“Ces objets qui nous relient aux autres" de Adeline Rispal

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“Ces objets qui nous relient aux autres “ Adeline Rispal -– 9/11/ 2010 / Rev 7/07/2013

René Char «Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver.»

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Lorsque j’ai écrit ce texte fin 2010 pour la conférence de l’ICMAH à Shanghai “Original - Copy – Fake / On the significance of the object in history and archaeology museums”, dirigée par l’historienne et curator Marie-Paule Jungblut à la fin de sa présidence, nous étions en train de travailler sur un concours pour le musée de l’Économie et de la monnaie pour la Banque de France à Paris. Dans ce projet comme dans les autres, c’est la mécanique humaine complexe que nous essayions de mettre en lumière dans l’espace du musée. Cela a été l’occasion de réfléchir aux notions de valeur et d’échange.

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La confiance De même que le système économique planétaire est basé sur la confiance en la valeur des échanges marchands, laquelle était fondée jusqu’à la première guerre mondiale sur l’or accumulé dans les réserves des États et l’est aujourd’hui sur la croissance de l’économie et l’équilibre des comptes des pays, on pourrait dire que le système patrimonial et muséal – et notamment occidental - est basé sur la confiance en l’authenticité des œuvres architecturales et artistiques et des productions humaines conservées et mises à la disposition du grand public dans les monuments et les musées. On a vu en 1929 ce que la perte de confiance dans le système économique occidental pouvait engendrer et, encore récemment, le spectre de cette crise a plané sur nos têtes. Les États et institutions européennes et mondiales ne s’y sont pas trompées qui ont garanti le système pour enrayer ce qu’on nomme l’effet domino. Qu’adviendrait-il dans le cas des collections des musées si nous apprenions qu’elles n’étaient plus toutes authentiques, mais que certaines étaient des faux ou des copies ? Les propriétaires des collections publiques que sont les citoyens ne seraient-ils pas effrayés de voir leurs richesses envolées, leurs croyances en la grandeur de leur culture mise à mal par le doute ? Les visiteurs continueraient-ils à faire la queue dans les plus grands musées du monde ou bien déserteraient-ils les monuments et les musées ? Le marché de la copie se développerait-il, plus fructueux encore que le marché des originaux car touchant un public beaucoup plus large ? Les conservateurs se convertiraient-ils en grands prêtres de l’industrie culturelle ou bien leur rôle serait-il limité à la conservation des quelques originaux maintenus en dehors du système marchand et qui seraient stockés dans des musées d’originaux ? Adeline Rispal – « Ces objets qui nous relient aux autres » - Nov 9, 2010 / Rev 2 July 7, 2013 - Page 3 of 12


Les États et les collectivités territoriales seraient-ils capables d’éviter l’effet domino ? Seraient-ils critiqués pour avoir construit à grands frais des temples du faux ? Ou bien seraient-ils félicités de dépenser moins en conservation préventive et en sécurité pour des objets qui n’en n’auraient plus besoin ? Les institutions européennes et internationales devraient-elles exiger l’éradication des collections fautives et ainsi garantir ce que les États n’arriveraient pas à faire ? Ou bien assisteraient–t-elles à une redistribution complète du patrimoine authentique et faux à l’échelle planétaire au plus grand bonheur des pays dépossédés de leur patrimoine ? Et nous, humains sur Terre, qu’adviendrait–il de notre relation symbolique à ces objets ? Comment serions-nous en lien avec nos ancêtres, nos prédécesseurs ? Comment aurions-nous les preuves de leur expérience qui nourrit la notre, comment aurions-nous accès à l’expression artistique de leurs doutes et de leurs souffrances qui nous aident à supporter les nôtres ? Comment aurions-nous accès aux expressions d’autres cultures, à d’autres formes de pensée et de relation au monde ? Pourrions-nous nous passer de la charge symbolique – de la valeur affective - que nous attribuons aux objets qui comptent pour nous ? Ou bien nous adapterions-nous à cette nouvelle donne en n’attachant pas davantage d’importance à une pipe neuve qu’à celle de notre défunt mari ? Comment nos émotions s’y retrouveraient-elles dans ce dédale de vrai et de faux ? Que faudrait-il inventer pour catalyser le sentiment d’appartenance à notre culture, le lien social de nos communautés ? L’authenticité Comme dans le système bancaire, la valeur est étalonnée. Dans le monde des musées, elle est basée sur l’authenticité des objets conservés. Le dictionnaire de l’Académie française nous renseigne sur l’origine de cette notion. Adeline Rispal – « Ces objets qui nous relient aux autres » - Nov 9, 2010 / Rev 2 July 7, 2013 - Page 4 of 12


AUTHENTIQUE adj. XIIIe siècle. Du bas latin authenticus, du grec authentikos, « qui consiste en une autorité absolue », dérivé de authentês, « qui agit de sa propre autorité ». En parlant d'une œuvre, d'un document. Qui émane véritablement de l'auteur auquel la tradition l'attribue. Par ext. Dont on a établi avec certitude la provenance. AUTHENTICITÉ n. f. XVIe siècle, autentiquité ; XVIIIe siècle, authenticité. Le fait qu'un acte ou une œuvre ont réellement l'origine qui leur est attribuée. Caractère de vérité, …de sincérité. Autorité, Attribution, Tradition, Origine, Vérité, Sincérité sont donc les maîtres mots de cette histoire qui est la notre. Les garanties Comme dans le système bancaire, les institutions internationales ont établi des règles qui garantissent l’authenticité des œuvres. La conservation du patrimoine architectural est régie par une série de chartes, notamment celles d’Athènes, de Venise et de Tolède-Washington, qui exigent que toute intervention nouvelle sur un monument exprime son époque, rendant ainsi immédiatement perceptibles les époques antérieures pour en mieux garantir l’authenticité. Les chartes nationales et internationales des musées édictent également les règles qui vont garantir l’authenticité des œuvres de l’homme pendant leur collecte (expertises d’authentification), pendant leur restauration (commissions de restauration), pendant leur conservation et leur transport (sûreté des œuvres contre toutes formes d’agressions, y compris leur substitution), pendant leur exposition (identification des copies le cas échéant).

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La valeur Une fois son authenticité garantie, on peut se poser la question de sa valeur. Mais qu’est-ce que la valeur ? Le jeune économiste français Frédéric Lordon 1, revendiquant l’héritage du philosophe néerlandais Spinoza, pense aujourd’hui que « la valeur n’est pas intrinsèque aux choses, mais qu’elle vient toujours du dehors, d’un dehors social dont la nature est affective. Il n’existe pas de valeur objective, uniquement un processus de valorisation engendré par les expériences de notre corps ». Pour lui, il n’y a pas de différence entre la valeur esthétique, la valeur économique et la valeur morale. Dans chacun des champs, la valeur provient « du même processus de captation d’un affect collectif », donc totalement subjectif. Ainsi pour lui, le musée « serait la forme institutionnelle qui cristallise les affects communs stabilisés, préformés, constituant un capital symbolique. » La nature même du capital symbolique est le fait d’avoir concentré sur soi un affect commun qui rend constitutif de puissance. Une fois le détenteur d’un capital symbolique valorisé, il peut opérer des valorisations qui vont augmenter la puissance des objets valorisés. Ceci explique, entre autres, le mécanisme des manipulations possibles de nos affects et ainsi de la valeur marchande et non marchande des objets. Le lien social Mais, comme on l’a vu plus haut, les émotions ont leurs conséquences anxiogènes, à savoir qu’elles augmentent le sentiment de solitude de l’homme. Ainsi, ce dernier a-t-il besoin de communiquer ses émotions, les partager avec ses proches, créant ainsi ce que l’on nomme le lien social. Si on revient à l’objet au musée, l’émotion qu’il nous procure est donc bien liée à nos affects, mais elle peut également être parasitée par la puissance dont il est détenteur comme réceptacle des affects collectifs. Ce qui expliquerait que plus un objet est reconnu, plus il provoque en nous des affects (qui n’ont pas forcément à voir avec ce que nous ressentons au plus profond de nous), et plus nous en parlons autour de 1

Lordon, F. (2009), Ce que la valeur esthétique fait à la valeur économique 2 http://www.youtube.com/watch?v=50NipMFEtOU Adeline Rispal – « Ces objets qui nous relient aux autres » - Nov 9, 2010 / Rev 2 July 7, 2013 - Page 6 of 12


nous et plus il est reconnu…ici se construit le « star system » des objets. Mais vous et moi, nous considérons que nos affects sont à nous et ne se mêlent pas à ces affects collectifs ….Nous cherchons au musée ce qui va nous toucher nous en tant qu’individu doté d’une spécificité. Avant d’écouter les critiques et les guides, nous allons tenter de nous laisser choisir par les objets eux-mêmes, ceux qui nous parlent comme on dit. Mais comment nous parlent-ils ? Économie et symbolique L’anthropologue Maurice Godelier dans L’énigme du don2 fait part d’une relecture de Mauss par Jean-Joseph Goux sur la distinction entre biens aliénables et inaliénables. Il nous rappelle ainsi que « en pleine économie marchande, de monnaie universelle et de concurrence généralisée, nous découvrons qu’il faut que quelque chose ne circule pas, soit soustrait volontairement de la sphère et du mouvement des échanges pour que la masse des échanges marchands et bancaires s’ébranle, que tout ce qui peut être acheté ou vendu se mette à circuler. Le paradoxe », poursuit-il, « est que cette chose qui se trouve ainsi soustraite volontairement de la sphère des échanges, … est précisément aussi ce qui est l’instrument des échanges, le moyen de cette circulation, de la monnaie. Il faut donc en conclure qu’il ne suffit pas qu’une monnaie existe pour que les échanges marchands se développent et envahissent toute la sphère des échanges, encore faut-il que cette monnaie (quelle qu’elle soit) assume simultanément deux fonctions, occupe deux places à la fois, l’une au cœur même des échanges où elle fonctionne comme moyen de paiement, l’autre au-delà, ou en deçà des échanges où elle constitue un point fixe servant de référence pour mesurer la valeur de ce qui y circule. » Et de finir : « La monnaie se trouve ainsi à la fois emportée par le mouvement de toutes les marchandises et immobilisée en un point autour duquel toute cette machinerie se met à tourner.» (Godelier, 43-44) Ainsi Mauss montre-t-il « qu’il existe deux sphères de richesses, celle des biens aliénables et celle des biens inaliénables, que la première ouvre sur le champ 2

Maurice Godelier, L’énigme du don, Paris, Fayard,1996

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immense et frénétique des dons, contre-dons et autres formes d’échanges, alors que la seconde suit les chemins de la transmission et de l’enracinement dans le temps. » (Godelier, 48) Dimension symbolique de l’objet Là, on touche enfin à la dimension symbolique de l’objet de collection, à son rôle de transmission de génération en génération (l’objet du sacrifice tel que le décrit Pomian 3

) aux vraies raisons – spirituelles - pour lesquelles le visiteur se rendent

massivement dans les musées. L’objet de collection, œuvre d’art, objet et relique, atteste du passage de l’homme sur terre, de son action, de sa présence ici et maintenant, de son engagement dans la société des hommes, de sa dette envers le Créateur, son origine, qu’elle que soit la forme qu’il lui donne. Comme l’architecture, la littérature et toutes les formes artistiques, l’objet dans le musée est la preuve de la créativité de l’homme et la transmission de cette créativité, la garantie d’une forme d’immortalité de l’homme. L’incomplétude du musée, le fait que seules les productions de certains d’entre les humains sont conservées renvoie à leur totalité. Lorsqu’il s’agit des musées de société et en particulier des musées d’histoire et d’archéologie, des productions non religieuses ou non artistiques peuvent entrer dans le champ symbolique des objets extraits de l’économie marchande. Il s’agit là de la majorité des collections des musées d’histoire. Le rôle social de l’objet conservé, donc du musée Maurice Godelier4 nous dit enfin «… il ne saurait y avoir de société humaine sans deux domaines : -

celui des échanges, quel que soit ce que l’on échange et quelle que soit la

3

Pomian, K. 2003, Des saintes reliques à l'art moderne : Venise-Chicago, XIIIe-XXe siècle, Paris: Gallimard 4

Maurice Godelier, Ibid, pp.281-282

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forme de cet échange, du don au potlatch, du sacrifice à la vente, à l’achat, au marché, -

et celui où les individus et les groupes conservent précieusement pour euxmêmes, puis les transmettent à leurs descendants ou à ceux qui partagent la même foi, des choses, des récits, des noms, des formes de pensée. Car ce que l’on garde constitue toujours des « réalités » qui ramènent les individus et les groupes vers un autre temps, qui les remettent face à leurs origines, à l’origine.

C’est à partir de ces points d’ancrage, de ces réalités « fixées dans la nature des choses », que se construisent, se déploient les identités, individuelles et collectives. Ce sont eux qui font qu’il y a de la durée dans le temps. » Et il ajoute ces mots qui, me semble-t-il, résonnent dans cette partie du monde : « On mesure quelles forces il faut pour détruire ces points d’ancrage, soit peu à peu en les rongeant lentement, soit d’un coup en les tranchant brutalement. Et il n’est pas indifférent pour l’avenir d’une société que les forces destructrices de ces points d’ancrage aient surgi de l’intérieur même des modes de vie et de pensée qu’ils avaient fixés, ou qu’elles soient venues de l’extérieur, imposées par les pressions, les agressions conscientes ou involontaires de sociétés ancrées ailleurs.» Godelier (281-282)

Ces choses que l’on conserve pour les transmettre sont dans les maisons, dans les sites, dans les musées, dans les cinémathèques, dans les bibliothèques... Ce sont des creusets de vie, car ils abritent ce qui nourrit nos vies, les savoirs, les expériences, les pensées, les souffrances et les créations des hommes et femmes grâce auxquels nous sommes vivants aujourd'hui, ce qui nous relie à eux, invisibles, morts ou vivants, ici ou ailleurs. Ces objets sont donc bien des médiateurs entre nous et cet invisible de l’immensité humaine dont l’origine nous échappe. Médiation sensible et médiation intellectuelle Mais on ne dit pas au visiteur que c’est pour cela qu’il vient au musée en premier Adeline Rispal – « Ces objets qui nous relient aux autres » - Nov 9, 2010 / Rev 2 July 7, 2013 - Page 9 of 12


lieu. Ce qu’on dit aujourd’hui au visiteur, c’est qu’il doit venir au musée pour capitaliser des expériences touristico-culturelles : en français, on dit « faire » le musée. Alors, il consomme : des musées, des cartels, des audioguides, des guides, des conférenciers, des monuments, des copies, des ateliers pour enfants, des voyages, des hôtels, des restaurants…Et il doit faire vite, car d’autres veulent consommer aussi … On ne lui parle pas du plaisir de la rencontre silencieuse avec l’objet, de son caractère aléatoire, de l’importance de sa subjectivité dans cette rencontre, du fait qu’il est lui-même l’étalon de la valeur qu’il confère à l’objet, le produit d’une histoire et d’une culture particulières. Que la société a son propre système de valeur normalisateur, en perpétuel changement, mais qu’à côté de ce système collectif, son système de valeur a une existence propre. Que c’est d’abord à partir de son système de valeur en propre qu’il aborde l’objet, avec sa propre subjectivité, que l’émotion que l’objet va générer en lui (plaisir, indifférence, dégoût…) va engendrer un sentiment qui va le renseigner sur lui et qu’il aura envie de partager avec d’autres, proches, qu’ils visitent avec lui ou non.

On ne lui dit pas non plus que consommation effrénée et éducation sont contradictoire. Les neurosciences nous apprennent qu’il faut du temps pour apprendre, car il faut du temps pour passer de l’émotion au sentiment. L’intellect lui va très vite, mais on ne peut raccourcir le temps du sentiment. La pression du temps augmentant toujours plus…alors, exit les émotions, on passe directement à la consommation des produits éducatifs qui ne s’adressent qu’à l’intellect et ne construisent pas les fondations de notre apprentissage, de notre culture. Pas le temps donc pour ce que j’appelle la médiation sensible 5, celle qui prend en compte le processus complexe du passage de l’émotion à la cognition, au plaisir de l’apprentissage de savoirs qui résonnent en nous. Celle qui prend en compte le visiteur tout au long de son parcours dans l’espace urbain, l’espace architectural, 5

Rispal, A. 2009, ‘La médiation sensible’, Muséologies, 3 (2) 90-101

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l’espace de l’exposition, chacun prenant sa place dans un ensemble plus large, pour aboutir aux objets qui ont trouvé leur juste place dans un espace signifiant. L’objet dans les musées d’histoire Dans les musées d’histoire, comme dans tout musée, l’objet authentique est au cœur du processus identitaire 6. Et la copie, ou facsimile, la porte ouverte à toutes sortes de dérives potentielles. Prenons un exemple extrême : dans la catégorie des musées d’histoire, ceux qui traitent plus particulièrement des guerres sont le lieu de la conservation de trois types de collections : celles - très puissantes - qui ont accompagné le sacrifice suprême qu’est la guerre, des reliques en quelque sorte ; celles – nombreuses - qui en décrivent le contexte et les conditions de la vie autour des combats ; enfin celles – rares – souvent artistiques, qui tentent de décrire le fait guerrier vécu, les objets témoins. Ces derniers sont des médiateurs, le plus souvent produits par des artistes, des intellectuels… qui façonnent notre regard sur ces événements selon leur point de vue, mais aussi par des hommes et des femmes qui ont éprouvé le besoin impérieux de laisser une trace des souffrances endurées. L’organisation spatiale – la muséographie - de ces types de collections doit être instruite des divers niveaux de leur signification pour le public, lequel, sans pour autant le formuler, ressent parfaitement la différence entre l’uniforme usé d’un poilu, la une d’un journal et un dessin du front fait par un soldat, qu’il se nomme Otto Dix ou soit un de ces nombreux anonymes qui ont eu recours à une forme ou une autre d’expression pour transcender la dureté de leur quotidien. Comment imaginer remplacer ces objets par des copies ? Plus important encore, et dans quelque région du monde que ce soit, comment éviter, sur des sujets aussi sensibles, la manipulation de nos affects individuels et collectifs par des discours «fermés », qu’ils soient politiques, religieux, voire pseudoscientifiques ? Par la conjonction de plusieurs fondamentaux : 6

Rispal, A, 2006, ‘La muséographie des musées d’histoire, un « art de la mémoire’, in Marie-Hélène Joly Histoire d’objets, objets d’histoire, Lyon : Les rencontres de Gadagne Adeline Rispal – « Ces objets qui nous relient aux autres » - Nov 9, 2010 / Rev 2 July 7, 2013 - Page 11 of 12


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La confiance dans les objectifs des commanditaires du projet,

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L’authenticité des données scientifiques et des collections formant le corpus du musée,

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La garantie de liberté d’expertise des intervenants scientifiques impliqués dans la conception,

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La remise en question permanente de la valeur accordée aux objets, seule garante d’une dynamique et d’une rigueur intellectuelles sans lesquelles le musée ne jouerait pas son rôle de laboratoire de nos identités collectives et individuelles,

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La création d’un espace de citoyenneté, facilitateur de lien social.

A l’heure où le monde est interconnecté en temps réel et où l’on peut échanger avec des inconnus à l’autre bout de la planète, le musée ne devrait-il pas être enfin reconnu comme un espace privilégié de l’interconnexion entre réel et virtuel, visible et invisible, en cinq dimensions : -

Entre le moi et l’origine,

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Entre le présent, le passé et l’avenir,

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Entre l’ici et l’ailleurs,

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Entre le même et l’autre,

-

Entre le citoyen et la société,

…de quoi faire pâlir les meilleurs réseaux sociaux !

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