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1.2.2 Le Code de la commande publique
Néanmoins, les pouvoirs publics n’ont pas poussé au bout la logique d’unité à laquelle aurait dû conduire la publication de l’ordonnance du 29 janvier 2016. Cette unité est, en effet, en partie entachée par le maintien de textes périphériques. L’ordonnance « concessions » a certes abrogé la loi « Sapin » du 29 janvier 1993 et l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics. L’article 69 de l’ordonnance n° 2016-65 dispose ainsi : « dans toutes les dispositions législatives en vigueur, pour les contrats passés en application de la présente ordonnance, les références aux articles du chapitre IV du titre II de la loi du 29 janvier 1993 susvisée ou à l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics s’entendent comme faisant référence à la présente ordonnance pour autant que lesdits contrats eussent relevé du champ d’application de ces dispositions avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ». Mais l’ordonnance « concessions » maintient en vigueur, de manière artificielle, certaines dispositions spécifiques applicables aux délégations de service public locales. Cette survivance limitée de la catégorie des délégations de service public, qui se traduit par le maintien d’un régime spécifique dans le CGCT, n’a pas manqué de susciter le mécontentement d’une large partie de la doctrine(120) .
1.2.2 Le Code de la commande publique
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Présentée comme l’étape ultime de la refonte du droit de la commande publique(121), la codification marque l’achèvement d’un long processus de simplification et de la rationalisation, dont l’étude d’impact adossée à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique(122) (ci-après « loi Sapin 2 ») a retracé les différentes étapes. En 1994, un groupe de travail de l’Assemblée nationale avait émis, pour la première fois, l’idée de codifier le droit de la commande publique. Cette proposition, non reprise par le gouvernement, avait néanmoins fait l’objet de quelques développements dans le rapport public du Conseil d’État pour 1995 sur « La transparence et le secret ». Puis, la circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires a fait apparaître, dans une annexe intitulée « Programme général de codification 1996-2000 », un projet de « code des marchés publics et autres contrats d’intérêt général ».
(120) H. Hoepffner, « La délégation de service public, une notion condamnée ? », RLCT, 2004, n° 98, p. 45 ; F. Linditch, « Les contrats de délégations de service public après l’ordonnance du 29 janvier 2016 », Contrats et marchés publics, 2016, dossier 6 ; « Libres propos sur l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession », JCP A, 2016, n° 2061 ; J.-B. Vila, « L’occasion manquée de la nouvelle réforme des contrats de délégation de services publics », JCP A, 2016, n° 2063. L’ensemble de ces articles étant cité par F. Brenet, « Les nouvelles bases du droit des concessions », AJDA, 2016, p. 992. (121) J. Maïa, « Les nouvelles dispositions sur les contrats de la commande publique », RFDA, 2016, p. 197. (122) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
À chaque réforme du code des marchés publics, la doctrine a ensuite espéré qu’un projet de codification se concrétise(123). En 2001, dans son douzième rapport annuel, la Commission supérieure de codification, réactualise le projet de code de la commande publique : « la question de l’élaboration d’un code de la commande publique, déjà évoquée dans le passé, reste posée pour deux raisons. D’une part, le nouveau code des marchés publics doit être complété [...]. Il faudra bien [...] opérer une codification de l’ensemble des règles applicables aux marchés publics ». Sur ce point, ce souhait s’est concrétisé par la modification du code des marchés publics. Mais le rapport de poursuivre : « D’autre part, les autres dispositions concernant les commandes publiques qui sont demeurées en dehors du code des marchés publics pourraient être intégrées dans cette codification », et de conclure : « La codification de l’ensemble des règles applicables à la commande publique est plus que jamais souhaitable. Le ministre de l’Économie et des Finances a d’ailleurs demandé que ce projet de code soit inscrit au programme de la Commission supérieure de codification »(124) . L’optimisme était alors de mise et un projet de loi portant réforme du code des marchés publics même été adopté le 20 mars 1997. On pouvait y lire notamment : « le nouveau code des marchés publics » doit s’insérer en effet dans le futur « code des marchés et autres contrats d’intérêt général » inscrit au programme de la Commission supérieure de codification. À côté du livre consacré aux marchés publics stricto sensu, prenaient place les dispositions d’origine communautaire applicables aux organismes d’intérêt général et particulièrement aux « entreprises de réseau », les dispositions relatives aux délégations de service public telles qu’elles résultent de la loi du 29 janvier 1993, et l’ensemble des textes applicables aux contrôles en matière de commande publique. Néanmoins, la dissolution de l’Assemblée nationale le 21 avril 1997 ne permit pas à un tel projet d’aboutir. Il faudra attendre un projet de loi du 17 mars 2004 habilitant le gouvernement à simplifier le droit pour que renaisse la volonté d’élaborer un code de la commande publique. Ainsi, l’article 56 autorisait le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à l’adoption de la partie législative de cinq codes, dont le code de la commande publique. Pour le législateur, il s’agissait de prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-473 du 26 juin 2003 consacrant un socle de principes, commun à tous les contrats de la « commande publique ». Dès lors, un code de la « commande publique » devait naturellement réunir le code des marchés publics et les textes associés : la loi Sapin et l’ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat(125). Cependant, plusieurs réponses ministérielles ont acté de l’abandon de ce projet, justifié par la volonté de ne pas « apporter un nouveau bouleversement des règles existantes ». Certains auteurs émettaient par ailleurs quelques réserves sur la justesse de la notion de « commande publique »(126) . C’est finalement du Conseil d’État que vint une nouvelle initiative de codification du droit de la commande publique : « Pour pouvoir sauver ou régulariser les contrats, il faut un code de la commande publique, ou même des contrats publics, qui définisse des principes communs
(123) S. Pignon, D. Bandet, « Décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant réforme du Code des marchés publics », AJDA, 2001, p. 367. (124) 12e rapport, p. 16. (125) Exposé des motifs de l’article 56 de loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit (http://www.senat.fr/rap/l04-005/l04-00513.html). (126) P. Delvolvé, « Les contrats globaux », RFDA, 2004, p. 1079.
et des règles de procédure communes »(127). Faisant écho à cet appel, la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, dispose, en son article 33 : « Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, à l’adoption de la partie législative d’un code de la commande publique ». L’embellie fut toutefois de courte durée puisque le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2009-575-DC du 12 février 2009 censura l’article précité, estimant, de manière il est vrai discutable(128), qu’il était dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi(129) . Le code de la commande publique fut alors abandonné pour plusieurs années, la circulaire du Premier ministre n° 5643/SG du 27 mars 2013 ne le citant même pas au titre des projets de codification. À l’occasion de la transposition des directives « marchés publics » et « concessions », le ministre de l’Économie annonçait toutefois, dès le 12 mars 2014, l’adoption prochaine d’un code de la commande publique(130), l’article 38 de la loi « Sapin 2 » n° 2016-1694 du 9 décembre 2016 autorisant en dernier lieu le gouvernement « à procéder par voie d’ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la publication de la présente loi, à l’adoption de la partie législative du code de la commande publique ». Prenant acte de « l’existence d’un consensus sur la nécessité d’élaborer un code de la commande publique », l’étude d’impact jointe à la loi dresse la liste ensuite des objectifs que la doctrine avait déjà assignés à la codification : « renforcer l’accessibilité et la lisibilité des règles applicables aux contrats de la commande publique », « améliorer l’intelligibilité et la compréhension des règles du droit de la commande publique » ou encore « accroître la sécurité juridique des procédures et promouvoir l’efficacité de la commande publique ». Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a finalement publié l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du Code de la commande publique, ainsi que le décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du même code. À ce code s’ajoutent 21 « annexes », qui prennent la forme d’arrêtés ou d’avis et dont la liste est dressée par une « annexe préliminaire », portée par un arrêté du 22 mars 2019. Le Code de la commande publique est entré en vigueur le 1er avril 2019. Il a initialement fait l’objet de modifications principalement cosmétiques, et visant également à
(127) F. Tiberghien, « Il faut un code de la commande publique pour assurer sa sécurité juridique », AJDA, 2008, p. 1128. (128) S. Nicinski, « Le plan de relance de l’économie », RFDA, 2009, p. 273 : « Dès lors, il nous semble que l’idée d’un code la commande publique n’était pas si dépourvue que cela de lien avec le projet initial, sans doute pas au sens de la jurisprudence stricte du Conseil constitutionnel sur le droit d’amendement, mais tout simplement du point de vue de la conception même du plan de relance ». (129) Voir sur ce point, J.-D. Dreyfus, « Les nouvelles mesures de simplification du droit des marchés publics », AJDA, 2009, p. 306. (130) Discours de P. Moscovici, Ministre de l’Économie et des Finances, Clôture du colloque sur la transposition des directives européennes relatives aux marchés publics, 12 mars 2014. L. Richer préfèrera alors le nom de « code des contrats publics », plus à même d’englober les concessions. Voir L. Richer, « Le code de 2016 », AJDA, 2014, p. 705. Appellation qui finira de convaincre le professeur P. Delvolvé de la pertinence de la notion de « commande publique » (P. Delvolvé, « Les contrats de la “commande publique” », RFDA, 2016, p. 200).