AVRIL 2019 // L'INDICE BOHÉMIEN // VOL. 10 - NO.07

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DE PANACHE ET DE LAINE

S P É C I A L I M M I G R AT I O N

CHRONIQUE

LA MAJORITÉ SILENCIEUSE

LES GÉANTS ENDORMIS

GABRIEL DAVID HURTUBISE

FEDNEL ALEXANDRE

On a l’impression, quand on est jeune, qu’il y a une foule de gens de notre âge. Elle est plus nombreuse encore à l’université, où tout le monde est beau à outrance, par ailleurs. Dans les bars à la mode, même chose, et plus encore; il s’en trouve même des trop jeunes pour être là en toute légalité. Dans les cafés à cinq piastres la tasse des grandes villes, alors là, tout le monde a quasiment le même âge! Il se fait une sorte de sélection eugénique fondée sur l’âge et/ou le statut étudiant. Il ne faudrait pas s’étonner, tôt ou tard, que des portiers soient engagés pour exiger une clientèle dans la vingtaine et/ou un statut d’étudiant postsecondaire dans une université reconnue par le Canada.

La Mosaïque a fait d’une pierre deux coups au Petit Théâtre le 28 février dernier en soulignant le Mois de l’histoire des Noirs et surtout, en honorant la mémoire de Yolette Lévy et de Clotaire Moulounda. Sous le thème Les géants endormis, l’association a organisé une soirée qui a permis aux amis, aux proches et aux parents de se réunir et de partager un moment agréable en évoquant le souvenir des deux disparus. Animée par la conteuse Marta de la Calzada, la soirée était divisée en deux parties. Entamée avec un numéro présenté par l’animatrice, la première partie était consacrée à la lecture, d’une part, de contes et d’extraits d’un roman de Clotaire Moulounda et, d’autre part, d’un texte rédigé par Guillaume Beaulieu en hommage à Yolette Lévy. Une animation musicale assurée par les groupes Maélissa, formation fondée par Clotaire Moulounda, et Baye Fall Afia meublait la deuxième partie de la soirée.

Pour l’instant, il s’agit encore d’un phénomène sociologique, faut croire. Un jour, dans un cours de ladite science sociale, j’ai vu une pyramide démographique du Québec. Elle n’était pas tant dans le style de Khéops que dans celui d’une toupie : ronde au centre, disons un peu vers le haut. La projection démographique pour 2026, quant à elle, ressemblait davantage à une pyramide, mais à l’envers. Le prof a commencé à parler des impacts socioéconomiques du phénomène, ceux que nous commençons tout juste à ressentir aujourd’hui. La fameuse majorité silencieuse, ça doit être eux. Des centaines de milliers de personnes qui forment ensemble « le vieillissement de la population ». Ils arrivent. Pour nous qui n’allons jamais mourir, les jeunes, on n’y pense pas trop, à notre vieillissement. Ce n’est pas dans nos perspectives d’avenir. Tout comme les RÉER : on sait que c’est important, mais il est trop tôt ne serait-ce que pour en entendre parler (et puis ça nous emmerde). Plusieurs sont trop occupés à étaler leurs êtres exceptionnels et triomphants sur les réseaux sociaux pour appeler leurs grandspères une fois par année. Alors ces derniers sombrent lentement dans l’oubli, n’ayant plus d’utilité économique, un rôle familial très réduit, un cercle social restreint. Perchés dans le haut d’une résidence, on les néglige comme s’ils étaient nés pour un p’tit bain. Et je ne dis pas que les personnes âgées sont toutes seules et malheureuses, ce serait exagéré, bien sûr. Seulement, notre rapport à la vieillesse s’est transformé dans nos sociétés contemporaines : là où l’on voyait jadis de la sagesse, on voit désormais des connaissances « dépassées » si ce n’est de la naïveté. Là où la grand-mère, tricotant et bricolant, était une usine à produits du terroir, elle est aujourd’hui une retraitée économiquement « inactive ». Ils dégringolent rapidement les échelons de la société, voilà tout. Moi, si j’étais un vieux rangé dans le placard, j’organiserais un grand conseil des vieux sales pour faire la révolution. Je pèterais tout ce qui est du nouveau millénaire et ce serait la fin du nouveau tout neuf. Avec les renforts qui s’en viennent en grand nombre, nul doute que de grandes avancées seraient faites, et vite!

Cet hommage haut en couleur a permis de revisiter le parcours de Clotaire Moulounda et de Yolette Lévy, partis pour l’éternité en décembre 2018. Respectivement originaires du Congo et d’Haïti, ces deux personnalités ont laissé un bel héritage à la région sur les plans humain, culturel, éducatif, syndical et littéraire. En effet, ils ont tous deux été enseignants, l’un au cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, l’autre à la Commission scolaire de Val-d’Or. Au-delà de leur parcours professionnel, ils se sont impliqués dans la construction d’une région qui leur a ouvert les bras et au cœur de laquelle ils resteront à jamais. Établie à Val-d’Or pendant près de 50 ans, Yolette Lévy a tour à tour été engagée dans la vie syndicale, politique et communautaire. En effet, elle a défendu des valeurs syndicales et milité en faveur de la promotion de la parité et de l’égalité. L’importance de son œuvre a été soulignée et reconnue par des distinctions prestigieuses, dont le prix CharlesBiddle pour son apport exceptionnel à la société québécoise en 2006. La mémoire de Yolette Lévy sera entretenue, entre autres, par la création d’un prix Yolette-Lévy pour souligner l’implication d’une femme qui se sera démarquée par son engagement citoyen et communautaire. Le nom de la lauréate de ce prix honorifique sera dévoilé à l’occasion d’une cérémonie à la mairie de Val-d’Or le 28 avril prochain. Mme Lévy et M. Moulounda faisaient partie des membres fondateurs de l’organisme La Mosaïque. De son côté, Clotaire Moulounda, outre son enseignement et son implication dans le développement de plusieurs mines, s’est illustré en tant que conteur et musicien. La soirée Les géants endormis a mis en lumière une facette moins connue de ce personnage sympathique et mystérieux à la fois. En effet, Clotaire Moulounda menait une activité de création littéraire qui ne s’arrêtait pas qu’au conte. Marthe Julien a lu des extraits de son roman inédit. Les personnages que l’auteur y a dessinés révèlent un Clotaire Moulounda vif avec un regard désopilant et malicieux. Il ne fait aucun doute que l’héritage de ces deux géants endormis leur survivra. En se plongeant dans le sommeil de l’éternité, comme dirait Omar Khayyam, ils laissent la preuve de leur grande générosité et celle de l’ouverture de l’Abitibi-Témiscamingue sur le vaste bruit du monde.

SOIRÉE DE CONSULTATION PUBLIQUE 9 avril 2019, 18 h 30 Salle Témabex, 52, rue Perreault Ouest Inscription requise

CONSULTATION EN LIGNE 10 au 19 avril 2019 Inscription à la soirée, documents et consultation en ligne :

www.rouyn-noranda.ca/politiqueculturelle

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INFORMATION

819 797-7110 poste 7390 rnculture@rouyn-noranda.ca


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