Efficience21 N° 12 (2014)

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Moins de CO2 dans le ciment S’il est adopté à large échelle, ce matériau à base de chaux moulue crue et d’argiles calcinées développé à l’EPFL pourrait bien faire baisser la production mondiale de CO2 de quelques points. Sylvie Ulmann

L

e béton, dont la composante clé est le ciment, est la deuxième matière la plus consommée sur la planète, juste après l’eau. En tout, on en utilise 12 milliards de tonnes par an. On le considère plutôt comme un matériau écologiquement correct, puisqu’il ne représente que 7 à 8 % des émissions de dioxyde de carbone mondiales, ce que les spécialistes estiment être de l’ordre du raisonnable au vu de la masse produite. Et c’est justement dans cette quantité impressionnante que se niche l’intérêt d’améliorer son bilan carbone. «Vu les quantités utilisées, une amélioration même infime sur le plan du CO2 vaut la peine d’être adoptée, car l’effet de levier est énorme», affirme Jérôme Laffely, responsable du projet LC3 (abréviation de «Limestone Calcined clay Clinker Cement») à l’EPFL.

ment des argiles calcinées comme substitut depuis les années 1960. «Mais, jusqu’à présent, on ne parvenait pas à dépasser 30 % de substitution du clinker par ces argiles en maintenant de bonnes performances. Or, en ajoutant de la chaux simplement moulue, nous sommes arrivés à plus ou moins 50 % de substitution par un effet de synergie chimique entre l’argile calcinée et la chaux crue broyée.»

Opérationnel d’ici à deux ans L’équipe travaille maintenant à la mise en place de ce nouveau matériau, qui bénéficie heureusement du soutien de grands cimentiers appuyant ce projet aux côtés de la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC). Car, en plus d’économiser du CO2, celui-ci a le mérite de coûter entre 10 et 30 % moins cher qu’un ciment tradi-

tionnel, suivant le contexte de production et la qualité de la matière première. Autre avantage, il permet aux cimentiers d’utiliser des matériaux annexes de leurs carrières, et donc d’en prolonger la durée de vie. Le soutien financier de la DDC devrait favoriser la commercialisation de cette innovation le plus rapidement possible. «Ce produit serait de toute façon arrivé sur le marché d’ici à dix ou quinze ans, mais nous espérons ainsi faire avancer les choses plus vite, afin que dans sept à dix ans, tout le monde s’y mette», conclut Jérôme Laffely. Ce nouveau standard pourrait bien arriver en Europe dans deux ou trois ans, mais les pays en croissance, qui construisent à tour de bras, constituent son cœur de cible. A Cuba, en Thaïlande, au Brésil, en Inde et en Chine, des projets sont en cours à divers états d’avancement. E

Supprimer l’étape de décarbonatation Un bâtiment entièrement construit avec du LC3 à Jhansi, en Inde, en 2013.

Soumen Maity

«Il faut agir sur la composante la plus polluante du ciment, c’est-à-dire le clinker, explique le responsable du projet. Celui-ci est composé à 90-95 % de calcaire décarbonaté pour un ciment Portland ordinaire. La décarbonatation se fait dans d’énormes fours chauffés à 1500 °C et implique un rejet de CO2 dans l’atmosphère. Environ 60 % de ces rejets résultent de la décarbonatation et seulement 40 % proviennent du chauffage. L’idée consiste donc à réduire la part de clinker dans le ciment afin d’améliorer ses performances environnementales.» Pour y parvenir, une partie du clinker a été remplacée par des argiles calcinées à 750 °C. «On économise du combustible puisqu’on travaille à une température plus basse et, bien sûr, on réduit les émissions de CO2, puisqu’il n’y a pas d’étape de décarbonatation.» Jérôme Laffely le rappelle: ce processus ne date pas d’hier. On utilise en effet couram-

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