Klibres #5

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oi kikis’passe spasse Koi

(L’exégèse est simple : la cité bouillonne d’actu et on l’écrit)

Kader : « Aucune so légale ne s’offr « Je m’appelle sans-papiers », me déclare Kader, un soir, dans les rues de Nantes. Six années se sont écoulées depuis, entre espoirs et labeurs, et rien n’a changé pour cet Algérien de 37 ans. Kader vit de cave en cave et traîne avec lui la conscience lourde d’un échec permanent. Jour après jour, il survit à la dure loi de la réalité : sans propriété, sans identité, sans papier. Alors pour continuer, pour oublier, Kader erre… K.libres : Pourquoi as-tu fui l’Algérie ? Kader : « Dans mon pays, dès l’âge de 9 ans, on pense à faire sa vie. Et faire sa vie, c’est partir. Il n’y a pas d’avenir en Algérie. Le gouvernement, la police, presque tous sont corrompus ! Nous avons seulement le choix de nous taire, sinon on encourt des représailles. Je me rappelle cette bombe qui avait explosé dans le cimetière de mon village. Le lendemain, 35 personnes suspectées d’être les instigateurs de cet attentat terroriste ont été mitraillées en public par l’Armée. Les hommes et les femmes - l’une d’elle enceinte - étaient nus, le cou serré par des colliers d’acier, prêts à rejoindre la fosse. Pas d’enquête, pas de justice. Là-bas, on tue sans raison. »

K.libres : Tu as immigré de façon clandestine ? Kader : « Non, j’avais un visa de trois mois renouvelable. Après les attentats terroristes à la fin des années 1990, j’ai pu demander un droit d’asile territorial et je me suis réfugié en Espagne, puis en France. » K.libres : Pourquoi avoir choisi la France comme ultime destination ? Kader : « Parce qu’elle symbolise les Droits de l’Homme, du moins je le pensais ! Et puis, je

combattu avec la France pendant la guerre. » K.libres : En France, qu’est-ce qui caractérise le quotidien d’un sans-papiers ? Kader : « La peur, d’abord. J’ai beau avoir un ticket de bus, dès qu’il y a un contrôleur, je m’enfuis parce que je crains qu’il me demande ma carte d’identité. L’indifférence ensuite. J’ai demandé des restes, une fois, à un restaurant, et l’on m’a répondu qu’ils ne donnaient qu’aux SDF. Et moi, je suis quoi ? C’est simplement parce que j’étais “présentable” qu’on n’a pas voulu me donner à manger ! Partout dans ma vie, dans mon quotidien, partout où je vais, je suis un sans-papiers… C’est pour ça que certains

« le travail au noir ou le mariage blanc » connais bien ce pays… L’Algérie a été colonisée pendant 130 années. Je suis nécessairement imprégné de la culture française. J’ai même appris la langue à l’école ! Et mon père a

Un ou deux sans-papiers régularisés chaque année à Nantes Le Groupement accueil service promotion du travailleur immigré (Gasprom) se bat depuis plus de 40 ans à Nantes, pour les sans-papiers. Face à l’indifférence politique générale et à l’angoisse accrue de certains Français sur la question des immigrés, Luce, une militante, témoigne. K.libres : Quel soutien proposez-vous aux sans-papiers ? Luce : « Avant la maîtrise des flux migratoires en 1970, notre association s’appuyait surtout sur l’entraide et le bénévolat. On attribuait des boîtes postales aux sans-papiers, on les aidait dans leurs démarches administratives. Aujourd’hui, c’est avant tout politique. Notre principal but consiste à lutter contre les expulsions abusives, contre l’absence de soins fondamentaux. Nous travaillons en réseau avec d’autres associations et proposons une aide juridique ainsi qu’une aide aux familles et à l’enfance. Il faut savoir que chaque année, à Nantes, seuls un ou deux sans-papiers sont régularisés. » K.libres : Pourquoi lutter en leur faveur ? Luce : « Le traitement infligé aux sans-papiers est inadmissible. Aucune solution n’est proposée et le renouvellement des cartes de séjours se fait rare. Résultat, ces personnes doivent une nouvelle fois tout abandonner : leur famille, leur travail. Dernièrement des policiers ont pris deux enfants alors qu’ils étaient à l’école, et les ont emmenés dans des camps de rétention sans leurs parents. C’est aberrant. »

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Contact : 02 40 47 00 22 K.LIBRES #5 - Avril/Mai 06


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