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SANTÉ

Hara-Kiri au Japon moderne

Le saviez-vous ?

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Pour Doi Takeo, psychanalyste japonaise, le suicide chez les jeunes Japonais pourrait s’expliquer par leur fort attachement à la figure maternelle. Rien n’est plus catastrophique que la perte de la mère ou de décevoir sa famille. Une théorie tirée d’un mythe japonais selon laquelle, la déesse du soleil Amaterasu (un nom qui rappellera des souvenirs aux fans de Naruto), après un désaccord avec son frère Susanoo, s’enferma dans une grotte et répandit sur la terre : la nuit, la désolation et une angoisse de mort.

Le Hara-Kiri, est une pratique japonaise consistant à se donner la mort par éventration aux moyens d’une dague. Le taux de suicide est en baisse de 20% au Japon par rapport à l’an dernier, pourtant il pourrait bien grimper de manière très significative après la crise. C’est le constat alarmiste fait par le professeur Satoshi Fuji de l’université de Kyoto suite à la hausse du chômage dû au coronavirus. Dans un pays au taux de suicide parmi les plus élevés du monde depuis de nombreuses années.

C’est après qu’un restaurateur de l’arrondissement de Nerima à Tokyo se soit donné la mort que les autorisés sont alertées par des rapports sur une possible forte augmentation des suicides après la crise sanitaire. Plus de clients à cause des restrictions de déplacement, c’est ce qui aurait poussé le restaurateur à fermer boutique avant de s’enduire d’huile de friture et de mettre feu à son établissement début mai. Un décès qui marque selon les médias nippons, le premier « corona-jiatsu » (comprenez suicide du coranavirus), le premier d’une longue liste selon le professeur Satoshi Fuji. l’état-major des armées de Tokyo en 1970.

© Domaine public

Ritualisation et origine de l’augmentation du taux de suicide

Le phénomène de mort volontaire s’étend dans le Japon du XIIè siècle jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Le Hara-Kiri, ou le fait de s’ouvrir le ventre au sabre (Hara : ventre et Kiru : couper), est une pratique courante à partir du XIIe siècle mais surtout très codifiée. À l’heure d’un Japon féodal, le Hara-Kiri plus tard appelé Seppuku, est souvent effectué lors de combats entre divers chefs de clans. Le vaincu, ne pouvant plus protéger son territoire s’ouvre le ventre avant que l’un de ses vassaux abrège ses souffrances en lui coupant la tête. Une pratique plus tard utilisée par les paysans, ne pouvant plus subvenir aux besoins de leurs foyers. La pression sociale, les condamne à réussir dans la vie. Alors que la mort volontaire est vue en occident comme une fuite, au Japon le suicide selon Maurice Pinguet « relève d’un acte de bravoure ultime ».

Il affirme « Si des mesures massives de soutien ne sont pas mises en œuvre à l’égard des travailleurs précaires, le taux de chômage va grimper et une vague de suicides s’ensuivra ». Le suicide, c’est la bête noire du Japon depuis de nombreuses décennies, alors que le nombre de suicide par an n’était pas descendu en dessous de 30 000 depuis 40 ans, c’est désormais chose faite en 2019. Après de nombreuses politiques et mesures gouvernementales, le pays pourrait de nouveau sombrer dans une nouvelle vague de suicide. Un triste constat qui pour certains anthropologues et philosophes comme Maurice Pinguet et Bernard Stevens, tire son origine de traditions nippones millénaires. Alors que certains se souviennent encore de l’éventration volontaire du réalisateur Yukio Mushima à Il n’est bien sur aujourd’hui plus question d’une telle théâtralité, malgré tout, dans les mœurs nippones, la question de la pression sociale reste le dénominateur commun. Ainsi, depuis les années 2010, le pays entame une politique visant à stopper la pensée commune qui prête à cet acte une connotation positive. Par exemple, le suicide des jeunes, n’ayant d’autres choix que de réussir à l’école (première cause de mortalité au Japon chez les 20-44 ans). Le Japon se classe aujourd’hui 14ème du sombre classement du taux de suicide dans le monde, derrière de nombreux pays européens avec pour chef de file le Groenland (Dannemark) avec 82 suicides pour 100 000 habitants en 2018.

Léa Grillet