Les favelas, de l'indésirable au durable

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SOMMAIRE

LEXIQUE CONSIDERATION DEFINITION PREFAVELA L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE DES FAVELADOS TYPOLOGIE ESPRIT COMMUNAUTAIRE RAPPORT À LA VILLE INTEGRATION URBAINE FUTUR REFLEXION BIBLIOGRAPHIE

2 3 4 7 9 10 19 20 24 28 33 35


LEXIQUE

Favela

Quartiers autonomes brésiliens dont les habitations sont construites avec des matériaux de récupération.

Favelado

habitant d’une culture propre.

Façon de se deplacer de favelados dans les favelas.

Quebradas de morro favela

avec

une

Samba

Danse brésilienne à deux temps. Vient de Semba ; du dialecte Angolais qui signifie une ethnie amenée en Amérique latine par les portugais pour l’esclavage. Samba (umbrigada en portugais) signifie TOUCHER LES NOMBRILS, la façon de danser des esclaves.

Favela-Bairro

Programme de régularisation foncière : la progressive intégration des quartiers d’habitat populaire dans la ville.

Morros

Les collines en portuguais.

Carioca

Habitant de Rio de Janeiro.

Fazendas

Ginga

Grande proprieté au Brasil et au Portugal.

Ruelles internes d’une favela.

Quilombo

Comunautée crée par des esclaves Angolais fugitifs au Brésil.

Mutirões

groupes d’entraide, de travail collectif gratuit, pré-supposant la reciprocité.

Bidonville

Bidonville: Ensemble d’habitations precaires, certaines constituées de matériaux de récupération, et d’autres en matériaux beaucoup plus durables.

Rhizome

C’ est la partie souterraine ou subaquatique d’une plante. Certaines plantes rhizomateuses sont très invasives et leurs residus sont source de nouvelles colonisations du sol. Les plantes rhizomatiques ont, comme par exemple la plante favela, la particularité de s’unir pour mieux se protéger.

Fragment

Partie autonome d’un tout.

Reseau

Ensemble d’éléments de même nature reliés les uns aux autres.


CONSIDERATION

Rio et les favelas

Projet Morrinho

Mondialisation, exode rurale et urbanisation sont autant de facteurs économiques et sociaux qui sont accompagnés d’effets négatifs sur les populations comme la paupérisation des classes moyennes et ouvrières due à l’explosion de la valeur foncière des terrains ainsi que de l’augmentation du niveau de vie. Cette situation contraint une partie des citadins à devoir se reloger en zones périurbaines et accepter des conditions de vie moins confortables, la ville devenant un luxe. Les populations les plus pauvres n’ont souvent pas d’autre choix que celui de la construction précaire, temporaire, une architecture du bricolage qui renvoie davantage à la vision d’abri plutôt que d’habitat. Ces constructions dites illégales se sont multipliées et leur nombre ne cesse d’augmenter jour après jour : selon un rapport des Nations-Unis publié en 2006, un tiers des populations mondiales n’auraient pas accès à des conditions de logement décentes. De nombreux noms ont été associés à ce type d’habitat, mais le plus utilisé est le terme bidonville. Au-delà d’une étymologie liée au matériau, ce terme a au cours des décennies, eu une connotation de plus en plus péjorative, renvoyant à la pauvreté, l’insalubrité, le surpeuplement et

l’exclusion sociale. Associé à un cliché, ce terme généraliste est désormais employé en France pour désigner n’importe quelles habitations précaires. Mais, à travers l’étude du cas exemplaire des favelas de Rio, au Brésil, il apparaît que l’utilisation du mot bidonville n’est absolument pas approprié et réaliste. Le phénomène des favelas a au contraire montré comment l’agglomération de communautés autonomes, avec une histoire, une culture et une organisation particulière dans des territoires informels et illégaux a bouleversé la façon de considérer la ville conventionnelle. Malgré une grande précarité, les habitants des favelas, les favelados, ont su développer à partir de leurs connaissances des lieux de vie à leur image, en perpétuel mouvement, qui évoluent parallèlement à la société et où y règne une joie de vivre dans l’instant, une effervescence à l’opposé de l’image de ghettos ( insécurité, saleté, analphabétisme…) qui a pu être véhiculée à travers les médias. Les différentes politiques successives menées à Rio ont montré que l’acceptation de ces fragments urbains autrefois rejetés (politiques de destruction, de relogement forcé, ségrégation spatiale) est un facteur d’urbanisme

et favorise l’économie et les rapports sociaux dans la ville. En choisissant d’intégrer des zones d’habitations précaires plutôt que de tenter de les détruire, le gouvernement brésilien à inscrit de façon durable les favelas dans son réseau administratif et dans sa planification urbaine. Ces dits « bidonvilles » Brésiliens sont donc en train d’acquérir un statut légal et social qui légitime leur appellation en tant que quartiers et non plus en tant que zones d’habitation illégales, même si en réalité la précarité y est toujours présente. Le principal enjeu est donc de préserver cette façon de construire sans en modifier ses caractéristiques. Pour l’opinion publique Brésilienne, les favelas doivent désormais être inscrites au patrimoine des villes à l’instar des constructions modernistes devenues froides, impersonnelles et sans surprise.

Citation: « la seule architecture vraiment Brésilienne, ce sont les favelas. » Sergio BERNARDES architecte Brésilien


DEFINITION

Kijiji ou Slum, Kenya

Bidonville, Cameroun

Jhugi ou Bustee, Inde

HABITATION PRECAIRE Une habitation précaire est un logement qualitativement insatisfaisant. Certaines de ces habitations précaires sont constituées de matériaux de récupérations, comme des cartons, des plastiques, des tôles, et d’autres matériaux beaucoup plus durs comme les briques ou des moellons. Généralement ce sont des habitations occupées par des personnes à faibles revenus. Ces habitations sont la manifestation la plus sensible de la pauvreté urbaine. De plus, l’inefficacité du secteur du logement et le manque d’options immobilières accessibles aux divers groupes socioéconomiques, figurent parmi les causes profondes de l’essor de ces types habitations dans les villes des pays en développement. Mais, bien que ce soit souvent occulté, ceux-ci ont existé également dans les pays industrialisés et subsistent encore, mais de manière plus discrète. Le faible niveau du revenu des ménages et les moyens limités dont disposent les populations de ces quartiers pour payer leur logement constituent une partie du problème. Toutefois, il est prouvé à l’heure actuelle que ce ne sont plus seulement les pauvres qui vivent dans ces établissements. La pauvreté n’est donc pas l’unique cause de la prolifé-

ration des habitations précaires. De plus en plus de personnes ayant des revenus relativement élevés cherchent à se loger en dehors des systèmes formels et officiels, et se rendent compte que ces habitations sont la seule autre option disponible hors du marché structuré, ce qui met en évidence les lacunes du marché immobilier et des politiques du logement. Dans certain pays en développement l’accès à la terre est limité dans le périmètre urbain et, géré à titre privé dans les zones périphériques par les propriétaires terriens, les chefs coutumiers ou les autorités traditionnelles, ce qui limite le pouvoir des autorités locales et favorise l’urbanisation informelle. Un grand nombre de noms désignent ces habitations qui ont toutes « des origines différentes et de modes d’occupation divers ». Cependant, dans tous les cas, les bâtiments qu’on y trouve vont de la simple baraque à des structures permanentes qui surprennent parfois par le soin avec lequel elles sont entretenues; toutefois et en dépit de leurs variations, ces habitations comportent plusieurs caractéristiques communes, à savoir le surpeuplement, la médiocrité des conditions d’assainissement, le délabrement des logements et,

dans certaines villes, la violence urbaine.

Township, Afrique du Sud

Barrio, Guinée Equatoriale


Barrios, Caracas, Venezuela

habitation précaire, Vietnam

Bairro de lata, Portugal

Selon la langue, voire le pays ou la ville on trouve des noms tels que : les Gecekondus en Turquie, les Favelas au Brésil, Jhugi ou Bustee en Inde, Kachi abadi au Pakistan, Mudduku au Sri lanka, Bairro de Lata au Portugal, Lušnynai en lituanie ou encore Kartonsko naselje en Serbie. Dans les pays hispanophones, on trouve, Ranchos au Venezuela, Asentamientos au Guatemala, Cantegriles en Uruguay, Ciudades perdidas ou Colonias au Mexique, Invasiones en Equateur et Colombie, Poblaciones Callampas, Poblas ou Campamentos au Chili, Chacarita au Paraguay, Pueblos jóvenes ou Barriadas au Pérou, Villas miseria en Argentine ou Precario/Tugurio au Costa Rica. Chabolas en Espagne, Barrio en République dominicaine et en Guinée Equatoriale. Dans les pays anglophones,on trouve les termes anglais Shanty Town et Slum ou Imijondolo/Township en Afrique du Sud, Kijiji ou Korogocho au Kenya. Dans les pays francophones, on trouve le nom « bidonville », mais pas seulement comme le montre l’exemple des mapane ou matiti au Gabon et Karyane au Maroc, berceau du nom « bidonville ». Aujourd’hui dans le monde francophone, le mot «bidonville» est un terme «vague et péjoratif» car on ne

tient compte que des aspects négatifs de ces quartiers. Il a de nombreuses connotations et significations, c’est un nom qui fait amalgame entre quartiers précaires et colonies de squatters. De manière générale le mot «bidonville» est rarement utilisé par les gens les plus sensibles et en connaissance de cause. Pour les habitants de ces quartiers, ce mot est dépourvu de cette connotation péjorative et correspond tout simplement à des logements de qualité inferieure ou de fortune, occupés par des personnes généralement à faible revenu.

Habitation précaire, Phonm Penh Cambodge

Villas miseria, Argentine

Favela, Brésil


Les Favelas

Jatropha phyllacantha

Genre cauterium des légumineuses. Elles ont dans leurs feuilles de remarquables outils de condensation, d’absorption et de défense. «...la main qui les saisirait se heurterait à une plaque incandescente d’une chaleur intolérable». ...parfois, quand certaines espèces ne se montrent pas aussi bien armées que les précédentes pour réagir victorieusement, on observe des dispositifs peut-être encore plus intéressants: Les espèces s’unissent, s’enlacent etroitement et se transfigurent en plantes sociales. Ne pouvant contre attaquer isolément, elles se disciplinent, s’agrègent, s’enrimentent.

Euclides da Cunha, 1902, Os Sertoes


PREFAVELA

Quilombo, Habitation des esclaves

Contexte avant l’arrivée des Favelas Avant l’apparition des favelas, les habitations précaires avaient comme nom les Quilombos qui étaient des établissements indépendants des esclaves fugitifs africains dans les alentours de Rio de Janeiro. Le nombre d’habitants dans les Quilombos augmenta fortement en 1888 dû a l’abolition de l’esclavage au Brésil.

La guerre des Canudos

Affrontement dans la colonie des Canudos

Arrivée des anciens combattants à Rio

En novembre 1897, après le massacre de la communauté du leader religieux Antônio Conselheiro dans la guerre des Canudos à Bahia, environ 20,000 soldats arrivèrent au port du Rio de Janeiro sans un endroit où habiter. Durant la guerre, ces soldats se sont familiarisés avec la plante Favela, qu’ils vont retrouver sur le Morro da Providência, premier établissement des combattants à Rio de Janeiro. Ils attendaient une réponse ainsi que la paye de leur salaire de guerre. Les nouveaux favelados commencent à s’installer, de façon temporaire, en attendant l’aide gouvernementale, mais ils n’auront jamais de réponse. Au fil du temps, les habitations improvisées, sans

infrastructure, situées sur les Morros deviennent cataloguées en tant que favelas.

L’exode rural Le Brésil a souffert d’un fort exode rural qui commença à la fin du XIX siècle. Ses causes résident en une transformation de la société due aux choix politiques et économiques du pays, qui, à la fin, vont propulser l’économie brésilienne, surtout après la deuxième guerre mondiale, au niveau qu’elle détient aujourd’hui. Tout d’abord, dans la structure féodale brésilienne, l’esclavage, aboli en 1888, était encore présent au sein des agriculteurs. Le besoin des patrons de maintenir une agriculture d’exportation ont fait que les méthodes et les conditions de travail des travailleurs furent étouffantes. De plus, ces fazendas sont une source importante pour l’économie brésilienne. Par conséquent, elles sont privilégiées par les pouvoirs législatifs qui vont permettre quelques « manœuvres » pour faire fonctionner ces fazendas. Cela ne fera qu’augmenter la misère des paysans exploités principalement au nord-est du Brésil. Ces paysans étaient caractérisés

par leur pauvreté et leur nombre très important. Ces habitants sont donc devenus la main d’œuvre nécessaire, et propice pour les premières industries, nées vers 1930. Ce phénomène, contrairement aux prédictions, n’a fait qu’augmenter cette situation en « entrainant les campagnes dans un processus de paupérisation croissant ». De même, les nouvelles politiques agricoles, basées sur l’exportation, la chasse aux terres vierges, la mécanisation et l’élevage extensif, ont besoin de très peu de main d’œuvre et surtout d’utiliser les paysans comme des travailleurs « temporaires ». Ces nouvelles méthodes auront des conséquences multiples : des paysans déracinés, sans terre et dans la misère. Dans le même temps, le mythe du « sud merveilleux », où les anciens travailleurs vont pouvoir trouver un emploi facilement, avec un salaire raisonnable, commence à apparaitre dans les campagnes. Nous trouvons donc ici la cause principale de la croissance des favelas à Rio de Janeiro: l’appauvrissement général de l’ensemble de la population des campagnes accompagné du démarrage industriel. Le « miracle économique du Brésil» s’est réalisé grâce à une importante accumulation du capital. Ainsi, en


offrant aux capitaux les moyens d’obtenir une main-d’œuvre bon marché, l’économie brésilienne a commencé très vite à s’intégrer dans la division internationale du travail. Avec l’aide de l’inflation, et profitant de la haute demande d’emploi, les entrepreneurs vont exercer une pression telle sur les salaires qu’à partir de 1940 les favelados commencèrent à ressentir une augmentation du cout de leur vie. Jusqu’à 1979, l’augmentation du coût de la vie due à l’inflation a été de 1528%. Pendant cette même période, l’augmentation des salaires n’a été que de 108% . Les favelas sont le moteur et la conséquence de l’explosion économique au Brésil. Cela nous permet d’affirmer que la favela ne peut pas être considérée comme marginale. Bien au contraire, elle est parfaitement intégrée dans le système économique du pays, nous pouvons donc considérer les favelas comme un mal nécessaire. Les favelados dépendent de la ville tout comme la ville dépend d’eux.

Vue de la Praia de Gavea, 1925

Vue de la Praia de Gavea, 2010


L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE DES FAVELADOS

Un besoin essentiel

Malandragem

Les utopies qui se réalisent

À leur arrivée en ville, les migrants cherchent un emploi ainsi qu’un logement. Malheureuseument il n’y trouve qu’un travail qui ne leur permet pas de payer le loyer demandé. Pour s’assurer un logement viable à Rio, la solution réside dans l’auto-construction en obéissant à la topographie naturelle du terrain. Ces logements s’implantent dans les vides laissés par l’urbanisation, sur des parcelles considérées comme difficiles à édifier parce que trop en pente ou situées sur des terrains instables. Comme les bords de mer abrupts, les zones inondées et marécageuses, celles contaminées, avec peu ou aucune infrastructure urbaine, ni eau, ni assainissement, pas de rues pavées, un système de récolte d’ordures inexistant et parfois aucun éclairage urbain. Installés sur des terrains ne leur appartenant pas et ne possédant donc aucun titre de propriété foncière, les habitants de ces quartiers peuvent se voir à tout moment expulsés de leur logement. Leurs habitations sont réalisées sans aucun projet préalable ou plan d’aménagement, en utilisant les plus divers matériels et la manière de construire des Quilombros et des paysans.

Lorsque la volonté et le droit ne permettent pas d’obtenir de résultat, ils restent alors aux favelados la «malandrage». C’est la conjonction d’actions établies dans le but de tirer d’une situation déterminée un avantage souvent illicite, c’est une sorte de justice individuelle. Utilisée dans toutes les couches de la population, c’est un trait de caractère que l’on pourrait traduire par malice. Elle requiert ingéniosité et subtilité afin d’obtenir le maximum d’une situation. C’est la version positive du piratage. L’illégalité représente pour eux l’unique manière de subsister dans la ville. Pour se loger, ils investissent alors de leur propre chef des terrains qui ne leur appartiennent pas sur les flancs des montagnes contournées par la trame urbaine, à proximité de leur lieu de travail. Les favelados sont rusés, ils contournent les interdits constructifs par une réalisation nocturne de leur abri. Les occupants illégaux sont parvenus à obtenir ce que la plupart des gens dans leur situation ne peuvent espérer : un établissement permanent.

Le Brésil est l’un des rares pays où les squatters ont réussi à transformer leurs domaines en quartiers prospères. les favelados ont réussi là où la plupart des autres squatters ont échoué. La favela est un quartier où les habitants se font une idée de la maison de leur rêve et, graduellement, lui donne forme, où les habitants ont façonné un chezsoi dont ils sont fiers. La plupart des favelados tentent simplement d’améliorer leur vie et celle de leurs enfants. C’est leur principal but.

Vue de la Favela Rocinha, 2010


TYPOLOGIE

Introduction S’apercevant qu’il serait impossible de payer le prix d’un appartement moyen (environ 10 fois le salaire d’un ouvrier) les immigrants s’installent sur les Morros. Ces collines, qui à l’époque appartenaient à des propriétaires privés, furent les premiers endroits choisis par les Favelados qui avaient pour argument le choix d’espaces inoccupés ainsi que la proximité avec leur lieu de travail. Malgré les contraintes imposées par les Morros (une pente très importante, un manque de chemins asphaltés ainsi que des réseaux publics)...

les favelados commenceront à s’installer en fonction des critères suivants: 1. Les accès (chemins préexistants) 2. La nature du sol (en préférence des zones aplaties; un arbre comme référence) 3. Des règles de voisinage (définis précédemment)

Pour analyser les constructions et les typologies d’habitations des Favelas, nous allons les diviser en trois catégories: 1. Abris de première génération 2. Baraques de deuxième génération 3. Maisons en dur.

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Abris de première génération

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Ces abris ont été réalisés comme des habitats TEMPORAIRES, dont le but était simplement de s’abriter, de se construire un toit et des murs pour passer la nuit. L’ évolution de ces habitats se fera de manière lente. Nous pourrons donc en conclure que le favelado est en train d’inventer une architecture propre, évolutive, puisque au fil du temps il perfectionne son abri. Ce défi est une preuve d’adaptation et d’imagination constructive des favelados. L’implantation, la nature du terrain n’étaient pas les plus adéquates, la situation économique du favelado était telle qu’il devait récupérer des matériaux trouvés dans la rue pour démarrer ses travaux. Parmi les matériaux utilisés nous pouvons trouver principalement des poutres en bois, pour la stabilité de la structure; des planches en bois non découpées qui donnent un aspect précaire à l’abri, et des morceaux de tôles. Cet abri ne possède au départ qu’une pièce unique pour vivre et se reposer. L’extérieur de l’habitation va jouer un rôle très important dans les abris de première génération puisque le

manque d’espace fera que les autres fonctions comme la cuisine, l’atelier de travail ou l’hygiène personnelle des favelados s’effectueront à l’extérieur de l’abri.

Squelette d’un abri de 1ère génération


Abri N°1

Plan

Coupe

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La maison se compose de quatre poteaux qui font le tour de la maison. Selon la pente, le favelado fera en sorte que son habitation soit à moitié dans le sol pour économiser des matériaux en l’utilisant comme un plancher naturel. Les pièces de bois seront utilisées en fonction de leurs envergures. C’est-à-dire que les planches les plus rigides vont aider à rigidifier la structure tandis que les morceaux les moins fonctionnels iront dans les parties moins importantes et seront, par la suite, remplacés rapidement. Les ouvertures et les portes étaient alors très limitées. Les fenêtres ont une forme «aléatoire» puisque cela dépendait des planches de bois et qu’aucune planche n’avait été découpée auparavant. Ces ouvertures ont comme fonction de permettre à la lumière de pénétrer à l’intérieur de l’abri ainsi que d’aérer l’ensemble. Normalement, elles étaient couvertes par un tissu qui faisait à peine le contour. De plus, on ne trouvait aucune menuiserie. En ce qui concerne la porte, elle était à deux ouvrants, modèle d’ouverture largement utilisé à la campagne, ouverte en partie haute pour capter plus

de lumière et fermée en partie basse pour se protéger des bêtes. A ce stade, nous pouvons remarquer que les premières sources de l’architecture des favelas proviennent des campagnes, puisqu’il s’agit alors de sa seule référence. Le toit est l’élément primordial de l’abri. Il sera par conséquent le premier à évoluer avec le but d’améliorer les conditions de vie à l’intérieur (prévention des infiltrations). Les fragments de tôles seront ensuite remplacés par des tuiles mécaniques ou par des plaques ondulées.

Image d’une habitation précaire


Abri N°2 Trois caractéristiques:

Plan

Coupe

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-La première est l’implantation au sol. Dans cet exemple, le favelado n’a pas eu l’opportunité de choisir un endroit plus aplati et, ainsi, il se voit obligé de s’implanter d’une façon telle qu’on peut trouver un point d’appui dans la colline et des poteaux qui feront le deuxième p oint d’appui dans la pente. Son abri est presque flottant. -La deuxième caractéristique correspond à l’accès à l’abri qui se fait par un escalier, en fonction de la pente, au niveau inférieur de la pièce unique. Ceci nous montre que cet escalier devient un espace « intermédiaire » entre l’extérieur et l’abri, ce qui deviendra par la suite une expression architecturale très fine dans l’architecture des favelas. -La troisième caractéristique est sans doute une des évolutions les plus importantes dans les abris des favelas. Elle se rapporte à l’apparition d’une séparation des espaces a travers une cloison en bois. Cette caractéristique divise l’espace unique de chaque abri en deux, en séparant la zone humide (cuisine, salle de bains) de la pièce d’habitation. Nous nous apercevons ainsi comment, peu

à peu, les favelados laissent de côté ces principes constructifs et de distributions originaires de la campagne, pour organiser leur espace intérieur à l’image du modèle urbain. Il faut prendre en compte que ces constructions représentent un vrai danger pour leurs habitants, ainsi que pour leurs voisins. Rio de Janeiro est une ville où l’hiver se manifeste plutôt sous la forme de pluie, ce qui fait qu’aux Morros les glissements de terrains sont très fréquents. C’est pour cela que l’on ne trouve pas de fondations dans ces constructions, les abris sont victimes du climat et finissent sur le toit du voisin. On remarque aussi que les eaux et les ordures sont jetées par la fenêtre, et que l’électricité est toujours absente.

Schémas de risques naturels


Abri N°3

Logements collectifs

Plan

Coupe

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Dans cet abri, nous trouvons toutes les caractéristiques pour décrire un abri de première génération : structure en bois, parois réalisées en planches, toit en tuiles mécaniques. Les favelados commencent à vouloir des constructions à plus d’un niveau ainsi que des logements collectifs. Cet abri fonctionne alors sur deux niveaux, dont le premier ne possède pas un plancher puisqu’il repose sur le sol. L’ensemble de l’abri est en bois et on retrouve à l’intérieur deux rangées de quatre chambres chacune distribué par un couloir. Puisque ici le but est de réaliser des logements collectifs, l’idée est de profiter au maximum de l’espace. Chaque chambre, de 4m2, abrite une famille. C’est pour cela que nous trouvons dans ces constructions des sanitaires collectifs. Nous nous apercevons qu’une lente évolution est en train de naître au sein de l’architecture des favelas du fait des activités qui commencent à s’effectuer à l’intérieur de la maison (hygiène, cuisson).

1ères intentions architecturales verticales


Evolution des abris de première génération Abri N°4 Extensions, renouvellement et premiers services

Plan

Coupe

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L’évolution des abris débute au moment où le favelado trouve une « stabilité » à son habitation. Mais il a toujours en tête qu’il s’agit d’un abri temporaire et, qu’un jour, il pourra habiter dans la ville « asphaltée ». Les abris commencent alors à s’élargir. A la pièce unique d’habitation, le favelado ajoute un nouvel espace qui fonctionne comme pièce humide, et inversement. De même, il commence à remplacer les planches cassées pour donner une « harmonie » à l’ensemble. Il va couper toutes les planches à la même taille et installer une canalisation d’eau pluviale. Les accès sont bien traités et la zone de travail est déplacée vers le fond de l’habitation. Pour les ouvertures, les rideaux disparaissent, remplacés par des volets en bois. En ce qui concerne la structure, une meilleure adhérence au terrain est prévue avec l’utilisation du ciment et de la roche aux pieds des pilotis. Pour le contreventement, soit les favelados renforcent les endroits où ils

trouvent un flambement, soit ils mettent en place un système de doublement des pilotis. A cette époque, l’électricité arrive aux favelas, et symbolise un succès, un symbole de richesse et une influence urbaine. Pour le favelado, la surface n’est pas un symbole de confort (c’est plutôt une réalité), il satisfera donc son besoin d’adéquation par l’acquisition de mobilier. Voici quelques exemples :

abris se sont lentement transformés par agrandissements successifs, annexion des espaces extérieurs, et modification de l’espace intérieur, qui passe d’une pièce unique à deux pièces aux fonctions distinctes. L’utilisation des matériaux récupérés qui seront remplacés au fur et a mesure par des matériaux achetés. Enfin, on constate un passage des références rurales aux références urbaines.

- Cuisine: Evier fixe, réchaud à gaz, réfrigérateur (à crédit) - Salon: Meubles (bon marché), télévision (symbole de réussite) - Apparition des sonnettes, des compteurs électriques - Numérotation, qui n’aura qu’un rôle symbolique. Il s’agit d’un désir de copier la ville ; démontrer que cette maison existe, comme n’importe quelle maison dans Rio. Nous pouvons donc établir trois points caractéristiques dans cette première évolution : a. Fortification de l’abri b. Répartition urbaine des espaces c. Aménagement intérieur Pour conclure, nous pouvons établir un modèle architectural typique de la Favela. Tous les

Détail d’assemblage des poteaux du RDC et du R+1


Baraques de deuxième génération

Plan RDC

Cette nouvelle évolution dépend des finances du favelado et de son emplacement dans la colline. Ainsi, les favelados qui se trouvent dans la partie supérieure de la colline préfèrent s’arrêter à la phase précédente pour ensuite améliorer lentement leur confort intérieur. La différence se trouve dans le fait que, pour ceux qui se trouvent en bas de la colline, le terrain offre plus de facilités pour construire. De plus, ils bénéficient des aides gouvernementales pour ainsi posséder des titres de propriété. C’est pour cela que le favelado se permet alors de plus s’investir dans la transformation de sa baraque avec l’emploi de la brique et du ciment, « les matériaux de la ville », tandis que d’autres vont simplement acheter du mobilier, changer les planches de bois ou créer des extensions symboliques. Baraque N°1

1er étage/ division des espaces de jour et de nuit.

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Les favelados vont alors réaliser qu’ils ne pourront jamais habiter dans la ville parce qu’ils n’auront jamais l’argent suffisant pour payer le loyer. C’est donc à ce moment qu’ils vont se questionner sur leur habitat. Ils vont en

conclure que la Favela représente leur maison, leur quartier, par conséquent, il faut que cela tienne! Pour eux, pour leurs enfants, pour leur communauté. L’ancien abri en bois est alors démonté lentement pour être remplacé par un lieu avec une structure plus rigide. Les planches de bois sont remplacées par des murs de briques tandis que les poteaux en bois continuent à faire partie de la structure. Une fois le rez-de-chaussée fini, l’ancien abri est reconstruit à l’identique à l’étage. Le favelado a donc une maison sur 2 niveaux. C’est le début de la verticalisation des Favelas. La définition des espaces est donc claire et présente dans toutes les baraques utilisant ce nouveau matériau. Un espace cuisine – salle de bains est divisé par une cloison en brique avec l’espace de séjour qui se consolide au sein de la baraque. Le favelado fabrique sa baraque en fonction de sa famille et de son avenir dans le quartier. L’étage supérieur est quant à lui destiné aux chambres et, chose encore plus remarquable, se crée en son sein la division entre adultes et enfants. L’influence urbaine est donc très présente dans ce type de construction. Nous nous apercevons de plus qu’il y a un écla-

tement de l’espace unique traditionnel. La division de la pièce unique en deux espaces selon sa fonctionnalité en est la première constatation : la zone humide et la zone sèche. Et, maintenant, grâce à l’apparition d’un nouvel étage se superpose un deuxième découpage spatial : les zones de jour et les zones de nuit ainsi qu’une séparation entre adulte et enfant ; à l’image de l’organisation traditionnelle de l’habitat urbain. Cependant, le fait de construire un deuxième étage se fonde souvent sur l’idée de louer ce nouvel étage pour en amortir l’investissement. Les prix des loyers commencent alors à augmenter très rapidement. Encore un autre impact du phénomène urbain.

Détail de composition du mur


Façade à la Portugaise

Plan RDC

Plan 1er étage

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La maison en dur

Maison N°1

Nous arrivons donc au dernier stade d’évolution de l’architecture des Favelas. Ce sont les maisons réservées aux favelados qui ont « réussi » à survivre dans la Favela, à trouver un bon travail, une stabilité. Ceux-ci sont appelés « les riches des Favelas » Les procédés de fabrication résident dans l’utilisation des matériaux durs et dans l’abandon du bois. L’ensemble est réalisé en béton et en brique. Le principal changement dans ce type de construction est la transformation du toit. Le favelado va construire un toit terrasse en béton, pour ensuite construire un nouvel étage couvert aussi par un toit terrasse en béton. Dans cette typologie, le favelado commence par créer des fondations (six en moyenne) et fera ensuite une structure en béton plus résistante. Les escaliers se font en béton et les cloisons, en brique creuse, aident à la descente de charges du toit terrasse ; les menuiseries sont achetées en magasin et des éléments de plomberie et d’électricité sont posés avant la finition intérieure. Toutes les tâches sont alors réalisées à l’intérieur de la maison.

Ces constructions sont considérées à l’intérieur de la Favela comme les « maisons des riches ». L’ensemble est constitué de murs en brique couverts par une couche de béton. Le toit terrasse est présent et permet de construire le niveau supérieur qui est aussi en toit terrasse et qui va, dans le futur, offrir la possibilité de créer encore un étage supplémentaire. Sur la façade, nous apercevons des changements. Dans les anciennes constructions au Portugal, et dans les bâtiments historiques au Brésil, l’usage des carreaux en céramique était un symbole de pouvoir. Ici, les favelados copient le même principe : il s’agit d’un synonyme de pouvoir mais c’est aussi le début d’une dépendance vis-à-vis du modèle urbain imposé par la ville. Dans la plupart de ces maisons, l’objectif du propriétaire est basé sur le désir de récupérer l’investissement en louant les chambres aux étages supérieurs. Dans cet exemple, la distribution se fait par un couloir de circulation, qui n’est pas la méthode adéquate pour profiter de toute la surface. Au rez-de-chaussée la cloison est utilisée comme division entre l’habitation et les

escaliers, alors qu’au premier étage, cette cloison disparait pour éventuellement réaliser la distribution des pièces. Les deux étages possèdent à la fois, une cuisine et une salle de bains. Les prix exorbitants dans les favelas vont faire qu’en moins d’un an, le favelado aura amortit le coût de sa construction.

Etapes de montage


Conclusion La mort de l’Architecture des Favelas

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Nous avons donc bien déterminé une architecture inventée par les favelados (à la base influencée par l’architecture rurale) qui se caractérise par une pièce unique (divisé par une cloison, avec des extensions), en bois, puis en béton et en brique, et qui évolue lentement avec le temps. Maintenant, si l’on compare une maison dans une favela et un appartement de luxe à Rio de Janeiro, peu de choses changent. La différence la plus remarquable entre ces deux habitations reste la présence d’une ou plusieurs chambres de bonnes dans les appartements luxueux. Nous pouvons alors parler de contrastes et de similitudes puisque les matériaux sont différents, cependant, les modes de construction sont maintenant identiques et les mêmes gabarits spatiaux se retrouvent. En définitif, seul les matériaux (valeur, coût) et les dimensions changent. Pour conclure, les Favelas se retrouvent maintenant dans un cercle vicieux. Une Favela subit les mêmes lois économiques que n’importe quel quartier à Rio de Janeiro.

A cause de la forte augmentation des prix des loyers, certains favelados n’ont pas assez d’argent pour payer et doivent se déplacer vers d’autres Favelas, moins chères, plus éloignées de la ville et moins développées.

Favelado et son enfant, favela São Agita, São Paulo


ESPRIT COMMUNAUTAIRE

Favelados devant un bureau de vote, favela Rocinha, 2010

Les favelados comprennent aussi la nécessité de coordonner leurs actions. Puisqu’il est difficile pour une seule personne de construire une maison, les favelas sont tout naturellement devenues collectives (le rassemblement de favelas comme le complexe d’Alemao montre comment des espaces fragmentaires se sont organisés en Rhizomes puis en réseaux). Les habitants ont formé des coopératives de logements, les mutirões, afin de construire des bâtiments en commun. Ceux qui ne pouvaient participer à la construction, comme les personnes âgées, malades ou occupant un emploi à temps plein, contribuaient souvent à l’effort collectif en fournissant de la nourriture ou de l’argent. Le système inédit d’entraide qu’ils ont élaboré pour le développement urbain est en passe de devenir un modèle pour le reste du monde. Il comporte deux étapes très simples: - Laisser les pauvres construire - Travailler avec eux pour stabiliser la communauté qu’ils se sont donnés.

La Ginga ou le mode de déplacement du favelado, favela Santa Marta, 2008

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La préoccupation de l’heure ne concerne pas l’amélioration mais bien la maîtrise de la croissance. Craignant le surdéveloppement, les dirigeants de la favela vien-

nent d’adopter un règlement limitant à trois le nombre d’étages des édifices. Beaucoup de favelas se sont forgés un système de castes, et les habitants se méfient beaucoup des nouveaux arrivants. Les favelas existantes n’ont pu absorber le flux d’immigrants venant de l’exode rural massif qui envahissent les villes. Ces vagues migratoires ne sont accompagnées d’aucune mesure efficace de construction de logements à grande échelle. À Rio, on trouve des dizaines de familles qui occupent des campements de contreplaqué sous les échangeurs d’autoroutes. Cette nouvelle conception se détache de la pensée de base des favelados qui se rassemblèrent pour former des communautés à leur image, associée à la culture de la Samba apportée par les esclaves Angolais, associée à leur mode de vie temporaire et qui se retrouvait dans la façon de construire et de se déplacer dans la favela. L’exemple le plus frappant est le fait que les quebradas de Morro suivent les mouvements du corps du favelado qui apprend ainsi à danser la samba à travers l’espace labyrinthique et incertain de la favela.

Favela

Rhizome

Réseau


RAPPORT À LA VILLE

Emplacement des favelas à Rio de Janeiro

Premieres favelas, 1912

L’apparition des favelas. A partir de 1930, alors que la ville a un besoin conséquent de travailleurs, on voit arriver bon nombre de pauvres habitants qui suivent le rêve de la ville. Mais, les ouvriers qui arrivent à Rio de Janeiro reçoivent un salaire 7 à 10 fois moins important que le loyer moyen d’un appartement urbain. Et c’est ainsi que ce sont construits dans les environs de la ville, en zone non-constructibles, nombres et nombres de logements dits auto-construits. Bien que peu engagé dans la construction de logements populaires, la municipalité a cherché en vain à contrôler l’extension des zones de logements. A partir de 1937, la ville de Rio interdit les favelas et met en place une politique de logements sociaux, mais les favelados n’ont pas les moyens de changer de logement. Les favelas continuent donc d’augmenter. Politique de rélogement

Destruction des premieres favelas, 1942

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La politique en vigueur à partir du début des années 40 répond à un double objectif personnalisé par le président Getúlio Vargas: contrôler les classes les plus basses et conserver le soutien du peuple. Plusieurs centres prolétaires sont ainsi construits à

partir de 1942 afin de reloger les populations des maisons détruites dans la zone sud pour laisser place aux promotions immobilières. Ces parcs sont soumis à l’autorité du gouvernement : couvre-feu à 21 heures, fermetures nocturnes et diffusion de messages audio rappelant les préceptes acceptables pour la ville. Les réactions sont vives à l’intérieur des parcs prolétaires et l’expérience se solde par un échec. Lors des premières actions de relogements de personnes à la suite de la destruction de leurs logements, le responsable de la politique des favelas de Rio de Janeiro s’exprime ainsi : « La vie là-haut est tout ce qu’il y a de plus pernicieux. Y règne les jeux de cartes, la boue, et, toute la journée, la samba et la distraction arrosée d’alcool. Les baraques, qui n’ont parfois qu’une seule pièce, abritent, toutes, plus d’une dizaine de personnes, hommes, femmes, enfants, dans une dangereuse promiscuité. Il y a des gens qui vivent là-haut et qui passent des années sans même aller travailler à la ville ». Sur cette base s’engage alors l’entreprise de relogement et de rééducation des favelados. Ainsi en 1946 on voit apparaitre un décret interdisant l’édification de favelas dans le périmètre urbain et la mise en

place d’une commission d’étude pour l’éradication des dites favelas. Les premières actions de destruction/relogement entreprises à partir de cette date ne déplaçaient alors les populations que sur une faible distance, leur permettant ainsi de conserver les liens déjà établis. Mais, parallèlement à cela, la ville procède à l’amélioration de l’hygiène à l’intérieur des logements pour prévenir les épidémies qui apparaitraient des favelas insalubres et se propageraient dans la ville. On voit aussi apparaitre des mouvements politiques qui se créent dans les différentes favelas pour s’opposer aux renvois. Il est aussi à noter que c’est durant ces années 40 que les favelas prolifèrent le plus: un premier recensement officiel qui date de 1950 indique que l’on trouve alors à Rio de Janeiro 58 favelas qui comptent en tout 169 305 habitants. C’est là la reconnaissance officielle par l’Etat de leur existence. On compte ensuite à la fin des années 50: 119 favelas abritant 14% de la population de la ville, dont la majorité travaille dans l’industrie, la construction civile et les services domestiques. Ceci s’explique notamment par l’acceptation petit à petit de la part de la ville de ces espaces qui regroupent une population d’ouvriers dont Rio


ne peut pas se passer. On voit ainsi apparaitre des crédits proposés pour l’amélioration des conditions de vie dans les favelas en 1956 et entre 55 et 60 des programmes de services de base comme l’éclairage public dans 12 favelas. Politique d’éradication

Arrivée de l’éclairage public

Ensembles Pedregulho

Ensembles Gavea

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Mais cela ne dure pas, à partir de 1962 la réaction face aux favelas se radicalise, à l’image de la politique autoritaire du pays avec la création d’un programme d’éradication des favelas et la construction de logements individuels de basse densité de population en dehors du tissu urbain. Les maisons sont détruites et les habitants sont relogés dans des ensembles résidentiels situés à l’extérieur de la ville comme les ensembles Pedregulho datant de 1952 et les ensembles Gavea de 1954. Ce sont des petites maisons individuelles de 15 m2 préfabriquées qui sont proposées aux habitants moyennant une mensualité obligatoire pour accéder à la propriété. Les expulsions rapides et parfois brutales menées par la police s’accompagnent de la destruction des baraques, engendrant la perte des biens matériels et la dissolution des liens sociaux. Les conditions de relogement ne

conviennent cependant pas aux déportés qui se trouvent trop éloignés des centres économiques et desservis par des transports aux prix inabordables. De plus, ils perdent leurs petits emplois qui, jusque là, suffisaient à leur survie. Cette situation ne leur permet pas de s’intégrer dans une logique économique qui les empêche de s’acquitter des mensualités perçues pour leur nouveau logement. La solution de l’auto-construction en milieu urbain reste donc concurrentielle, et les populations abandonnent ces logements pour de nouvelles favelas. La politique répressive reste un échec et provoque les effets inverses à ceux escomptés. Les logements sont occupés par des personnes au revenu plus important que prévu. Les conditions de vie des favelados se détériorent et surtout l’aire de logements informels continue à s’étendre. Entre 1962 et 1974 on dénombre 139 280 favelados expulsés ainsi que la destruction de 80 favelas. Politique de réhabilitation A partir des années 80, le retour à un système démocratique influence l’attitude des milieux politiques. Le président socialiste Leonel Brizola prône la réhabilitation des quartiers défavorisés

et un meilleur système éducatif. De nouveaux programmes visent à la réintégration des favelas dans la ville : régularisation du sol, favorisation d’une vie sociale, participation et travail communautaire. La crainte des expulsions éloignée, les favelas voient alors naître des processus d’auto-urbanisation qui visent l’installation durable : constructions en dure, augmentation du nombre d’étages, création d’ateliers et ouvertures de petits commerces. Dorénavant, les favelados sont considérés comme des travailleurs et non plus simplement en tant que marginaux, et la favela commence à être perçue comme le résultat du développement industriel et d’une croissance urbaine rapide et non planifiée. Mais cette mini révolution à laquelle l’Etat ne participe que théoriquement, les travaux étant effectués principalement par les habitants, provoque une hausse du prix des logements et ne suffit pas à contrebalancer la forte croissance des favelas. La crise économique de 1980 à amplifier le phénomène en accentuant l’insécurité salariale, favorisant la croissance d’une économie informelle. Les programmes de réinsertion ont eux provoqué l’institutionnalisation de pratiques malhonnêtes, à savoir le chan-


Developpement des commerces et pérénisation de l’habitat

Developpement vertical de la favela

Accrochage entre la police et les gangs

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tage et le clientélisme politique. En échange de la négociation avec les autorités administratives de la ville pour l’obtention de mesures d’urbanisation ou de crédits afin de terminer des travaux, les habitants s’engagent à donner leur voix à leur représentant. L’intermédiaire politique et l’arrangement clientéliste qu’il soutient nie l’autonomie citoyenne des habitants et leurs droits individuels à la ville. Quartier enclavé dans la ville, ses habitants ne peuvent prétendre participer à la culture civique de la ville de Rio et doivent avant tout légitimer l’existence de leur territoire. « L’état brésilien porte une lourde responsabilité dans cette situation. En fait, tout en menant une politique sociale de logement censée le légitimer, l’État a contribué au renforcement des mécanismes d’exclusion par sa politique économique menant à une structure de revenus inégalitaire à l’extrême, par la tolérance - voire l’appui - à la spéculation foncière, et enfin par la priorité donnée à la relance de l’industrie du bâtiment, en finançant l’habitat de luxe au détriment de l’habitat social». Paradoxalement, bien que, dans les années 80, la croissance démographique commence à se stabiliser dans le pays, la population des favelas continue à s’accroî-

tre durant cette même période. La pauvreté urbaine s’étend non plus en raison des migrations rurales, mais de la paupérisation des travailleurs urbains que le processus inflationniste ne fait qu’aggraver. Malgré l’expansion des périphéries, la croissance des favelas ne cesse pas. De fait, d’autres pratiques, tendances et modèles, apparaissent en termes d’habitat populaire. De nouvelles favelas s’installent alors dans des zones de plus en plus éloignées. Des agglomérats de favelas se forment ainsi : en même temps que certaines s’étendent, se reliant entre elles et constituant des ensembles élargis, d’autres aux bicoques plus précaires encore s’établissent dans des zones sujettes aux inondations, aux glissements de terrain, sur d’étroites bandes de terre situées le long des voies publiques, rivières et canaux, et sous les viaducs et les voies de circulation surélevées. Avec la valorisation des immeubles et le développement du marché immobilier dans les favelas, les habitants les plus pauvres cèdent la place à une classe moyenne de plus en plus paupérisée, tandis que les anciennes favelas se densifient et se verticalisent. À la fin de la décennie, les pouvoirs publics municipaux dessinent une stratégie innovante pour les

favelas. Au lieu de les raser et d’entasser leurs habitants dans des HLM, la ville cherche alors à moderniser les équipements clés et à assurer les services sociaux qui manquaient si cruellement. Malheureusement, la crise économique aggrave de nouveau à Rio de Janeiro les relations entre les favelas et la ville car la population rejette alors la cause des problèmes de la société sur les favelados. Le programme favela-bairro En 1992 est constitué le Secrétariat Municipale à l’Habitat (SMH) qui met sur pied en 1994 le programme Favelas - Bairro (favela-quartier) destiné à transformer les zones d’habitations des favelas en quartiers formels afin de les réintégrer à la ville. Rio de Janeiro décide de réintégrer les favelas à la ville afin de pouvoir reprendre le contrôle sur ces espaces qui leur échappaient jusqu’à maintenant. Les actions déjà entreprises qui consistent en des percements de nouvelles voies de communications à l’intérieur des favelas et à la création d’espaces publics, sont sensées lutter contre la segmentation de la ville. Le programme est un faire-valoir pour l’administration de la ville qui investit de plus en plus de moyens dans


Apparition des transports urbains

Amenagement des chemins

Mise en place du reseau des égouts

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sa réalisation : 300 millions de $ en association avec la « banco interamericano del desarollo » (BID) pour 90 communautés et plus de 300 000 habitants. Bien que positives, les actions menées souffrent de plusieurs problèmes intrinsèques au système mis en place. Les critères de choix des zones d’intervention sont flous et se retrouvent souvent liés à des promesses électorales. En effet, le problème du logement populaire reste un thème politique dont s’emparent les candidats. S’appuyant sur une représentation populaire des favelas comme espace de pauvreté clairement différencié des quartiers formels, ils prônent la mise aux normes communément acceptées par le reste de la ville. L’ampleur de la tâche et le manque de coordination des organes administratifs au sein du gouvernement municipal empêche la mise en place d’une véritable systématique. Ainsi en 1999, la préfecture entend engendrer au moyen de ses programmes d’urbanisation « un processus de prise de conscience de leurs obligations et responsabilités » afin d’y « introduire des valeurs ». Mais les favelados restent pour la ville des citoyens de 2ème classe, incontrôlés et incontrôlables.

Une politique qui se poursuit encore aujourd’hui Depuis mars 2008 une avancée notable des conditions de vie a été opérée grâce à l’actuel président: Luz Inacio Lula de Silva. Ce dernier a adopté un programme d’assainissement des quelques sept cents favelas de Rio de Janeiro. Ce « programme d’accélération de la croissance » prévoit entre autres : l’amélioration des conditions de vie des favelas par un projet d’intégration qui planifie des investissements en millions de dollars ainsi que des régularisations de titres de propriété et enfin une chasse aux trafiquants de drogues qui, depuis les années 1980, ont pris refuge dans les favelas et instaurent leurs lois. De nos jours, le programme se poursuit encore avec la dotation d’infrastructures, de voiries, de réseaux d’eau, d’assainissement, d’éclairage public… à l’intérieur des quelques 1020 favelas recensées qui regroupent 1 200 000 habitants, soit un cinquième de la population de Rio de Janeiro. Ces observations mettent en évidence les conséquences d’une mise à l’écart et d’un maintien dans une situation précaire d’une partie de la population,

empêchant de fait une répartition égalitaire des droits sociaux. Les populations des favelas revendiquent cependant une appartenance à la ville. Les habitants cherchent à sortir de la situation d’asphyxie dans laquelle leur logement les confine. Les mouvements revendicatifs nés avec la fin du régime totalitaire témoignent d’une volonté d’ouverture de l’horizon social qui leur est traditionnellement accordé. Sans accès aux médias traditionnels, ils interviennent alors sur les seules structures auxquelles la ville leur permet d’accéder telles que les manifestations sportives, le carnaval. La favela tout au long de l’histoire de Rio et du Brésil a toujours été considérée comme une composante indésirable de la structure urbaine des villes, parce qu’elle a toujours été une préoccupation majeure de la criminalité, la violence et l’abus des drogues. Et c’est pour cela que l’on cherche aujourd’hui à inclure les favelas à l’intérieur des villes, pour pouvoir enfin prendre le contrôle sur ces espaces que l’on a jusqu’alors cherché à exclure.


INTEGRATION URBAINE

Vue aérienne de Gavea, 2009

Développement sur la hauteur

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FAVELA ROCINHA La favela Rocinha est la favela la plus connue au monde. Elle est aussi une des premières à apparaitre à Rio à la fin des années 30. Elle se situe au Sud de Rio, à coté des quartiers aisés de São Conrado et de Gavea. Rocinha compte aujourd’hui environ 300 000 habitants. Au fil des années, et notamment avec l’aide apporté par le programme favela-bairro, la favela est devenue une zone intégrée à l’organisation urbaine. De nombreuses entreprises y sont installées, notamment des banques, des épiceries, des lignes de bus, la télévision par câble et, à une époque, un restaurant Mc Donald. Rocinha est aujourd’hui considérée comme une vrai favela-bairro. Caractéristiques: -Environ 300 000 habitants -66 964 habitant/km2 -3,3% de lapopulation totale de Rio.

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Circulations et projet


FAVELA DO ALEMAO

Le complexe d’Alemao vue du ciel, 1995

La favela d’Alemao, créée à partir de 1955, est un conglomérat de 13 favelas autour de la zone industrielle située au nord de Rio de Janeiro sur la Morro Alemao. Elle compte en 2000 plus de 65 000 habitants. En plus de créer des routes desservant l’intérieur de la favela et permettant une meilleure intégration à la ville, l’architecte Jorge Jauregui décida de réaliser en 2009 un système de téléfériques à l’intérieur du quartier luimême afin de relier de manière plus efficace les différents espaces du complexe entre eux. Caractéristiques: -Environ 65 062 habitants -21 675 habitant/km2 -0,7% de la population totale de Rio

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Etendue urbaine, 2008

Circulations et projets

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FAVELA SANTA MARTA

La favela dans la ville, 2010

La favela Santa Marta existe depuis les années 1935 et se situe dans la partie sud de Rio de Janeiro, sur la colline Dona Marta. Elle compte aujourd’hui plus de 7000 favelados. Elle est reconnue notamment pour sa fameuse école de Samba, Mocidade Unida et pour les réalisations artistiques qui y sont accomplies depuis la mis en place du projet favela-bairro. On note aussi la construction d’un funiculaire, d’un terrain de foot et la mise en place récente du wifi dans la favela. Néanmoins, la politique de limitation de l’étendue du quartier par la construction d’un mur a crée une vaste polémique. Caractéristiques: -7000 habitants -8750 habitant/km2 -0,07% de la population totale de Rio.

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Le funiculaire de Santa Marta, 2010

Circulations et politique répressive

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FAVELA CANTAGALO

Le quartier d’Ipanema

Le Morro do Cantagalo, 2010

L’ ascenseur urbain de Cantagalo, 2010

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La favela de Cantagalo créée en 1907 se situe dans la zone Sud de Rio de Janeiro et plus exactement entre les quartiers d’Ipanema et de Copacabana, les quartiers les plus riches de la ville. Elle compte aujourd’hui plus de 28 000 habitants. En plus de créer un ascenseur reliant les parties hautes et basses de la favela au début des années 90, la ville décida dans les années 2000 de réaliser une passerelle permettant de joindre le quartier d’Ipanema à la favela et ainsi donner aux favelados un meilleur accès au reste de la ville. La passerelle est ouverte depuis juin 2010. Caractéristiques: -3884 habitants -2427,5 habitants/km2 -0,04% de la population total de Rio.

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Circulations et projet


FUTUR

La croissance et l’évolution des favelas depuis quelques années amènent un certain nombre d’architectes à réfléchir à ce sujet. À travers leurs différentes propositions ils tentent d’apporter des solutions pour améliorer les conditions de vie des habitants. Le travail de transformation à grande échelle de l’habitat précaire consistant à raser complètement les habitations pour relocaliser la population, n’est généralement pas un grand succès. En effet, le système complexe qu’est la ville ne peut pas absorber toutes ces transformations d’un coup. Il est donc nécessaire d’apporter des modifications à une plus petite échelle qui améliorent les conditions de vie des habitants mais qui respectent et préservent également leur culture. Nous allons donc voir à travers différents exemples quelles sont les réponses apportées par les architectes. FUTUR À RIO

Proposition de transformation de la favela Rocinha, Frederic DRUOT, 2010

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Le français Frédérique Druot est un architecte qui s’est intéressé au problème des favelas. Dans sa proposition de projet, l’architecte se penche principalement sur la colline de la Rocinha. Pour arriver à sa proposition finale, il étudie tout d’abord la situa-

tion présente sur cette colline. Il décompose ensuite son projet en différentes phases qui lui permettraient l’amélioration des conditions de vie dans les favelas. Tout d’abord il exprime sa volonté de créer une succession de nouvelles terrasses. Puis, la deuxième étape de son projet constitue la démolition et le recyclage de certaines sections d’habitations (situés dans des zones trop dangereuses.) ainsi que le prolongement de certaines parties existantes (par exemple si certaines favelas possèdent des balcons, il va en créer sur celles d’à-coté pour marquer une continuité). Ensuite, l’architecte manifeste sa volonté d’utiliser des structures légères dans la construction afin de permettre une augmentation de l’espace d’habitation ainsi qu’une exploitation du terrain plus efficace et moins congestionné. Enfin, dans son projet il voudrait également implanter des espaces d’activités publiques, des lieux de rassemblement, comme par exemple des jardins des petits marchands, de terrains de foot pour les jeunes... et créer une meilleur organisation d’infrastructure comme pour l’eau, l’électricité, le gaz.... BAUHAUS

Adaptabilité

Recyclage


Puis, nous allons nous interesser au projet «Celula Urbana» du Bauhaus Dessau Foundation, moins pour les transformations apportées aux favelas que pour la manière de mener le projet de restructuration d’un espace. C’est un projet international entre BDF et l’équipe du Brésil faisant parti du programme favela-Bairro. Le but du projet est de définir une «cellule urbaine» dans la favela qui constitue un bloc d’étude dans lequel on va effectuer différentes transformations d’une part architecturales pour améliorer les bâtiments, et infrastructurels d’autre part pour améliorer la liaison entre la favela et la ville extérieur. Ils ont ensuite établit un certain nombre de prototypes de ces cellules urbaines sur lesquelles ils ont effectués les transformations permettant d’améliorer l’intégration des favelas à la ville. Grâce à ces prototypes les habitants des favelas peuvent eux même effectuer les transformations et donc améliorer leur quotidien.

Célula Urbana, Bauhaus Dessau foundation, Favela Jakarezinho, 2000-2004

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Les architectes ne sont pas les seuls qui s’intéressent aux problèmes des favelas. En effet, depuis 2006 des artistes hollandais, Hahn et Haas ont proposé un projet à grande échelle, celui de changer les favelas en un paysage qui pourrait être admiré d’une grande distance, qui couvrirait des grandes portions de la ville et surtout qui prendrait en compte la participation de la population. A Santa Marta, juste en dessous de Rio, le projet a vu le jour puisque 34 maisons avec une surface d’aire de 7000 mètres carrés ont été peintes avec des couleurs vives en collaboration avec la jeunesse. Praca Cantao est ainsi devenu, grâce à la couleur et à l’investissement commun, un centre d’agrégation pour la jeunesse qui a participé au projet. Praca Cantao est maintenant un nouvel aimant urbain, d’intérêt international et également un symbole. Ceci est une source de fierté pour les habitants et les participants à la création.

Favela painting, Haas & Hahn, Favela Santa Marta, 2010


FUTUR VENEZUELA-COLOMBIE

Metro Cable, Urban think tank, Caracas, Venezuela, 2007-2010.

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L’agence Urban think tank a créée le metro-cable à Caracas au Venezuela. C’est un téléférique, de structure légère capable de connecter trois points différents du quartier de St augustin. Il y a au total 5 stations: deux stations qui sont intégrées dans le réseau de transport urbain de Caracas, une dans le centre de la ville, l’autre dans le quartier commercial et trois situées aux sommet des collines qui relient les trois points du quartier de St augustin. Elles se situent dans des lieux stratégiques, où existent déjà une circulation piétonne, facile d’accès pour tout les habitants. De plus, elles sont situées dans une zone où l’on trouve beaucoup d’espaces constructibles, sans avoir besoin de démolir des habitations existantes. Celles ci sont composées de plateformes de béton et d’une structure en acier dont la hauteur varie de 2 à 5 étages. Chacune des stations sont différentes de part leur configuration et de part les fonctions qu’elles abritent. En effet ce ne sont pas seulement de simples stations, elle incluent des fonctions administratives, culturelles et sociales. Par exemple dans la station de la Ceiba, on trouve un centre communautaire, un point

d’information, un supermarché et un gymnase. Avec une capacité d’accueil de 1200 personnes par heure, le téléférique mesure 2,1km de long. Ce système offre la possibilité d’avoir un accès aux services de la grande ville. En effet, au lieu de marcher pendant 2h 30, les habitants peuvent s’y rendre en 20 minutes. Cette infrastructure permet de créer une connexion avec la ville.

Maquette et coupes de projet

Plans


Social Kingarten el porvenir, Giancarlo Mazzanti, Bosa, Bogota, 2007-2009

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Comme le montre beaucoup d’architectes, il est important pour développer des espaces précaires de créer des espaces publics, de rassemblement. La Colombie est un pays où se développe depuis quelques années des travaux publics de haute qualité et à faible coût. Cela a aidé à améliorer les conditions de vie communautaires dans des villes comme Bogota, Cartagena, Medellin. L’architecte Giancarlo Mazzanti développe un projet : El porvenir. Celui ci consiste en une série d’école à Bogota. Pour cela, il a utilisé un système modulaire où il attribue à chaque espace une fonction différente. Ce système modulaire lui a permis d’unifier les espaces publics avec les quartiers alentours. Il lui a également permis de réduire le coût de construction. A l’extérieur, l’enveloppe du bâtiment ovale est constituée de longs tubes de métal blanc qui créent un symbole et un icône pour le quartier qui n’a jamais possédé une telle infrastructure. En marge de l’ovale, il y a une cour semi-publique et deux volumes ouverts à la communauté. Ces deux volumes contiennent le réfectoire, l’auditorium et la laverie. Ce bâtiment permet donc la création d’espaces publics, communautaires et fait le lien avec d’autres quartiers.

De même, la bibliothèque España, construite en 2007, constitue un bâtiment important comme création d’un espace public. Le bâtiment est localisé à Medellin en Colombie. Les trois volumes de ce complexe sont constitués d’une bibliothèque, d’un espace d’étude et d’un auditorium. Ces volumes sont recouverts de pierres locales. Ils forment un point de référence pour la ville toute entière. Ils forment une sorte de place publique, qui regarde la vallée. Ils constituent un espace communautaire où les gens peuvent se réunir. Les espaces vides entre les 3 volumes permettent une circulation de l’air et de la lumière naturelle. Permettant ainsi de décongestionner l’espace. La surface latérale du bâtiment possède des petites fenêtres irrégulières permettant de décontextualiser l’intérieur de la pauvreté de l’extérieur. En effet, lorsque l’on se trouve à l’intérieur de la bibliothèque nous n’avons pas de confrontation visuelle avec la pauvreté qui règne à l’extérieur.

Biblioteca España,Giancarlo Mazzanti & Arquitectos Ltda., Medellin, Colombie, 2005


CONCLUSION A travers ces différents projets, on constate que nombreux sont les architectes qui ont tenté d’apporter des solutions aux problèmes des favelas. Même si leur façon d’aborder les transformations et le projet sont différentes, tous se concentrent à décongestionner les favelas, libérer des espaces publics, créer des espaces de circulation et amener le plus possible d’infrastructures. Ils répondent à cela en créant des éléments de communication entre la ville et la favela (téléférique) et également en améliorant la circulation dans celle-ci (élargissement des routes, escaliers...) Enfin il tente de redonner un statut de «quartier» aux favelas en y introduisant des édifices publics (bibliothèque, gymnase...), des places où les habitants peuvent se réunir et fonder ainsi une véritable communauté.

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Carte de l’étendue du programme favela-Bairro à Rio


REFLEXION

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L’exemple de la persistance des favelas de Rio prouve à quel point les ségrégations spatiales, la précarité en terme de logement et l’insalubrité sont autant d’enjeux auxquels les municipalités doivent répondre en favorisant l’amélioration et l’intégration urbaine et sociale des tissus urbains autonomes déjà existants au lieu d’appliquer des politiques autoritaires ayant pour effet le déplacement des problèmes et l’augmentation de la fragmentation des villes. Ainsi, le programme de restructuration des favelas, le favelabairro ou favela quartier ne peut être efficace qu’à partir du moment où il tient compte de tous les facteurs spatiaux, économiques, sociaux et culturels qui font la particularité et la force de ces espaces hors normes. Ces politiques ne doivent pas se contenter d’interventions ponctuelles et ne doivent pas penser la favela comme un espace urbain classique mais il faut la traiter au cas par cas. Car les favelas sont des espaces en mouvement. Ce mouvement doit être intégré en tant que facteur d’urbanisme dans le processus de patrimonialisation des favelas. L’espace mouvement est directement lié à ses acteurs, qui sont à la foi ceux qui parcourent

l’espace et ceux qui sont en train de le construire ou de le transformer. Dans le cas des favelas, les deux acteurs sont le plus souvent réunis en un seul, l’habitant, qui construit et aménage lui-même son intérieur. L’idée même d’un espace mouvement, impose l’idée d’action, ou mieux de participation. Au contraire des habitants passifs ou spectateurs des espaces figés, dans l’espace-mouvement le supposé spectateur devient acteur. Ce mouvement se traduit aussi par la temporalité liée à ces lieux : le favelado construit un habitat qui se transforme, évolue et s’agrandit en fonction de la reconnaissance légale du territoire et des moyens (financiers, humains et de réflexion) dont il dispose. Le fait que chaque habitation possède sa réserve de matériaux montre l’acceptation du mouvement par ces communautés. Cette idée d’espace mouvement se retrouve jusque dans les limites même de la favela qui évolue en fonction de l’accroissement de la population et qui constitue finalement le centre visible des favelas puisque c’est la seule trace visible d’organisation spatiale conventionnelle dans un lieu labyrinthique. Mais la conception d’une favela est aussi liée à une culture sensible imprégnée dans chacun et

qui la distingue de la ville stable. Le rapport visuel, auditif et notamment tactile (passage du goudron à la terre) est différent, l’expérience du parcours intérieur dans les Quabradas de Morro (ruelles internes) est unique. Le labyrinthe de la favela se déploie comme un tissu qui se plie aux mouvements du corps dans lequel on se perd pour mieux se retrouver. Il ne faut pas oublier aussi que le déhanchement des favelados dans la favela, de manière incertaine et fragmentaire, la Ginga, est une initiation à la samba, l’habitat et la rue participant donc à l’intégration sociale. Cet exemple de communauté montre comment plutôt que de subir la forte densité, les aléas du terrain et la pauvreté les favelados ont su s’adapter et pérenniser leur habitat pour créer un cadre de vie associé au mouvement, à l’échange, à la surprise et la joie. Cet exemple d’architecture n’est que la conséquence d’un développement urbain non maitrisé qui reflète les difficultés de la société à accepter de nouveaux types d’espace et d’enjeux spatiaux. Les tentatives du mouvement moderne de proposer une solution au problème de logement à Rio n’ont pas abouties du fait de la froideur et du manque des


espaces qu’il proposait. Il en va de même pour le mouvement déconstructiviste qui, en remettant en question le mouvement moderne, s’est affranchi des règles établies pour proposer des espaces complexes, emboités qui ne répondaient plus à la notion essentielle de l’habitat alors que les favelados déconstruisent l’architecture mais créent un espace dédié à l’habitat, un espace protecteur, un abri à l’image des Babylonests de l’artiste brésilien Helio OITICICA ou les constructions éphémères de Tadashi Kawamata qui questionnent sur la manière d’habiter. L’architecte se doit alors de renouveler sa façon de penser pour proposer de nouvelles formes d’habitat durable qui amélioreraient les conditions de vie tout en conservant les valeurs de ses habitants, en préférant l’intervention sur l’habitat précaire fondé sur l’homme plutôt que les commandes commerciales fondés sur l’économie.

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Favela do Paraisopolis, São Paolo, Brésil, 2010

« L’habiter n’existe qu’en rapport avec son temps. » Walter BENJAMIN


BIBLIOGRAPHIE

BATAILLON, C. « Etat, pouvoir et espace dans le tiers monde »

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ENSASE S5 GROUPE 14 LES FAVELAS: DE L’INDESIRABLE AU DURABLE BEDONI Arnaud_ELO MBENGONO Raul Sixto_FIALLOS Julio Cesar_FLAMMIN Hugo_GANDULFO Juan Pablo_PINILLA Miguel


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