalement adopté le sens littéral de ce pourquoi il avait été construit: être transparent. Son classement au monument historique5 par le CONCRESP6 en 1992 n’aura pourtant pas su éviter cette catastrophe annoncée.

Et finalement, la découverte. Symbole moderniste? Joyau architectural? Architecture d’avant-guarde? Qui a construit le Wilton Paēs de Almeida, pourquoi et comment? Le parallèle évident avec le Seagram Building de Mies Van Der Rohe à New York, s’était fait à la première rencontre. Face à cette ressemblance formelle et face au foisonnement des superlatifs qu’on lui attribua suite à la tragédie, ma curiosité m’amena à entreprendre les premières recherches, qui par la suite suscitèrent un engouement certain pour cette histoire singulière. Celle-ci se révèlera être la métaphore de l’évolution économique, politique et sociale du Brésil de ces cinquante dernières années.

Du portugais Pixos, se prononce « pichos », tags en francais, est devenu un mouvement illégal de contre-culture apparu dans les années 80, le pixo est depuis le moyen d’expression des jeunes défavorisés de São Paulo.

4

Classé « Nivel de Proteção 3 »: bien d’intérêt historique, architectonique, paysagistique, ou environnemental, qui détermine la préservation de ses caractéristiques externes.

5

Conseil municipal de la préservation du patrimoine historique, culturel et de l’environnement de la ville de Sāo Paulo.

6

5

6

Introduction

être « moderne » _________________

Être « moderne », terme vague qui pourtant définit l’architecture du XXème siècle. Terme vague, qui selon Peter Collins7, dure plus de deux siècles et rassemble depuis 1750, différents courants tel que le romantisme, l’éclectisme, le fonctionnalisme, le rationalisme… Si l’on prend la définition première, c’est l’architecture ayant bénéficié de progrès récents, en ce sens l’architecture a surement toujours été moderne. Mais, la singularité des évènements liés à l’essor industriel des années 1880, qui repose sur de nouvelles sources d’énérgie, avec l’arrivée du pétrole et de l’éléctricité, qui permet le développement de l'automobile, des machines-outils, de la chimie, aura c’est certain, un retentissement sans précédent sur l’architecture du XXème siècle. À travers toute la littérature existante au sujet de l’architecture moderne, de Kenneth Frampton à William J. R. Curtis, en passant par Reyner Banham, pour n’en citer que quelques uns, la question semble avoir été largement étudiée. Mais alors qu’est ce qu’être moderne au Brésil?

Lorsqu’on parle d’architecture moderne brésilienne, on pense naturellement à Oscar Niemeyer. Les plus avertis se souviennent de Lucio Costa, Carlos Leão, Roberto Burle Marx, pionnier du paysagisme moderne, ou encore Affonso Eduardo Reidy et le musée d’Art Moderne de Rio8 , longtemps considéré comme l’architecte brésilien le plus influent, surnommé par Oscar Niemeyer « le gentleman du Brésil ». À leurs côtés se rassemble toute une génération de jeunes architectes prêts à montrer au monde entier à quoi ressemble l’architecture moderne brésilienne. Mouvement qui sera dès la fin des années trente « un mouvement identifié par les pères fondateurs, salué par la critique et honoré par le MoMa » selon Philippe Panerai 9. À travers COLLINS, Peter (1965) « L'architecture moderne: principes et mutations (1750-1950) » Marseille, Editions Parenthèses, DL 2009, 491 pages.

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8

Voir Annexe 1. Photographie du Musée d’Art Moderne de Rio.

PANNERAI, Philippe (2006). « Introduction ». Les cahiers de la recherche architecturale, n°18/19, p 11-15 9

8

l’édification de ce qui composera les symboles du modernisme brésilien, comme le Ministère de l’Éducation et de la Santé10 de Lucio Costa à Rio en 1936 avec l’utilisation des brises soleil, la modernité ne tarde pas à s’exprimer en tant qu’identité propre. Bien que ses fondements soient insufflés par les théories européennes du début du XXème, le Brésil ne s’arrête pas à la simple interprétation et adaptation de celles-ci mais sera sans cesse en quête de son indépendance. Retour sur son avènement.

Au début des années vingt a commencé à germer dans la pensée intellectuelle et artistique de l’avant-garde, le constat d’un climat jugé trop académique. Puis par conséquent le désir de créer une nouvelle identité culturelle, définitivement « moderne ». À la veille de l’expansion de l’économie capitaliste internationale et dans le contexte de la seconde révolution industrielle, l’éclectisme11 se risque à être porteur de cette modernisation. Mais, il sera jugé selon Marcello Puppi, « inadapté au progrès et à la modernité matérielle » 12 face au modernisme « capable d’exprimer culturellement les temps nouveaux » 13 . L’ élan moderne naît alors dans un contexte social et architectural déjà propice aux transformations, bénéficiant des fondations laissées par des principes antérieurs, celles-ci ayant joué un rôle essentiel à l’avènement de ce nouveau mode de pensée.

En Europe et en Amérique du Nord, l’épopée moderne se caractérise par la succession de courants tentant chacun de répondre à ces nouvelles problématiques: l’art nouveau, dont l’architecte belge Victor Horta peut être considéré comme le fondateur, puis la tendance constructiviste pré-rationaliste avec Henri Louis Sullivan et les gratte-ciels de l’école de Chicago, qui connaitra deux grandes phases. Une première de 1890 à 1907, ayant servi à établir les bases nécessaires à la seconde de 1907 à 1914 dont Luciana Motto Muret qualifiera dans le numéro spécial « Doctrines » de L'Architecture d’Aujourd’hui de 1972 de « tendance à faire valoir la technique constructive; caractérisée par une série d’expériences qui se développent au même moment en Europe et en Amérique ».

François Loyer en préface de Peter Collins qualifiera cette singularité: « Le mouvement moderne est né de l’histoire, contre l’histoire. Vis-à-vis d’un passé auquel il ne cesse de faire référence tout en déclarant s’y opposer, il affiche la continuité autant que la rupture. »14 Pourtant, l’aspiration à une nouvelle architecte ne sera pas possible sans l’invention de nouveaux systèmes de construction, et c’est dans ceux-ci même que résultera l’avènement de nouvelles formes: « il était impossible qu’apparaisse une architecture véritablement nouvelle et universelle 10

voir Annexe 2

Courant architectural qui aspire mélanger des éléments empruntés à différents styles ou époques de l’histoire de l’art et de l’architecture. Il se manifeste entre 1860 et 1920 et commence l’époque moderne.

11

PUPPI, Marcello, 1998. Pour une histoire non moderne de l’architecture brésilienne: questions d’historiographie, Campinas: Pontes.

12

13

Ibidem

COLLINS, Peter (1965) « L'architecture moderne: principes et mutations (1750-1950) » Marseille, Editions Parenthèses, DL 2009, 491 pages.

14

9

avant l’invention de nouveaux systèmes de construction, ce qui ne se produisit pas avant l’essor commercial, durant les années 1890, des charpentes en acier et en béton armé. »15 Trois évènements singuliers témoignent de cette transformation. D’abord, en 1922,

au lendemain de la première guerre mondiale et dans le but de célébrer le premier siècle de l’indépendance du Brésil16 , Sāo Paulo accueille la Semaine de l’art moderne17 . Du 13 au 17 février, se rassemble l’avant-garde littéraire et artistique au Théâtre municipal de São Paulo. Au lendemain de la première République du Brésil et de l’abandon du système monarchique, cet évènement marque la première manifestation artistique collective et publique de l’histoire culturelle brésilienne.

L'impulsion sera initiée par le Grupo dos Cincos, composé notamment de la peintre Tarsila do Amaral, et son oeuvre la plus connue, Abaporu18, considérée comme le symbole du modernisme pictural brésilien19. Mário de Andrade20 , poète et romancier, sera un de ses membres également et s’exprimera sur ce désir de renverser le mode de pensée traditionnel établit:

« Nous désirons seulement être actuels. Actuels de France et d’Italie comme d’Amérique du Nord et de Sāo Paulo. Y a-t-il des exagérations dans notre art? C’est naturel. On ne construit pas un gratte-ciel sur un château mauresque. Il faut d’abord renverser la lourde pierre des préjugés, pour élever ensuite d’autres vérités, qui seront des préjugés dans un avenir très proche. Si, dans la science elle-même, les « vérités » s’écroulent sous la pression des Einstein, quid de l’art? Fait de mode et de sensibilité? Nous voulons être actuels, libres des canons usés, incapables d’objectiver avec précision l’élan heureux de la modernité. »21

15

Ibidem page 13

Le Brésil est découvert en 1520 par Pinzón, navigateur espagnol, mais selon le traité de Tordesillas de 1494, le Brésil est attribué au Portugal et sera colonisé jusqu’en 1807. L’arrivée du roi du Portugal João VI, qui sera succédé par son fils, Pedro I, premier empereur du Brésil fait accéder le Brésil à l’indépendance le 7 septembre 1822.

16

17

connue sous le nom de « Semana de Arte Moderna » en portugais.

18

Voir Annexe 3.

dont on associe les racines au cubisme et au futurisme apparu en Europe avant la première guerre mondiale.

19

DE ANDRADE, Mario (1893-1945), poète, romancier, musicologue, critique d’art, collectionneur. Il est devenu une référence de la génération des modernistes avec la publication de Paulicéia Desvairada en 1922, et poursuivra son influence sur la littérature brésilienne jusqu’au XXIème siècle.

20

21

DE ANDRADE, Mario, La Gazette, Boaventura, 1922, p 41-42.

10

En 1928, la Casa Modernista22 de l’architecte ukrainien Gregory Warchavchik23 est considérée comme la première réalisation moderne qui rompt avec les formes traditionnelles connues jusqu’à lors. Située à São Paulo, elle est conçue suivant les cinq principes du mouvement moderne: utilité, rationalité, confort, ventilation et luminosité. Sa femme, Mina Kablin Warchavchik y conçoit un des premiers aménagement paysager moderne du pays. « Il substitue au plan unique un jeu de volumes enchâssés dans plusieurs plans. Bien que sa composition reflète une esthétique clairement cubiste, le choix d’y implanter la végétation locale organise l’harmonie entre le bâtiment et son environnement. Ce choix est salué par les observateurs de l’époque: « Je n’ai jamais eu une impression plus forte de maison brésilienne [...] comme quand j’ai visité sa maison de ligne forte et claire, toute construite de ciment, fer et verre, à l’intérieur d’un cadre de gigantesques cactus nationaux. L’œuvre était brésilienne car elle était un mariage intelligent entre l’esprit de l’homme et les caractéristiques de la terre. » 24

Enfin, les écrits de Le Corbusier constituent un point de départ dans l’évolution de la pensée des architectes brésiliens. Oscar Niemeyer affirma d’ailleurs que son intérêt pour le modernisme s’était constitué à la suite de lectures des écrits de ce dernier. Ces deux voyages en 1929 et 1936 ne feront que renforcer cette influence25: « Les voyages que Le Corbusier a effectué au Brésil ont pu constituer des points de départ incontestables pour l’instauration du « modernisme » comme modèle architectural dominant. »26 L ’architecte Roger Zmekhol confirmera également cette parenté: « (la semaine de l’Art Moderne), créant les conditions à la pénétration des idées du mouvement moderne au caractère international, qui ici, furent appuyées avec la venue de Le Corbusier en 1929. »27 Pourtant, c’est plus de dix ans après la construction de la Casa Modernista que Le Corbusier arrive à Rio afin d’aider Lucio Costa à concevoir le Ministère de l’Éducation et de la Culture. Ayant laissé une empreinte évidente dans les mentalités brésiliennes, il est important de souligner que la capacité de la nouvelle génération à se réinventer ainsi n’a pas été seulement possible grâce à l’intervention de ce précepteur moderne. Le Brésil a su être une terre fertile à la réception d’un nouveau mouvement et c’est avec une aisance certaine que les architectes brésiliens se sont emparés et se sont appropriés les concepts modernes venus d’Europe.

22

Voir Annexe 4.

23

WARCHAVCHIK, Gregory (1896-1972), arrivé au Brésil en 1923 et naturalisé en 1927.

BOURGADE, Cécile, Oscar Niemeyer et le Brésil : précédents et influences d’un contexte de création, Journal des anthropologues 2013/3 (n° 134-135) 24

Les CIAMs, conférences internationales de l’architecture moderne seront également suivies de près par la nouvelle génération.

25

DURAND, José Carlos. Négociation politique et rénovation de l’architecture, Le Corbusier au Brésil. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 88, juin 1991. Les avant-gardes. p-4 26

27

ZMEKHOL, Roger, page 15. Traduction du portugais de l’auteure.

11

Lucio Costa expliquera au sujet du Ministère de Rio, considéré comme le premier bâtiment moderne brésilien à ses yeux: « de toute façon, l’architecture moderne serait arrivée au Brésil, comme elle est arrivée dans tous les pays. Elle était arrivée par l’intermédiaire de Warchavchik et de Flavio de Carvalho, mais si Flavio de Carvalho était resté à Londres ou Warchavchik à Rome, d’autres architectes auraient introduit au Brésil l’architecture moderne. Ce qui s’était passé à Rio en 1936 était tout à fait différent: le ministère de l’Education n’était pas la copie ou l’adaptation d’une mode européenne, c’était une création originale. C’était la première fois qu’on utilisait les brise-soleil, c’était un chapitre de l’histoire de l’architecture du XXe siècle. » Politiquement, on assiste à la création d’un nouvel homme brésilien. La construction de Brasilia28 par Lucio Costa et Oscar Niemeyer en 1960, cinq ans après l’élection de Juscelino Kubitschek à la tête de l’état, témoignera de cette impulsion à créer un « nouveau Brésil », résolument moderne, et qui se voudra tenir la promesse de rattraper « 50 ans d’architecture en 5 ans »29 : « Les principes de l’architecture moderne « à La Corbu » ont croisé là, la dynamique impulsée par Kubitschek, une culture avide de modernité, mais aussi une tradition de l’habitat, une culture vernaculaire, un climat et une nature. » 30

Rapidement, l’architecture brésilienne fait parler d’elle et ne tarde pas à s’immiscer dans les publications spécialisées internationales. En 1952, c’est la revue Architecture d’Aujourd’hui qui publie un numéro spécial sur le Brésil 31. Ce numéro dresse un panorama de la production architecturale brésilienne de 1935 à 1947 et aura notamment un retentissement conséquent en France32. En effet, Gilles Ragot dans le chapitre VIII de La réception de l’architecture du mouvement moderne: image, usage, héritage33 publié en 2002, écrit sur la réception de l’architecture brésilienne à Royan. Il y remarque un phénomène singulier: la tropicalisation de l’architecture balnéaire qui influence considérablement la reconstruction de la ville. L’ architecture de la ville ose adopter des formes plus libres, des courbes par exemple.

28

voir Annexe 5.

Mots prononcés par Juscelino Kubitschek lors de sa campagne électorale concernant le projet de Brasilia.

29

DE PORZAMPARC, Christian, Filations franco-brésiliennes: du Rio d’Agache à la Cidade da Musica, Les cahiers de la recherche architecturale, 2006, 18/19 “Brésil France”, p.137 30

31

L’architecture d’aujourd’hui, 1952, 42/43-45 “Brésil”

À souligner que c’est la première fois que la revue l’Architecture d’Aujourd’hui consacrera un numéro entier à un pays étranger.

32

RAGOT, Gilles, La réception de l'architecture du Mouvement moderne : image, usage, héritage : Septième conférence internationale de DOCOMOMO, Paris, 16-19 septembre 2002 33

12

En quelques décennies, l’architecture moderne brésilienne réussit à démontrer au monde entier sa capacité d’adaptation et sa force d’émancipation. Les grandes villes brésiliennes changent de visage au gré des constructions modernes, elles sont libres et courbes chez Niemeyer, notamment Rio et Sāo Paulo où la réception y est la plus intense.

En parallèle, le Brésil connaît de profondes transformations dans sa structure économique et sociale. D’une nation majoritairement rurale, productrice de denrées tropicales rares tels que le café principalement, la canne à sucre ou l’arachide destinées à l’exportation. Le Brésil se transforme rapidement en une nation semiindustrielle. Vite acquise, cette prospérité prendra fin avec la crise mondiale de 1929. Le Brésil doit se retourner vers lui même et survivra grâce au commerce du café. De l’agriculture d’exportation, le système brésilien se retourne vers l’industrie.

Le processus d’industrialisation est rapide et intense et « dans de telles conditions une rapide intensification du processus d’urbanisation était à prévoir.»34 Les chiffres de la croissance dans le secteur de la population impressionnnent et ne tardent pas à se faire ressentir sur l’urbanisation.

La représentation la plus notable de cet essor industriel sera l’urbanisation vertigineuse que connait la ville de São Paulo à partir des années 1930.

Politiquement, le pays connait tôt une inconstance inquiétante, qui présage les années de dictature à venir. L’arrivée au pouvoir de Getúlio Vargas, président nationaliste et autoritaire de la gauche brésilienne, marque le début d’un climat politique plus qu’instable. Personnage au coeur du XXème siècle brésilien, il dirige pendant deux mandats, le dernier ira jusqu’en 1954, date à laquelle il se suicide.

Son arrivée au pouvoir en 1930 par un coup d’Etat qui prit la tournure d’une révolution se veut être une politique d’ »industrialisation par substitution des importations ». Cette politique aura un impact positif sur la capacité du Brésil à devenir une nation plus indépendante, notamment dans le monde de la construction: une grande partie des matériaux n’étant plus importés, les industries d’acier, de verre et de béton voient le jour. Celles-ci ayant un impact considérable sur le développement industriel et urbain des villes brésiliennes, Pierre Monbeig, géographe français spécialiste de l’Amérique du Sud dira à ce sujet: «de la civilisation du Brésil colonial à la civilisation américaine, la marge est grande. Une ville qui passe de l’une à l’autre en quelques décades doit porter des traces d’une telle mutation.35 »

FURTADO Celso. Au Brésil : économie, politique et société. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 21ᵉ année, N. 4, 1966. pp. 832-841. p.834 34

35

MONBEIG, Pierre, La croissance de la ville de São Paulo, 1953, p 61

13

14

15

Introduction

méthode de travail _________________ L ’intention de ce travail est de révéler dans quel contexte social, politique, économique et architectural l’édifice Wilton Paēs de Almeida s’est construit. À l’image de l’arrivée du mouvement moderne au Brésil, cette étude se voudra être une analogie à l’échelle de l’édifice du processus de création architectural brésilien et la création d’une identité forte malgré d’importantes influences européennes. À travers cette étude du contexte et donc des facteurs extérieurs intrinsèques qui ont amené à sa construction, l’objectif est de démontrer, que derrière cette ressemblance formelle à d’autres édifices, il existe dans l’attitude de l’architecte Roger Zmekhol un caractère innovant. Celui-ci étant intiment lié à l’époque, mais également à la localisation. En effet, il serait impossible d’analyser cette oeuvre sans penser aux problématiques climatiques qu’elle impose. Ainsi, ce présent mémoire tentera premièrement d’expliquer efficacement l’arrivée du mouvement moderne au Brésil au début des années 1920, en dressant les principaux évènements et acteurs clés.

Ceci dans un constant aller retour de l’échelle du phénomène culturel brésilien à la conception du Wilton Paēs de Almeida dans une optique de comprendre une même logique d’acculturation et de généalogies définit par Yannis Tsiomis. À travers un premier constat sur le discours et les attitudes constructives de Roger Zmekhol, en lien avec un langage esthétique et théorique commun aux mouvements rationaliste et fonctionnaliste. Puis il s’agira de confirmer cette parenté théorique par l’analyse de réalisations telles que le Seagram Building de Mies Van Der Rohe, ou encore le Lever House de Skidmore & Orwells. Celle-ci amenant nécessairement à la découverte du caractère innovant et singulier du Wilton Paēs de Almeida et écartera ainsi toute hypothèse simpliste d’un « copiécollé ». Enfin, il importera d’admirer le bâtiment à travers sa chronologie, singulière et symbolique, afin d’observer le lien entre la conception du bâtiment dans les années soixante et sa réception sur les cinquante années qui suivent en tant que bâtiment-évènement, jusqu’à son écroulement en mai 2018.

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18

19

1.

LE CONTEXTE DE CRÉATION ET LA FORME STRUCTURELLE: INFLUENCES DES PARADIGMES MODERNES. INFLUENCES?

______________________

20

21

1— Première partie

Des phénomènes de création à la commande

__________________

De l’ « acculturation »

« Dès qu’une idée se propage et parait adoptée, elle s’adapte, se modifie, se « naturalise », à l’image de l’import-export. D’une part, parce que si les conditions de réception du modèle sont absentes, ce dernier est tôt ou tard rejeté; d’autre part, parce que si le modèle est rigide et indéformable — sauf s’il est imposé manu militari —, il ne peut pas s’enraciner. Si donc, comme au Brésil, on assiste à un phénomène d’acculturation, c’est parce que deux conditions sont réunies: une réceptivité pour « importer » la nouveauté, et une plasticité de cette dernière pour pouvoir l’ « exporter » , sans l’imposer par la contrainte. »

Yannis TSIOMIS dans « Paris-Rio... et retour, le projet de paysage de Le Corbusier » Les cahiers de la recherche architecturale, n°18/19, p 67-78, 2006

22

À la « généalogie »

« Le Corbusier qui, un beau jour, après avoir « batifolé » sur le bateau qui l’emmène à Rio avec Joséphine Baker, débarque, regarde, est ébloui par le paysage et, à son tour, éblouit la jeune génération d’architectes brésiliens.

De là naît, comme par enchantement, l’architecture moderne brésilienne, nous dit-on!

Mais l’histoire est faite non seulement de rétroactions, mais aussi de contre-dons, et de cet échange de présent que je traiterai ici.

Si par « influence » on entend le transfert d’un modèle et son application à l’identique, d’un continent à un autre ou d’un pays à un autre, ceci est alors assurément anhistorique. C’est la raison pour laquelle je préfère parler de « généalogie » de l’architecture et de l’urbanisme brésiliens, qui aboutissent à la naissance de Brasilia, en passant par le pavillon de New York de Niemeyer et Costa et par Pampulha, notamment. Généalogie, car la notion d’influence est « maigre » et surtout parce que, pour l’histoire des idées, de l’art et de l’architecture, il n’est pas pertinent de parler d’influence sans parler de réception. »

Yannis TSIOMIS dans « Paris-Rio... et retour, le projet de paysage de Le Corbusier » Les cahiers de la recherche architecturale, n°18/19, p 67-78, 200636

36

voir Annexe 6.

23

Ce travail désire faire des rapprochements entre les théories et la production d’architectes moderne brésiliens, européens et américains. Dans l’objectif à la fois de comprendre la raison à une certaine ressemblance formelle mais également de mettre en lumière la particularité, si il y a de l’édifice brésilien en question. Ainsi, le contexte de création sera le point de départ à l’étude de la conception de l’édifice Wilton Paes de Almeida. Et c’est à travers la compréhension d’un contexte de création plus large, et des phénomènes qui en sont liés, à l’échelle du pays que se commence l’analyse. Il s’agira de révéler la présence d’une identité brésilienne dans l’oeuvre. Identité qui s’est forgée grâce à la recherche rigoureuse et incessante de caractéristiques propres, en lien avec des techniques, des matériaux, un contexte climatique et urbain.

De sa définition première l’acculturation est l’ensemble des modifications qui se produisent dans un groupe culturel — concernant la manière d'agir, de percevoir, de juger, de travailler, de penser, de parler — par suite du contact permanent avec un groupe (généralement plus large) appartenant à une autre culture.37 Ainsi, il sera de ce demander comment l’édifice Wilton Paēs de Almeida est représentatif de cette acculturation, portant les traces à la fois de la réception des théories modernes, dont les appartenances spécifiques seront révélées, et à la fois, de cette plasticité, dans le sens ici, de l’affranchissement des contraintes techniques pour créer une oeuvre résolument brésilienne.

Face à la liberté et à la pugnacité dont les architectes modernes brésiliens ont fait preuve au cours du XXème siècle, aborder la notion d’influence en son sens premier serait alors inconsistant. Il est même insignifiant de penser qu’il n’eût s’agit que de l’assimilation des théories européennes dans un paysage brésilien sans mettre en lumière la révolution architecturale, technique, sculpturale et sociale qui en découle.

L’ analyse de l’édifice Wilton Paēs de Almeida se voudra être, à son échelle, dans la continuité du raisonnement de Yannis Tsiomis sur l’analyse de l’arrivée des idées modernes au Brésil. Dans l’idée constante que, certes, des généalogies se sont faites, d’un pays à l’autre — l’histoire européenne s’étant écrite plus tôt — mais que ces généalogies, ont été forcément induites par la réception de ces théories, celle-ci portant en elle-même le noyau fertile de la vocation de l’architecture brésilienne à devenir libre et unique. À travers la mise en lumière de ces généalogies, il s’agira de révéler comment Roger Zmekhol, a reçu ces théories européennes, rationalistes et fonctionnalistes, tout en les adaptant à un contexte particulier et a des contraintes particulières. Ainsi, la question de la réception de ces théories est ici primordiale afin de comprendre ce qu’il en a été des choix adéquats de systèmes existants des théories modernes européennes, autant qu’il en a été dans les choix de systèmes innovants ou avantgardistes adaptés à la commande, et surtout essentiellement, à la localisation.

37

définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales.

24

Ainsi, observer les choix esthétiques de Roger Zmekhol non pas comme une finalité mais comme un moyen mis en place pour développer des systèmes innovants. C’est là l’ingéniosité du propos de l’architecte, réussir à adapter à un contexte climatique tropical, des théories pensées pour un climat européen ou nord-américain, où les chaleurs n’ont jamais fait l’objet d’obstination. À la sortie de ses études en 1952, Roger Zmekhol se lance dans l’écriture d’une thèse qu’il nomme « Caractéristiques environnementales de l’immeuble de bureau».

Sa rédaction dure plus de vingt ans et chaque système évoqué sera accompagné d’essais et d’analyses chiffrées pour en appuyer l’utilisation. Il s’inscrit à de nombreux cours, qui traitent notamment des questions de lumière naturelle et de confort thermique, et ira jusqu’à participer à des symposiums à l’Institut de l’Organisation Rationnelle du Travail de Sāo Paulo afin de s’immerger dans les préoccupations de son temps. Elles portent à la fois sur la configuration de l’espace de travail mais également des systèmes climatiques innovants comme clé du confort des employés (et inéluctablement de la production économique de l’entreprise).

Enfin, ses analyses se voudront toujours en lien avec une époque, du début des années soixante jusqu’au années quatre-vingts, et un contexte, Sāo Paulo, ville tropicale en plein essor industriel qui atteint bientôt quatre millions d’habitants en 196038.

38

Données de l’IBGE, Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques.

25

Roger Zmekhol et la Compagnie de Verre du Brésil, de l’importance du programme dans la conception

En 1960, Roger Zmekhol se voit attribué la conception du siège de la Compagnie de Verre du Brésil.

Roger Zmekhol est né à Paris en 1928 de parents syriens ayant fuit la persécution. Après s’être installés en France quelques années, ils partent rejoindre de la famille habitant le Brésil. Ils s’installent à São Paulo, et à l’âge de vingt ans, Roger Zmekhol commence une formation à la Faculté d’Architecture et d’Urbanisme de l’Université de São Paulo. En 1952, il finit ses études et commence un doctorat sur l’environnement des tours de bureaux. Pour ses recherches, il s’entoure de spécialistes, suit des cours à la faculté de São Paulo, notamment ceux de Gio Ponti en 1951 sur la composition décorative et de Luige Nervi en 1954 sur la structure. En parallèle, il ouvre son bureau d’architecture rue Haddock Lobo en compagnie d’Antonio Luiz de Anhaia Mello. Le bureau comptera cinq collaborateurs et une dizaine de dessinateurs. À seulement trente-trois ans, il compte déjà de nombreux projets réalisés dont des résidences familiales pour de riches clients paulistes.

Durant près de vingt ans, il se passionne pour la théorie et la pratique, dans de constants aller-retour entre hypothèses et constats. Il s’intéresse à « l’expérience universelle » — comme il la nommera — à travers les écrits, mais aussi les voyages, du Brésil au Japon, en passant par l’Amérique, et l'Europe. Il est un architecte curieux, à la volonté profonde d’apprendre de ceux qui ont construit avant lui. À quarante ans, il compte déjà plus d'une trentaine de projets de résidences réalisées39, plus du quinzaine d’édifices commerciaux, et six projets d’édifices industriels. Il est s’ouvre à toute sorte de commande, de l’architecture d’intérieur, 39

Voir annexe 7.

26

qu’il dessine pour les banques de Rio, Salvador, São Paulo, Brasilia; aux édifices sportifs, religieux, hospitaliers… Dès sa sortie de l’école en 1952, il participe à de nombreux concours dont il obtiendra souvent les premier prix. Il assiste régulièrement aux Salons Pauliste de l'Art Moderne, où il participe en 1957. Puis aux Biennales de Sāo Paulo40, où il y présente en 1952 un projet d’école et de centre sportif, avec lequel il remporte le premier prix d’architecture. En 1970, il participe à la dixième Biennale en présentant le projet de l’édifice Wilton Paes de Almeida, avec dans la liste des architectes présents, l’architecte allemand Mies Van Der Rohe, qui s’avèrera être un de ces maîtres modernes, s’y sont-ils rencontrés? Peut-être.

La Compagnie de Verre du Brésil, créée au début des années cinquante de la fusion des deux premières entreprises de verrerie du pays, est spécialisée dans les produits verriers allant de miroirs, aux vitrines commerciales, en passant par des pièces automobiles41. Desservant à la fois l’industrie du meuble et la construction civile, elle contrôle dans les années soixante plus de la moitié de la distribution nationale. À sa tête, Sebastião Wilton Paes de Almeida, un des quatre fils de Gregorio Wilton Paes de Almeida, fondateur de la Banque Nationale du Commerce de São Paulo.

C’est à l’époque une des familles les plus importantes du Brésil, qui détient de nombreuses entreprises: Oleogas, Socomin, Banco Mineiro, la CVB… Sebastião sera d’ailleurs élu ministre des finances sous Kubitschek42.

Ainsi, la commande exigera deux contraintes. Afin de recevoir les nombreuses entreprises de la famille, l’espace doit être libre et flexible afin que ces dernières puissent s’organiser comme elles le souhaitent. Et, afin de montrer l’excellence et la modernité de la Compagnie de verre du Brésil, le verre devra être dans sa mise en oeuvre, un exemple d’innovation et un fier représentant de ses capacités esthétiques et mécaniques. Roger Zmekhol, pour répondre à ces contraintes, met en place deux solutions: le plan libre et le mur rideau. À travers ses recherches de thèse, qui durent plus de vingts ans, il étudiera la forme structurelle en lien avec des systèmes mécaniques innovants. Ces derniers lui seront essentiels à la mise en oeuvre des solutions choisies dans le contexte climatique de Sāo Paulo.

La parcelle sera choisie par l'architecte et le commanditaire, et se voudra être dans le quartier Centre de Sāo Paulo, position stratégique entre deux rues très passantes de la ville, en face d’une petite place dégagée et animée. La parcelle est étroite, elle mesure vingt mètres de large sur trente mètres de long, et contraint un plan rectangulaire de 650 m2 en Rez de chaussée afin de respecter la continuité du front bâti par rapport à la rue.

Le premier étage bénéficie ainsi de la terrasse créée par l’emprise du Rez de chaussée, puis le plan des étages s’affine, mesurant 14,5 mètres de large sur toute la hauteur du bâtiment. Cela permet entre autre d’augmenter la sensation de

40

Voir annexe 8.

41

Voir Annexes 9 et 10.

21ème président de la République de Brésil de 1956 à 1961. Président à l’initiative de la construction de Brasilia en 1960.

42

27

modernité et de monumentalité, l’édifice est mis en scène: les vingt quatre étages en verre reposent sur un socle en béton plus étroit.

Ainsi, Roger Zmekhol concevra l’édifice jusqu’en 1965 et attachera une importance particulière à la question du programme: la tour de bureau. Il effectuera un travail de recherches important sur sa spatialité, les techniques constructives qui s’y rattachent, mais également sur les systèmes environnementaux qui ont rendu possible l’existence d’une tour de verre à São Paulo. En liant le tout dans une vision d’ensemble claire et efficace, il mettra en place une méthode architecturale, à la fois scientifique et économique, lui permettant de faciliter les nombreux projets d’édifices commerciaux qui suivront. En 1965, l’édifice est inauguré et pour rendre hommage à un des frères de la famille décédé pendant la construction, il portera son nom, l’édifice Wilton Paēs de Almeida.

28

1— Seconde partie

L’inscription dans un langage commun l’espace et la structure chez Roger Zmekhol

___________

L’aspiration à une nouvelle architecture, Assimilations et distinctions des théories fonctionnalistes « Une grande époque vient de commencer »43 affirmait Le Corbusier en 1923 dans Vers une architecture. Le début du XXème siècle marque en Europe le début d’une aspiration commune à une nouvelle architecture. De cette aspiration commune, qui animera divers courants de pensée, il s'agira ici d’appréhender — à travers les références propres à Roger Zmekhol, mais également, les théories, et/ou précurseurs auquel il semble s’affilier — quels ont été les principes fondateurs de la pensée de l’architecte brésilien.

Ce sentiment sera en lien avec un désir précoce chez les architectes modernes, de partage et d’échange de leurs idées. Cela suit l’idée convaincue d’une génération d’architectes, que la modernité implique pour reprendre l’expression de Louis Henri Sullivan dans Considérations esthétiques sur la hauteur des bâtiments, une « normalisation » des savoirs et connaissances.

Sous tendant ainsi une vision de l’architecture plus universelle. Le mouvement moderne, plus qu’aucun autre, a été le témoin d’un élan considérable à la création de relations internationales entre les architectes. À travers l’émergence de congrès internationaux, de publications traduites en plusieurs langues dans les revues spécialisés, de colloques et autres rencontres intercontinentales, les architectes modernes aspirent à la création d’un style commun. Celui ci portera explicitement les intentions de son action et se nommera le style international. Il s’opposera à la confusion crée par l’éclectisme, et rassemblera toute l’architecture aspirant à la rationalité de la forme, à la maîtrise technologique et aux savoir-faire techniques en lien avec la notion de progrès.

43

Le Corbusier en 1923, dans Vers une architecture, 254 pages.

29

Si l'on considère la définition de Claude Massu en préface de l’édition française de l’ouvrage Le style international co-écrit par Henry-Russell Hitchcock et Philip Johnson — suite à l’exposition « Modern Architecture: International Exhibition » au Museum of Modern Art de New York en 1932 — « il s’agissait de désigner l’architecture de prismes dépouillés en verre, béton et acier qui a dominé l’architecture occidentale après 1945 » alors, il est évident que Roger Zmekhol est un fier partisan de ce style.

Mais, si l’on revient aux origines d’une telle appellation, on retrouve les précurseurs du fonctionnalisme, Louis Henri Sullivan et Horatio Greenough, qui seront suivis, par Le Corbusier, ou encore Le Bauhaus avec Walter Gropius. Ces derniers ayant certainement donné le mot d’ordre à une série colossale de productions de l’architecture moderne au XXème siècle, qui se rassembla derrière cette dénomination de « style international ».44

Dès l’introduction de sa thèse, Roger Zmekhol réserve une place particulière aux références théoriques auxquelles il s’affilie. Elles font office d’un état de l’art qu’il nomme « l’expérience universelle », qui ne sont autres que les théories liées à ses différentes préoccupations. Quelles soient générales, comme l’apparition de nouvelles techniques constructives en lien avec de nouveaux matériaux, ou propre à la conception du Wilton Paēs de Almeida, premier gratte-ciel d’une longue série qu’il conçoit en 1960. Cette démarche lui permet d’aborder les préoccupations de son époque mais également d’en considérer les conséquences éclectiques à travers les productions de certains architectes modernes, de Walter Gropius à Kenzo Tange.

Ainsi, il semble s’affilier aux théories fonctionnalistes de différents architectes, avant d’appartenir de fait à un style qui les rassemble. Rappelons que le fonctionnalisme ne s’impose pas comme une théorie générale, mais plutôt comme une contribution évolutive de chaque architecte à une pensée certes commune, mais qui comporte en fonction des époques, et de l’origine, de nombreuses divergences. Roger Zmekhol, d’après l’article de Jürgen Joedicke, dans le numéro 158 de la revue l’Architecture d’Aujourd’hui de 197245, citera le passage suivant afin de présenter la genèse de cette pensée: « À la genèse du fonctionnalisme avec Horatio Greenough et Louis Sullivan il n’existait pas de théorie du fonctionnalisme au sens d’un corps de doctrine logique. On trouve, au contraire, dans les publications, une série d’articles consacrés à une étude fragmentaire de la relation entre fonction et forme. Il est significatif que l’article essentiel, contenant l’affirmation souvent citée et souvent mal comprise « Form follows function », soit intitulé de La qui sera pourtant critiqué par Walter Gropius, ou encore Hugo Haring, qui préfèreront parler ici d’ « essence de la tâche constructive » 44

45

L’Architecture d’Aujourd’hui, « Doctrines », 1972, n°158.

30 tour de bureaux artistiquement considérée. Louis Sullivan, auteur de cet article, en 1896, est généralement considéré comme le créateur d’une conception fonctionnaliste au sein de l’architecte moderne. Des recherches récentes ont toutefois montré qu’une partie importante de ses conceptions reposent sur les études de Horatio Greenough.

Greenhough et Sullivan sont les deux théoriciens dont les réflexions ont influencé les théories fonctionnalistes jusqu’à ce jour. »46

Ce qu’il retiendra de Louis Henri Sullivan, architecte et théoricien américain fondateur de l’école de Chicago, sera la question — qui a surement animé durant plus d’un siècle toute une génération d’architectes — du lien entre la fonction et la forme d’un bâtiment: la fonction d’un bâtiment doit elle être le point de départ de la conception et donc en induire directement sa forme?

L’architecte américain l’affirmera dans son ouvrage de 1896, La tour de bureaux artistiquement considérée47 et ce qui deviendra l’une des citations manifeste de l’architecture moderne « Form follows function »48 . De son côté Roger Zmekhol, à travers les allégeances à l’architecte américain, mais également de nombreuses études théoriques sur l’espace de bureau, montre une considération généreuse du programme comme point de départ à toute conception spatiale, et non l’inverse, ceci le rapprochant d’une attitude fonctionnaliste. Il restera fidèle à l’idée fondatrice de Louis H. Sullivan, suivant laquelle chaque problème contient et suggère par nature sa propre solution. Idée qu’il tentera d’appliquer à ces projets en essayant sans cesse de trouver des solutions techniques économiques répondant à l’essence de la fonction commandée par le programme, celles-ci s’adaptant aux problématiques environnementales que le contexte brésilien induit.

Les idées impulsées par le Bauhaus — école d’art et d’architecture fondée à Weimar en 1919 par Walter Gropius, qui deviendra un mouvement à part entière alliant l’art et la technique — seront également étudiées par l’architecte brésilien. Encore une fois, prouvé au moyen des citations présentes dans ses écrits, mais également à l’image de la méthode qu’il va mettre en place afin de concevoir le siège de la Compagnie de Verre du Brésil.

Méthode qui sera le fruit d’une liaison indispensable entre les études théoriques et les applications pratiques, toutes deux nourries par un travail expérimental préalable. Au delà d’une question de méthode, ceci deviendra une attitude affirmée par l’architecte à l’échelle de sa carrière, où il exercera à ZMEKHOL, Roger, « Caractéristiques environnementales des immeubles de bureau » thèse de doctorat en architecture, sous la direction des professeurs Lucio Grinover et Helio Queiroz Duarte, Faculté d’architecture et d’urbanisme de l’université de Sāo Paulo, 1972, 188p, p.9.

Traduction de l’auteure.

46

Il y dresse les cinq conditions pratiques nécessaires à la conception des nouvelles formes du monde moderne, se référer à l’annexe n° 11 47

48

en français « La forme suit la fonction »

31

la fois la pratique — avec plus de cinq cents projets réalisés à São Paulo — en lien avec des recherches théoriques propres à chaque projet. Son rôle important sur la scène pédagogique de l’école d’architecture de l'Université de São Paulo, et son implication dans la conception du mobilier et la décoration intérieure de ses projets, participe à cette idée de lier les domaines artistiques49 . L’aspiration à une architecture fonctionnelle utilisant des matériaux issus de la seconde révolution industrielle, à savoir le béton, le verre et l’acier, est également fondamentale pour l’architecte brésilien. Il cite notamment Walter Gropius dans son ouvrage Apollon dans la démocratie: la nouvelle architecture et le Bauhaus: « Le nouveau dessin des bâtiments emprunt de la réalité est apparu avec l'émergence d'un nouveau concept d'espace. Ces changements, grâce à des moyens techniques et constructifs nouveaux nous permettent de diriger les résultats incorporés vers les différents aspects de la nouvelle architecture. »50

La recherche incessante d’un espace de travail de qualité l’amène à s’intéresser également aux écrits de Le Corbusier, dont il lira Vers une architecture51 et De la fenêtre au pan de verre52, et dont il adoptera le rapport à la lumière comme question fondamentale de la relation entre l’homme et l’architecture: « Espace et lumière. Voilà ce dont les hommes ont besoin autant qu’ils ont besoin de pain ou d’un endroit pour dormir. » 53 citera Roger Zmekhol en affirmant ces préoccupations sur le confort lumineux, qui feront bientôt l’objet d’analyses précises.

L ’influence de Le Corbusier sur les architectes brésiliens sera une fois de plus confirmée: l’ allégeance non référencée de Roger Zmekhol à la Chartes d’Athènes54 confirme l’impact qu’il a pu avoir dans les mentalités brésiliennes.

L’architecte brésilien s’exprimera sur l’organisation spatiale des villes: « Traditionnellement, les villes ont été pensées à travers l’équilibre de quatre fonctions: habiter, travailler, circuler, jouer. »55. L’ utilisation du terme « traditionnellement » témoigne de cet héritage des théories corbuséennes, déjà ancré au Brésil comme une sorte de tradition.

49

se référer au CV de l’architecte en annexe 12.

Ibidem, page 11 dans Apollon dans la démocratie: La nouvelle architecture et le Bauhaus, 1969. Traduction du portugais de l’auteure.

50

51

Le Corbusier, Vers une architecture, 1923, 254 pages.

Le Corbusier, De la fenêtre au pan de verre, 1961, Paris, Collection actualité du verre, PVP. 64 pages.

52

53

Ibidem page 24

A constitué l’aboutissement du 4ème Congrès International d’Architecture Moderne (CIAM) en 1933.

54

55

Ibidem, page 19

32

Fig.2. Photographies de la façade mur rideau de l’édifice, 1966

Fig.1 Élévation du mur rideau tripartite avec ouverture centrale fenêtres à guillotine.

« La santé de chacun dépend en grande partie de son interaction avec la nature, le soleil est propice à tout développement et doit pénétrer à l’intérieur de chaque pièce de la maison, quelques heures par jour. Introduire le soleil est le nouveau devoir le plus important de l’architecte. »

Mots prononcés par Le Corbusier pour la Chartes D’athènes, 1933, IVème Congrès des CIAMs.

33

Bien qu’il adopte différentes attitudes et pensées de ses pairs modernes, il sait s’opposer avec conviction à certaines de ces conceptions. Il critique par exemple l’utilisation du brise-soleil — système de lames extérieures servant à diminuer l'inconfort lié au rayonnement du soleil — devenu dogmes de la modernité brésilienne et décrit par Zilah Quezado Deckker dans le catalogue de l’exposition Brazil Built56 , comme « la plus grande contribution originale à l’architecture moderne». Roger Zmekhol les qualifiera de « propices aux sensations de claustrophobie »57, car empêchant une vue dégagée et donc agréable sur l’extérieur. Le problème majeur selon lui étant l’entretien, qui avec « la pollution des centres urbains, alliée à la sulfatation et à la corrosion de l’air, devient très onéreux »58, concluant sur le fait que seul l’architecte brésilien Rino Levi avait réussi cet exploit grâce à la libération d’un espace entre la fenêtre et les brise-soleil facilitant ainsi leur entretien59 .

Enfin, sur la nécessité d’un changement de paradigme de la forme architecturale et de l’importance du fonctionnalisme comme nouveau mode de concevoir, en lien avec une réalité sociale et urbaine, il citera Kenzo Tange, maître japonais de la modernité, pays où il se rendra en 1970 dans le cadre de ce qu’il nomme d’un « voyage d’étude et d’observations » : « L’ architecture vit sous le signe du fonctionnalisme, dans un processus de transformation progressive développé par la société moderne, elle-même ancrée dans un processus de métamorphose profonde. Ayant conscience de leurs propres métabolismes, la croissance et la transformation ont donc été intégrées par l'architecture et la ville. »60

Bien que certains de ces discours aient été prononcés après 1965, ces paroles témoignent d’une intention commune: la technique constructive et l‘importance de la qualité du rapport entre l’homme et l'architecture. L’ utilisation de nouveaux matériaux et des nouvelles techniques constructives — pour ces architectes comme pour Roger Zmekhol — étant les facteurs déterminants de la nouvelle architecture.

QUEZADO DECKKER, Zilah, Brazil Built: The Architecture of the Modern Movement in Brazil, p 81-82. Traduction de l’anglais par l’auteure.

56

57

Ibidiem, page 44.

58

Ibidem, page 44.

59

projet renseigné de « Centre civique de Saint-André » non retrouvé par l’auteure.

Ibidem, page 11 dans Kenzo Tange, architecture et urbanisme, 1946-1969. Editions Gustavo Gilli, 1979.

60

34

Cette attention commune à la rationalisation de l’architecture se fera ressentir également graphiquement. À la vue du croquis réalisé pour l’édifice brésilien, la technique de dessin utilisée par Roger Zmekhol s'apparente au croquis réalisé quarante ans plus tôt par Mies Van Der Rohe, lors d’un concours lancé pour réaliser le premier gratte-ciel de Berlin.

Sur la forme, les deux dessins se confondent par leur technique et par l’utilisation possible des mêmes outils. Un dessin au crayon ou fusain, noir et blanc, avec différentes nuances de gris, qui font apparaître la matérialité particulière du pan de verre, dans lequel on peut lire la présence subtile des dalles en béton. Le ciel est gris, la ville semble lointaine, même presque absente chez Roger Zmekhol, plus en contraste, chez Mies Van Der Rohe.

Sur le fondement, l’architecte allemand propose au début des années vingt, l’esquisse d’un bâtiment radicalement différent, qui porte les intentions de son aspiration à une nouvelle architecture rationnelle. Il abandonne les matériaux traditionnels pour l’usage du verre et de l’acier. Il renonce à l’ornement pour la sobriété. Il rompt avec tout ce qui est superflu pour laisser place à la matière et à la forme structurelle. Continu sur les étages, suspendu comme un rideau aux extrémités des dalles de plancher, les pans de verre se rejoignent et forment un angle saillant. La perspective utilisée par les deux architectes laisse l’impression d’un monolithe de verre émanant du sol, simple, brut, pur, à l’inverse de ce que la ville et l’architecture symbolisait jusque là, surchargée d’ornementations jugées superflues.

L’ édifice se veut être alors totalement ouvert, enveloppé par une fine épaisseur de verre. N’est ce pas là la résultante esthétique de l’intention technique que Roger Zmekhol met en place à travers l’édifice brésilien?

35

Fig.3 Croquis pour le Friedrichstrasse Skyscraper project, Mies Van Der Rohe, Berlin 1921

Fig.4 Croquis pour le Wilton Paēs de Almeida, Roger Zmekhol, Sāo Paulo 1961

36

Les leçons de « l’ expérience américaine », la verticalisation: un langage esthétique et technique Au même titre que Roger Zmekhol qualifie l’ensemble des théories modernes vues jusqu’à lors d’« expérience universelle », il nomme les réalisations d’Amérique du Nord: d’ « expérience américaine ». Rappelons que l’expérience définit la connaissance acquise par la pratique, l’architecte brésilien tend à apprendre de ceux qui ont pratiqué, qui ont expérimenté.

L’ audace, la verticalité et la finesse de l’édifice brésilien ne sont pas sans rappeler l’esthétique de ses ainés modernes. On croit reconnaitre parfois, dans ce qui résulte d’une pensée constructive et de l’utilisation de certaines techniques, le Seagram Building de l’architecte allemand Mies Van Der Rohe, ou encore le Lever House du cabinet Skidmore, Owings and Merril61 , tous deux situés sur Park Avenue à Manhattan.

Ainsi, cette ressemblance formelle interroge. Comment met-il en oeuvre des techniques constructives rationnelles comme le mur rideau? Comment Roger Zmekhol s’approprie t-il une pensée constructive? Cité dans la thèse de l’architecte, qui se tourne, avec son équipe, vers les réalisations nordaméricaines, les États-Unis ont été historiquement la première nation qui a vu s’ériger les immeubles de grandes hauteurs, développant ainsi une maitrise constructive unique de ce type d’édifice.

Il n’est pas nécessaire de réaliser une analyse exhaustive de tous les édifices présentant des similitudes constructives au W.P.A. Premièrement car suivant les précédents constats, il existe chez les architectes la recherche d’un langage Bureaux des architectes américains Louis Skidmore, Nathaniel Owings et John Merrill basé à Chicago et crée en 1936, spécialisé dans la construction des gratte-ciels. La première agence ouvre en 1937 à New York. Aujourd’hui, SOM est la société ayant construit le plus grand nombre de gratte-ciels, notamment le plus haut (828m), le Burj Khalifa à Dubai en 2004.

61

37

esthétique et technique commun, et deuxièmement car l’intention du propos ici est de faire émerger ce qui peut différer de cette attitude commune. Sur la ressemblance formelle, Roger Zmekhol lui même assumait cette parenté. Au début des années soixante, suite à ce qu’il nomme de voyage « d’études de nouvelles tendances dans le champ des techniques de construction », il racontera, dans le chapitre quatre de sa thèse, Matériels et méthode d’investigation: « Comme il s’agissait d’un travail pionnier d’équipements complexes, nous avons cherché à connaître l’expérience américaine (celle à l’époque la plus avancée du secteur), en visitant les centres de recherches de Dupont de Memours, de Pittburgh Plate Glass Company, oeuvres et bureaux des éminents architectes Mies Van Der Rohe, Harrison Abramovitz62, Skidmore, Owings & Merrill, afin de pouvoir développer tout un contenu technique exigé par le programme et pour ainsi, l’adapter aux conditions de Sāo Paulo »63

Cette ressemblance formelle n’est pas étonnante si l’on conçoit que Roger Zmekhol a adopté un raisonnement semblable à celui de l’architecte allemand: « Je suis en fait totalement opposé à l’idée selon laquelle un bâtiment particulier doit avoir un caractère individuel - c’est pour moi plutôt un caractère universel qui doit être déterminé par le problème total que l’architecture s’efforce de résoudre » 64 À la fin du XIXème siècle, c’est à Chicago que les premiers gratte-ciels voient le jour.

En 1881, à la suite d’un gigantesque incendie qui dévaste la ville, l’ingénieur et architecte William Le Baron Jenney a l’idée de construire un immeuble de plusieurs étages grâce à l’usage d’une structure en acier65 . Principe de base mis au point et généralisé par un mouvement qui acquiert une réputation mondiale: l’École de Chicago, dont l’apogée se perçoit entre 1875 et 1905. Cette nécessité de s’ériger en hauteur, a été induite dès l’origine par le besoin de rationaliser l’emprise foncière des bâtiments dans des villes où le coût des terrains se multipliait intensément. Cette impulsion viendra également du besoin naissant d’édifices de bureaux réclamés par une économie tertiaire en plein essor66. Chicago et New York connaitront une prolifération importante de ce système et dès le début du XXème siècle, architectes et ingénieurs américains se vouent à la construction de ces nouveaux édifices, les gratte-ciels. Louis Henri Sullivan s’exprimera à leur sujet dans un article publié en 1896 dans Lippincott’s Magazine « Considérations sur l’art des immeubles hauts pour bureaux » 67: Bureaux des architectes américains Wallace Harrison (1895-1981) et Max Abramovitz (1908-2004), basée à New York et active de 1941 à 1976. Wallace Harrison, connu pour avoir conçu le Rockefeller Center à New York et Max Abramovitz, qui a remporté le prix de Rome en 1961.

62

63

Ibidem, traduction du portugais par l’auteure, page 21.

64

Mies Van Der Rohe, dans Mies Van Der Rohe, Jean Louis COHEN, Hazan, 2007. page 113

C’est le Home Insurance Building, en 1885, immeuble de 42 mètres (10 étages) conçu pour une compagnie d’assurance, considéré jusqu’à lors comme le premier gratte-ciel de l’histoire.

65

66

ZUNZ, Olivier, L’Amérique en col blanc: l’invention du tertiaire 1870-1920, Paris, 1991.

67

cité dans L’ Architecture d’Aujourd’hui n°158, 1972 par Luciana Miotto Muret

38

Fig.5. Lever House

Fig.6. Seagram Building

Fig.7 Wilton Paēs de Almeida

Skidmore, Owings & Merrill New York 1952 —————————————

Mies Van Der Rohe New York 1958 ————————————

Roger Zmekhol Sāo Paulo 1965 —————————————-

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« Le rythme horizontal et vertical se base naturellement sur un local — l’unité de bureau — assez ample et haute pour être confortable. De la même façon qu’il détermine par avance l’unité structurale de base, il détermine également l’ampleur des ouvertures… Il s’en suit inévitablement et de manière simple une définition de l’extérieur d’une construction à plusieurs étages… » Puis, les problèmes fonctionnels étant résolus… « n o u s d e v o n s p r ê t e r b e a u c o u p d’attention à l’impérieuse voix émotive.

Celle-ci nous demande: quelle est la caractéristique principale de l’édifice à plusieurs étages? Et aussitôt nous répondons: c’est la grandeur. Cette grandeur est son côté palpitant aux yeux de ceux qui ont une nature artistique, c’est la note la plus profonde et explicite de la séduction que l’édifice à plusieurs étages exerce. Ce doit être la note dominante de l’expression de l’artiste, le vrai stimulant de sa fantaisie… »

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Seagram Building

Wilton Paēs de Almeida

Fig.8 et 9. Plan d’étage type

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Seagram Building

Wilton Paēs de Almeida

Fig.10 et 11. Plan de rez de chaussée

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L ’analyse et la comparaison des édifices du Seagram Building conçu entre 1954 et 1958 par l’architecte allemand Mies Van Der Rohe et le Wilton Paēs de Almeida conçu entre 1960 et 1965 par Roger Zmekhol, nécessite une approche contextuelle afin de considérer la conception comme étant un acte indissociablement lié à une culture, et donc à un pays, une ville, une rue et même une parcelle.

Au regard des plans de Rez-de-chaussée, le rapport de l’édifice à la rue est traité différemment et résulte en premier lieu d’un contexte urbain singulier propre aux villes de São Paulo et de New York. Ces dernières se sont urbanisées de manière complètement différente et le rapport des deux édifices à leur contexte en témoigne.

Chez l’une, c’est un plan planifié en damier qui découpe Manhattan en douze avenues du Nord au Sud et cent cinquante-cinq rues d’Est en Ouest. Chez l’autre, un développement urbain vertigineux, sous-estimé, donc non planifié, que Pierre Monbeig qualifiera: « d’un exemple de développement accéléré de la fonction industrielle dans une ville tropicale et des problèmes qui en découlent. »68 Au regard de la commande, et du programme qui en découle, les deux édifices jouissent de la demande particulière de deux grands magnats, l’un de l’industrie vitrière, et l’autre de la distillerie (Joseph E. Seagram's & Sons). La commande est simple mais exceptionnelle par son ampleur. Les deux édifices doivent être le siège de ces sociétés et refléter leurs puissances. Tous les deux naissent de la volonté d’une architecture différente, qui exprime non seulement l’avènement de nouveaux matériaux — le verre, l’acier, le béton — mais également de nouvelles techniques constructives de l’époque, le béton armé par exemple. Ainsi, comment les deux architectes répondent-ils respectivement à la commande de l’immeuble de bureaux et quels systèmes techniques mettent-ils en place afin de répondre à celle-ci?

La parcelle du Seagram Building, bénéficie de 7000 m2, face à 600 pour le Wilton Paes. Chez la première, sa grandeur permet une position du l’édifice en recul par rapport à la rue et en fond de parcelle afin d’assurer la présence d’un espace public conséquent à l’avant. Ceci permettra notamment la contemplation du bâtiment et le fera se démarquer des immeubles de Park Avenue, qui eux respectent tous l’alignement du front bâti existant. Mies Van De Rohe s’affranchit ainsi des contraintes imposées par le plan de New York concernant le respect de la continuité du front bâti. Pour la seconde, les dimensions sont nettement plus modestes et sont imposées par un découpage parcellaire aléatoire, dans un quartier déjà fortement saturé. L’attitude adoptée est alors d’épouser la forme parcellaire en Rez-de-chaussée afin de respecter le front bâti. Un socle large et imposant vient donc marquer la présence du bâtiment en Rez-de-chaussée de cette parcelle d’angle, et marque l’affinement des étages supérieurs. Avec, entre le socle, et la tour qui compose les étages, un premier niveau rétrécit et évidé qui permet de créer des terrasses mais surtout visuellement de créer la sensation que l’objet élancé repose sur une base plus mince, elle-même reposant sur un socle fort. Augmentant ainsi la sensation de modernité.

MONBEIG, Pierre, (1960) Une géographie de la ville de Sao Paulo. In: Cahiers d'outre-mer.

N° 49 - 13e année, Janvier-mars 1960.

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Seagram Building 1958

Wilton Paēs de Almeida 1965

Fig.12 et 13. Coupes transversales avec détails de mise en oeuvre de la façade en mur rideau.

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Bien que le rapport du Rez-de-chaussée à son contexte urbain soit différent, le rapport d’échelle des plans des étages supérieurs montre un espace de bureau d’une superficie équivalente. Cette superficie est directement induise par des solutions répondant au programme. Les deux architectes arborent la mise en oeuvre d’une géométrie spatiale claire. Obtenue grâce à la mise en oeuvre du plan libre, un plan rectangulaire simple, libéré spatialement des murs de refends ou de façade grâce à une structure en béton armé. Celle-ci soutenant à chaque étage, les dalles en béton nervurées — en porte à faux — dont leurs extrémités assurent l’accrochage des montants du mur rideau. Un espace libre de contraintes structurelles est obtenu et les circulations et autre services sont rassemblés dans un noyau central permettant le contreventement des structures. Celles-ci fonctionnent alors comme une seule entité sur toute la hauteur, non plus comme la résultante d’étages superposés.

Comme observé sur les coupes transversales, la forme et l’épaisseur des dalles procèdent de deux intentions différentes. La première, voulant marquer la verticalité en façade, à l’aide de montants extérieurs, la seconde résultant à la fois d’une solution à l’allègement du poids propre des dalles en béton, mais également à la contrainte acoustique du quartier centre de la ville. En effet, l’inclinaison des nez de dalles permettra un traitement acoustique adapté aux bruits qui émanent de la rue et qui attend les étages en montant. Le mur rideau également sera mis en oeuvre différemment chez les deux architectes. Chez Mies Van Der Rohe il est continu sur toute la longueur, et sera accompagné de montants profilés en H en bronze afin de venir y accrocher les pans de verre. Ceux-ci marqueront également la verticalité par leur répétition et leur finesse. Chez Roger Zmekhol le mur rideau est divisé en trois parties égales par étage, la partie centrale étant une fenêtre à guillotine ouvrable.

Les trois parties seront traitées avec des verres spécifiques afin de réponde à des problématiques thermiques et lumineuses.

Des systèmes secondaires à la structure, et relevant du confort ambiant seront pensé par les deux architectes, notamment avec la question du confort thermique, rendu possible grâce à l’air conditionné. Il sera relégué en retrait de la façade dans l’édifice américain, et sera intelligemment intégré à la structure — à travers les dalles nervurées, qui permettent de limiter à la fois leur poids, mais également de cacher tous les réseaux électriques — dans l’édifice brésilien.

Ainsi, on retrouve une grande sobriété technique et donc esthétique commune aux deux architectes. Celle-ci étant obtenue par une maîtrise parfaite des éléments de structure. Rien n’est superflu, bien que l’usage du bronze pour les montants du mur rideau aient pu être reprochés à Mies Van Der Rohe par Rheyner Banham. Également, l’honnêteté structurelle chez Roger Zmekhol sera accomplie, tandis que Mies Van Der Rohe usera par exemple de gaine de béton pour enrober des poteaux d’angle et ainsi régler des problèmes de ponts thermiques.

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L ’étude des ressemblances structurelles notamment dans la mise en oeuvre du mur rideau permet ainsi de révéler combien Roger Zmekhol a su répondre à des problématiques spécifiques au contexte urbain et climatique, mais également comment l’utilisation de techniques rationnelles lui permet de réponde à celles-ci.

Bien que les éléments techniques mis en place soient semblables, la cohérence de la mise en oeuvre structurelle reste unique à chacun: « Dès qu’une idée se propage et paraît adoptée, elle s’adapte, se modifie, se « naturalise », à l’image de l’import-export » 69

TSIOMIS, Yannis (2006). « Paris-Rio... et retour, le projet de paysage de Le Corbusier ». Les cahiers de la recherche architecturale, n°18/19, p.67-78.

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Conclusion de la première partie

l’affranchissement ______________________

Ainsi, les parentés théoriques et constructives de Roger Zmekhol montrent ce désir d’appartenir à cette nouvelle architecture plus rationnelle.

L’architecte brésilien semble se rattacher à plusieurs mouvements de l’architecture moderne: oscillant entre l’affirmation d’une pensée fonctionnaliste, à travers les écrits de Le Corbusier, ou de Henri Sullivan, qui prônent une conception de la forme par la fonction, et l’utilisation de systèmes rationalistes, à travers l’utilisation du mur rideau en lien avec une structure libre, aperçu notamment chez Mies Van Der Rohe.

Ainsi, était-il rationaliste? fonctionnaliste? Comme le fait remarquer Peter Collins dans La question des nouveaux plans70 , le terme fonctionnalisme possède plusieurs significations, et peut « renvoyer à la notion philosophique courante selon laquelle un objet conçu pour remplir sa fonction de manière économique possède une intégrité structurale » et que en ce sens le fonctionnalisme devient alors le synonyme de ce qu’il qualifie dans le chapitre précédent: le rationalisme.

Ces constats n’ont pas su seulement révéler les similitudes et ressemblances, qu’elles soient formelles, techniques ou théoriques, mais ont permis de mettre en lumière ce qui les différencient et ainsi, ce qui tend à la notion de généalogie: la réception de ces théories et l’incidence de celle-ci dans la conception de l’édifice. Il est évident que Roger Zmekhol a hérité d’une pensée rationnelle et fonctionnaliste d’une histoire européenne considérable qui le précède, mais c’est fondamentalement dans la capacité de réception de ces théories, et sa capacité à en tirer des enseignements qu’il réussit à s’en émanciper pour mettre en oeuvre de nouvelles techniques répondant à un contexte brésilien.

Ces premiers constats démontrent alors que le contexte est indissociable à l’oeuvre, et que c’est ce contexte même qui va pousser l’architecte à concevoir des solutions techniques, qui n’avaient surement jamais été pensées pour un édifice moderne européen ou nord-américain. À travers les recherches menées au cours de sa thèse Caractéristiques environnementales de l’espace de bureau, il constituera des études de faisabilité des systèmes qu’il veut mettre en place, à savoir, le mur rideau et le plan libre. C’est à travers la recherche de la mise en oeuvre pertinente de ces systèmes qu’il va développer sa propre pensée rationnelle, en mettant l’architecture en lien avec le confort de l’homme au sommet de toutes ses priorités, qu’il soit spatial, thermique, lumineux ou acoustique.

COLLINS, Peter (1965) « L'architecture moderne: principes et mutations (1750-1950) » Marseille, Editions Parenthèses, DL 2009, 491 pages, page 314.

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2.

LES SYSTÈMES MÉCANIQUES INNOVANTS À LA RECHERCHE DU CONFORT, VERS UNE OEUVRE BRÉSILIENNE ___________________________________

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« Où, grâce à l’aide d’équipes techniques de haut niveau, appartenant à l’organisation qui parrainait l’oeuvre, nous avons réussi une avancée technologique des systèmes constructifs et nous sommes conscients que dans d’autres conditions il ne l’aurait pas été possible à cette époque. » 71

ZMEKHOL, Roger, « Caractéristiques environnementales des immeubles de bureau » thèse de doctorat en architecture, sous la direction des professeurs Lucio Grinover et Helio Queiroz Duarte, Faculté d’architecture et d’urbanisme de l’université de Sāo Paulo, 1972, 188p, p.21.

Traduction de l’auteure.

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À travers ce constat, Roger Zmekhol affirme que l’avancée technologique réalisée pour le Wilton Paes de Almeida, est rendu possible avant tout par la mobilisation de savoirs techniques spécifiques, ceci ayant induit directement le caractère esthétique avant-guardiste de l’édifice, si particulier à « cette époque ». Affirmant ainsi, ici la prééminence de la question technique sur tout le reste. Ou plutôt induisant tout le reste. Toutes les recherches et analyses ainsi faites par l’architecte et son équipe afin d’adapter et de créer des systèmes viables au contexte brésilien semble alors constituer l’exception de l’oeuvre. C’est cela qui rend la seconde partie de l’analyse essentielle, qui tend à établir alors, combien la nature des conditions brésiliennes a pu influencer la nécessité de l’avènement de nouvelles technologies dans le but de répondre à la mise en place de systèmes pensés, à l’origine, pour un contexte européen.

Ces conditions brésiliennes, spécifiquement ici de São Paulo, rassembleront à la fois les problématiques économiques, sociétaux, et politiques, en lien avec une urbanisation et une architecture particulière. São Paulo, la ville symbole du développement du capitalisme brésilien, qui doit sa fortune initiale à l’économie du café au XIXème siècle.

Ville qui subit une croissance démographique accélérée et voit sa population doubler à chaque décennie entre 1870 et 193072 grâce à une immigration essentiellement européenne. C’est à un rythme vertigineux que les grattes-ciels remplacent les maisons traditionnelles portugaises, et que les usines et les quartiers ouvriers remplacent les terrains agricoles. En 1950, elle compte deux millions et demi d’habitants et dépasse Rio comme première ville du Brésil73. De part les divergences qu’a révélé l’analyse des deux bâtiments, la question du climat également semble avoir été un enjeu considérable dans la conception de l’édifice. On peut facilement imaginer, que dans une ville qui bénéficie d’un soleil et d’une chaleur intense tout au long de l’année, l’utilisation du verre — sans connaissance de systèmes viables — comme enveloppe aurait pu s’avérer regrettable.

Ce second chapitre souhaite aborder l’oeuvre brésilienne à travers la conception du programme de la tour de bureau et tout ce qu’elle induit. Ainsi, dans un constant ancrage historique des avancées technologiques, sociales et environnementales de l’époque, il s’agira d’exposer la position de Roger Zmekhol face à sa vision du confort de l’employé. Comment met-il en place une pensée innovante concernant des préoccupations sanitaires, sociales et environnementales répondant ainsi à une idée générale d’amélioration du confort de l’employé, en lien direct avec la productivité de l’entreprise?

Premièrement à travers l’aspect sanitaire, social et économique, comment Roger Zmekhol entend-il le confort en concevant le plan libre? Quels systèmes met-il en place pour servir le bien être de l’employé? Puis dans un second temps, à travers la question du confort ambiant, avec l’étude des problématiques d’ensoleillement, de bruit et de chaleur propre au centre de São Paulo. Comment met-il en place des solutions techniques innovantes répondant à ces préoccupations rendant ainsi viable la mise en oeuvre du mur rideau au Brésil?

À titre comparatif, le Brésil compte en 1940 le même nombre d’habitants que la France, c’est à dire 40 millions, alors qu’en 2010 il en compte 200 millions, contre 65 millions en France.

72

Pierre Monbeig, courbe d’augmentation de la population de 1872 à 1950, étude de la population faite par M. J.R. de Araujo Filho, dans La croissance de la ville de São Paulo, 1953 73

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2 — Première partie

Réflexions sur la flexibilité de l’espace de travail

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De la bure au « bureau paysage », histoire d’une évolution

Au vu de la mise en tension voulue par ce travail entre l’Europe, l’Amérique du Nord et le Brésil, et les filiations existantes qui en découlent, dans un sens ou dans l’autre, la question immanente à une analyse de l’évolution des améliorations dans l’organisation de l’espace de bureau au Brésil est la suivante: ces améliorations résultent-elles immanquablement de conclusions exportées d’évènements européens et nord-américains ou s’agit-il de l’écriture d’une l’histoire du travail semblable les amenant à dresser leurs propres constats et en induire les améliorations nécessaires? À travers l’étude des écrits de Roger Zmekhol, bien qu’il est certain que le Brésil ait écrit sa propre histoire, ayant lui même subit des changements drastiques de l’environnement bureaucratique à partir des années soixante, il semble que la chronologie des évènements suffisent à affirmer le rôle pionnier des avancées européennes et nord-américaines. L’architecte confirme cette hypothèse, et appuie sur l’importance de la rapidité avec laquelle l’essor industriel a conquis le Brésil: « Dans le panorama universel, nous sommes en décalage avec chaque mouvement qui a généré les transformations de l’immeuble de bureaux, mais avec les nouveaux flux d’informations, l’industrialisation rapide et l’utilisation des ordinateurs, nous avons été amenés à fournir de meilleures conditions de travail compatibles avec des niveaux de responsabilité qui grandissent de jour en jour. »74

Ainsi, à l’aide des recherches réalisées par l’architecte dans les années soixante, et d’un travail de recherches complémentaire, il en conviendra de raconter l’histoire européenne et américaine afin de comprendre les évolutions spatiales de 74

depuis la thèse de l’architecte, traduction de l’auteure, page 16

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l'immeuble de bureau, à travers l’avènement de système comme le plan libre, aujourd’hui toujours plébiscité dans la conception des espaces de bureaux.

À travers un texte nommé Les bureaux ne sont pas seulement des espaces de travail, Anne Monjaret75 introduit le bureau par son éthymologie en faisant référence à Maurice Rheims, dans Histoire du mobilier76 : « Le mot « bureau » vient certainement de « bure », grosse toile de laine qui placée sur les tables à écrire, permettait par son épaisseur et sa matière d’isoler le parchemin sur lequel on écrivait, évitant ainsi de le détériorer ». Puis, Georges Perec, dans l’Infraordinaire77 « par métonymies successives, on est passé dudit tapis de table à la table à écrire elle-même, puis de ladite table à la pièce dans laquelle elle était installée, puis à l’ensemble des meubles constituant cette pièce, et enfin aux activités qui s’y exercent, aux pouvoirs qui s’y rattachent, voire même aux services qui s’y rendent ». Il est intéressant d’observer comment d’une pièce de mobilier et d’un espace privé et intime, le bureau est devenu un lieu public: « C’est au XVIIIe siècle, comme le décrit Natacha Coquery, que s’amorce la conversion des hôtels particuliers aristocratiques qui servaient à la fois de logement et de lieu de travail, en bureaux aux aménagements normalisés et rationalisés dont l’uniformité devait exprimer l’égalité. On assiste ainsi au passage de la propriété privée à la propriété publique.

Vient ensuite la construction de bâtiments administratifs, à l’architecture monumentale, symbole du pouvoir tout puissant de l’État.78 »

Ainsi, dès le début du XIXème siècle, l’action de travailler ne se résume plus seulement à un objet de mobilier, mais devient un espace particulier, induisant un environnement, une ambiance, des usages, induisant eux-mêmes leur propre architecture. Pourtant, même si l’espace de bureau existe alors en tant qu’architecture, les améliorations liées à l’organisation de l’espace intérieure en lien avec la recherche d’un confort, sont tardives. Il faut attendre que le nombre de travailleurs du secteur tertiaire devienne assez conséquent pour qu’il ne soit plus possible de travailler dans les conditions induites à l’origine par le taylorisme de la fin du XIXème siècle: « Les innovations qualitatives des édifices de bureaux ont étés induites au défaut d’énormes bouleversements quantitatifs, […], entre eux, la vaste augmentation de la production économique, concomitante avec un

MONJARET, Anne, directrice de recherches CNRS depuis 1997, présidente de la société d’ethnologie française (SEF) depuis 2012, développe une anthropologie des entreprises et des métiers considérant les bureaux et les ateliers comme des espaces habités. © Presses universitaires de Bordeaux 75

RHEIMS, Maurice, Histoire du mobilier. In POIRIER, J. (Ed.), Histoire des mœurs. Paris : Gallimard (Encyclopédie de La Pléiade), 1990, 1.1, p. 1075-1165.

76

77

PEREC, Georges, L’Infra-ordinaire. Paris : Seuil, 1989.

MONJARET, Anne. (2002) Les bureaux ne sont pas seulement des espaces de travail.

Communication et organisation n°21. 1er trimestre 2002. Bordeaux 3: 75-92.

78

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développement du papier, des documents, manipulés par des armées de fonctionnaires, organisés en départements spécialisés. »79 Né afin de maximiser le rendement de l’ouvrier, le taylorisme se généralise au secteur tertiaire et sectorise les tâches de l’employé afin d’obtenir un rendement efficace. Cette organisation répondant à des nécessités purement fonctionnelles donnera aux espaces de bureaux, paradoxalement, une sensation « d’usine » où les taches restent simples et répétitives et où l’employé a peu d’autonomie. C’est ce que Marx Weber, nommera de « bureaucratie », un système d’organisation rationnel, impersonnel basé sur des procédures écrites à la chaîne.

Socialement, si l’ouvrier reste pendant plus d’un siècle la figure emblématique (et masculine) de la société, cette image s’essouffle à l’arrivée des femmes sur le marché du travail, qui occupent majoritairement des postes d’employées de service. Selon les chiffres INSEE80 , la part des emplois ouvriers de l'industrie avoisinait 30% en 1962 alors qu’il n'est plus que de 15% en 2007. Dans un second temps, l’élévation du niveau de qualification donne lieu à une diversification des métiers liés aux services: la proportion de personnes travaillant ayant un diplôme de niveau supérieur ou égal au bac est passée de 8,5 % à 51 % entre 1962 et 200781 . Les changements dans l’organisation de l’espace de bureau sont donc en lien avec une suite de changements du statut du travail dans la société: le travail industriel se réduit, face à la multiplication et à la féminisation de l’emploi de services. Ce dernier induisant directement la naissance de nouveaux emplois diversifiés et plus qualifiés, il remet en cause la division classique et mise dès à présent sur la polyvalence et une meilleure autonomie des employé(e)s.

Techniquement, la généralisation des équipements informatiques au sein des tours de bureaux est lente, comparativement à la mécanisation rapide des industries.

Roger Zmekhol, à travers l’étude de ce qu’il nomme les Antécédents historiques, remarquera: « La première machine à écrire a été breveté en Angleterre en 1714, puis, une plus pratique a été inventée en 1860, et fabriquée par Remington en 1873, mais son usage ne s’est généralisé que vers la fin du siècle dernier. » 82 C’est essentiellement après la seconde guerre mondiale que l’évolution de l’espace de bureau prend un tournant décisif. La mécanisation s’accélère et « plus de 100 nouvelles machines sont introduites par an entre 1915 et 1921.» 83 Parallèlement, on assiste à l’avènement d’une nouvelle spacialisation: l’arrivée du « bureaupaysage », de son nom d’origine allemand, Bürolandschaft. Le modèle apparait près d’Hambourg et est développé par une équipe de consultant et d’architectes qui reprennent le nom de leur ville et se nomme la « Quickborner Team » . À partir 79

Ibidem, page 7.

80

Institut National de la Statistique et des Études Économiques, crée en 1946.

Chiffres INSEE, étude n°1312 du 29/09/2010. Les résultats présentés ici proviennent des recensements de la population de 1962, 1968, 1975, 1982, 1990, 1999 et 2007 81

82

ZMEKHOL, Roger. Thèse de l’architecte. Page 7.

A progressive Architecture, Old time offices, novembre 1969 dans Caractéristiques environnementales des édifices de bureaux, page 8, par Roger Zmekhol.

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de grands espaces ouverts — ayant délaissés les dispositifs traditionnels comme les portes et les cloisons — se positionnent les bureaux de manière aléatoire, la seule délimitation se réduisant à des plantes en pot. Un des premiers exemples de ce type sera réalisé pour la firme pharmaceutique Boehringer dès 196084 . L ’immeuble à Mannheim, sera le premier d’une série de réalisations en Allemagne, puis en Hollande, avant que le modèle s’implante aux États-Unis à partir de 1965.

En réalité, ce modèle ne sera pas pionnier. Frank Lloyd Wright avait déjà expérimenté le plan ouvert sans cloisonnement lors de la conception de l’édifice pour l’entreprise Johnson Wax en 193685 . L’ idée soutenue était de rendre les employés fiers de leur lieu de travail et ainsi augmenter leur productivité. L’objectif commun d’une telle configuration serait une productivité économique ne résidant plus dans l’outil ou dans la machine — comme c’était le cas précédemment — mais dans la configuration de l’espace même: « la disposition des lieux transformés en moyens techniques au service de la vitesse de production. »86 . Dicter Jeager, un des membres de la Quickborner Team, lors d’une présentation faite aux Etats-Unis en 1969 dira: « La future implantation doit permettre d’accélérer la circulation de l’information en rapprochant les groupes de travail en fréquente interaction. Les postes de travail doivent être disposés de façon à ce que le papier s’écoule sans s’entasser. » 87

Pourtant, les employés voient ces changements autrement. La gêne crée par le bruit général et les passages incessants entrainent des difficultés à se concentrer et la sensation peu agréable d’être surveillé. Les critiques concernant le bureau paysage ne tarderont pas et iront jusqu’à atteindre le monde de la psychologie, avec l’invention de la « psychopathologie du travail » en 1952 par Paul Sivadon. Il s’agira donc dès la fin des années soixante de trouver un juste milieu entre les failles du bureau cloisonné classique et les limites du bureau paysage. Cette recherche se fera en grande partie par les fabricants de mobilier américains, qui inventeront le panel system, des panneaux à mi-hauteur qui s’assemblent par trois, afin de laisser un coté ouvert tout en favorisant une certaine intimité. Système auquel l’architecte brésilien fera référence avec la System approach.88

Pourtant longtemps délaissé face au mobilier domestique, le mobilier de bureau prend son envol avec notamment l’école du Bauhaus, et affirme cette volonté esthétique et fonctionnelle que doit porter l’architecture, et donc, tout ce qui 84

voir l’annexe 13

85

voir l’annexe 14

PILLON Thierry, (2016) « Retour sur quelques modèles d’organisation des bureaux de 1945 à aujourd’hui », La nouvelle revue du travail [En ligne] 86

87

Jeager, 1969, cité par Giraud, 1984, cité par PILLON Thierry.

88

ZMEKHOL, Roger, thèse de doctorat, page 13

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gravitent autour d’elle. Du bureau Art Nouveau incurvé de Henry Van Velde en 1899, le design du bureau met du temps à se démocratiser. Trente ans plus tard, Marcel Breuer, ayant étudié au Bauhaus, reflette cette intention de réunir l’art et la technique avec le dessin du bureau en acier tubulaire S 28589 . En 1968 sera mis au point l’Action Office II90 par le designer Robert Propst pour l’entreprise américaine de meuble Herman Miller, fondée en 1923. Ce dernier modèle, réalisé pour la première fois pour la compagnie JFN Associates à Chicago, sera un exemple à suivre pour Roger Zmekhol, qui en détaillera longuement les mesures de la maille dans ses écrits de thèse91. Cet évènement se faisant après la fin de la construction du Wilton Paēs de Almeida, il reste possible qu’il ai pu utiliser ces systèmes dans des bâtiments lui succédant.

En se rapportant à l’histoire, et à la chronologie des évènements liés aux transformations de l’espace de bureau, l’ architecte brésilien dresse un état de l’art de ce qui est selon lui préalable à toute conception: l ’étude de la fonction. Cette étude va lui permette d’émettre une série de constats, permettant d’appréhender finement qu’elles sont les préoccupations des années soixante en terme d’organisation de l’espace de travail. Préoccupations universelles qui font naître chez l’architecte, des interrogations auxquelles il s’attache à répondre. L’ homme, ici l’employé de bureau sera alors au centre de son attention, et il se concentrera à répondre au problème suivant: l’homme doit pour travailler efficacement — et ainsi assurer la rentabilité d’une entreprise — pouvoir évoluer dans un environnement spatial confortable qui implique certaines conditions. Le silence, la mobilité physique, les vues sur l’extérieur, une température tempérée constante, et une luminosité modérée seront les conditions nécessaire au bien-être de l’employé de bureau. Comment Roger Zmekhol va-t-il mettre en place des systèmes répondant à toutes ces conditions?

89

voir l’annexe 15

90

voir l’annexe 16

91

Ibidem, page 13 et 14

62

Du plan libre aux systèmes innovants, du bien être « direct » de l’employé

Ainsi, la diversification des métiers du secteur tertiaire, en lien avec l’autonomie et l’augmentation des responsabilités induisent une plus grande mobilité des employés au sein de l’entreprise. L’ espace est plus flexible, leur permet de se déplacer, et en résulte une meilleure communication générale, capable de se configurer selon les différents flux d’information et propice à une meilleure rentabilité dans tous les services. Le traitement optimal de l’information et la qualité des communications entre les employés semble alors être la clé de la réussite de l’entreprise. Dicter Jeager ira jusqu’à affirmer que « le fonctionnement efficace de l’organisation est déterminé de façon décisive par le type d’immeuble de bureaux et/ou d’implantation des bureaux ».

Ces deux facteurs font écho à la réception que Roger Zmekhol fait des techniques du plan libre et du mur rideau, et des raisons pour lesquelles il les met en oeuvre: « un important facteur du développement de bureau paysage fut la nécessité de projeter dans l’édifice la possibilité d’augmenter les changements. Ce n’est pas suffisant de concevoir les édifices de bureaux comme un processus. Les processus, en eux-mêmes, sont les flux sujets à des modifications qualitatives, d’expansion et de contraction. »92 , puis sur le type d’immeuble de bureau: « les techniques contemporaines se caractérisent par l'indépendance des structures par rapport aux murs et aux sols en porte à faux. En résulte une liberté des plans ainsi que des extérieurs, permettant une composition de formes, qu'elles soient géométriques ou libres, fluides ou condensées, qui traduisent bien les possibilités fascinantes de l'architecture contemporaine. »93

92

Ibidem, page 13.

93

Ibidem, page 17.

63

Fig.14 Plan de structure Échelle 1/500ème Flexibilité, mobilité et évolutivité

64

Fig.15 Détail en coupe des rails en aluminium ancrés dans le plafond Fig.16 Plan d’étage type Échelle 1/500ème hypothèses d’emplacement des rails

65

Afin de répondre aux attentes du programme, aux nouvelles préoccupations de l’espace de bureau, et à l’importance du bien être de l’employé, Roger Zmekhol met en place le plan libre. À travers cette intention spatiale, il désire développer les concepts de flexibilité et d’évolutivité du plan, permettant la mobilité des employés et du mobilier. Il conçoit une structure composée de quatre poteaux porteurs en béton armé, contreventés par un noyau — contenant cages d’escalier, ascenseurs, et sanitaires — et par un mur de contreventement en façade Est. Les poteaux mesurent quatre-vingt centimètres de large et tendent à s’affiner aux étages (pour atteindre quatre-vingt centimètres). Ils sont extrudés sur deux cotés opposés en forme de H afin d’accueillir les circuits d’air conditionné, directement en lien avec les trois derniers étages du bâtiment réservés aux unités de refroidissement de l’air et autres systèmes techniques.

Le choix du plan libre est justifié par Roger Zmekhol car il permet: « une composition flexible car l’édifice doit pouvoir abriter de nombreuses entreprises en une entité seulement »94 . La première intention de celui-ci est donc essentiellement de répondre aux sollicitations induites par le programme. L’ édifice abritant plusieurs firmes, aux activités différentes, allant de la banque, à la production de produits verriers en passant par l’agence publicitaire, chaque entreprise doit pouvoir organiser l’espace comme il lui semble le plus convenable, où la communication y sera optimale.

L’ évolutivité de l’espace sera assuré grâce à un système de rails fins en aluminium ancrés dans le plafond, ceux-ci permettant l’accroche de panneaux amovibles. Les patrons d’entreprise et/ou des employés peuvent choisir et modifier facilement l’organisation spatiale disponible de 360m2 par étage. Les leçons du Burolandschaft seront appliquées et Roger Zmekhol affirmera: « Il n’est pas possible d’organiser l’espace de travail uniquement avec un modèle statique: les flux, la circulation de personnes et la communication visuelle constituent le facteur d’organisation. »95 L’agencement est libre et permet l’appropriation de l’espace par ses usagers.

En lien avec cette idée, Roger Zmekhol, grâce aux recherches liées à la conception du Wilton Paes de Almeida, met en place le « fluxogramme ». Une méthode d’analyse permettant la quantification et la qualification du flux de personnes, de machines, de papiers, et de mobiliers nécessaires à chaque département de l’entreprise. Cette approche naitre après la construction du Wilton Paes de Almeida, dans le désir d’être en cohérence avec la réalité du monde du travail, et donc d’en proposer une projection spatiale au plus proche du réel. Pour cela, Il mettra en place une méthode de « feed-back »96 , c’est à dire de constants aller-retour entre des études théoriques et des applications pratiques. Les études thermiques, acoustiques et lumineuses appliqueront cette méthode qui lui permettra de vérifier pour le Wilton Paēs de Almeida l’efficacité des systèmes mis en place, et ainsi d’affiner pour des projets futurs, l’exactitude de sa méthode.

94

Ibidem, page 21

95

Ibidem, page 38

96

nommée ainsi par l’architecte, page 63.

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Enfin, il est essentiel de souligner, que cette intention spatiale sera rendue possible parallèlement grâce à la dissimulation des contraintes techniques, évitant ainsi toutes contraintes physiques ou visuelles. Les systèmes immanents à la construction de tour de grande hauteur, à savoir les descentes d’eau, les canalisations et l’électricité seront cachés dans le noyau escaliers/ascenseurs/ sanitaires. Les systèmes de téléphonie et de radio VHF et SSB seront rendus possibles à installer à n’importe quel endroit du bâtiment grâce à des gouttières encastrées et accessibles entre le parquet et la dalle. Systèmes compatibles avec le réseau de communication du centre urbain et qui témoigne d’une relation avec l’environnement extérieur. La présence d’un héliport au dernier étage permettra également cette idée.

La mobilité de l’employé sera assumée par le plan libre qui se veut être l’alternative à une vie de bureau sédentaire, à l’encontre de la nature de l’homme, qui est dynamique: « Le problème le plus grave pour la santé au bureau est la sédentarité, la plus grande partie de nos activités se faisant assis. Le résultat des études médicales et des données des compagnies d’assurances ont rendus évidents un déclin de la vitalité, de l’énergie et de la santé des employés. »97

Accompagné d’une critique du modèle classique de bureau cloisonné: « Dans les bureaux, le faux confort et la tendance à regrouper tous les services autour d’un simple poste de travail ont crées un besoin de changement. ». Roger Zmekhol critique également l’inefficacité du système tayloriste, déjà obsolète dans les années soixante: « La machine physique de l'homme a évolué pour faire beaucoup de choses mais pas des choses simples en continu. » Enfin, d’autres systèmes innovants pensés par l’architecte, promeuvent à la fois le bien être psychologique et physique de l’employé. Un système d’eau filtrée et fraîche à chaque étage sera assuré par une centrale située dans les trois derniers étages du bâtiment. Un restaurant pouvant accueillir jusqu’à six cents repas par jour est situé au dernier étage, et offre aux Paulistas une vue unique sur la ville.

Des salons de jeux et une bibliothèque seront pensés pour le divertissement en dehors des heures de travail, et un service d’assistance médicale générale et dentaire sera présent de façon hebdomadaire pour assurer un suivi de santé des employés.

Cette attitude pionnière a façonné les idées contemporaines de certaines grandes entreprises à miser sur le confort de l’employé en offrant des activités diverses à même le lieu de travail. Cette considération sociale étant intimement liée à une considération économique: l’ employé se sent bien, donc il travaille mieux et 97

Ibidem, page 49

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l’entreprise est plus productive. Une autre attitude toute aussi avant gardiste était de penser que ce confort assurait aux patrons une présence pérenne des employés dans l’entreprise, mais surtout allait attirer des travailleurs de l’extérieur toujours plus qualifiés: « que ce soit directement ou indirectement, ces services permettent d’accroître la production et, en termes d’investissement, d’attirer et de retenir du personnel qualifié. »98 expliquera l’architecte.

Enfin, Roger Zmekhol montre une curiosité sans limite avec un esprit résolument tourné vers le futur. La relation entre l’homme et l’architecture, mais également l’architecture et le progrès sera une préoccupation phare dans l’oeuvre de l’architecte, établissant la recherche théorique comme réponse à une architecture qui économiquement et socialement suit l’expansion du développement que le XXème siècle a connu.

« Nous vivons aujourd’hui l’ère spatiale, avec l’émergence du spaceplanner, véritable architecture de cette époque qui se préoccupe déjà de créer des espaces dans l’espace, tel que publié par Warner, Burns & Toans, pensant déjà des plans d’une station de la NASA avec le projet d’envoyer 12 hommes, et dans 7 ans, une autre avec 50 hommes. Le sens de la recherche des caractéristiques environnementales doit accompagner le développement vertigineux de notre ère, qui suit la courbe du progrès exponentielle. » Roger Zmekhol, Caractéristiques environnementales des édifices de bureaux, 1972, page 54.

98

Ibidem, page 23

68

69 2 — Seconde partie

Le confort « caché dans l’ombre »99

___________

D’une méthode rationnelle à la recherche du confort Le souhait de la Compagnie de Verre du Brésil de créer un édifice comme effigie d’un produit verrier amène Roger Zmekhol à concevoir le mur rideau dans le contexte d’une ville tropicale. Cela l’amène à se pencher sur les questions environnementales, fondamentalement liée avec la recherche d’un confort général en lien avec un bien être de l’employé qu’il défend déjà. En effet, les éléments de confort seront pensés comme un ensemble en interaction: l’homme en lien avec son espace, en lien avec le mobilier, en lien avec la couleur, en lien avec l’air, la lumière, la chaleur, le bruit…

Cette recherche de confort environnemental est pensée dans sa globalité. En effet, les systèmes mis en place comme l’air conditionné sont alliés à des moyens de réductions de chaleur afin d’en minimiser l’utilisation. Sa démarche est donc avant tout économique. Ainsi, il refuse catégoriquement d’utiliser le système brésilien par excellence, des brise-soleil, considérés trop couteux et difficiles d’entretien. Il exclut donc la possibilité de gérer la chaleur et l’ensoleillement par la mise en place de lames extérieures. Pour cela, la CVB, commanditaire de l’édifice met en place des moyens conséquents afin d’assurer la réussite de la mise en oeuvre du mur rideau.

Roger Zmekhol, pendant toutes ses recherches de doctorat, s’est donc entouré de spécialistes capables de répondre aux enjeux du mur rideau en climat chaud. Il fera appel à des professeurs spécialisés de la faculté de Sāo Paulo, comme Paulus Pompeia, dans le secteur du confort lumineux ou Igor Serenewsky pour le confort acoustique.

De l’expression « l’énergie cachée dans l’ombre » de Reyner Banham dans l’architecture de l’environnement bien tempéré.

99

70

Ensemble, ils mettent en place la méthode de « feed-back » se basant sur la comparaison les études théoriques et les applications construites: les calculs théoriques sont confrontées aux valeurs mesurées dans le bâtiment après la construction. Vérifiant ainsi la fiabilité de ses calculs théoriques pour ces prochains projets, sa démarche est donc également scientifique. Il affirme d’ailleurs que l’édifice construit pour la Compagnie de Verre du Brésil, premier gratte-ciel construit par l’architecte « simplifiera toute l’expérience ». L’ expérience que Roger Zmekhol obtient avec le temps, lui permet alors d’atteindre une méthode rationnelle efficace.

Celle-ci lui permettant de mettre en place les outils adaptés à l’analyse, dont les résultats induisent ou non l’usage de tel ou tel système adapté, et qui résulte inévitablement en un choix des matériaux approprié. Matériaux qui «heureusement sont maintenant produits par notre industrie » 100 dira-t-il, revenant à la question économique au coeur de toute préoccupation.

De l’utilisation des solutions appropriées à un problème environnemental, l’architecte dira toujours privilégier les dispositifs techniques naturels, auquel cas il se référerait à des systèmes artificiels. Pensée écologiste avant gardiste ou préoccupations économiques, il semblerait que sa raison rationnelle le pousse systématiquement à privilégier l’économie de moyens, et ainsi de matière.

Ainsi, il y a un lien constant entre dispositifs techniques et justifications économiques propre à un contexte brésilien: « Il nous semble qu'il ne suffit pas de souligner l'importance de ces études, qui visaient à tout résoudre dans les processus naturels toujours plus souhaitables, problèmes qui se résolvent chaque jour artificiellement, sans compter le facteur économique et financier qui impose non seulement l'installation mais aussi et surtout la maintenance dans un pays où l'énergie électrique atteint un prix élevé. » 101

100

Depuis la thèse de l'architecte, page 25.

101

Ibidem, page 32.

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Vers un confort thermique Roger Zmekhol conçoit le mur rideau continu sur les deux façades Sud et Ouest. Cela lui impose de penser à la question du sur-ensoleillement, de l’excès de chaleur, mais également de l’effet de serre qui est la conséquence d’une boîte en verre fermée. Pour répondre à ces contraintes, il trouve différentes solutions naturelles et artificielles complémentaires: le système d’air conditionné sera couplé à la présence de verres spécifiques thermo-absorbant.

La première solution concerne le traitement des façades. La façade Nord est la façade la plus exposée aux charges thermiques102. Elle sera rendue en partie aveugle grâce au positionnement à l’intérieur du noyau de circulation (qui comprends un escalier, trois ascenseurs et quatres sanitaires). Cela permet à l’extérieur, de fermer le mur grâce à des plaques d’aluminium. Ces plaques seront disposées en deux bandes de huit et dix mètres de large sur toute la hauteur de la façade (se référer aux fig.? et ?). Afin de créer une couche résistante aux rayons UV et à la corrosion, elles sont anodisées. Cette solution permet de réduire l’utilisation des solutions artificielles comme l’air conditionné. La façade Est, elle, est aveugle, car elle s’aligne avec les bâtiments existant de la rue Antônio de Godói, et sert de mur de contreventement à la structure générale.

Les façades Ouest et Sud, quant à elles, sont entièrement en verre. Bien qu’elles ne reçoivent pas un soleil direct, le choix de verres spéciaux bénéficiant de qualité absorbantes de la chaleur et des rayons UV permet d’éviter l’éblouissement et les excès de chaleur dans les bureaux. Le mur rideau sera divisé en trois parties, mesurant chacune un mètre dix de hauteur contre un mètre de largeur (voir fig. ? et ?). La partie centrale s’ouvre grâce à un système de fenêtre à guillotine et permet une ventilation naturelle dès que possible.

On rappelle que de part sa position par rapport à l’équateur, le Brésil reçoit au fil de la journée un soleil intense depuis le Nord, à l’inverse de l’Europe qui le reçoit depuis le Sud par exemple. (cf. annexe 6) 102

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Fig.17 et 18: Photographies de la façade Nord montrant les plaques d’aluminium anodisées. Photographies Xavier Joao, fonds FAUUSP.

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Fig.19: Élévation de la façade en mur rideau avec détails d’ouverture des fenêtres à guillotine.

Fig.20: Coupe transversale montrant la façade mur rideau

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La seconde solution réside dans le choix de verres spécifiques composants le mur rideau. Ces trois parties sont traitées différemment: la partie du milieu s’ouvre grâce à un système de fenêtre à guillotine avec contrepoids dans l’allège, promettant ainsi une ouverture à un seul doigt, dira l’architecte. Cette ouverture dans le même plan que la façade permet, toujours dans la même logique, de minimiser la perte d’espace (qui pourrait être induite par l’ouverture d’une fenêtre à battant par exemple). Ainsi, la partie haute et centrale sont en verre Solex Plate, verre absorbant les rayons UV et prévient ainsi un excès de transmission de chaleur. Quant à la partie basse, le verre utilisé est le Rough Solex Plate ou Heat Absorving Glass, un verre translucide à l’aspect rugueux qui a un coefficient d’absorption plus important.

Sa partie lisse devant être placée à l’extérieur afin d’assurer aussi ses qualités réflectives. L’ hypothèse de l’usage d’un verre plus opaque en partie inférieure pour éviter des sensations de vertige liées à la hauteur est également possible.

La troisième solution est l’intégration d’un système artificiel d’air conditionné103 à chaque étage de bureau. Roger Zmekhol conçoit le siège de la CVB en intégrant subtilement ce qui sera la première démonstration du système d’air conditionné du pays. Démonstration qui se veut en réalité ingénieusement cachée dans les poteaux en béton armé (évidés pour cette raison) et dans les plafonds. Un an seulement après son inauguration en 1968, Reyner Banham, dans L’architecture de l’environnement bien tempérée s’exprimera sur l’utilisation tardive et rustre de l’air conditionné: « L ’humanité n’entre en possession de ce système tant attendu que sous forme d’appareils massifs, utilisables principalement pour subvenir à des besoins industriels en raison de la place prise par leur implantation et de leur tuyauterie rudimentaire ».

D’abord pensé afin de pallier à la chaleur et aux conditions atmosphériques toxiques des grandes industries, le système de refroidissement de l’air met du temps à atteindre les bâtiments de bureaux et la sphère domestique. C’est l’industrie du cinéma qui sera la première à mettre en oeuvre l’environnement bien tempéré. L’ immeuble Milam au Texas, considéré comme le premier immeuble à avoir eu l’air conditionné en 1928, explorait déjà ce système de tuyauteries cachées dans les plafonds afin d’éviter la consommation d’espace. Une centrale de refroidissement était également présente, mais cette fois-ci au sous-sol.

Celui ci fut d’abord appelé « climat artificiel » par celui qui peut être considéré comme son inventeur, Willis Haviland Carrier, puis tiendra son nom actuel des premiers brevets du concurrent Stuart W. Cramer en 1904.

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Fig.21 Plan de structure Fig.22 Plan détaillé d’un poteau Évidé pour accueillir l’air conditionné (en jaune).

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Ainsi, la nécessité de cacher mais surtout de libérer l’espace de ses infrastructures devient primordiale: « Dans de telles situations où la faisabilité commerciale était la motivation initiale, et imposait son veto final, la consommation d’espace au sol par la tuyauterie était une question de vie ou de mort, puisque même le confort offert par l’air conditionné était rarement assez séduisant pour que le montant du loyer soit relevé au point de pouvoir compenser la perte en mètres carrés. […] Les véritables progrès ne respirent qu’à la fin des années 40, et alors les possibilités mécaniques pour la mise en place de l’air conditionné dans les immeubles de bureaux pouvaient bénéficier de nouveaux moyens techniques dans le domaine de l’éclairage, et d’un nouvel ensemble de préférences esthétiques dans la conception de l’enveloppe des bâtiments. »104

C’est donc dans la domination des contraintes spatiales liées à l’utilisation de ces systèmes que Roger Zmekhol réussit à libérer le plan et la façade.

Le système d’air conditionné est ainsi caché dans les plafonds. Les poteaux évidés en H accueillent les gaines transportant l’air, qui refroidit à la centrale, et se déplace ensuite en flux continu. Les retraits du plafond permettent l’insufflation directe de l’air frais, grâce à un système « aile d’avion » (en jaune sur la coupe).

BANHAM, Reyner, L’ architecture de l’environnement bien tempéré, chapitre « vers une maitrise totale », page 201-202.

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Fig.23 Coupe de détail du système d’air conditionné et lames « ailes d’avion » Fig.24 Coupe transversale de l’édifice montrant le système d’air conditionné au plafond

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Vers un confort lumineux et l’objectivité du calcul, Pour régler des problèmes de confort lumineux et visuel, Roger Zmekhol prend en compte certains aspects: l’éblouissement, l’indice de réflexion des matériaux et l’éclairement uniforme.

Afin d’éviter l’éblouissement, l’architecte brésilien choisit un verre thermoabsorbant, qui placé avec sa partie lisse à l’extérieur permet la réflexion des rayons du soleil. Les qualités de ce verre règle un ainsi deux problèmes: l’excès de chaleur en lien avec un confort thermique et l’éblouissement en lien avec un confort visuel.

L’utilisation de ces cristaux thermo-absorbant permet donc à la fois une utilisation raisonnable de l’air conditionné et à la fois de laisser le maximum de lumière naturelle au sein du bâtiment en évitant l’utilisation d’un système comme les brisessoleil, ou tout simplement des stores intérieurs.

La réflexion des matériaux sera sérieusement prise en compte à travers des calculs d’intensité lumineuse. Il remarque que le problème majeur de réflexion provient du choix du matériau au sol. Les rayons du soleil arrivant par en haut, il est logique que ce soit la surface qui ai le plus de chance de refléter la lumière naturelle. Pour éviter ce phénomène, Roger Zmekhol veut prouver que les matériaux clairs, souvent utilisés pour les murs et les plafonds peuvent assurer un confort visuel si utilisés au sol. Il mène alors différents calculs afin de teste les indices de réflexions du P.V.C. latex, de l’époxy, des résines vinyliques, ou encore du caoutchouc synthétique.

Matériaux qui selon ces calculs, donnent les conditions les plus favorables au confort lumineux.

Il choisit un parquet en bois Ipé, un bois brun, typique des forêts tropicales d’Amérique du Sud (le Brésil en est le principal fournisseur). Grâce à sa couleur, il reflette peu la lumière, et est en plus, l’un des bois les plus résistants aux agressions extérieures. Afin de vérifier les valeurs théoriques, l’architecte effectue la même expérience, après la construction afin de mesurer le degré de différence entre théorie et pratique.

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Afin d’assurer un éclairement uniforme à toute heure de la journée, l’architecte met en place un système artificiel de plafond lumineux. Pour le réaliser, il utilise le tube fluorescent, dont Reyner Banham ventera les qualités: « pour le grand public, et dans l’esprit des architectes, le tube fluorescent était avant tout une innovation d’après-guerre, qui fut célébrée d’abord pour sa consommation économique et pour son absence d’éclat concentré en un seul point » 105. Il vente le fait, que de part sa puissance calorifique réduite, le tube fluorescent s’alliait à un usage raisonné de l’air conditionné. Cette alliance rendant enfin possible « la rationalisation depuis longtemps attendue du plan intérieur de la traditionnelle tour de bureaux américaine » 106. Cette rationalisation du plan ayant auparavant toujours été compromise par des retraits en façade. Ceux-ci induits par des dispositifs imposants en façade arrière pour faire rentrer la lumière et l’air dans le bâtiment. Reyner Banham donne l’exemple de l’immeuble Marquette pour la compagnie Holabird & Roche, où en résulte un plan difficile à diviser et des angles mal placés, difficile à louer. À l’inverse, il explique que le plan d’étage « intégral » permet de regrouper les aires de services en un îlot central et ainsi permette un plan en simple rectangle, qui ne sacrifie pas la rentabilité. Édité en 1964, les écrits de Reyner Banham dans L’ architecture de l’environnement bien tempéré ont consitués un regard neuf sur les questions de confort lumineux et thermiques. Roger Zmekhol s’inscrit donc, avec la conception du Wilton Paes de Almeida, dans cette rationalisation du plan en lien avec la juste manipulation des systèmes de confort ambiant.

BANHAM, Reyner, 1964, « Vers une maitrise totale » dans L’ architecture de l’environnement bien tempéré, page 203.

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thèse de l’architecte, page 202

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Fig.25 Photographie du rez-de-chaussée montrant le plafond lumineux en tube fluorescent.

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Les bruits de la ville, vers un confort acoustique Roger Zmekhol traite la maitrise d’un bon acoustique comme faisant également partie intégrante du bien-être de l’homme. La situation de l’édifice dans ce contexte urbain particulier l’amène à penser des solutions spécifiques. En effet, le projet se situe dans le quartier Centre de São Paulo, à l’angle de deux axes majeurs de la ville. En face, la place de l’Eglise Notre Dame de Rosário107 a historiquement toujours accueilli des spectacles de rue, d’artistes circaciens. Le centre de la mémoire du Cirque s’est d’ailleurs construit en face du Wilton Paes de Almeida en 2009. Il est facile d’imaginer donc déjà à l’époque l’effervescence de ce quartier populaire grouillant et bruyant.

Pour résoudre les contraintes sonores, l’architecte brésilien différencie deux sources de bruit existant dans l’édifice: le bruit venant de l’extérieur, et le bruit interne au bâtiment, émanant de ses usagers. Faisant d’ailleurs office d’un manque de considération générale, qu’il critique. Selon lui c’est un fait, les différentes sources de bruit exercent une influence considérable sur la psychologie des employés: « Plus le travail des employés de bureau est cérébral, plus important doit être le silence; donc plus l'isolation des bruits externes est importante et par conséquent plus le traitement interne est important. » Afin de commencer son étude, il s’informe sur la limite du niveau de bruit interne recommandé au niveau international. Selon le type de travail effectués dans les bureaux, elle varie de 40 à 60 décibels. Or, en zone centrale de São Paulo, le bruit atteint généralement 85 décibels. Une réduction de 25 à 40 décibels était donc à prévoir. Ainsi, il calcule la vulnérabilité du bâtiment, de part son isolation extérieure, fenêtres ouvertes et fermées, selon l’épaisseur des verres, etc. Comme vu précédemment le rétrécissement des nez de dalles en leurs extrémités, de 30 cm à 5cm, à l’origine prévu pour en alléger leurs poids propre, créent une inclinaison.

Présente à chaque étage, elles mesurent 2,2 mètres et permet également la pose de pare-bruit. Présentes de chaque côté, ce sont de fines plaques acoustiques, qui de pas leur inclinaison répondent aux sollicitations sonores émanant de la rue et de la place plus bas. Cette solution offre également une grande ouverture vers l’extérieur, valorisant les vues de la ville.

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du portugais Nossa Senhora do Rosário dos Homens Pretos.

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Fig.26 Coupe de détail des plaques acoustiques sur les nez de dalles Fig.27 Coupe longitudinale de l’édifice montrant les nez de dalles rétrécis à chaque étage

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Conclusion de la seconde partie

l’innovation ___________

Ainsi, chez Roger Zmekhol la fonction est la condition sine qua non à toute architecture. Cette approche fonctionnaliste l’amène pour le Wilton Paes de Almeida à s’intéresser à la culture et à l’histoire de l’espace de bureau. Cette curiosité pour l’histoire l’aide à suivre les avancées de son époque, grâce auxquelles il forge une série de constats sur l’organisation spatiale de l’immeuble bureau.

Ces observations raisonnent particulièrement avec l’idée du confort et d’un bien être de l’employé. Principes auxquels l’architecte accorde toute son attention. Ainsi, le silence, la mobilité physique, les vues sur l’extérieur, une température tempérée constante, et une luminosité uniforme seront les conditions nécessaire au bien-être de l’employé de bureau. Cet état de l’art soulève des préoccupations universelles qui amènent l’architecte à s’interroger sur les relations entre l’homme et l’architecture, mais également entre l’architecture et les systèmes. Sa démarche sera économique avant tout.

Afin de permettre la mise en oeuvre du mur rideau et du plan libre, Roger Zmekhol mène de nombreuses études sur le confort thermique, lumineux et accoustique. Sa démarche sera scientifique. Il met en place une méthode de comparaison entre la théorie et la pratique, avec laquelle au long de son expérience, il obtiendra une plus grande objectivité des calculs.

L ’ensemble des éléments est pensé en interaction, c’est un tout cohérent et rationnel, qui crée alors l’architecture. Et non l’inverse: une architecture pensée par la forme essentiellement, où viennent se greffer des systèmes dont l’importance a été sous estimée, la conception de ces systèmes techniques est réalisée après la recherche de la forme.

C’est grâce à une mise en oeuvre des systèmes techniques en lien constant avec la forme de l’architecture qu’il réussit à accroitre le confort, et donc l’efficacité du travail. C’est donc dans la domination des contraintes spatiales liées autrefois à l’utilisation de ces systèmes techniques que Roger Zmekhol réussit à libérer le plan et la façade. La simplicité esthétique étant rendue possible uniquement grâce à une complexité technique innovante.

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ÉPILOGUE, Le bâtiment évènement(s), Histoire d’une réception

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« La source de l’intérêt récent pour la réception de l’architecture est dans l’évolution des problématiques de l’histoire de l’architecture contemporaine. Longtemps centrée sur le projet, sur une histoire, d’ailleurs souvent captivante, de ses formes successives, de la conception initiale à la réalisation, l’étude historique trouvait ses limites dans l’édifice achevé, dans l’œuvre accomplie, saisie, notons-le, à travers les sublimes images photographiques des périodes héroïques, qui en fixaient des représentations immuables. »108

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MONNIER, Gérard, (2006) L’ architecture: la réception immédiate et la réception différée, l’œuvre jugée, l’édifice habité, le monument célébré. Éditions de la Sorbonne, Paris, 166 pages.

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Aborder l’histoire de l’édifice Wilton Paes de Almeida, de sa conception à sa construction, sans évoquer sa réception après 1965 et de l’histoire trépidante quelle raconte serait inconsistant. L’histoire de l’édifice s’est déroulée sur plus de cinquante ans, de l’année 1960, début de sa conception à mai 2018, son effondrement. Évènement qui marque à lui seul les conséquences de la réception du début du XXIème siècle sur l'édifice. Chacune des époques qu’il traverse, des années soixante aux années deux mille, marque une réception et une appropriation particulière du bâtiment par les brésiliens. À la fin de sa construction en 1965, le bâtiment devient le symbole des capacités d’un produit verrier, à la demande de Sebastião Paēs de Almeida, grand homme d’affaire aux multiples entreprises, dont la Compagnie de Verre du Brésil. Dès la fin de la construction, celle-ci ne tarde pas à utiliser les photographies du bâtiment comme publicités dans les revues spécialisées d’architecture de l’époque, comme Acropole109 . D’autres entreprises y implante leur siège, comme la banque Banco Mineiro do Oeste, qui y promet des affaires « plus rapides et plus faciles ». La firme Elevadores Atlas, spécialisée dans la construction d’ascenseurs, utilisera l’image du bâtiment pour venter les mérites de leur système rapide et moderne. Cependant, face au peu d’archives résident sur les premières années qui suivent la construction, il est difficile de faire part d’une réception « directe »110 de l’édifice.

L’inauguration notamment sera absente de cette étude. Pourtant en 1965, l’édifice est sélectionné à l’Exposition Internationale d’Architecture de la huitième Biennale de São Paulo, qui se déroulera du 4 septembre au 28 novembre. Biennales auxquelles Roger Zmekhol participe depuis la première en 1952, où il obtient le prix d’Architecture pour le projet d’une école et d’un centre sportif.

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revue brésilienne spécialisée d’architecture et d’urbanisme, publiée de 1938 à 1971.

KLEIN Richard et LOUGUET, Philippe, (2002). La réception de l’architecture. Cahiers thématiques. Architecture Histoire/Conception. Editions de l’école d’architecture de Lille.

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En 1970, seulement cinq ans après la construction, la crise financière entraine Sebastião Paēs de Almeida dans une série de dettes et l’oblige à mettre l’édifice à la vente. Il sera vendu à l’União111 et marquera le premier évènement tragique d’une longue série. Après sept ans d’inactivité, il finit par être acquis par la caisse économique fédérale. En 1977, celle-ci rachète le rezde-chaussée qui sera investit par une agence commerciale de la banque.

En 1979, l’édifice devient le siège de l’INSS, l’Instituto Nacional do Seguro Social112. L’édifice sera pour la première fois mis en lumière par ce nouveau programme à caractère social. En effet, le 15 juin 1991, le journal local O Estado De São Paulo titre « Une fraude sur le revenu pas sanctionnée ». La photo de couverture, prise depuis l’édifice d’en face, montre Romeu Tuma, délégué à l’INSS qui lance, depuis le septième étage un gigantesque papier.

On y voit une personne le réceptionnant sur la terrasse du premier étage. Ce rouleau de papier est le procès d’un médecin fraudeur à la sécurité sociale, qui aurait réussit à échapper aux contrôles successifs. C’est une véritable mise en scène, l’image de ce papier se déroulant sur sept étages exprime la fraude considérable qui a eu lieu. L’édifice sera pour la première fois mis en scène pour revendiquer une idée. L’évènement aura un effet direct sur l’espace public.

Seulement un an plus tard, l’édifice connait d’autres péripéties. Depuis 1964, suite au coup d’État mené par le maréchal Castelo Branco, c’est la dictature militaire au Brésil. La deuxième République de João Goulart est renversée, avec comme excuse d’être un rempart à l’arrivée du communisme. En réalité les Golpistas désirent mettre fin à une suite de manifestations syndicales demandant de nombreux projets de réformes sociales et ainsi mettre fin à un gouvernement qui penche à gauche. Elle dure vingt et un ans et au biais de la suspension de la Constitução de 1946, le maréchal Castelo Branco dissout le Congrès et autorise l’armée et la police à arrêter tout « suspect ». En 1980, c’est dans un climat autoritaire, que le Wilton Paēs de Almeida devient le siège de la Police Fédérale du Brésil. Il devient alors un haut lieu d’interrogatoire pendant toute la dictature (l’histoire raconte qu’a été arrêté et interrogé dans l’édifice le célèbre mafieux sicilien Tommaso Buschetta). Le 13 décembre 1982, des équipes de presse s’emparent du hall d’entrée afin de rassembler des informations sur l’arrestation de membres du parti communiste arrêtés suite au Congrès du Partido dos Trabalhadores113 . Sont arrêtés et interrogés Luiz Inácio Lula, fondateur du parti (et futur président de la République du

en français « l’Union », est une entité juridique de droit public interne, une entité fédérale autonome vis-à-vis des États membres, des municipalités et du district fédéral, qui dispose de pouvoirs administratifs et législatifs déterminés par la Constitution.

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Institut national de sécurité sociale.

fondé en 1980, connu sous le nom de « PT » le parti accèdera au pouvoir présidentiel de 2002 à 2006 avec Lula et de 2010 à 2014 avec Dilma Roussef, qui sera réélu pour un second mandat en 2014 et destituée en 2016 à la suite de scandales de corruption.

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Brésil114) et Eduardo Suplicy professeur et économiste brésilien, également membre fondateur. L’ édifice devient le symbole d’un contexte politique de répressions. Les artistes de la pop brésilienne, rassemblés sous le mouvement du « tropicalisme » s’exilent en Europe. Un mouvement socialement engagé dont Caetano Veloso, Chico Buarque, ou encore Gilberto Gil font parti. Leur chansons jugées « non nationalistes » aux influences rock et psychédéliques sont censurées, le Brésil est un pays réprimé.

Il faut attendre 1989 pour que la réception du bâtiment en tant que lieu de manifestations politiques et sociales s’affirme. Le 30 octobre, il est sujet à de nouvelles péripéties. Des agents de la Police Fédérale manifestent sur la terrasse du rez-de-chaussée pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Cet aménagement de toit-terasse pensé comme un lieu de bien être des employés devient par l’appropriation de son espace un lieu propice à la revendication. Une sorte de piédestal en plein centre ville qui utilise l’architecture pour se mettre en scène. Les policiers sont en surplomb par rapport à la rue, mais restent visibles depuis la place. L ’année suivante, l’édifice est une nouvelle fois le théâtre de manifestations sociales. Cette foisci ce sont les chauffeurs de bus de la ville qui se rejoindront par centaines devant l’édifice. Ils manifestent contre l’arrestation d’un chauffeur de bus impliqué dans un accident avec un policier. Arrestation jugée injuste car le policier roulait sur la voie réservée au bus, la manifestation prend une ampleur considérable et bloque la ville pendant six heures. Certains policiers observeront la scène depuis le toit-terrasse. Une nouvelle fois l’édifice met en scène une dualité. Le peuple est dans la rue, à la porte du bâtiment pour manifester. Les policiers les regardent depuis le toit-terasse. C’est la mise en scène du pouvoir exercé par la police, face à l’image du peuple dans la rue en contrebas.

Ces épisodes montrent combien l’édifice de part sa situation dans la ville mais également dans sa conception endosse le rôle de « bâtiment-événement ». Il est reçu à partir des années quatre-vint comme un lieu d’évènements importants pour la ville, notamment comme lieu où l’on se rejoint pour revendiquer. Il devient de part sa conception même, de bâtiment moderne en verre, un lieu clé de revendication et de part sa position dans la ville, un lieu stratégique car visible, à l’angle de deux rues importantes. En 1992, l’édifice sera classé monument historique par le Conseil Municipal de la Préservation du Patrimoine Historique, Culturel et de l’environnement de São Paulo (CONCRESP). Il sera protégé par un type de protection « Nivel de Proteção 3 » qui le considère désormais comme un bien d’intérêt historique, architectonique, paysagistique, ou environnemental, et qui détermine la préservation de ses caractéristiques externes. Il faudra donc attendre vingtdeux ans avant que le gouvernement le considère comme une oeuvre unique faisant partie du patrimoine précieux de l’architecture moderne brésilienne.

Président de 2010 à 2014, il se représente aux élections présidentielles de 2018. En pleine campagne il est destitué de ses fonctions et emprisonné pour des cas de fraude et de corruption.

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La Police Fédérale occupera tous les étages de l’édifice avant que le siège soit transféré en 2003 dans le quartier de Lapa, en zone Ouest de la ville.

Appartenant toujours à l’União et jugé invendable, l’édifice est abandonné.

Cet évènement est à mettre en lien avec l’abandon général du quartier Centre de Sāo Paulo au cours des années quatre-vingts. Époque à laquelle, déjà, le déséquilibre croissant entre les différentes classes sociales commence à se cristalliser dans l’environnement urbain de la ville mais également dans son organisation géographique. Pour rappel, dans les années vingt, le centre historique se compose essentiellement d’un tissu urbain d’usines et de logements ouvriers, autour desquels viennent s’installer l’élite politique et économique de l’époque. Puis, le développement de nouvelles voies ferrées vers le Nord, l’Est et le Sud-Est font surgir de nouveaux centres urbains. En parallèle, le régime de Gétulio Vargas à partir de 1934 voit le taux de chômage s’élever considérablement. La multiplication des travailleurs informels, non déclarés s’accélèrent et ces derniers ne peuvent plus se loger à des prix raisonnables. Ils finissent par construire leurs propres habitations dans des quartiers périphériques, ou des espaces encore non bâti par la ville: les collines. C’est la prolifération des Favelas115, nées après la guerre de Canudos en 1896. Le développement du secteur des transports, avec la généralisation de l’automobile et des services de bus projettent une nouvelle fois la ville vers ses périphéries. La rapidité vertigineuse avec laquelle la ville s’est transformée fait défaut aux politiques urbaines. Le centre historique est abandonné par les élites, qui partent vivre dans des condominiums fermés et plus sécurisés. Les plus démunis restent vivre dans les quartiers centre, qui voient son architecture se délabrer au fil des années et témoignent des failles d’une politique urbaine inefficace.

Une nouvelle fois, l’édifice se veut contre son gré, être le symbole d’évènements sociaux et urbains de son époque. Ainsi, les bureaux du Wilton Paes de Almeida se vident, et laissent place à des mouvements sociaux d’occupation: c’est le début de l’Ocupação du Wilton Paes de Almeida. Dès 2004, l’association Luta por Moradia Digna (Lutte pour un logement digne) s’empare du bâtiment. S’installeront cinquante familles dans ce géant de verre, puis cent, puis cent cinquante, et le délabrement du bâtiment s’accélère au gré de l’arrivée de nouvelles personnes. Compromettant à la fois la nature du bâtiment, mais également la sécurité de ces occupants.

En 2007, Pablo Georgieff, architecte et cofondateur du collectif Coloco remarque le bâtiment lors d’un voyage à São Paulo. Il initie alors la tentative d’une revitalisation de ce « squelette habité » . Projet qui sera rejoint par le collectif Exyst, et qui sera présenté à l’occasion de l’année de la France au Brésil sous le nom de « Momento Monumento ». Le projet se veut être « un point de rencontre heureux entre des acteurs de revitalisation du centre, une

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du nom d’un grand arbuste, le « faveleiro »

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saison culturelle, et un collectif d’artistes – constructeurs. » 116 En mai 2006, le collectif organise une rencontre internationnale « la ville occupée » qui réunit habitants, professionnels, philosophes, artistes et universitaires pour discuter de ce phénomène de plus en plus courant au Brésil. Le projet, pensé en terme de phases successives à mettre en place dans la temps, restera à l’étape de discussion et ne réussi pas sauver le bâtiment.

En 2015, l’édifice est mis à la vente aux enchères par l’União. Initiative qui ne trouve aucun acheteur vu l’état critique du délabrement de l’édifice et des coûts faramineux des travaux nécessaires. L’appropriation par les occupants de l’édifice prendra des formes de plus en plus revendiquée, avec notamment la présence de Pixos en façade. Cet acte de contestation né à São Paulo, se veut être la signe de protestations politiques et sociales des jeunes des quartiers défavorisés. Ils souhaitent reconquérir l’espace public et montrer qu’ils existent, face à un gouvernement corrompu qui les oublient. La façade de l’édifice devient alors support direct de ces revendications sociales.

Gustavo Lassala, doctorant à la FAUUSP dira « La pixação reflète une structure sociale qui a failli. C’est une ville qui crie, c’est un avertissement »117.

Trois ans plus tard, c’est l’effondrement. Dernier évènement d’une longue série qui suscite la stupeur de l’élite brésilienne. C’est la fin de quatorze années d’occupation. Occupation qui aura fait tant de bruit et mais pourtant restée si invisible aux yeux du gouvernement. Il faut attendre l'effondrement pour que l’opinion publique s’affole non seulement, de la perte d’un bâtiment moderne classé, mais des conditions précaires et dangereuses que sous tendent le phénomène des occupations aujourd’hui au Brésil. Il devient par cet événement le symbole d’une société fracturée, qui délaisse les plus démunis dans une ignorance totale. C’est l’histoire d’un immeuble de bureau en verre qui devient un immeuble de logements. L’histoire de six millions de brésiliens qui vivent dans des bâtiments abandonnés. L’histoire d’un bâtiment moderne qui n’est ni estimé ni respecté. C’est l’histoire d’un Brésil qui ne dialogue plus ni avec son passé, ni avec son futur.

mots prononcés par Philippe Rizzotti, co-fondateur du collectif EXYST en 2003. Discours de présentation du projet disponible sur le site internet de l’agence Philippe Rizzotti Architectes.

116

LASSALA, Gustavo, Em nome do pixo: a experiência social e estética do pichador e artista Djan Ivson, (Au nom du Pixo: l’expérience sociale et esthétique du picador et artiste DJan Ivson), 2014. 102 pages.

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Conclusion générale

une oeuvre brésilienne. ____________

Au terme de ce travail, il en revient de répondre à la question de départ, dans quel contexte architectural, politique, économique et social le Wilton Paēs de Almeida s’estil érigé et quelles conséquences joue ce contexte sur l’aspect technique et esthétique du bâtiment?

Afin de répondre aux questions qui gravitent autour de la conception de l’édifice, et bien que son étude ne soit pas exhaustive, étudier le Wilton Paes de Almeida dans toute sa grandeur a été l’objectif de ce mémoire. Il a s’agit d’aborder dans sa complexité, l’étude d’un contexte moderne brésilien, politique mais également économique, propice à la conception d’un édifice avant-gardiste en verre. Puis d’en étudier sa réception, de sa conception à sa disparition. Émane donc de cette approche, le terme d’« épopée » qui compose le titre. Il définit à l’origine « une suite d'événements historiques de caractère héroïque et sublime ». Ainsi, il s’agira ainsi de « l ’épopée brésilienne » car ce présent travail tient à révéler une identité jugée indissociable à l’oeuvre.

L’étude met en lumière deux grands constats, un premier qui révèle une parenté mais également un affranchissement face aux théories modernes, qui sous-tend une connaissance et une maitrise de celles-ci. Puis un second constat sur l’innovation, qui sous tend l’idée d’une architecture en lien avec un contexte. L’étude se déroule alors en trois parties, une première sur les possibles influences de la théorie sur l’oeuvre et de l’importance du terme « généalogie »; une seconde sur l’acte même d’innover en lien direct avec la réception de ces théories abordées; puis une troisième sur la réception de l’édifice après sa construction, qui a tenté de comprendre les relations et interactions du public avec le bâtiment et donc de l’évolution des rapports entre l’oeuvre et le public.

Le premier chapitre a permis d’affirmer l’appartenance de l’architecte à des théories fonctionnalistes d’une histoire européenne qui le précède. Au delà d’une simple affirmation, cette première étude permet à travers différents constats, de révéler certes les similitudes et ressemblances, qu’elles soient formelles, techniques ou théoriques, mais également les différences.

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Ces différences révélées étant essentielles à l’affirmation de ce qui tend à la notion de généalogie et d’acculturation: le rôle de la réception de ces théories dans le processus de conception. C’est en ce sens qu’une pensée fonctionnelle propre à l’architecte s’est révélée. C’est fondamentalement à travers la réception de ces théories et la capacité à en tirer des enseignements que l’architecte réussit à s’en émanciper pour mettre en oeuvre de nouvelles techniques répondant à un contexte brésilien.

Ces systèmes nouveaux seront pensés avec la conscience profonde d’une réelle responsabilité face à la relation entre l’homme et l’architecture. Cette relation résultant essentiellement de l’intérêt porté au confort environnemental de l’espace de bureau. Considérations, selon Reyner Banham dans l’Architecture de l’environnement bien tempéré, très souvent négligées par l’architecture moderne des années soixante et soixante-dix. L’intention sociale, qui place le bien être de l’employé comme principale préoccupation, sera mise en lien avec une démarche scientifique, le tout intégré à une préoccupation économique jugée essentielle. C’est cette conscience profonde des éléments pensés en interaction, qui crée le caractère pionnier de l’édifice. C’est avec une considération exemplaire des questions techniques liées à l’intention d’améliorer la relation entre l’architecture et l’homme, qu’en parallèle la question esthétique s’est résolue.

Ce travail a dont pu révéler l’identité de l’édifice, jusque là questionnée. Est-ce une interprétation du Seagram Building à São Paulo? Est-ce la résultante de l’application des théories européennes au Brésil? La réponse à ces questionnements n’envisage rien de tout ça. Roger Zmekhol a certes été influencé, comme toute une génération d’architectes le précédant à l’échelle du modernisme brésilien, par un courant de pensée venu d’Europe. Mais Roger Zmekhol n’a pas construit un édifice moderne en verre comme il l’a été fait à New York. Ce que Roger Zmekhol a construit est un édifice définitivement brésilien dans tous les plus fins paramètres que cela entend. Et c’est dans la domination fondamentale des contraintes spatiales liées à l’utilisation de ces systèmes techniques que Roger Zmekhol réussit à créer le Wilton Paes de Almeida.

Ainsi, sa simplicité esthétique, qui faisait l’objet au départ de doutes, est en réalité rendue possible uniquement grâce à la maitrise prodigieuse d’une complexité technique innovante. C’est en cela que Roger Zmekhol signe en 1965 une oeuvre définitivement pionnière pour l’époque et le contexte brésilien, et par conséquent une oeuvre fondamentalement brésilienne.

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« La simplicité n’est pas une résignation, ni une pauvreté, elle est en réalité une chose des plus sophistiquée » Roger Zmekhol cite Jean Cocteau.

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Iconographie __________ Fig.1. ZMEKHOL, Roger, élévation du mur rideau tripartite avec ouverture centrale fenêtres à guillotine, 1962, dessins présents dans la thèse de l’architecte. Documents des archives de la faculté d’architecture et d’urbanisme de l’université de Sao Paulo. (FAUUSP) Fig.2. XAVIER, Jōao, photographie de la façade mur rideau de l’édifice, 1966. Archives FAUUSP. Fig.3. VAN DER ROHE, Mies, Croquis pour le Friedrichstrasse Skyscraper project, Berlin , 1921. url: www.touchfomodern.com Fig.4. ZMEKHOL, Roger, Croquis pour le Wilton Paēs de Almeida, Sāo Paulo, 1961.

Archives FAUUSP. Fig.5. Photographe inconnu, Lever House, Skidmore, Owings & Merrill, New York, 1952, url: amc-

archi.com Fig.6. Photographe inconnu, Seagram Building, Mies Van Der Rohe, New York, 1958, url: www.som.com Fig.7. XAVIER, Jõao, photographie de l’édifice, 1966. Archives FAUUSP. FIg.8 . VAN DER ROHE, Mies, plan du 35ème étage, Seagram Building, New York, 1958.

VAN DER

ROHE, Mies (2001). Mies in America, Abrams Harry N. Editions, 791 pages.

Fig. 9. Collectif Coloco et exyzt, plans étage type de l’existant, 2007, url: www.coloco.com Fig. 10. VAN DER ROHE, Mies, plan rez de chaussée, Seagram Building, New York, 1958.

From: VAN

DER ROHE, Mies (2001). Mies in America, Abrams Harry N. Editions, 791 pages.

Fig.11 Collectif Coloco et exyzt, plan de rez de chaussée de l’existant, 2007, url: www.coloco.com Fig.12. VAN DER ROHE, Mies, Coupe transversale avec détails de mise en oeuvre de la façade en mur rideau. VAN DER ROHE, Mies (2001). Mies in America, Abrams Harry N. Editions, 791 pages.

Fig.13. Collectif Coloco et exyzt, Coupe transversale avec détails de mise en oeuvre de la façade en mur rideau. 2007, url: www.coloco.com Fig.14 ZMEKHOL, Roger, plan de structure, modifié par l’auteure, depuis plan existant de la thèse, Sāo Paulo, 1961. Archives FAUUSP. Fig.15 ZMEKHOL, Roger, coupe détail de plafond, modifié par l’auteure, depuis plan existant de la thèse, Sāo Paulo, 1961. Revue Acropole url: www.acropole.br Fig.16 ZMEKHOL, Roger, plan étage type, modifié par l’auteure, depuis plan existant de la thèse, Sāo

Paulo, 1961. Revue Acropole url: www.acropole.br Fig.17 XAVIER, Jōao, photographie de la façade Nord de l’édifice, 1966. Archives FAUUSP. Fig.18 XAVIER, Jōao, photographie de la façade Nord de l’édifice, 1966. Archives FAUUSP. Fig.19 ZMEKHOL, Roger, dessin élévation du mur rideau, modifié par l’auteure, depuis plan existant de la thèse, Sāo Paulo, 1961. Archives FAUUSP. Fig.20 Collectif Coloco et Exyzt, Coupe transversale avec détails de mise en oeuvre de la façade en mur rideau. 2007, url: www.coloco.com Fig.21 ZMEKHOL, Roger, plan de structure, modifié par l’auteure, depuis plan existant de la thèse, Sāo Paulo, 1961. Archives FAUUSP. Fig.22 ZMEKHOL, Roger, détail du poteau, modifié par l’auteure, depuis plan existant de la thèse, Sāo Paulo, 1961. Archives FAUUSP. Fig.23 ZMEKHOL, Roger, coupe détail de plafond, modifié par l’auteure, depuis plan existant de la thèse, Sāo Paulo, 1961. Revue Acropole url: www.acropole.br Fig.24 Collectif Coloco et Exyzt, coupe transversale de l’existant, 2007, url: www.coloco.com Fig.25 XAVIER, Jōao, photographie depuis l’intérieur du rez de chaussée de l’édifice, 1966.

Archives

FAUUSP. Fig.26 Collectif Coloco et Exyzt, Coupe de détail des plaques acoustiques sur les nez de dalles, 2007, url:www.coloco.com Fig.27 Collectif Coloco et Exyzt, Coupe longitudinale de l’édifice montrant les nez de dalles rétrécis à

chaque étage, 2007, url:www.coloco.com

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Annexes ______

112

113

Jammes Inès Séminaire « Histoire de l’architecture contemporaine » Sous la direction de Richard Klein et Caroline Bauer École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille Mai 2019

1

Annexe 1: Photographies du Musée d’Art Moderne de Rio, Affonso Eduardo Reidy, 1948

source: www.domus.com, photographe inconnu

2

Annexe 2: Photographie du Ministère de l’Éducation et de la Santé, Lucio Costa et Les Corbusier, 1936, Rio de Janeiro source: www.domus.com, photographe inconnu

3

Annexe 3: Peinture « Abaporu » de l’artiste brésilienne Tarsila Do Amaral (1886-1973), 1928. source: www.vejasp.com, revue Veja, Sāo Paulo.

4

Annexe 4: Casa Modernista, Gregory Warchavchik, 1928, Sao Paulo source: www.veredes.com.

5

Annexe 5: Brasilia, conçu en 1960 par Lucio Costa et Oscar Niemeyer, dans le film l’homme de Rio avec Jean Paul Belmondo, film sorti en 1964 lorsque la ville était encore en construction. source: www.atmosphère53.com.

6

Annexe 6: Les voyages de Le Corbusier au Brésil en 1929 et 1936.

Extraits de la BD « Joséphine Baker », Catel et José-Louis Bocquet, Casterman, 2016. source: scans de l’auteure. Bibliothèque Sciences-Po Lille.

7

8

9

Photographie de Le Corbusier et l’architecte brésilien Alberto Monteiro De Carvalho, 1929 source: Le Brésil de Le Corbusier, Laurent Beaudoin, 2011. url: www.beaudouinarchitectes.fr

10

Photographie et dessins de la conférence de Le Corbusier à Rio, publié par Life Magazine, 1929 et 1936 source: Le Brésil de Le Corbusier, Laurent Beaudoin, 2011. url: www.beaudouinarchitectes.fr

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Annexe 7: Photopraghies de la résidence Sumara, Roger Zmekhol, 1958 source: revue Acropole n°336, consultable en ligne sur www.acropole.com

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13

Annexe 8: Extraits du catalogue de la XVIIIème Biennale, 1952 source: archives biennales disponible en ligne à http://www.bienal.org.br/

14

Extraits du catalogue de la XVIIIème Biennale, liste des architectes présents et des oeuvres présentées, 1952 source: archives biennales disponible en ligne disponible en ligne à http:// www.bienal.org.br/

15

Annexe 9: Publicité pour la Compagnie de Verre du Brésil, ici pour des pièces automobiles. source: archives en ligne Folhas de Sao Paulo url: www.folhasdesaopaulo.arquivos.br

16

Annexe 10: Publicité pour la société de verre du Brésil « Les vitrines de verre lisse Vidrobrás transforment les indifférents en acheteurs » , date inconnue. source: revue veja, url: www.veja.br

17

Annexe 11: Extrait de La tour de bureaux artistiquement considérée, Louis Henry Sullivan, 1896

« Les architectes du monde entier doivent dorénavant faire face à quelque chose de nouveau sous le soleil : à savoir que l’évolution et l’intégration des conditions sociales, et le groupement de celles-ci, se traduisent par une demande pour la construction de grands édifices à usage de bureaux. Ce n’est pas du tout mon but de discuter de ces conditions sociales. Je les accepte comme des faits, et je dois dire à la fois que la conception d’immeubles de bureaux en hauteur doit être reconnue et doit être confrontée au départ comme un problème vital à résoudre, dont il est urgent de donner une véritable solution.

Définissons les conditions de la manière la plus claire qui soit. En bref, elles sont les suivantes : les bureaux sont nécessaires pour la conduite des affaires; l’invention et le perfectionnement des ascenseurs à grande vitesse est flagrante, ce qui était autrefois fastidieux et douloureux, devient maintenant facile et confortable; le développement de la fabrication de l’acier a montré la voie à des constructions économiques, complètement sécurisées, rigides; et de ce fait, une grande hauteur peut être envisagée. La croissance continue de la population dans les grandes villes, la congestion conséquente du centre et la pression inflationniste du prix du sol, a eu pour conséquence d’augmenter le nombre de success stories dans le business; de ces succès se sont formés des empilements qui ont fait évoluer leur valeur de base et ainsi de suite, par l’action et la réaction, interaction et inter réaction. Ainsi est venu cette forme de construction noble appelée “immeuble de bureaux moderne”. Ces bâtiments sont venus en réponse à un appel, dans un nouveau groupement de conditions sociales nécessaires. Jusqu’à ce point, la preuve est matérialiste : tout ceci est le produit conjoint du spéculateur, de l’ingénieur et du constructeur.

Problème: Comment allons-nous donner à cette brutalité du monde moderne la grâce des formes supérieures de la sensibilité et de la culture qui reposent sur les passions inférieures et féroces ? Comment allons-nous annoncer la hauteur vertigineuse de cette étrangeté, comme symbole de la beauté, du culte de la vie la plus élevée ? Tel est le problème; et nous devons chercher la solution dans un processus analogue à sa propre évolution, une continuation de ce savoir, en procédant étape par étape, et partir du général pour arriver aux aspects particuliers … Je suis convaincu qu’il est de l’essence même de chaque problème de contenir sa propre solution. Ce que je crois être la loi naturelle. Examinons donc attentivement les éléments, cherchons cette suggestion contenue, cette essence du problème.

Les conditions pratiques sont, de façon générale, celles-ci: 1. Le sous-sol, contenant la chaudière, des moteurs de toutes sortes, etc., bref, l’usine pour pouvoir chauffer, éclairer, etc.

2. Un rez de chaussée consacré aux magasins, aux banques ou autres établissements nécessitant de grandes surfaces, ou un espacement suffisant, beaucoup de lumière, et une grande liberté d’accès.

3. Un deuxième étage facilement accessible par des escaliers. Cet espace est habituellement séparé par de grandes subdivisions, avec libéralité correspondant à l’espacement structurel avec des étendues de verre en rapport avec l’ampleur des ouvertures extérieures.

4. Ci-dessus un nombre indéfini de bureaux empilés niveau par niveau, un niveau tout comme 18

un autre niveau, un bureau, tout comme tous les autres bureaux. Un bureau étant semblable à une cellule en nid d’abeille, simplement un compartiment, rien de plus.

5. et dernièrement, au sommet de cette pile est placé un espace qui, comme lié à la vie et l’utilité de la structure, est purement physiologique dans sa nature à savoir, le grenier. […]

Enfin, ou au début plutôt, il doit y avoir sur le rez de chaussée une ouverture principale ou entrée commune à tous les occupants ou les usagers du bâtiment.

Ce tableau est, pour l’essentiel, caractéristique de chaque grand bâtiment de bureaux dans le pays. [..]. Ces choses et d’autres, tels que la disposition des ascenseurs, par exemple, ont à faire strictement avec l’économie de la construction, et je suppose qu’ils ont été pleinement pris en compte et éliminés à la satisfaction des exigences purement utilitaires et pécuniaires.

Seulement dans de rares cas, le plan ou arrangement des étages du haut peut prendre sur une valeur esthétique.

Comme je ne suis pas là à chercher une solution individuelle ou spéciale, mais pour parler de normalisation, l’attention doit se limiter à ces conditions qui, dans l’ensemble, sont constantes dans tous les immeubles de bureaux de grande taille, et chaque variation fortuite ou accidentelle est éliminée de ma considération, comme nuisibles à la clarté de mon enquête.

L’unité pratique de division des bureaux est naturellement basée sur une pièce de la zone de hauteur confortable, et la taille de cette pièce de bureau standard prédétermine aussi naturellement l’unité de construction standard, et,de ce fait, la taille des ouvertures des fenêtres. À leur tour, ces unités purement arbitraires de forme de la structure détermine d’une manière tout aussi naturelle le vrai le travail artistique des extérieurs. […].

De ce point de vue laissez-moi maintenant apporter une formulation complète. Toutes les choses dans la nature ont une forme, à savoir, une forme, une apparence extérieure, qui nous dit ce qu’elles sont, ce qui les distingue de nous-mêmes et les unes des autres. Dans la nature ces formes expriment la vie intérieure, la qualité native de l’animal, de l’arbre, de l’ oiseau, du poisson, de manière à ce qu’ils se présentent à nous; elles sont si caractéristiques, si reconnaissables, que nous disons, simplement, il est “naturel” qu’il en soit ainsi.[..].

Il est une loi qui pénètre toutes les choses organiques et inorganiques, toutes les choses physiques et métaphysiques, toutes les choses humaines et toutes les choses surhumaines, toutes les manifestations de l’esprit, du cœur, de l’âme, que la vie est reconnaissable dans son expression du fait que la forme suit la fonction. Telle est la loi.

Allons-nous, alors, violer quotidiennement cette loi dans notre art ? Sommes-nous si décadent, si imbécile, que nous ne pouvons pas percevoir cette vérité si simple, si simple ? Est-ce bien une vérité si transparente que l’on voit à travers elle, mais ne le voit-on pas ? Est-ce vraiment alors, une chose si merveilleuse, ou est-ce plutôt si banal, si quotidien, si proche de nous, pour que nous ne pouvons pas percevoir que la forme, la forme, l’expression extérieure, la conception ou quoi que nous puissions choisir, de la hauteur immeuble de bureaux devrait dans la nature même des choses suivre les fonctions du bâtiment, et que, lorsque la fonction ne change pas, la forme devrait-elle changer

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Annexe 12: Curriculum Vitae de Roger Zmekhol, page de présentation source: fonds archives FAUUSP.

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Curriculum Vitae de Roger Zmekhol, liste des cours suivis à la faculté source: fonds archives FAUUSP.

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22

Curriculum Vitae de Roger Zmekhol, rôles pédagogiques source: fonds archives FAUUSP.

23

Curriculum Vitae de Roger Zmekhol, rôles institutionnels source: fonds archives FAUUSP.

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Annexe 13: Photographies et plans du Burolandschaft, « le bureau

paysage », 1959

Source: Private Archive Office Landscape, Andreas Rumpfhuber.

Fig.1 et 2: Plan d’un étage de bureau, QuickBorner, 1959.

Photographie de l’intérieur de l’édifice de bureaux de l’entreprise allemande GEG's office, dessiné par Quickborner Team, 1966.

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Annexe 14: The Johnson Wax Company par Frank Lloyd Wright,

1936-39.

source: www.scjohnson.com

Fig. 3: Photographie de l’intérieur de l’édifice, les colonnes en forme de nénuphars s’élèvent dans la grande salle de travail ouverte.

Fig. 4: Photographie d’une employée à son bureau, dessiné par Frank Lloyd Wright. Il dessinera plus de 40 pièces de mobilier pour l’entreprise Johnson.

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Annexe 15: Publicité, et photographies du mobilier en acier tubulaire par Marcel Breuer, 1930. source: « Thonet, l’historique », url: www.thonet.de

27

Annexe 16: Photographie et axonométrie de l’Action Office II, en 1968. source: Fonds Herman Miller.

Fig.5: Photographie du premier Action Office II, pour JFN Associates à Chicago en 1969. Pensé par Rober Propst.

Fig.6: Axonométrie des systèmes de cloisons et bureaux, Action office II, Robert Propst.

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Documents techniques de l’édifice

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Annexe 17: Plan et disposition du noyau en façade Nord afin de protéger

une partie du bâtiment d’un trop fort ensoleillement.

source plan de l’édifice: Zmekhol Roger, documents de thèse, archives FAUSSP plan de situation: Mendes, Ana, projet de fin d’étude, décembre 2015. Modifié par l’auteure.

Fig.7: Plan échelle 1/500ème issu de la thèse de l’architecte.

Source: fonds de la FAUUSP.

Fig.8: Plan de contexte de l’édifice

Source: travail de

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Annexe 18: Plan d’étage en lien avec les élévations des façades

source: documents du projet Momento Monumento, par les collectifs COLOCO et EXYST.

Façade Nord

Façade Sud

78,3 m

Façade Ouest 31

Annexe 20: Plan coté d’un étage type au 1/500, Roger Zmkehol, 1965

source: documents du projet Momento Monumento, par les collectifs COLOCO et EXYST.

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Annexe 21: Plans type par étage de l’existant

source: documents du projet Momento Monumento, par les collectifs COLOCO et EXYST.

33

Annexe 22: Références bibliographiques présentes dans la thèse de l’architecte Caractéristiques environnementales des édifices de bureaux, 1972 ALBERTI, Leoni Batista - « Ten Books on architecture » ARONIN, Jeffrey Ellis - « Climate e architecture » BIRKHOLZ, Lauro Bastos, « Planos Diretores Municipais de São Paulo » BOREL, Jean Claude - « Le confort thermique en climat chaud » CADIERGUES, Roger - « Isolation et protection des bâtiments » 1954 ———————— « L’éclairage par fluorescence » 1951 CROSBY, Theo - « Architecture city sense » Cidades - « Urbanização e humanidade » FURTADO, Celso « théorie du développement économique », 1964 Glass, Products - "Pittsburgh - Plate Glass COo » GIEDON, Siegfried - « Space, Time and Architecture » GOLDINGER, E - « A Sensação do Espaço » - FAUUSP GROPIUS, Walter - « The New Architecture and the Bauhaus » GRINOVER, Lucio - « Conferência feita na UoSoEo - em 1970 » GOTTMANN, Jean - « Urban Centrality and the entervening of quaternary activities » 1993 GOULART, Reis Filho, Nestor - « Urbanização e Teoria » HALL, Edward T., 1969, « The Hidden - Dimension Progressive Architecture - Man and Space » HALL, Peter - « Las Grandes Ciudades y Sus Problemas » ,I.B.G.E., Atlas Censitário HOLH, Rembold, International Office Buildings I.E.S. - 4a. Edição Il Centro Pirelli - Edilizia Moderna - n° 71 L'Architecture d’Aujourd'hui - « Doctrines », 1971 L'Architecture D’Aujourd'hui, numéros 58/69/90/114 Le Corbusier - « Vers une Architecture » —————— « De Ia fenêtre au plan de Verre » LEWIS, D - "La Ciudad Problemas di Diseno y Estructuras" Lighting Glassware - Corning Glass LOPES, Juarez Rubens Brandão - « Desenvolvimento e Mudança Social » 1966.

LOTUFO, Zenon - « O Espaço Psicológico na Arquitetura » MANHEIN, Karl - « Ideologia e Utopia » MANGE, E. Roberto Carvalho - « A Função Abrigo na Arquitetura » MILLA, Ariosto - « Sistematização do Projeto » MOHOLY, Nagy, Sibyl - « Progressive Architecture » - n°11 NIEMEYER, Oscar - « Minha Experiência em Brasilia » PRADO Jr., Caio - « História Economica do Brasil » PREVSNER, Nicolau - « Pioneiros Del Diseno Moderno » PROPOST, Robert - « The Office -Facility based on change » , Nov , 1971 ————————- « Man and Space » - Revista de Administração de Empresas - F.G.V. ROLAND, Claude et Moles, Abraham André « Méthodologie vers une science de l’action » 1964 SAARINEN, Elul - « Search for Form » SINGER, Paul - « Revista Brasileira de Ciências Sociais » TANGE, Kenzo - Ed. Gustavo Gili - Barcelona - 1946/49.

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Annexe 23: Croquis de l’architecte Roger Zmekhol de la voiture du futur, 1959 source: fonds d’archives de la FAUUSP.

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Annexe 24: Photographie de l’architecte et le projet pour la banque Itaú, São Paulo, 1972. source: fonds d’archives FAUUSP.

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Annexe 25: Photographie de l’architecte Roger Zmekhol, 1964 source: fonds archives FAUUSP

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Jammes Inès Séminaire « Histoire de l’architecture contemporaine » Sous la direction de Richard Klein et Caroline Bauer École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille Mai 2019