Habitat-Jardin /// Magazine 2016

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28 – transformation d’un battoir

Epicurienne ruralité Cette maison familiale du Gros-de-Vaud offre une autre idée du battoir à grains. Ou comment s’offrir un bout du monde à 25 kilomètres de Lausanne. Texte : Viviane Scaramiglia • Photographies : Sophie Kellenberger et Vanina Moreillon

des années 1900 réaffecté se livre corps et âme à la sidérante vérité de la nature qui déferle autour de lui. Pour le couple, l’artiste Isabel Bustros et l’architecte Alain Zufferey, «ici, l’été, c’est la Provence, l’hiver, un «chalet» cerné par la neige avec une route peu praticable. Mais c’est Byzance en toute saison!»

Fascination d’une architecture «pauvre»

A

la faveur d’un matin clair qui pousse à se laver de la ville, partir au cœur du Gros-de-Vaud, passer de l’or du grenier à blé de la Suisse romande à la forêt de hêtres, chênes et cerisiers sauvages, là où l’ancien battoir se brouille avec le paysage. Près du vieux pont en pierre, en retrait de la route, se dessine le dos de la bâtisse, avec ses grandes claies coulissantes de sapin brut patiné par le temps. L’étroit escalier extérieur descend vers le devant de l’habitation, qui s’ouvre plein sud sur la terrasse en surplomb de la rivière le Talent. Une grande table sous l’arbre, le chant des martinets et le rire des enfants fendent l’air léger. En contrebas, un sentier mène vers l’ancienne cave voûtée qui abritait la roue à aubes. De face, la bâtisse dressée sur son socle de pierre crépi revêt en partie le même lattage sur glissière posé à un mètre de la façade originelle en bois de sapin, dégageant dans l’entre-deux une coursive percée de portes et de vastes baies. A l’est, en amont de la pente, la deuxième partie laisse place, sur deux niveaux, à de grands vitrages. Simple et sobre, dépourvu d’«effet design», le battoir

En fonction jusque dans les années 1950, la bâtisse avait ensuite abrité un appartement aménagé dans la grange. Depuis la restauration il y a dix ans, tout n’est que jointure entre radicalité et douceur inondée de blanc tamisé. De la cuisine du rez ouverte jusqu’au faîte, 11 m de hauteur. Entre les deux, sous le toit à deux pans, l’immense séjour en mezzanine conduit à l’atelier de l’artiste et à la chambre des parents, qui s’ouvre à l’arrière sur un petit jardin d’inspiration zen. A côté de la cuisine, l’autre porte ouvrant sur la terrasse donne accès au domaine des enfants. L’architecte, Alain Zufferey, du bureau Ardin et Zufferey, n’a pas dérogé aux grands axes de sa philosophie: «La priorité à la qualité des espaces, à une structure immédiatement compréhensible, dont la simplicité passe aussi par le choix des matériaux.» Les panneaux à claire-voie sont en sapin brut de sciage, les glissières à roulettes zinguées perpétuent la tradition de celles utilisées dans les bâtiments ruraux. Solution créative: le bord du toit à l’avant intègre des tuiles en verre, qui apportent un supplément de lumière à l’atelier via la coursive. Au rez, du parquet; à l’étage, la chape brute cirée. On a conservé les encadrements de porte originels en granit. «J’aime m’appuyer sur de l’existant», explique l’architecte.

Le charme du vécu L’aménagement? Le charme de l’hétéroclite. Des canapés Napoléon III et Louis-Philippe – qui viennent de la famille –, du vintage, un ancien établi de menuisier poncé et vernis servant de table de cuisine. En terrasse, de simples meubles en bois, vieillis par les pluies et l’usage. Face à ce battoir palpitant de vécu et de vie, me revient cette citation de John Keats: «Toute beauté est joie qui demeure.» Et cette restauration accomplie augure un avenir des plus heureux. ●


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