HEMISPHERES n°23 – Besoins essentiels, désirs superflus

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Gregory Stauffer, performeur et chorégraphe, applique les principes de la permaculture au travail de création. Il expérimente des partitions où les corps et les âmes s’ensauvagent dans une forêt. Une manière selon lui de s’émanciper de l’opposition stérile entre besoin et désir.

Danser avec le vivant TEXTE

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Bill Mollison (1928-2016) est biologiste et David Holmgren, né en 1955, est essayiste. Ensemble, ils ont théorisé le concept de permaculture dans les années 1970, en se basant sur les travaux du Japonais Masanobu Fukuoka (1913-2008). Le mot-valise permaculture provient de la contraction de « permanent » et « culture ». Il se réfère à des méthodes qui permettent aux terres de maintenir leur fertilité.

| Marco Danesi

Le chorégraphe Gregory Stauffer danse comme on cultive en permaculture. Depuis juin 2021, dans une forêt près de Bienne, il mène une recherche dans le cadre de la Mission recherche de La Manufacture – Haute école des arts de la scène à Lausanne – HES-SO. Y sont inclus d’autres créatrices et créateurs, des chercheur·es ou des groupes d’étudiant·es. Ici, danser est à prendre au sens large. Il s’agit de « faire du mouvement » avec la nature pour façonner « des modes de travail créatifs autonomes, durables et résilients », énonce le performeur. En l’écoutant raconter les virées corps-àcorps dans les bois, le projet s’éclaire d’une sorte d’évidence. La permaculture, théorisée dans les années 1970 par les Australiens Bill Mollison et David Holmgren1, a pour aspiration de créer des habitats humains plus auto-

nomes, durables et résilients. Elle s’apparente à un appel à l’essentiel et à une certaine sobriété, tant spirituelle que matérielle. On prend soin de la nature (les sols, les forêts, l’eau et l’air), de l’humain (soi-même, la communauté et les générations futures), on limite la consommation et la reproduction et on partage. Dans le travail de la terre, en particulier, sont bannis les engrais chimiques, les pesticides, les machines lourdes. On se cale sur les cycles naturels des saisons et des jours. La permaculture s’applique certes aux potagers, aux jardins. Mais, précise Gregory Stauffer, « elle traduit en même temps un désir de transformation éco-social ». Autrement dit, la permaculture est une invitation à changer l’agriculture et le monde, à l’affranchir « de l’idéologie capitaliste et de ses desseins d’expansions transhumanistes et spatiales ». Dès


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