Mini toute l'histoire

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CHAPITRE 1

LES ANNÉES BMC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 CHAPITRE 2

LES ANNÉES BRITISH LEYLAND . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .84 CHAPITRE 3

LES ANNÉES ROVER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 CHAPITRE 4

LA COMPÉTITION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 CHAPITRE 5

PRODUCTIONS EXOTIQUES ET DÉRIVÉS . . . . . . . . . . . . . . . . 154 ANNEXES

IDENTIFICATIONS ET CHIFFRES DE PRODUCTION . . . . . . . 184

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QUAND GENÈSE RIME AVEC SUEZ C’est d’un événement politique – la crise de Suez de juillet 1956 – qu’est née la Mini ; le rationnement en essence (45 litres par mois) mis en place au Royaume-Uni dès l’automne ayant eu pour effet le ralentissement quasi instantané de l’industrie automobile. Qu’on en juge : même les petites voitures populaires, les Austin A35, Morris Minor ou autres Standard 8 ne se vendaient plus ! La chute des ventes fut d’ailleurs si brutale que la British Motor Corporation, le premier constructeur du pays, dut licencier six mille employés, quasiment du jour au lendemain. Certes, le cours de l’histoire fera que la crise ne durera pas, mais, n’étant pas devin, Leonard Lord, le patron de BMC, supposant que la pénurie pourrait durer plusieurs années, comme après la guerre, décida dans l’urgence d’ajouter un véhicule super économique à sa gamme.

C’est ainsi qu’il convoqua, fin 1956, dans son bureau de l’usine de Longbridge, son chef de l’ingénierie, Alec Issigonis, pour lui demander (selon la légende perpétuée par “Issi” lui-même) “de créer une véritable petite voiture qui pousserait hors des routes les hideuses Bubble Cars”. Bubble Cars ? C’est ainsi que l’on désignait alors au Royaume-Uni ces curieuses petites voitures, le plus souvent venues d’Allemagne de l’Ouest, qu’étaient les Isetta, Heinkel, Goggomobil ou autres Messerschmitt, et qui connurent une vogue passagère à la suite de la crise de Suez. La phrase de Lord est restée célèbre et fit même dire à nombre d’historiens que la Mini avait été inventée pour concurrencer les Bubble Cars. Cependant, même s’il est vrai que Lord les détestait car il les trouvait très laides, il savait très bien qu’elles ne représentaient qu’une part très marginale du marché et qu’il n’avait rien à craindre d’elles… Plus sérieusement, la Mini est bien née parce

Leonard Lord, l’homme qui décida de créer la Mini (ici photographié lors de son lancement en 1959) resta toujours l’un de ses plus fervents supporters, comme George Harriman qui lui succéda en 1960.

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que le patron de BMC souhaitait créer le véhicule le mieux adapté à la pénurie d’essence. Sur-le-champ, Issigonis mit au tiroir les deux projets sur lesquels il travaillait, la XC/9001, une grosse berline assez conventionnelle (dont le style annonçait cependant celui de la future Mini) et la XC/9002, une voiture moyenne, plus audacieuse, à traction avant et à moteur transversal et transmission longitudinale. Dix jours plus tard, Issigonis était de retour dans le bureau de Lord. Il lui tendit une feuille de papier sur laquelle figuraient en dix points les grandes lignes de son nouveau projet. Après avoir jeté un œil à la feuille, Lord dit alors, très tranquillement : “Bien. Il me faut cette voiture d’ici deux ans.” Ainsi démarra le travail sur XC/9003, un prototype qui deviendra par la suite ADO15 (ADO pour Austin Drawing Office). La mission d’Issigonis était simple : construire la plus petite voiture capable d'accueillir confortablement quatre passagers. Précisons qu’il était libre de faire tout ce que bon lui semblait, à la seule condition d’utiliser un moteur existant déjà dans la gamme BMC, en l’occurrence le série A, d’abord apparu sur l’Austin A30 en 1951 (803 cm3) avant d’émigrer sous le capot de la Morris Minor après la fusion des deux marques. Issigonis était doublement ravi. D’une part parce qu’il ambitionnait depuis très longtemps de réaliser une petite voiture – un “char pour les femmes” comme il avait coutume de le dire –, mais aussi parce que le blanc-seing que lui avait accordé Lord l’autorisait à laisser libre cours à son imagination et à son sens de l’innovation, tout en lui permettant de réaliser un autre de ses vieux rêves, créer une voiture à traction avant, un mode de propulsion dont il était,

depuis longtemps, l’un des plus ardents supporters. Il avait d’ailleurs réalisé, quelques années plus tôt, un prototype de Morris Minor à traction avant qui marchait très bien, Jack Daniels, son bras droit, l’utilisant même au quotidien… Au sein de la cellule Issigonis, tout le monde se mit alors au travail avec ferveur, ne vivant plus que pour la XC/9003. Partant d’un premier cahier des charges simple – construire la quatre places la plus petite du monde –, Issigonis allait, très vite, dès les premières esquisses, complexifier grandement la chose. Au programme : traction avant donc, moteur en position transversale, transmission accolée et placée en dessous du moteur, roues de dix pouces, châssis séparés, suspensions indépendantes (et équipées de cônes en caoutchouc mis au point par Alex Moulton), direction à crémaillère… “Issi” choisit aussi tout de suite de placer le conducteur dans une position de conduite étrange, que l’on compare souvent à celle d’un conducteur de bus. Si on lui faisait le reproche d’être mal assis dans la Mini, il rétorquait ainsi : “Écoutez-moi bien. Il est absolument impératif d’être assis inconfortablement dans une voiture. Ainsi, on reste concentré. Sinon, on s’endort.” Le travail avança très vite et, dès mars 1957, une maquette en bois à l’échelle 1 était prête. On la surnomma Orange Box à cause de sa couleur flirtant avec l’orangé. Au mois de juillet, Leonard Lord eut l’honneur d’essayer la voiture dans les allées de l’usine. Au bout de cinq minutes, il s’en revint et déclara à Issigonis : “Je la veux en production d’ici douze mois !” Issigonis, affolé, répondit : “Mais c’est de la folie. Cela va coûter des millions !” Lord répliqua : “Ne vous inquiétez pas pour cela, je m’occuperai de signer les chèques et vous n’aurez qu’à vous soucier de faire fonctionner votre engin.”

Avant de s’attaquer à la Mini, Issigonis travaillait en 1956 sur le projet XC/9001, une propulsion équipée d’un 1 500 cm3. Sur le plan du style, elle annonçait déjà la ligne générale de la Mini. Une esquisse mythique, l’une des premières de la future Mini. On voit qu’Issigonis envisageait d’installer le réservoir d’essence dans le compartiment moteur. Par ailleurs, ce dessin est typique des travaux d’Issigonis qui traçait des croquis n’importe où, sur les nappes des restaurants par exemple, ou n’importe quand, comme en pleine nuit.

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Contrairement à ce que dit la légende, seul le tout premier prototype XC/9003 fut surnommé Orange Box. Les prototypes suivants furent en effet peints en rouge comme celui-ci – sans doute le second de la lignée – qui, hors sa calandre d’Austin A35, est déjà assez proche du style de la future Mini. Sous le capot de ce prototype XC/9003, on voit que le moteur transversal est muni d’un carburateur et d’un collecteur d’échappement placés à l’avant, vers la route. On pense que le moteur fut tourné de 180 degrés dès le troisième prototype.

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Finalement, la Mini n’entrera en production que deux ans plus tard, mais cela restait malgré tout un temps de mise en production ridiculement court ! Bien sûr, du premier prototype, la fameuse Orange Box, à la Mini de 1959, il y eut quelques modifications en cours de route. La plus importante concerna le moteur transversal qui fut tourné de 180 degrés. En effet, sur les deux premiers prototypes, les carburateurs faisaient face à la route. Cependant, en testant les autos en France à l’hiver de 1958, on s’aperçut que ceux-ci gelaient. Plus grave, toujours dans cette position, la transmission peinait à trouver sa place sous le moteur. En le retournant et en modifiant les pignons, on régla le problème. Quant aux carburateurs, on verra plus loin qu’en dépit de cette modification leurs soucis étaient loin d’être résolus. Il y eut aussi quelques atermoiements à propos de la cylindrée du moteur. Les premiers prototypes étaient équipés d’un 948 cm3 de 37 chevaux et il apparut vite qu’ils étaient trop rapides pour une auto notamment destinée à des demoiselles encore néophytes en matière de conduite. On décida donc d’adopter le 848 cm3 (34 chevaux), une cylindrée jusqu’alors inédite dans la gamme BMC. En dépit de sa rapidité, la mise au point de la Mini ne fut pas de tout repos car pour la première fois sur une automobile, l’huile devait à la fois lubrifier le moteur et la transmission. On eut donc quelques belles sueurs froides à ce sujet, mais à la grande surprise des ingénieurs, après quelques aménagements, au final, tout fonctionnait à merveille. La traction avant donna aussi du fil à retordre à l’équipe d’Issigonis, surtout les joints homocinétiques. En effet, sans joints fiables, impossible de construire la Mini ! Syd Enever, l’ingénieur en chef de MG, vint au secours de ses confrères de Longbridge en dégottant des joints – mis au point par le

Tchèque Hans Rzeppa – utilisés sur des sous-marins et fabriqués au Royaume-Uni par la firme Birfield. Les roues et les pneus de dix pouces firent, eux, l’objet d’une longue étude, en collaboration avec Dunlop. Il faut dire que là aussi, il y avait le feu au lac, l’usure des gommes étant initialement trop importante pour simplement envisager la commercialisation de la Mini. Un important travail permit de la diminuer… mais seulement de la diminuer… tout Ministe endurci n’ignorant pas que c’est une auto qui “use” du pneu ! Par ailleurs, si, sur le papier, Issigonis souhaitait équiper la Mini de la suspension Hydrolastic, œuvre de son ami Moulton, cette dernière était loin, à cette époque, d’être au point, et il y renonça rapidement – le premier prototype Orange box n’en était d’ailleurs pas équipé – pour se rabattre sur des cônes en caoutchouc également mis au point par Moulton. Enfin, du côté du design, il y eut aussi discorde à propos des fameuses arêtes parcourant la caisse. Issigonis y tenait beaucoup, arguant qu’elles permettaient de fabriquer les coques plus facilement et de manière plus économique. Mais les fabricants de coque étaient loin d’être du même avis… tandis que Dick Burzi, le patron du design chez BMC, considérait qu’avec ces arêtes la voiture était proprement invendable. Cependant Issigonis, comme toujours, n’en fit qu’à sa tête et défendit qu’on y touche. Face aux critiques, il ne cessa de répéter : “Toutes les autres voitures sont comme les vêtements féminins, elles seront démodées d’ici deux ans. La mienne sera toujours au goût du jour quand je serai mort.” Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il avait raison. Finalement, lorsque les prototypes arrivèrent à un stade de style assez avancé, on sollicita l’avis de Battista Pininfarina qui, après avoir ausculté la chose, déclara : “Elle est unique, ne touchez à rien !” C’en fut donc définitivement terminé des querelles de style.

Une version ultérieure d’XC/9003 dotée d’une curieuse calandre, Vue de l’arrière d’XC/9003. Il n’y a pas de malle de coffre, l’accès aux bagages

vraisemblablement l’œuvre de Dick Burzi. On se félicitera qu’elle n’ait pas

se faisant de l’intérieur.

été retenue !

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XC/9003 est maintenant devenue ADO15. Ce prototype est désormais tout proche du modèle définitif hors la calandre intégrée dans le masque avant. La calandre détachable (et sa moustache chromée) fit son apparition lorsque George Harriman suggéra à Issigonis d’ajouter du brillant à la Mini afin de la rendre plus séduisante et vendeuse. “Issi”, qui tenait beaucoup à sa calandre tôlée, la conserva sur les Van et les Pick-Up. Issigonis tenait beaucoup aux grands vide-poches placés dans les portes. Il pouvait y mettre ses chères bouteilles de gin et de Martini. “Où les mettre sinon ?” demandait-il le plus sérieusement du monde à ses collaborateurs. Comme il était aussi un grand fumeur, il équipa également la Mini de cendriers. Par contre, comme il n’aimait pas la radio, aucun logement spécifique ne fut prévu pour elle !

Cette vue de l’intérieur de ce prototype ADO15 met à l’honneur une des grandes fiertés d’Issigonis, la large console qui offre, de chaque côté du compteur, un grand espace de rangement. Naturellement, plusieurs éléments diffèrent encore de la future Mini, notamment l’emplacement de la plaque de châssis, posée ici dans la contre-porte !

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