Apprendre le paysage

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Cahier thématique de Hochparterre, novembre 2020

Apprendre le paysage Le profil professionnel des architectes paysagistes évolue parallèlement aux paysages. La formation est en pleine mutation.

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Nature artificielle: avec la savane Lewa du zoo de Zurich, Vetschpartner Landschaftsarchitekten se sont inspirés, en tant que responsables de la planification paysagère générale, de l’original au Kenya, jusqu’aux baobabs en acier et béton.

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Éditorial

Du jardin à l’aménagement du territoire et du paysage

Sommaire

4 Repenser la ville par le paysage L’aménagement des espaces libres est un défi urbanistique majeur de l’avenir.

6 La formation comme clé de la réussite professionnelle Visites chez OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale à Rapperswil et chez la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture HEPIA de Genève.

13 Douze témoignages Une compilation d’appréciations de la formation actuelle des architectes paysagistes.

2 0 À la recherche de sentinelles L’accès des généralistes au monde professionnel est grandement facilité par les approfondissements et la formation continue.

Photo de couverture recto  Jungle urbaine: la densification change la physionomie de la nature en ville. Krebs und Herde Landschaftsarchi­tekten ont transformé une banale route industrielle à Zurich en une luxuriante voie de passage. Photo de couverture verso  Un espace libre urbain: David  &  von Arx Landschafts­architekten ont réhabilité le ‹ Nachtigallenwäldeli › à Bâle et l’ont transformé en un parc linéaire qui profite à un public varié jour et nuit.

La formation des architectes paysagistes est en pleine mutation. Le profil professionnel évolue parallèlement à nos paysages. De nos jours, on ne recherche plus seulement des concepts, des aménagements et des concrétisations de nature en ville mais en plus des compétences en planification et en développement de paysages récréatifs, d’espaces réservés aux cours d’eau, de systèmes d’espaces verts et ouverts ainsi que de concepts de biodiversité. Ce cahier esquisse ces nouvelles tâches. Il présente les connaissances et les aptitudes qui doivent être acquises par les futurs experts en paysage et en espaces libres pendant leurs études et ce qu’ils apprennent dans la pratique professionnelle. Les études de bachelor offrent une vaste formation de base, solide et de qualité. Cependant, des connaissances supplémentaires ou une grande expérience constituent un bagage indispensable pour ceux qui veulent discuter des espaces urbains et paysagers de demain sur un pied d’égalité avec les architectes, les responsables de l’aménagement du territoire, les urbanistes ou les spécialistes de l’environnement. L’objectif de ce cahier thématique est d’informer sur les formations suisses au paysage et aussi de promouvoir la cause de l’architecture du paysage. Il présente, par exemple, un plaidoyer pour briser les anciennes hiérarchies et redistribuer les rôles dans l’architecture et l’aménagement. Une visite d’écoles à Genève et à Rapperswil montre le positionnement des deux hautes écoles spécialisées en architecture du paysage. Le texte ‹ À la recherche de sentinelles › expose le type d’avenir professionnel auquel les étudiants doivent se préparer et le rôle joué par la formation continue et les cursus de master. Une compilation de témoignages regroupe diverses approches et appréciations de l’offre de formation actuelle. Hochparterre publie ce cahier thématique en collaboration avec des départements d’architecture du paysage de OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale et de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève HEPIA, de Jardin Suisse, de l’Association suisse des entreprises horticoles, et de la Fédération suisse des architectes paysagistes ( FSAP ). Chaque année, nombreux sont les lauréats de bachelor qui ont tout d’abord fait un apprentissage comme jardinier ou dessinateur paysagiste avant leur diplôme – ce qui prouve le succès du système dual de formation en Suisse. – Les photos sont de Markus Frietsch. Prises pendant son tour de Suisse, elles font découvrir des œuvres de diplômés des deux écoles.  Roderick Hönig

Informations sur les projets voir page 22.

Impressum Édition Hochparterre AG  Adresses  Ausstellungsstrasse 25, CH-8005 Zürich, Tél. +41 44 444 28 88, www.hochparterre.ch, verlag@hochparterre.ch, redaktion@hochparterre.ch Éditeur  Köbi Gantenbein  Gérance  Lilia Glanzmann, Werner Huber, Agnes Schmid  Directrice des éditions  Susanne von Arx  Idée et rédaction  Roderick Hönig  Photographie  Markus Frietsch, www.markusfrietsch.com  Conception graphique  Antje Reineck  Mise en pages  Sara Sidler  Production  René Hornung  Traduction Annie Jeamart Lithographie  Team media, Gurtnellen  Impression  Stämpfli SA, Bern Directeur de la publication  Hochparterre en collaboration avec OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale, Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève HEPIA, Jardin Suisse, l’association suisse des entreprises horticoles et la Fédération Suisse des Architectes Paysagistes FSAP. Commandes  shop.hochparterre.ch, Fr. 15.—, € 12.—

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Repenser la ville par le paysage L’aménagement des espaces libres est un défi urbanistique majeur de l’avenir. Il convient de développer de nouveaux modes de pensée qui privilégient une prise de conscience élargie des interactions.

Texte: Stefan Rotzler

Il est incompréhensible que la profession d’architecture paysagiste se soit fait expulser de ‹ son › jardin d’Éden par le maître de la construction qu’est l’architecte qui connaît tant de choses et contrôle presque tout. Vers ce qui est communément appelé de manière assez irrespectueuse ‹ le milieu environnant ›. Quelle expression abominable ! Il en est de même pour le terme d’espace extérieur, volontiers utilisé par les architectes, qui est en fait inacceptable pour tous ceux pour qui le contenu paysager est proche et essentiel. En effet, ce n’est qu’à partir du regard ( architectural ) de l’intérieur que l’extérieur se révèle à nous. C’est pourquoi les architectes paysagistes préfèrent parler d’espaces libres et soulignent de cette manière non seulement que l’espace doit être libre et ouvert mais également qu’il doit contenir des aspects sociaux. Dans les conurbations, les espaces libres disponibles se font, en règle générale, de plus en plus confinés. C’est pourquoi, les planifications réfléchies constituent l’un des défis urbanistiques majeurs de l’avenir. Patrimoine suisse appelle à la densification de qualité: les espaces deviennent de plus en plus exigus mais il faut en accroître la qualité. Nous nous rapprochons ainsi de l’essence de ce que l’architecte et urbaniste danois Jan Gehl a mis clairement en évidence dès 1971 dans son livre révolutionnaire intitulé ‹ Life Between Buildings ›, à savoir qu’il faut renverser les paradigmes de la planification: c’est la vie qui passe en premier, puis l’espace, enfin l’architecture.

même que leur degré excessif d’imperméabilisation des sols. L’accroissement du nombre d’espaces verts parsemés ici et là est à juste titre réclamé haut et fort. Il faudrait aussi remplacer les arbres fragilisés par la sécheresse par des espèces compatibles avec le climat local. Il est impossible de répondre à la plupart de ces nouvelles questions par des approches conformistes: nous avons besoin de planificateurs compétents qui apportent des changements positifs à l’environnement et qui sont capables de se projeter dans l’avenir – non pas seulement dans trois ans mais bien dans trente ans. Toutefois, ils doivent aussi pouvoir s’appuyer sur des bases légales anticipatrices et des autorités à l’attitude proactive pour l’octroi d’autorisations. Actuellement, on n’en est encore qu’à des balbutiements: dans le canton de Zurich par exemple, on envisage au niveau législatif d’introduire un paragraphe qui limiterait la surface à bâtir d’une parcelle pour favoriser la plantation d’arbres à grande couronne.

Penser et planifier à grande échelle « Nous devons élaborer de nouveaux modes de pensée qui tiennent aussi compte des interactions entre humains et non-humains, donc des hommes avec les plantes, les animaux, les sols », dit Teresa Galí-Izard, la nouvelle professeure d’architecture paysagiste de l’EPFZ. En font partie de nouveaux assemblages de végétation, riches en structures, perméables et d’une grande biodiversité. Il Le climat pose de nouvelles questions est également question de repenser l’ensemble du cycle En fait, ce n’est rien de nouveau mais le sujet n’en reste hydrologique de la précipitation, la rétention jusqu’à l’inpas moins explosif. Cependant avec le thème du chan- filtration de l’eau. C’est pourquoi le besoin d’architectes gement climatique qui occupe actuellement le devant paysagistes au rôle tout à fait différent dans le contexte de la scène, tout a été bouleversé une fois de plus. Une urbanistique se fait ressentir: ce sont des généralistes avalanche d’interrogations tout à fait nouvelles met en qui peuvent penser en quatre dimensions, qui sont cacause les paradigmes de l’urbanisme: par exemple la mise pables d’appréhender, de lancer et de piloter des procesà l’épreuve de la perméabilité au vent de nos villes – de sus de programmation et de croissance. Ce sont des spé-

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cialistes qui entendent par espace non pas une parcelle à bâtir mais un vaste territoire et qui sont également capables d’agir et de communiquer en conséquence. Sans oublier la ville en tant qu’espace vital pour la faune: un mouvement au titre accrocheur de ‹ Animal Aided Design › ( AAD ) qui intègre les besoins en espace et en habitat de différentes espèces animales dans le développement urbain a actuellement le vent en poupe. Ces exigences résultent des cycles de vie spécifiques des espèces: le hérisson, par exemple, a besoin de surfaces ouvertes, de sous-bois bien structuré et d’espaces avec peu de trafic, c’est là qu’il se sent à l’aise. Il en est de même pour les papillons, les martinets ou les lézards. De telles spécifications relatives aux animaux ont un impact important sur le projet de planification de l’espace libre. C’est ainsi qu’en de nombreux endroits on assiste, dans le contexte tourmenté du changement climatique, à une toute nouvelle prise de conscience radicale de la ville et du paysage. Elle place les paramètres et les compétences en matière de paysage au cœur des réflexions urbanistiques et en fait le noyau central, le porteur d’identité, la marque. Un exemple: la cité lacustre d’Aspern en bordure de Vienne, une réalisation exemplaire du Salon international de la construction Vienne 2022. Là où il n’y avait plus que la morne plaine pannonienne, on a tout d’abord excavé un lac artificiel, puis créé un parc. C’est le cœur de la ville qui s’agrandit de manière circulaire autour du lac. L’évacuation des eaux a, elle aussi, été réinventée: l’infiltration sur place des eaux des routes réduit le volume d’eaux météoriques écoulées de rues entières, permet de diminuer le diamètre des collecteurs et sa réalisation est moins coûteuse. En plus, la surface routière ( qui est noire ) est dans l’ensemble ombragée par des arbres. Les modèles existent On ne doit pas chercher longtemps pour trouver des références historiques du rôle visionnaire de l’avenir de l’architecture du paysage: Frederick Law Olmsted ( 1822 – 1903 ) a fourni, avec le Central Park de Manhattan et le  »Collier d’émeraude », un ensemble de parcs à Boston, deux modèles d’approche des espaces libres qui ont été anticipés et lancés par des quartiers entiers. Ils ont été porteurs d’identité et le sont encore, sont pertinents pour la structure de la ville tout en étant résolument tournés vers l’avenir. De manière similaire, à Berlin, Peter Paul Lenné ( 1789 –1866 ) a modelé la physionomie de la ville avec le Tiergarten, le parc de Sanssouci et diverses allées alors que, de fait, Berlin n’était pas encore là. À l’heure du changement climatique, on recherche aussi des représentations radicalement nouvelles de ce qu’est la nature. Des conceptions prometteuses, axées sur l’avenir et qui retournent la démarche de Rousseau du ‹ retour à la nature › pour en faire un audacieux ‹ en avant vers la nature ›. C’est ainsi que la mission originelle des architectes paysagistes – établissement d’un plan des plantations et d’une liste de plantes – se mue de manière tout à fait évidente en une recherche sur les espèces végétales qui survivent même dans des conditions climatiques néfastes. La liste des arbres de rues des services des jardins allemands qui est accessible au public est un essai de compilation des espèces qui peuvent survivre même dans un climat devenant plus chaud, plus sec et plus venteux. Il y a déjà des pépinières qui ont fait de l’aptitude des plantes à survivre au changement climatique leur objectif premier. Mais ce que l’on recherche, ce ne sont pas des espèces adaptées mais des compositions entièrement nouvelles et robustes qui sont moins axées sur la beauté que sur la capacité de résister au climat et la biodiversité.

« Nous avons les montagnes, nous avons la nature – tout va bien. Mais que se passe-t-il si tout à coup ‹tout› ne va plus ‹bien › ? Si nous devons réaménager les villes pour les rendre plus fraîches ? Pour les rendre plus saines ? » Christophe Girot, professeur d’architecture du paysage à l’EPFZ, directeur de l’Institut d’architecture du paysage et propriétaire de l’Atelier Girot à Zurich.

« Dans l’anthropocène, il n’y a plus de séparation entre nature et artefact. Les planifications et projets d’architecture du paysage doivent associer les questions écologiques à la force créatrice en suivant de très près les processus sociaux. » Hansjörg Gadient, professeur de planification et de conception d’espaces libres urbains de la filière architecture du paysage de la OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale.

Dans ces nouveaux projets, l’appropriation et la bienveillance jouent un rôle essentiel: la bienveillance signifie en substance qu’il faut toujours inclure les forces positives qui traitent les espaces libres avec la sollicitude nécessaire. Il s’agit de promouvoir des narratifs viables à long terme qui incluent l’aspect bienveillant de la protection et de la préservation. Jorn de Précy ( 1837 – 1916 ), le jardinier-philosophe anglais, l’a exprimé en ces termes surprenants: « C’est le jardin qui a fait l’être humain ». Les délicates pousses et plantes ont fait de la bête humaine un être bienveillant, un être plein de sollicitude capable d’agir avec bienveillance. Chérir et prendre soin constituent le cœur de notre notion de culture – dans un sens profondément humain. Elle est dérivée de l’agriculture qui est rythmée par les semis, la pousse, l’entretien et la récolte. C’est également dans ce sens qu’il faut entendre ce que des universités chinoises d’élite réclament avec véhémence: que les paysages et espaces libres urbains soient moins décoratifs mais plutôt productifs. L’idée sousjacente est que les espaces verts urbains doivent aussi apporter une contribution importante à l’alimentation des citadins. La ‹ ville comestible › est une notion connue chez nous – mais jusqu’ici seulement au rayon des livres de cuisine de nos librairies.  L’architecte paysagiste Stefan Rotzler a terminé ses études à la Haute école technique de Rapperswil HSR ( précurseur de la OST ) en 1978. Jusqu’en 2014, il a dirigé le bureau Rotzler Krebs Partner Landschaftsarchitekten ( avec Matthias Krebs et Stephan Herde ) à Winterthour. Aujourd’hui, il est conseiller et architecte paysagiste indépendant.

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La formation comme clé de la réussite professionnelle Deux visites d’écoles: la OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale à Rapperswil et la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture HEPIA de Genève.

Texte: Karin Salm

Pour ces trois étudiants en architecture du paysage à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture HEPIA à Genève, cette journée a été assez éprouvante. Marlène ( 20 ), Christophe ( 22 ) et Jules ( 24 ) se reposent à l’ombre des arbres du campus commun du Centre de formation professionnelle nature et environnement et d’HEPIA à Lullier. Pendant quatre jours, ils travaillent dans le bâtiment de la Haute école au centre-ville et un jour par semaine ils sont à Lullier où ils se consacrent à la botanique et à l’utilisation des plantes. L’école est nichée dans un vaste complexe où des floristes et des jardiniers font leur apprentissage et où l’on produit également des fleurs, des légumes et des fruits. Aujourd’hui, les trois étudiants ont passé un examen de connaissance des plantes. Ils sont contents que leurs professeures d’architecture du paysage Natacha Guillaumont et Laurence Crémel les applaudissent chaleureusement à l’extérieur. En effet, ces examens importants se doivent d’être célébrés, d’autant plus après le confinement dû au coronavirus pendant lequel HEPIA a, elle aussi, pratiqué l’enseignement à distance. Natacha Guillaumont qui est responsable aussi bien du cursus de bachelor à HEPIA que de celui du master HES-SO ( Haute école spécialisée de Suisse occidentale dont fait partie HEPIA ) souligne l’importance de la botanique: « La plante détermine l’espace. Sans connaissances solides, un architecte paysagiste ne peut pas travailler. » Une haute école spécialisée au lieu de l’université Christophe a quitté le collège avec une maturité. Pendant le service civil, il a pris connaissance du travail dans et avec la nature. Puis il a effectué avec succès son apprentissage en tant que jardinier paysagiste à Lullier. Dès le premier semestre il s’intéresse « aux grands parcs et pas aux jardins privés », déclare-t-il en ajoutant qu’il aimerait contribuer, en tant qu’architecte paysagiste, à aménager des endroits agréables où l’on se sent à l’aise. Marlène, quant à elle, a grandi à Paris. En fait, elle voulait étudier à Versailles mais elle a déménagé avec ses pa-

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rents à Genève. C’est avec plaisir qu’elle constata alors qu’elle pouvait obtenir en Suisse un diplôme de bachelor en architecture du paysage. « En France, les architectes s’insurgent en entendant cette dénomination professionnelle et se sentent offensés. L’architecture du paysage est tout au plus une sous-catégorie de l’architecture ». Au pays de Le Nôtre et de ses jardins grandioses, lui qui jouissait de la même notoriété que Molière et le compositeur Lully, l’architecte paysagiste est en fait réduit à un simple jardinier, un paysagiste justement. De son côté, Jules a fait des études de biologie et de chimie pendant quatre semestres à Lausanne. À la longue, cela ne lui convenait pas. « La combinaison de la nature et de la créativité m’a manqué. » Il avait découvert cette combinaison pendant un stage chez un architecte paysagiste. Jules regrette que l’on informe à peine les titulaires d’une maturité des hautes écoles spécialisées. Le trio représente assez bien les 110 étudiants en architecture du paysage d’HEPIA. Cela n’a pas toujours été comme ça, explique Michaël Tranchellini, un chargé d’enseignement. Avant la fusion des écoles d’ingénieurs de Genève et de Lullier en 2009 et la création d’HEPIA, début des années 2000, près de 80 pour-cent des étudiants en architecture du paysage étaient originaires de France. Pour des raisons financières, la Confédération exigea ensuite une répartition plus équilibrée. L’alliance de la théorie et de la pratique L’architecture du paysage est l’une des neuf filières de bachelor d’HEPIA. Et, après l’architecture et la technologie de l’information, c’est en nombre le troisième plus important cursus. « Nous n’avons toutefois rien d’exotique. Si un évènement spécial ou une fête est prévue à la Haute école, nos étudiants sont toujours demandés », souligne Tranchellini. C’est avec fierté qu’il évoque également le Paléo festival de Nyon. Les étudiants en architecture du paysage y sont responsables depuis 2005 d’une installation de la surface d’un terrain de football qui sert de podium à tous les cursus de la HES-SO. De l’idée au budget, à la →

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Land Art: il y a plus de 20 ans, l’architecte paysagiste Paolo Bürgi a planté 100 peupliers en spirale dans la plaine de Magadino. Aujourd’hui, ils constituent le centre de verdure d’un parc industriel.

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sujets brûlants que des spécialistes comme Jasmin Joshi, professeure en écologie du paysage et Christoph Küffer, professeur en écologie de l’habitat, s’engagent tout particulièrement pour que l’écologie et la biodiversité soient approfondis et intensifiés. Les salles de travail des étudiants en architecture du paysage à la OST à Rapperswil sont surtout de grands ateliers. L’accès aux professeur( e )s se fait facilement. De plus, depuis 1983, la mémoire de l’architecture du paysage suisse est stockée au sous-sol: les archives suisses de l’architecture paysagère ASLA comprennent, entre autres, les fonds d’Ernst Cramer, Verena Dubach, Leberecht Migge et de Willi Neukom. Les étudiants qui terminent leurs études d’architecture du paysage à Rapperswil ont beaucoup appris: la conception de parcs et d’espaces routiers, la planification des plantations, l’élaboration de concepts d’espaces libres pour des quartiers et des villes, la planification et la réalisation de mesures de renaturation, la préservation de sites historiques, la prise en charge de gestion de chantiers, l’administration d’espaces verts dans les villes ou l’évaluation de grands projets en matière de détente, d’esthétique du paysage et de compensation écologique. « Pour l’avenir, nous exprimons le souhait d’assurer davantage la gestion complète de projets vu qu’il faut toujours penser le développement de grands sites en partant de l’espace libre », dit Dominik Siegrist. L’architecte paysagiste Natacha Guillaumont acquiesce: ceux qui ont fait trois ans d’études à Genève en faisant la navette entre le bâtiment principal en ville et le camUne preuve du système dual de formation C’est le genre de témoignage que Dominik Siegrist pus de Lullier disposent du même bagage. De plus, HEPIA aime entendre. Il dirige l’Institut dédié au paysage et aux est particulièrement attachée à ce que les étudiants traespaces ouverts ( ILF ) de la OST – Haute école spécialisée vaillent sur des projets de manière régulière et également de la Suisse orientale. « Quand ils ont terminé leur cursus en regroupant des étudiants de différents semestres et de trois ans en architecture du paysage, nos étudiants formations. Dès le début, l’accent est mis sur les échanges, sont capables d’exercer leur profession ; ils acquièrent ce qui renforce des compétences essentielles telles que ensuite une plus grande expérience pratique dans un bu- la communication et la transmission du savoir. L’étudiant reau », déclare Siegrist. Quarante pour-cent des étudiants perfectionne ainsi sa capacité de penser par lui-même, arrivent à Rapperswil après une maturité et une forma- à plus forte raison s’il présente son travail de projet à tion pratique d’un an, la moitié d’entre eux a déjà fait un d’autres étudiants, aux enseignants et même parfois à des apprentissage en horticulture ou dans le secteur de la représentants de communes. construction et une maturité professionnelle et dix pourcent viennent d’autres horizons. Changement climatique et numérisation Peter Petschek, le responsable de la filière architecLe fait est qu’une fois le diplôme de bachelor en arture du paysage, trouve également que ce mix prouve que chitecture du paysage en poche, l’étudiant trouve facilele système dual de formation suisse fonctionne bien. Pour ment du travail – en tout cas en Suisse alémanique. Dans les exploitations horticoles, il est également important toute la Suisse, il y a jusque 150 postes d’architecture du que l’apprentissage ne soit pas sans issue. Leur associa- paysage à pourvoir. Les deux écoles de Genève et de Raption Jardin Suisse constate qu’un nombre plus grand de perswil forment chaque année environ une centaine de tijeunes choisissent à nouveau cette branche. Beaucoup tulaires de bachelor. Mais les perspectives d’emploi n’ont d’entre eux se lancent ensuite dans une maturité profes- pas toujours été aussi bonnes. Le professeur Christian sionnelle et peuvent alors faire des études d’architecture Graf a lui-même fait ses études d’architecture du paysage du paysage. Pendant trois années intenses, les futurs à Rapperswil il y a vingt ans, il n’y avait certes que trente architectes paysagistes acquièrent non seulement des étudiants mais il y avait dix candidats pour chaque poste connaissances en matière d’aménagement créatif, de vacant. Par contre, les soixante titulaires de bachelor conception et de planification, d’écologie et de technique qui quittent aujourd’hui chaque année la OST ont pardu construction mais ils apprennent aussi à concevoir et fois l’embarras du choix des postes vacants. Bon nombre planifier des projets à grande échelle. Ils entraînent leur d’entre eux ont même déjà un poste avant d’avoir terminé aptitude à une approche systémique et à une argumenta- leurs études. tion scientifique pour exercer leur activité dans tous les Christian Graf rappelle que dans la formation, en domaines différenciés de l’architecture du paysage. plus de celles sur le changement climatique, des connaissances des outils informatiques prennent également de Les espaces verts du campus plus en plus d’importance pour la profession au quotidien: A Rapperswil, au bord du lac de Zurich, les espaces « Dans le passé, nous soumettions des plans dessinés à la verts servent de collection de plantes diversifiée et ins- main mais aujourd’hui les architectes paysagistes doivent pirante. Ils y identifient les plantes et observent les cor- également miser de plus en plus sur BIM ( Building Inforrélations écologiques. C’est justement parce que la crise mation Modeling ) pour rester compétitifs ». Il y a ici un climatique et l’extinction des espèces sont devenues des énorme retard et besoin de rattrapage. →

→ présentation et la mise en œuvre en passant par le travail de conception – tout ici peut être testé concrètement. Tranchellini évoque aussi la place entre les bâtiments de cours d’HEPIA à Genève: un véritable îlot de chaleur en pleine ville. Les étudiants travaillent ici sur des mesures pour l’amélioration de l’espace avec des potagers en plates-bandes et des jardinières. « Ici à Rapperswil, nous les architectes paysagistes nous sommes clairement exotiques », dit Flavia, 22 ans. Elle est tout feu tout flamme pour ses études. En tant que fleuriste elle n’avait aucune possibilité de formation continue ; désormais, ses études lui offrent – dès le premier semestre – un programme fabuleux: histoire de l’art, conception de projet, pédologie, botanique. En ce moment, elle fait du dessin à main levée. Pour elle, cette discipline qui pourrait paraître dépassée est indispensable. « L e dessin est lié à la perception. Pour dessiner un arbre, je dois en appréhender correctement le caractère et la croissance. » Dans la grande salle de travail où le chaos créatif est souhaitable, elle nous montre ses collections de matériaux et une maquette. Après sa maturité et un apprentissage en horticulture et paysagisme, Matthias, 25 ans, souhaite, lui aussi, s’améliorer au niveau de la créativité et de la conception du projet pour pouvoir accéder dès que possible à un emploi au sein d’un bureau. Mais il s’intéresse davantage à la planification et à la réalisation qu’à l’écologie. Pour lui il n’y a aucun doute: « Je suis convaincu de bénéficier ici d’une formation solide. »

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50 ans de formation en Suisse Avant 1970, lorsque l’on souhaitait devenir architecte paysagiste en Suisse, on était obligé de faire ses études en Allemagne, en France ou en Autriche. En Suisse, il n’y avait que des écoles d’horticulture. Au niveau universitaire, il n’existait rien. Jusqu’alors, l’engagement du ‹ Comité indépendant pour la formation universitaire horticole › et les programmes d’études ébauchés par l’EPF ou des hautes écoles n’avaient connu aucun aboutissement. Finalement, ce fut la Suisse romande qui eut une longueur d’avance: en 1970, l’école d’horticulture de Châtelaine qui formait des jardiniers, des paysagistes et des pépiniéristes établit le premier cursus de formation en architecture du paysage. Plus tard, cette école horticole, fondée en 1887, déménagea à Lullier sur un terrain de 45 hectares et se développa en véritable centre de formation avec une impressionnante production de légumes et de fleurs. En 2009, la fusion de l’École d’ingénieurs de Lullier et de l’École d’ingénieurs de Genève ( fondée en 1901 en tant que Technicum de Genève ) donna naissance à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève HEPIA. Aujourd’hui, celle-ci propose neuf filières d’études conduisant au bachelor dont une en architecture du paysage à Genève. En 2014, HEPIA s’est rapprochée de l’Université de Genève pour offrir conjointement un approfondissement en architecture du paysage dans le cadre d’un cursus de master en développement territorial ( MDT ). Et voilà: depuis 2019, la formation des architectes paysagistes francophones peut être sanctionnée avec un master de niveau universitaire. Peu de temps après, la Suisse alémanique s’y mit elle aussi: en 1972, le Technikum intercantonal de Rapperswil ouvrit ses portes et devint plus tard la Haute école technique de Rapperswil HSR. Le cursus du ‹ Département pour l’aménagement des espaces verts, l’architecture du paysage et des jardins › donnait l’impression d’être assez surchargé et hétérogène, on y enseignait même les mathématiques ! En 1981 / 82, Dieter Kienast et le nouveau responsable du département, Bernd Schubert, condensèrent le programme et instaurèrent un système avec des cours blocs quotidiens, hebdomadaires et pluriheb-

domadaires axés sur des projets précis. En même temps, les Archives de l’architecture suisse du paysage ASLA s’installèrent à Rapperswil. Le collège comprend actuellement onze chaires alors qu’il y a cinquante ans, on se contentait d’une seule chaire avec quelques chargés de cours. Dans le cadre du processus de Bologne, l’obligation pour les hautes écoles spécialisées de pratiquer la recherche appliquée vint s’y ajouter dès 1999. L’Institut dédié au paysage et aux espaces ouverts ( ILF ) où travaillent des professeurs et environ vingt collaborateurs a, quant à lui, été fondé en 2006. La coopération avec HEPIA est primordiale. En 2020, une étude commune a, par exemple, été menée sur l’importance des espaces ouverts et des espaces verts pendant la crise du coronavirus. Depuis 2018, la Haute école technique de Rapperswil ( HSR ) poursuit un programme de développement pour la recherche intitulé ‹ Reallabor Raum & Landschaft Schweiz › ( = laboratoire dédié à l’espace et au paysage suisse ) qui traite de questions d’avenir fondamentales. Les résultats de la recherche appliquée de l’ILF sont également présentés dans une série de publications de l’institut. Ces dernières années, les espaces verts du campus de Rapperswil ont été aménagés en véritable laboratoire d’apprentissage, ce qui montre que des thèmes comme l’écologie et la biodiversité sont bien ancrés dans l’enseignement. Chaque année, jusqu’à 60 architectes paysagistes quittent la Haute école de Rapperswil et entrent dans le monde du travail, un diplôme de bachelor en poche, 15 à 20 ont un master en ‹ D éveloppement territorial et architecture du paysage ›. À Genève, ce sont 35 à 40 étudiants qui quittent HEPIA avec un diplôme de bachelor en architecture du paysage, 12 font le master en développement territorial qui est offert conjointement avec la HES-SO ( Haute école spécialisée de Suisse occidentale dont fait partie HEPIA ) et l’université de Genève. Depuis l’automne 2020, l’EPFZ propose également un master en architecture du paysage. Depuis septembre 2020, le site de Rapperswil fait partie de la nouvelle OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale. Le cursus d’architecture du paysage et l’Institut dédié au paysage et aux espaces ouverts ( ILF ) constituent le plus grand domaine de spécialisation dans le nouveau département Architecture, construction, planification et espace.

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Un refuge de verdure: ce jardin privatif à Saint-Gingolph au bord du lac Léman atteste de la passion du végétal et de la compétence paysagiste de l’Atelier Grept Architecture du paysage.

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Dos au paysage À HEPIA, l’accent est également mis sur le numérique. « BIM est un immense défi pour l’architecture du paysage », confirme l’enseignant Michaël Tranchellini. En collaboration avec Alain Dubois, le professeur Olivier Donzé est responsable structurer des données pour obtenir des visualisations du paysage en 3D sophistiquées et animées. Donzé et Dubois travaillent sur un voyage virtuel dans le temps à travers Genève au cours duquel ils recensent également des projets d’étudiants. Ils évoquent également le projet ‹ D os au paysage ›, une sorte de protocole de perception spatiale auquel participent tous les étudiants depuis 2018. Les étudiants choisissent une position avec une vue sur un paysage ( urbain ), dessinent, photographient et décrivent cette vue et font ensuite une rotation de 180 degrés. Ils recommencent alors toute la procédure de perception. La rotation permet de mesurer en quelque sorte l’ensemble de l’environnement, l’ensemble de l’espace. Donzé et Dubois obtiennent ainsi des protocoles de données géoréférencées et les étudiants une base commune d’expériences. En 2017, Thibault et Kenzo ont terminé avec succès leurs études de bachelor à HEPIA. Tous deux se disent satisfaits de ces trois années. « Nous le referions tout de suite ! » Mais, à la différence des étudiants en bachelor en Suisse alémanique, ils ne sont pas encore entrés dans la vie professionnelle ; au contraire ils préparent maintenant le master d’architecture du paysage tout en travaillant également comme assistants à HEPIA. Il y a quatre raisons à cela. Premièrement, après trois ans d’études, on est certes un bon généraliste mais on n’a pas eu assez de temps pour approfondir son savoir. Deuxièmement, il manque encore de l’entraînement aux diplômés pour penser et concevoir dans de très grands espaces. Troisièmement, le master est indispensable pour participer à des concours internationaux. Et quatrièmement, le marché de l’emploi en Suisse romande est saturé et les salaires sont plus bas qu’en Suisse alémanique. « C’est pourquoi, nous mettons à profit la dynamique d’HEPIA et nous faisons le master », explique Thibault en riant. « Avec le master, je sais que je maîtrise vraiment mon métier », ajoute Kenzo. Une université sans orgueil En prenant cette décision du cursus de master, Kenzo et Thibault sont minoritaires ; ils ne sont que trente pourcent des titulaires de bachelor d’HEPIA à décider de poursuivre leurs études. Laurence Crémel qui enseigne en tant que professeure pour le cursus de master souhaite que la moitié des titulaires de bachelor continue à étudier car à Genève, ce cursus de master se fait au niveau universitaire. C’est avec assurance que les deux professeures Crémel et Guillaumont rappellent que la HES-SO et l’université de Genève coopèrent depuis 2014 dans le cadre du cursus de master en développement territorial. L’aboutissement en est le lancement en automne 2019 d’un master conjoint en planification urbaine interdisciplinaire avec spécialisation en architecture du paysage. Chaque école apporte le meilleur de ses acquis: l’université les bases théoriques, la Haute école spécialisée la pensée directement appliquée au projet. Le fait que l’EPFZ offre à partir de l’automne 2020, après des années de lutte, un master en architecture du paysage, qui est toutefois subordonné à un titre universitaire de bachelor en architecture, suscite la colère silencieuse et l’incompréhension des deux professeures de Genève. « Nous attendons au moins un échange collégial et la possibilité pour les titulaires de bachelor de Genève et de Rapperswil d’avoir accès à l’EPFZ. » Michaël Tranchellini

rappelle que les deux hautes écoles voulaient dans le passé mettre au point un master conjoint en architecture du paysage. Mais le projet a échoué en raison de la barrière linguistique. Les milieux politiques ne voyaient alors aucune nécessité d’agir. Andrea Cejka, professeure d’architecture du paysage à Rapperswil se souvient que ni l’appui des hautes écoles, ni celui du secteur était assez fort. Andrea Cejka souligne que désormais la coopération des deux hautes écoles est bonne, qu’elles entreprennent, entre autres, des excursions communes à l’étranger avec des séances pratiques. Des projets d’enseignement et de recherche de Genève sont également régulièrement mis en œuvre avec des étudiants de Rapperswil en exploitant de manière optimale les synergies entre les deux écoles. Au printemps et à l’été 2020, des étudiants de Genève et de Rapperswil ont élaboré ensemble de projets pilotes pour le projet d’une Exposition nationale NEXPO. « Une université sans orgueil et HEPIA ont vraiment fait un travail formidable pour l’architecture du paysage », reconnaît Peter Petschek, professeur à la OST. La planification dissuade les architectes paysagistes Tandis qu’à Genève un tiers des titulaires de bachelor poursuivent leurs études, à Rapperswil ce ne sont que deux à cinq étudiants par an. La raison n’est pas seulement qu’en tant que titulaire de bachelor on trouve aisément un emploi bien rémunéré mais aussi que l’école de Rapperswil est petite et qu’après trois ans, on connaît tous les professeurs, suppose Markus Gasser. Il dirige le cursus de master en développement territorial et architecture du paysage. Il regrette que l’on ne sache pas assez que les étudiants auraient, avec des études de master, la possibilité attrayante de faire un échange d’un ou de deux semestres avec presque toutes les universités européennes. Lea Michelon qui fit ses études d’architecture paysagiste à Rapperswil est l’une des rares à faire maintenant le master. Parallèlement, elle a un poste à temps partiel à l’Institut dédié au paysage et aux espaces ouverts ( ILF ) où elle travaille sur des projets de recherche. Elle suppose « que le fait que l’aménagement du territoire et la planification urbaine et des transports jouent un rôle assez important en master fait vraisemblablement peur à de nombreux étudiants ». Mais c’est justement cela qu’ellemême avait déploré: pendant ses études de bachelor, il lui avait manqué le temps pour avoir une réflexion approfondie sur les relations de l’architecture du paysage et de l’aménagement du territoire. Markus Gasser estime qu’en tout environ 120 titulaires de master ont quitté Rapperswil depuis 2008. Le cursus de master devient populaire. Au début, six à dix étudiants l’avaient commencé, maintenant il y en a jusqu’à vingt. Et les perspectives professionnelles sont bonnes. On peut supposer que tous les étudiants en architecture du paysage à Rapperswil ont déjà jeté un œil sur le grand portrait en noir et blanc de Dieter Kienast. Peter Petschek l’a accroché en bonne place près de son bureau. Le grand architecte paysagiste suisse qui enseigna luimême de 1979 à 1992 à Rapperswil et qui avait lutté pour la création d’une chaire d’architecture du paysage à l’EPFZ a montré de manière impressionnante ce que le chemin qui aboutit à l’architecture du paysage pourrait être: après son apprentissage de jardinier, Kienast a étudié l’aménagement du paysage à l’Université polyvalente de Kassel et y a présenté une thèse de doctorat.

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Un paysage éducatif adapté aux enfants: sur le toit de l’école primaire de Mont-sur-Lausanne, Monnier Architecture du Paysage MAP ont créé une cour de récréation avec une vue à couper le souffle.

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Douze témoignages

On recherche des gens qui veulent faire avancer les choses « Le métier de l’architecte paysagiste est vraiment passionnant quand on travaille dans de grands espaces, donc dans l’aménagement du territoire ou la protection du paysage, là où l’on peut accomplir beaucoup de choses. Je pense, par exemple, à la nouvelle directive du Tessin qui exige désormais des communes une ligne directrice pour le développement communal. L’écho d’autres parties du territoire montre que le Tessin accorde, avec cet instrument de planification stratégique, beaucoup plus d’importance aux espaces verts et ouverts que d’autres cantons. Pourquoi ? Parce que deux architectes paysagistes de notre Service ont également participé à l’élaboration de cette directive. Pour ce type de thèmes transversaux, une architecte paysagiste apporte les compétences appropriées: des connaissances approfondies dans les différents domaines tels que la botanique, l’écologie, la planification des espaces verts ou le développement du milieu bâti – liées à la capacité d’avoir une vision globale cohérente. Un autre exemple est le parc de la plaine de Magadino qui s’étend sur près de onze kilomètres entre Bellinzone et Locarno, sur la base d’un plan d’affectation cantonal. Pour ce projet complexe avec de nombreux acteurs et différents intérêts, les connaissances en architecture du paysage apportées par notre Office s’avérèrent également très utiles. En développement territorial, on recherche des gens qui veulent faire avancer les choses. À part les aménagistes classiques, ce peut être des architectes paysagistes, des géographes ou des architectes. » Paolo Poggiati a fait ses études d’architecture du paysage à la HSR ( précurseur de la OST ) et dirige depuis 2011 le Service du développement territorial ( SDT ) du canton du Tessin.

Il faut un bagage solide

Recherche interdisciplinaire

« De nos jours, le bagage d’une architecte paysagiste doit être très solide: en plus de compétences culturelles, sociales et créatives, elle doit pouvoir lire des paysages et faire des propositions pour leur développement. Mais elle doit aussi avoir des capacités sociales et de communication, par exemple lorsqu’elle conseille des maîtres d’ouvrage ou accompagne des processus de planification. Troisièmement, il lui faut des connaissances de sciences naturelles et techniques, par exemple sur les plantes et leur utilisation, sur les corrélations écologiques, sur le sol et le climat. Des notions de gestion d’entreprise et de droit de la construction sont également précieuses. Il est impossible d’acquérir toutes ces capacités en trois ans d’études de bachelor dont le but est d’obtenir une formation de base professionnelle solide. Mais pour ensuite pouvoir, dans la pratique, négocier d’égal à égal avec des représentants d’autres disciplines, il faut beaucoup d’expérience ou un approfondissement, de préférence sous forme d’études de master. En Suisse, il y a actuellement trois cursus de master qui s’adressent aux futurs architectes paysagistes. Puisque l’EPFZ n’est pas accessible aux diplômés des hautes écoles spécialisées, il n’en reste que deux d’ouverts à ceux-ci, ce qui, à mon avis, est trop peu. Leur attractivité est moyenne et il est encore possible d’élaborer des approches innovantes. À cela s’ajoute que le manque d’accès au niveau universitaire entrave la recherche scientifique. Dans le domaine de l’architecture du paysage, celle-ci est, en Suisse, clairement défavorisée. Il importe cependant d’y investir tout autant que dans une constante amélioration de la qualité de la formation de base. De même, on pourrait envisager un tout autre type de formation de base: dans une filière bachelor ‹ Territoire ›, des étudiants en architecture et en aménagement du territoire pourraient étudier ensemble avec de futurs architectes paysagistes. Dès les études, ceci favoriserait la collaboration interdisciplinaire, la compréhension mutuelle et enfin le réseautage. » Claudia Moll a fait ses études

« La recherche appliquée dans le domaine du paysage favorise l’interdisciplinaire à l’HEPIA. Les projets de recherche auxquels participe mon groupe ‹ Paysage Projet Vivant ›, bénéficient de compétences de l’institut inPACT et cherchent à développer les relations entre le vivant et notre société. Comment défendre le rôle du paysage ? Comment partager sa valeur ? Comment l’espace et l’utilisation sont-ils en relation l’un avec l’autre. Comment sensibiliser les publics et les partenaires ? L’approche de nos enseignants-chercheurs est itérative, nous nous concentrons sur la flore et la faune, le lieu et son contexte. Nos recherches ont en commun de comprendre le paysage comme une matrice pour la fabrique de la ville et de la campagne. En partenariat avec le canton de Genève, par exemple, nous avons conçu une méthodologie de suivi et de communication pour la mise en œuvre de la ‹ conception paysage cantonale ›. Les conclusions et les résultats sont ensuite présentés aux services cantonaux ou municipaux compétents, ce qui permet d’assurer le transfert des connaissances dans la pratique. Ils sont aussi directement et rapidement acheminés dans la salle de classe, permettant ainsi aux étudiants de recevoir une formation pratique et dynamique. Nous orientons aussi nos travaux sur l’évolution de la planification territoriale pour l’avenir agricole, réinventer ses formes de relations délicates. » Laurence Crémel, Professeure HES, Filière architecture du paysage, Responsable axe projet. Elle a fait ses études d’architecture à Nancy et d’architecture paysagiste à Versailles.

d’architecture du paysage à Rapperswil et passé son doc­ torat à l’EPFZ. Elle travaille à l’OFEV et est co-présidente de la Fédération suisse des architectes paysagistes ( FSAP ).

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En prise directe avec la réalité du terrain et du bâti

Pourquoi j’ai choisi la formation en architecture du paysage

« Chaque année, environ 800 jeunes suivent une formation de jardiniers paysagistes. 80 % d’entre eux sont des hommes, 20 % des femmes. Ils ont toutes sortes de formations préalables, du secondaire à l’université dont viennent des étu­ diants qui en ont assez de la théorie. Après trois ans d’apprentissage, environ 40 % changent de voie, 30 % continuent comme jardiniers dans les exploitations, 30 % font une formation continue et deviennent, quelques années plus tard, des techniciens, des contremaîtres ou des responsables de chantier. Chaque année, environ 10 % quittent – la plupart du temps après un apprentissage – l’école professionnelle supérieure pour ensuite faire des études à la HSR ou à HEPIA. L’association Jardin Suisse et les entrepreneurs encouragent ces carrières car il est important que tous les jeunes sachent quelles sont leurs perspectives lorsqu’ils font un apprentissage. À la Haute école spécialisée, les anciens apprentis tirent profit de leurs connaissances pratiques. Ils peuvent construire ce qu’ils apprennent maintenant à planifier et à aménager. Ils savent ce que cela veut dire de poser une dalle de béton d’un mètre sur un mètre ou de travailler avec des machines. Et ils savent aussi comment est organisée la gestion d’une exploitation horticole. Mais un certain nombre d’entre eux a du mal avec les travaux théoriques écrits. lls ont également beaucoup à apprendre en matière d’aménagement créatif. J’attends des diplômés qu’ils aient davantage de connaissances des questions essentielles, par exemple de la biodiversité ou des cycles de l’eau. Cependant, je voudrais qu’ils n’en connaissent pas que la théorie mais qu’ils puissent aussi planifier les conditions nécessaires et construire, en prise directe avec le terrain et de manière pratique. » Barbara Jenni a fait ses

« La profession d’architecte paysagiste n’était pas pour moi un rêve d’enfant, je l’ai d’ailleurs connue peu avant d’entamer mes trois années d’étude. J’ai toujours vécu à la campagne et ai été élevée proche de la nature, j’ai entendu parler de l’architecture du paysage par un agriculteur de ma région chez lequel je travaillais temporairement Mes attentes en arrivant à HEPIA étaient tout simplement de pouvoir être formée au mieux à ce métier complexe qui comporte de multiples facettes, d’avoir une vision et un apprentissage global du métier qui me permettrait ensuite de l’exercer et de choisir ma voie de perfectionnement. Je retire de cette formation beaucoup de positif puisque mon objectif a été atteint. L’enseignement donné par des professionnels du métier permet de transmettre les compétences avec passion et dans un souci d’évolution positive de la profession ce qui est très bénéfique pour les générations futures. Une proposition d’amélioration de la formation serait d’axer une plus grande partie des cours sur le domaine du privé qui n’est pas assez développé à HEPIA. J’ai décidé de ne pas continuer mes études avec un master, malgré la suite de la formation qui me paraît enrichissante et importante, mes besoins et envies actuelles de rentrer dans la vie active ont pris le dessus. Je n’écarte pas la possibilité d’y revenir plus tard. Je me prépare donc actuellement à faire partie d’une équipe pluridisciplinaire au sein d’une entreprise vaudoise. » Isaline chitecte paysagiste et conceptrice d’urbanisme. En 2014,

études d’architecture du paysage à Rapperswil ( précur-

elle a obtenu un master d’architecture du paysage à la

seur de la OST ) et dirige depuis 15 ans l’entreprise uni-

Louisiana State University.

Curiosité, humilité et passion « Il n’est pas facile d’appréhender le paysage: en matière de conception, de créativité, de culture ou d’écologie. C’est pourquoi, notre profession recèle des facettes multiples. Il est donc logique qu’il est impossible en trois ans d’études d’appréhender cette complexité, cela prend beaucoup de temps. Le fait de voir ce lointain horizon devant soi, en tant qu’étudiante ou que collaborateur, stimule la curiosité et l’humilité. Pour cela, il est tout à fait sensé d’établir des priorités dans la formation. Comme premier accès à la profession, développer sa propre passion est un atout. Un petit domaine de compétence de ce type est également précieux pour un bureau. En plus de la formation de base, une haute école devrait inciter ses étudiants à ne pas réfréner leurs propres ambitions et à laisser libre cours à leur passion. C’est ainsi que la complexité pourra être appréhendée plus rapidement. Les trois années d’études sont courtes, d’où l’importance capitale d’un stage pratique. Il stimule la sensibilité pour l’étendue, les rapports et l’importance des champs thématiques. J’enseigne actuellement à la Harvard Graduate School of Design. Les ateliers des deux dernières années y sont interdisciplinaires: Landscape Architecture, Urban Design, Architecture and Urban Planning. Cette interdisciplinarité place les professions sur le même plan, dans l’esprit des étudiants et des futurs collègues. Elle reflète bien mieux le monde bâti que la pensée compartimentée. » Robin Winogrond est ar-

Cherbuin, étudiante HES, filière architecture du paysage,

elle contribua à la fondation du Studio Vulkan Landschafts-

diplômée en 2020

architektur à Zurich dont elle était partenaire jusqu’en 2020. Elle a enseigné à la HSR de Rapperswil, à la ZHAW de Winterthour et est depuis 2016 à la Harvard Graduate School of Design de Cambridge MA. En plus du travail axé sur des projets, elle donne régulièrement des conférences et participe à des jurys en Suisse et à l’étranger. En 1989,

personnelle Barbara Jenni Gartenarchitektur à Lachen SZ. Elle est vice-présidente de Jardin Suisse, l’association des entreprises horticoles et y est responsable du dossier de la formation professionnelle.

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Une nature fonctionnelle en ville: sur l’île de la Suze à Bienne, alliance d’urbanisme, de renaturation, d’aménagement du parc et d’écologie, une réalisation de Fontana Landschaftsarchitekten.

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Frénésie végétale dans un lit d’asphalte: Le ‹ Mediengarten › de la ‹ Schweizer Radio und Fernsehen › SRF à Zurich de Krebs und Herde Landschaftsarchitekten – la conjugaison exemplaire de l’art des jardins et de nature en ville.

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Vivre activement l’approche interdisciplinaire « Que ce soit le changement climatique, la transformation numérique ou l’urbanisation de la Suisse: Des réponses intelligentes aux défis de notre temps combinent le savoir de différentes spécialités. Déjà dans le passé, la Haute école technique de Rapperswil a vécu activement l’approche interdisciplinaire. En architecture du paysage, par exemple, dans des modules communs avec le développement territorial et l’urbanisme, la planification des transports et l’aménagement du territoire – en recherche appliquée – avec le travail social. Nous pouvons désormais élargir ce type de coopérations. Depuis septembre 2020, OST – la Haute école spécialisée de la Suisse orientale, fusion des sites de Buchs et de Saint-Gall, réunit l’architecture, le génie civil, l’architecture du paysage ainsi que l’urbanisme, la planification des transports et l’aménagement du territoire sous un seul et même toit. Cette nouvelle structure donne un nouvel élan à la pluridisciplinarité de l’enseignement et de la recherche. La numérisation souligne également l’imbrication étroite de toutes ces disciplines. Une seconde chaire en génie civil vient s’ajouter à celle de Building Information Modeling en architecture du paysage. D’ailleurs, je considère le nouveau master de l’EPFZ en architecture du paysage comme un complément judicieux du master en science de la Haute école spécialisée avec approfondissement en développement territorial et architecture du paysage. Il me semble important que le master de l’EPFZ ne soit pas seulement proposé aux architectes mais aussi aux architectes paysagistes et qu’il tienne compte dans le curriculum des connaissances qu’ils ont déjà acquises. » Margit Mönnecke dirige le département architecture, bâtiment, paysage à la OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale et elle est directrice du site du campus à Rapperswil.

Exiger une place à la table ronde « Chez Peter Walker à Berkeley où j’ai fait mon stage en 2009, on savait déjà que l’on pouvait laisser les étudiants de la HSR prendre une part active au travail sur des projets. La formation technique et structurelle de qualité a également été un facteur décisif lors de mes embauches ultérieures à l’étranger: j’ai appris à établir des plans spécialisés, à travailler avec des matériaux et des plantes et à faire de la construction durable. La formation aux USA privilégie davantage l’analyse et la méthode. Quand on les maîtrise, on peut se familiariser rapidement avec de nouveaux thèmes et concepts et développer une argumentation conceptuelle. Ici, l’architecte paysagiste est plus considéré comme un généraliste, la frontière entre la théorie et la pratique n’est pas nette. Au début, les références théoriques et les connaissances aux interfaces avec d’autres disciplines me manquaient. J’ai comblé cette lacune dans le cadre du master à la Graduate School of Design de Harvard. Si l’architecture suisse du paysage veut participer aux processus territoriaux, elle doit exiger une place à la table ronde où les grands thèmes sont négociés et programmés. En Suisse, nous pensons encore souvent trop peu à grande échelle et nous nous déclarons vite satisfaits: planter un peu de verdure d’espacement, quelques arbres, peut-être construire un parc – les affaires vont bon train. Nous devrions davantage considérer le paysage en tant que système et participer aux discussions des principaux thèmes sociétaux: les transports, le climat ou le tournant énergétique, par exemple. Ce sont de grands projets d’infrastructures qui sont mis en œuvre dans le paysage culturel et dans lesquels notre discipline est directement impliquée. La formation devrait combler la lacune entre la pratique axée sur les projets et le concept de planification à grande échelle. Des projets de recherche pour la Confédération et les cantons peuvent provoquer une prise de conscience de ces sujets dans la société et la politique et mettre en évidence ce que doit être la contribution des architectes paysagistes. » Après un apprentissage de

Des conceptions plurielles et ambitieuses «Le cursus de deux ans de master en architecture du paysage de l’EPFZ souhaite poser de nouvelles questions, réfléchir à l’avenir avec de nouveaux scénarios et indiquer de nouvelles perspectives de notre place en tant qu’êtres humains dans un environnement mis à mal. Il a pour objectif d’examiner des questions éthiques structurelles et de remettre en question la manière dont nous habitons la planète. Notre ambition c’est de revisiter le rôle et le domaine de l’architecture du paysage pour répondre aux défis de notre siècle. Les diplômés sont censés être des pionniers créatifs, des penseurs critiques et des personnalités de la vie publique qui trouvent de nouvelles voies pour faire face à la crise environnementale. En tant qu’habitants privilégiés de l’Europe, nous avons la responsabilité de trouver des réponses à l’échelle mondiale. Il est nécessaire de trouver de nouvelles formules, des conceptions plurielles et plus exigeantes de la gestion de notre espace de vie. Nous avons les connaissances, l’information et la technologie nécessaires: nous sommes prêtes pour de nouveaux enjeux. En tant qu’architectes paysagistes, nous prenons part à la solution. Le master en architecture du paysage de l’EPFZ a été conçu pour les architectes avec le titre de bachelor à l’EPFZ. Mais j’aime les questions ouvertes. Nous devons être prêtes à examiner toutes les possibilités pour créer un cursus de master excellent, diversifié, convaincant et inclusif.» Teresa GalíIzard est professeure d’architecture du paysage à l’EPFZ. Elle dirige le nouveau master en architecture du paysage de l’EPFZ. Elle a fait des études d’agronomie à l’université polytechnique de Catalogne à Barcelone.

jardinier, Thomas Nideroest a terminé ses études à la HSR ( précurseur de la OST ) en 2011, puis obtenu son master à la GSD Graduate School of Design de Harvard. Aujourd’hui, il est responsable de la gestion de l’architecture du paysage de projets internationaux au bureau Sasaki Associates de Boston.

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Il faut développer d’autres programmes

Pourquoi la formation à HEPIA est unique ?

« Dans notre service, nous employons des architectes paysagistes avec trois types de compétences: d’abord dans la planification à l’échelle du territoire, afin de tenir compte des structures paysagères au niveau de l’agglomération. D’autre part dans la conception des espaces publics urbains et également pour gérer des aspects techniques, en soutien des équipes de terrain qui réalisent et entretiennent les aménagements paysagers. Ce travail exige des compétences multiples et diversifiées et des capacités pour travailler avec d’autres acteurs de l’aménagement urbain. Je crois effectivement que l’interdisciplinarité est une des clefs de réussite des développements de la ville de demain. Pour résoudre les problèmes, les professionnels du territoire doivent travailler ensemble. En plus des compétences ‹ métiers › évoquées ci-dessus, cela nécessite également des compétences telles qu’un esprit ouvert et d’autres en matière de communication et utilisation des nouvelles technologies. L’une des principales différences des architectes paysagistes par rapport aux autres acteurs de l’aménagement, c’est la connaissance du vivant et principalement le monde végétal. Pour la plupart des architectes et ingénieurs, le ‹ monde du vivant › reste plutôt abstrait. Je suis conscient que les compétences en architecture du paysage ne peuvent pas être acquises en trois ans d’études ( Bachelor ). C’est pourquoi il faut développer d’autres programmes, pour les approfondissements nécessaires ( Master ). » Vincent

De vastes connaissances de base

« HEPIA Haute Ecole est la consœur de Rappers­ wil, la seule en Suisse romande formant au paysage en enseignement supérieur. Au-delà de nos unicités suisses linguistiques, ce qui nous réunit c’est 50 ans d’existence respective, de connaissance de nos territoires, d’évolution des pratiques en perpétuel dynamisme pour répondre aux besoins de formations de nos sociétés. La qualité d’encadrement par des paysagistes professionnels exigeants mais bienveillants est la marque de fabrique HEPIA. Le Bachelor, base disciplinaire où les connaissances du vivant et des techniques sont directement associées à la pédagogie de l’atelier de projet ; lieu d’apprentissage de la formalisation spatial, d’échange et de culture. Ce qui distingue aussi HEPIA, c’est de miser sur un Master paysage, au sein d’une formation romande en urbanisme à l’échelle territoriale, conjoint entre la HES-SO et l’université de Genève. La formation réunit des étudiants en sciences politiques, des géographes, sociologues, architectes, paysagistes, ingénieurs géomètres qui expérimentent la co-construction de projets. Nous formons des professionnels capables de variétés d’approche, nécessaires à la pratique du paysage et aptes à faire face à la complexité. Ils développent leur compétence avec aptitude et passion dans des spécialisations du concepteur à l’ingénieur, dans une pratique respectueuse du vivant. D’autres, au sein de services et de maîtrise d’ouvrage, ont un rôle de médiateurs attentifs aux usages et aux perDesprez est depuis 2016 chef du service des Parcs et Pro- sonnes. » Natacha Guillaumont est responsable du

« Les diplômés des hautes écoles spécialisées ne sont pas très forts dans les domaines de la gestion d’entreprise et du calcul des coûts. Mais depuis mon diplôme en 2015, l’ancienne HSR et actuelle OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale. a comblé une partie de son retard. Je suis cependant conscient du fait qu’il n’est pas du tout possible d’apprendre tout ce qui est nécessaire à la profession pendant les seules années d’études. De vastes connaissances de base restent essentielles. Une entreprise veut pouvoir compter sur le fait qu’elle ne doit pas former les jeunes diplômés des hautes écoles spécialisées en toutes choses. Une diplômée qui aura fait un apprentissage comme jardinière paysagiste avant ses études pourra plus rapidement s’intégrer dans le quotidien d’une entreprise. Personnellement, ce sont surtout mes connaissances des plantes et la pensée conceptuelle acquises pendant mes études qui me sont très utiles. Au quotidien, j’ai également besoin de la planification d’exécution. Car les projets doivent fonctionner sur le plan technique et pas seulement faire bonne impression sur le papier. Mais la gestion d’entreprise demeure essentielle. Pour une architecte paysagiste qui a travaillé pendant cinq ans dans une entreprise paysagiste, un master en gestion d’entreprise serait une bonne formation continue. » Tobias Berger est copropriétaire

menades de la ville de Neuchâtel, avant et durant 22 ans,

Bachelor Architecture du Paysage HEPIA, coresponsable

d’architecture du paysage avec spécialisation exécution à

responsable de la filière Architecture du Paysage à HEPIA.

du MDT conjoint HES-SO avec Laurent Matthey, respon-

la HSR ( précurseur de la OST ).

Il a obtenu en 1987 le diplôme d’architecte paysagiste de

sable HES-SO de l’orientation Architecture du Paysage

l’Ecole d’Ingénieurs HES de Lullier.

de Widmer Gartenbau à Zollikon ZH et Berger Gartenbau à Kilchberg ZH. Il est responsable du domaine calcul des coûts et planification de jardins. Après le lycée, il fit un apprentissage de jardinier paysagiste, puis des études

MDT Master en Développement Territorial. Guillaumont a obtenu le Diplôme Paysagiste de l’École Nationale Supérieure de Paysage ENSP Versailles en 1996.

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Un paysage créé grâce à une infrastructure routière: les paysagistes de Jardin Suisse ont modelé les vastes espaces paysagers le long du contournement nord de Zurich avec des bulldozers guidés par satellites selon les prescriptions d’aménagement de Lorenz Eugster Landschaftsarchitektur und Städtebau.

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À la recherche de sentinelles Toutes les compétences professionnelles ne peuvent s’acquérir pendant les études. L’accès des généralistes au monde professionnel est grandement facilité par les approfondissements et la formation continue.

Texte: Roderick Hönig

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‹ L es architectes paysagistes travaillent à la planification et à l’aménagement de l’espace non bâti à des niveaux di­ vers. › C’est de cette manière aussi simple et franche que la Fédération suisse des architectes paysagistes ( FSAP ) esquisse, dans ses principes, leur profil professionnel. Cette définition repose sur la notion globale de paysage de la Convention européenne du paysage de 2000, ratifiée par la Suisse en 2013. Son point fort: elle inclut les pay­ sages du quotidien. Elle ne fait plus la distinction – comme, par exemple, la Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage ( LPN ) – entre les beaux paysages et ceux à fonction utilitaire, entre ceux dignes d’être protégés et ceux de moindre qualité, mais au contraire définit le pay­ sage comme un espace culturel, social et écologique. En conséquence, on assiste à un élargissement des domaines d’activité de l’architecture du paysage. Tout comme les frontières entre la ville et la campa­ gne disparaissent, les limites entre l’architecture du pay­ sage, l’aménagement du territoire et l’urbanisme sont éga­ lement en train de s’estomper. Les hautes écoles adaptent leurs offres en conséquence: le département d’architec­ ture de la Haute école zurichoise des sciences appliquées ZHAW à Winterthour va lancer en 2021 un CAS ‹ Espace ur­ bain paysage ›, la Haute école de Lucerne HSLU réfléchit à un master intitulé ‹ Collaborative Spatial Development ›, la OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale – a fait venir à Rapperswil des spécialistes de l’écologie du paysage et de l’habitat, le département Life Sciences de la ZHAW à Wädenswil offre un CAS en ‹ Renaturation des cours d’eau ›, la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture HEPIA de Genève un CAS intitulé ‹ Nature en ville ›. Sans oublier ce qui a provoqué le plus de débats dans le milieu: à partir de 2020, on peut, pour la première fois, faire un master en architecture du paysage à l’EPFZ. La tendance de ces nouvelles offres est claire: les ar­ chitectes paysagistes ne sont plus seulement bons pour concevoir, aménager et réaliser des jardins, des parcs ou des espaces publics, mais ils sont également censés faire profiter de leurs connaissances en matière de pla­ nification et de développement de paysages récréatifs,

d’espaces réservés aux cours d’eau, d’espaces verts et de promotion de la biodiversité en ville, à la campagne et de plus en plus souvent dans les zones périurbaines. Une demande croissante en spécialistes Le défi de cette ouverture de la discipline est de réus­ sir le grand écart entre un savoir étendu et des connais­ sances spécifiques – pour les établissements de forma­ tion tout comme pour les professionnels. Pourtant les spécialistes jugent que le potentiel des architectes pay­ sagistes dans les domaines de l’espace urbain et du pay­ sage est énorme. Il faut davantage de spécialistes qui dé­ veloppent ces espaces et qui ne font pas que les protéger, c’est ce qu’estime, par exemple, l’urbaniste Sabine Wolf. Elle a réalisé une étude sur la situation de la formation dans le champ thématique du paysage pour l’Institut Ur­ ban Landscape de la ZHAW. De nos jours, il y a longtemps qu’il ne suffit plus de faire des études à spécialisation trop étroite ; ce que l’on attend est une formation générale in­ terdisciplinaire avec des modules en écologie, en biologie, en sciences des matériaux, en développement durable, en recherche sur le climat, en communication et en anima­ tion. Elle est convaincue que, puisque les questions clima­ tiques font avancer de manière radicale la transformation de nos villes, le vent, l’eau et le paysage seront les thèmes clés de la restructuration urbaine de demain. « Dans les pays voisins, la réflexion sur l’espace urbain et son développement ne se font plus qu’à partir du pay­ sage et de l’espace ouvert. En France ou en Hollande, pour les projets où il est question de ce que l’on appelle l’in­ frastructure verte et bleue, ce sont raisonnablement les architectes paysagistes qui mènent le jeu. Ils ne peuvent certes pas traiter seuls des projets de restructuration ur­ baine pluridisciplinaires aussi complexes mais ils sont tout à fait indiqués pour maintenir la cohésion et conser­ ver une bonne vue d’ensemble ». Et Sabine Wolf de décla­ rer que l’heure est venue de sortir des sentiers battus de l’architecture du paysage – mais aussi du fait que les ques­ tions écologiques ont fait irruption au beau milieu de la société et dominent désormais l’agenda politique. →

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Réhabilitation de monument historique: Beglinger + Bryan Landschaftsarchitektur ont nettoyé le jardin du couvent St.Avgin à Arth SZ et lui ont redonné vie avec des interventions mesurées.

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Une vision élargie « Nous devons affûter la vision d’ensemble de nos fu­ turs diplômés du CAS ‹ Espace urbain paysage ›  », explique l’architecte paysagiste Anke Domschky qui a conçu la nou­ velle offre de formation continue pour la ZHAW. L’objectif de son cours est que les étudiants apprennent à dévelop­ per une approche et une action intégrale et interdiscipli­ naire. Comme champs thématiques actuels et concrets, elle nomme, entre autres, la perte de biodiversité et le climat urbain. Ces deux sujets sont source de problèmes dans l’espace urbain que l’on ne peut résoudre qu’avec des stratégies pluridisciplinaires qui associent des presta­ tions écosystémiques et d’ingénierie. Faut-il pour cela encore un CAS de plus ? Oui, Anke Domschky en est convaincue: le marché est encore loin d’être saturé en cours d’approfondissement du champ thématique du paysage – même si l’on peut actuellement constater que les choses bougent dans le paysage suisse de la formation continue. D’après elle, on a besoin de da­ vantage d’expertes et d’experts à même de faire une lec­ ture et une interprétation pertinente de nos paysages ur­ bains et qui sont, en même temps, familiarisé( e ) avec les défis actuels, les instruments nécessaires ainsi qu’avec les exigences en matière de conceptions des processus et d’objectifs de planification.

De bonnes perspectives de carrière La majorité de la centaine de titulaires d’un bachelor de la OST à Rapperswil et d’HEPIA Genève continue tou­ tefois à être directement attirée par les bureaux d’archi­ tecture du paysage qui sont au nombre d’environ trois cents en Suisse. Seuls quelques-uns poursuivent leur for­ mation avec un master parce qu’ils trouvent rapidement un emploi à cause de l’assèchement du marché. « La for­ mation de bachelor des hautes écoles spécialisées est axée sur l’application. Leurs diplômés n’apportent certes pas d’expérience professionnelle et de travail mais dès le premier jour, ils travaillent dans notre bureau sur les pro­ jets selon leurs connaissances spécialisées et leurs ap­ titudes », explique Brigitte Nyffenegger. Cette architecte

paysagiste est fondatrice du bureau Umland de Zurich qui a trois à quatre employés ; elle est également enseignante en conception et développement des espaces ouverts à la OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale. Brigitte Nyffenegger est également convaincue qu’une plus grande implication des architectes paysagistes dans les administrations ainsi que dans la planification des transports, du territoire et du paysage est possible. « Lors de la densification de l’urbanisation, il faut que quelqu’un assure la qualité des espaces ouverts, de nombreuses questions d’aménagement et d’utilisation se posent. Ce ne sont pas des données de biodiversité compilées dans des tableaux Excel qui créent des espaces ouverts de qualité », affirme l’architecte paysagiste non sans ironie. Peter Lehmann est également de cet avis. Fin 2019, il a conçu et animé un atelier dans le cadre du ‹ Forum de détection précoce Biodiversité et paysage › à l’initiative de l’OFEV et de la Conférence des délégués à la protec­ tion de la nature et du paysage et du Forum Biodiversité Suisse. Il était consacré au thème ‹ D éveloppements dans le paysage suisse des hautes écoles et leur contribution à la formation des compétences nécessaires dans la po­ litique paysagère ›. Dans son rapport, Lehmann esquisse une demande de personnel qualifié tout en constatant en même temps un manque de spécialistes du paysage ca­ pables de conseiller communes et cantons. Il affirme éga­ lement que l’offre qui existait jusqu’ici ne couvre pas tous les besoins et qu’il faut davantage de compétences pour des travaux dans des grands espaces ou pour l’analyse de tâches complexes. Ce rapport synthétise que les exigences envers les spécialistes du paysage sont élevées « parce que le sujet est remarquablement interdisciplinaire, va des questions créatives jusqu’aux questions relatives aux instruments et à la communication et concerne un très large cercle d’acteurs qui ont un impact direct sur le paysage ». Ce travail suppose une formation de base solide en termes de conception créative et d’aménagement du territoire et une très grande compétence sociale. Pour Lehmann, il est également évident que ces pros du paysage ne sortent pas

Mediengarten SRF, Zurich, 2020 Architecture du paysage:  Krebs und Herde, Winterthour Maître d’ouvrage: SRF Schweizer Radio und Fernsehen, Zurich Réalisation:  GGZ Gartenbau-Genossenschaft, Zurich ( Couverture recto et p. 16 )

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Savane Lewa, Zoo Zurich, 2020 Architecture du paysage et direction générale: Vetschpartner, Zurich Maître d’ouvrage:  Zoo, Zurich Réalisation:  Lüscher Gartenbau, Zürich und Berger Gartenbau, Kilchberg ZH

Spirale verde, Sant’Antonin TI, 1989 Architecture du paysage:  Studio Bürgi, Camorino TI Maître d’ouvrage: Gnosis Bioresearch, Sant’Antonino Réalisation:  Studio Bürgi, Camorino TI

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directement des écoles. Les titulaires de bachelor qui ont une formation étendue de qualité manquent d’expérience pratique. Lehmann affirme: « La capacité d’action ne peut pas s’apprendre en amphithéâtre. C’est dans la pratique que l’on doit apprendre comment gérer un processus de planification participatif  ». Aussi recommande-t-il dans son rapport qu’un apai­ sement des tensions pourrait apporter une valorisation des offres de formation et de formation continue et une optimisation de l’offre d’enseignement supérieur. « Il y a un fossé énorme entre les formations en paysage de la OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale, de HEPIA Genève et de l’EPFZ. Une passerelle vers le nou­ veau master en architecture du paysage de l’EPFZ pour­ rait partiellement combler cette faille. Du point de vue de ce biologiste, d’autres cursus de masters universitaires suisses pourraient cependant tout à fait trouver leur place dans le domaine du paysage. Comme mesures d’accom­ pagnement, le rapport formule l’occupation des services compétents de la Confédération et des cantons par des spécialistes en la matière et une gestion orientée par la pratique d’adjudication des pouvoirs publics – donc une passation de commandes qui intègre impérativement les aspects paysagers qui doivent être traités par des spécia­ listes compétents. La dénomination de la profession est-elle correcte ? Au vu de toutes ces exigences et attentes en matière de compétences et de savoir, on peut légitimement se demander s’il convient encore d’utiliser la dénomination d’architecte paysagiste. « C ette discussion, nous l’avons déjà eue dans les années 2000. Il était alors encore ques­ tion d’une différenciation nette entre ville et campagne et donc entre les compétences d’un architecte et d’un architecte paysagiste », se souvient Michael Oser du bu­ reau bâlois Bryum ‹ p our des interventions urbaines et une architecture du paysage ›. Mais aujourd’hui la situa­ tion est différente: « L’architecture du paysage fait tout d’abord partie du développement urbain et ce n’est qu’en­ suite qu’elle fait partie de la construction ». Michael Oser

Jardin privatif, Saint-Gingolph VS, 2016 Architecture du paysage:  Atelier Grept, St-Gingolph Maître d’ouvrage: privé Réalisation:  Atelier Grept, St-Gingolph VS

Environnement école primaire, Mont-sur-Lausanne, 2019 Architecture du paysage:   Monnier Architecture de paysage, Lausanne Maître d’ouvrage:  Commune de Mont-surLausanne Réalisation:  Mathis Parcs & Jardins, Chavannes- prèsRenens VD

se considère, lui et son équipe, plutôt comme des ‹ senti­ nelles en charge de l’espace public › que comme des archi­ tectes paysagistes. Si l’on résume la question de la formation, on peut dire: en Suisse, il n’y a pas d’endroit unique où l’on peut étudier tous les thèmes autour du paysage et de la ville. La situation actuelle ne montre pas de problème de forma­ tion mais au contraire un problème de relève. Car l’offre du paysage suisse de formation et de formation continue est suffisante, il y a également assez de modules différenciés pour des spécialisations et des approfondissements. Les hautes écoles spécialisées de Genève et de Rapperswil avec leurs cursus de master interdisciplinaires sont bien placées pour les profils professionnels esquissés ici qui se situent aux interfaces: toutes deux marient l’architec­ ture du paysage à l’aménagement du territoire, associent le travail interdisciplinaire sur l’objet architectural et dans de grands espaces. De plus, la fusion qui a donné naissance à la OST – Haute école spécialisée de la Suisse orientale – stimule la coopération transdisciplinaire. Le nouveau département architecture, construction, paysage et espace regroupe sous un même toit toutes les disciplines qui ont une inter­ action avec le paysage. Cette nouvelle organisation crée un potentiel de synergies dans les cursus et des possibi­ lités de pratiquer la coopération interdisciplinaire dès le début des études. « Ce n’est pas d’hier que le paysage, l’aménagement du territoire et l’ingénierie s’inscrivent dans le cursus à Rapperswil, il y avait même déjà des modules de projets communs aux différentes formations », explique Peter Petschek, le responsable de la filière architecture du paysage de l’OST. L’architecture vient s’y rajouter. Mais puisque l’atelier d’architecture reste dans ses locaux dans le bâtiment de la poste principale de Saint-Gall, il conviendra de promouvoir activement les échanges. Petschek est convaincu que les expériences d’apprentis­ sage en ligne accumulées pendant la crise du coronavirus seront d’une grande aide. Le pont numérique est désor­ mais établi entre Rapperswil et Saint Gall.

Île de la Suze, Biel-Bienne 2015 Architecture du paysage et direction générale parc:  Fontana Landschafts­ architektur, Bâle Maître d’ouvrage:  Ville de Biel-Bienne Réalisation: Fankhauser Tiefbau, Lyss; Hirt, Bienne; Aemmer Gartenbau, Lyss BE

Contournement nord de Zurich, depuis 2008 Conseils en aménagement paysagiste:  Lorenz Eugster Landschaftsarchitektur und Städtebau, Zurich Maître d’ouvrage: Office fédéral des routes OFROU, Berne Planification: SSK Landschaftsarchitekten, Wettingen Réalisation:  Matter Garten, Buchs ZH

Couvent St. Avgin, Arth SZ, 2013 Architecture du paysage:  Beglinger + Bryan, Zurich Maître d’ouvrage: Antiochstiftung couvent St.Avgin, Arth SZ Réalisation:  Ernst Zweifel, Lachen SZ

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Nachtigallenwäldeli, Bâle, 2017 Architecture du paysage:  David & von Arx, Soleure Maître d’ouvrage:  Ville de Bâle Réalisation: Frutiger Tiefbau, Thun; Albin Borer, Basel et Stadtgärtnerei Basel

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Apprendre le paysage Le profil professionnel des architectes paysa­ gistes est en pleine mutation. Leur formation évolue aussi avec nos exigences en matière de paysages et d’espaces libres. Des visites d’écoles à Genève et à Rapperswil montrent le mode d’enseignement de l’architecture du paysage et le positionnement des deux hautes écoles spécialisées. Ce cahier esquisse de nouveaux champs d’action de l’architecture du paysage et rassemble une douzaine de té­ moignages de l’école et de la pratique sur les évolutions actuelles. Un cahier thématique qui plaide pour briser d’anciennes hiérarchies et redistribuer les rôles dans l’architecture et l’aménagement. www.ost.ch, www.hepia.ch, www.jardinsuisse.ch, www.bsla.ch

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