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N° 3321 • VENDREDI 24 NOVEMBRE 2017 • 1 €

www.lopinion.com

POLITIQUE

La polémique Plenel. PAGE 2

La Place du Capitole passe en mode Noël VENTES AUX ENCHÈRES PAGE 12

TOULOUSE

Une ambition pour la culture ? PAGE 3

IMMOBILIER

Logement neuf : l'offre diminue. PAGE 3

INTERNATIONAL

En Turquie, des artistes résistent.

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TECHNOLOGIE

ART DE VIVRE PAGE 5

CULTURE PAGE 9

Little Italy Ristorante : ambiance trattoria.

Qu'est-ce que boire ?

L'intelligence artificielle contre le crime PAGE 7

ANNONCES LÉGALES PAGE 17 3 1012 - 3321

64è année - HEBDOMADAIRE - Imprimé par ROTO GARONNE, ZAC Mestre Marty 47310 Estillac - Directeur de la publication : Hélène PAYRAS-DIDIER - CPPAP 0420 C 81074


POLITIQUE

Le monde selon Plenel

L’ÉDITORIAL de François d’Orcival

Retour sur le parcours et la stratégie d’Edwy Plenel, ex-partenaire de Tariq Ramadan et pourfendeur de Charlie Hebdo.

L’islam l’a tuée

L

L

a chancelière a du admettre dans la nuit de dimanche à lundi que sa négociation avait échoué. C’était certes une négociation assez improbable, puisqu’il fallait mettre d’accord les conservateurs de la CDU, les libéraux du FDP et les Verts, aux programmes si divergents. Mais on la croyait capable de réussir l’impossible. Elle n’y est pas parvenue. Le soir du 24 septembre, au dépouillement des élections fédérales allemandes où se jouait son quatrième mandat, on comprit très vite qu’Angela Merkel n’était pas satisfaite : elle n’avait pas la majorité et ne pouvait en trouver une de rechange qu’en formant une coalition avec les libéraux et les Verts, les sociaux-démocrates, battus eux aussi, estimant en effet qu’ils ne pouvaient plus jouer les roues de secours de la chancelière et qu’ils devaient donc se refaire une santé, mais dans l’opposition. Or tout cela se passait sous les yeux des 90 députés élus de l’AFD (la droite radicale allemande) qui manifestaient bruyamment leur entrée au Bundestag. C’était la première fois qu’un parti aussi à droite, aussi identitaire, entrait au Parlement depuis 1947, avec 13 % des voix. L’avertissement était majeur. A qui ce parti avait-il donc pris ses électeurs ? Forcément aux chrétiens démocrates, mais aussi à la gauche. Si Angela Merkel était en minorité, c’est bien à ceux-là qu’elle le devait. Et sur quoi s’était bâti le succès fulgurant de l’AFD ? Sur le refus de la vague massive du million et demi de migrants accueillis en Allemagne durant les années 2015 et 2016. Or c’est encore pour la même raison que la négociation entre les trois partis a échoué. Certes, les Verts voulaient une extinction progressive des centrales à charbon (après avoir obtenu la fermeture des centrales nucléaires) que n’acceptaient pas les libéraux du FDP au nom de la croissance de l’économie. Mais ce point aurait pu se résoudre à force de subtilités ; peut-être les deux partis y étaient-ils prêts. Là où tout s’est bloqué, c’est à nouveau sur l’affaire des migrants. Et là, ce n’était plus conciliable. Car les Verts prônaient la poursuite de la politique des bras ouverts, quand les libéraux ne voulaient pas en entendre parler – ils savaient que s’ils cédaient sur ce point, leurs électeurs ne le leur pardonneraient pas. La question de l’islam (à travers l’immigration) a donc eu deux effets sur Mme Merkel : d’abord celui de la punir en la privant d’une majorité, et ensuite de l’empêcher de former une nouvelle coalition. Or si elle va à de nouvelles élections, à quel niveau va se situer la droite extrême ? Depuis quelques jours, l’Allemagne vacille sur ses bases.

es moustaches d’Edwy Plenel sont sensibles. Pour avoir publié en Une quatre dessins montrant le pape du journalisme d’investigation la bouche, les yeux et les oreilles couvertes par ses célèbres moustaches le rendant ainsi sourd, muet et aveugle aux accusations d’agressions sexuelles et de viol visant Tariq Ramadan (avec pour titre «Affaire Ramadan, Mediapart révèle : on ne savait pas»), Charlie Hebdo s’est attiré les foudres de l’ex-compagnon de route du prédicateur islamique.

Indécence Edwy Plenel n’a pas hésité à évoquer «l’affiche rouge de Charlie contre Mediapart» en référence à celle de Vichy dénonçant en 1944 les résistants du groupe Manouchian qui seront arrêtés et fusillés. Le rapprochement ne manquait pas d’audace, ni d’indécence, car si un journal a été atteint dans sa chair par des tueurs fanatiques, ce n’est pas vraiment Mediapart, mais plutôt Charlie. L’inépuisable Plenel, tout entier dans sa stratégie à front renversé, accusa par ailleurs l’hebdomadaire satirique de mener une «guerre aux musulmans». Logiquement, Riss, directeur de la rédaction de Charlie, rétorqua en accusant Plenel d’être le complice d’un appel au meurtre : «Cette phrase, nous ne la pardonnerons jamais. Car en la prononçant, Plenel condamne à mort une deuxième fois Charlie Hebdo (…) Cette phrase, qui désigne Charlie Hebdo comme un agresseur supposé des musulmans, adoube ceux qui demain voudront finir le boulot des frères Kouachi». L’ancien directeur de la rédaction du Monde usa alors d’une autre de ses armes favorites : le déni, le mensonge. Il assura avec aplomb n’avoir jamais tenu les propos reprochés, mais le verbatim de son entretien à France Info est pourtant sans ambiguïté : «La Une de Charlie Hebdo fait partie d’une campagne plus générale que l’actuelle direction de Charlie Hebdo épouse. M. Valls et d’autres, parmi lesquels ceux qui suivent M. Valls, une gauche égarée, une gauche qui ne sait plus où elle est, alliée à une droite voire une extrême droite identitaire, trouve n’importe quel prétexte, n’importe quelle calomnie pour en revenir à leur obsession : la guerre aux musulmans, la diabolisation de tout ce qui concerne l’islam et les musulmans.» De son côté Manuel Valls dénonça les complicités d’Edwy Plenel avec Ramadan, «soi-disant intellectuel, promoteur de la charia» et lui reprocha d’avoir lancé un appel au meurtre.

LE DESSIN DE LA SEMAINE

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Âneries

L’OPINION INDEPENDANTE Fondateur : Charles ARRIVETS (1953-1987)

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Dépôt légal à parution CPPAP : 0420 C 81074 Valable jusqu’au 30/04/2020 N° ISSN 1244 - 7722 Imprimé par ROTO GARONNE ZAC Mestre Marty - 47310 Estillac Tarif Abonnement 1 an : 52 numéros 40 euros Hebdomadaire - Parution le vendredi

Plus globalement, cette violente polémique a mis en évidence une nouvelle fois l’existence d’un mouvement informel pro-islamique – souvent baptisé «islamo-gauchisme» – rassemblant des journalistes, des intellectuels, des associations, des médias, des politiques… À ce titre, la liste des 130 personnalités – dont Caroline De Haas, l’ex-député Christian Paul (PS), Olivier Besancenot (NPA). Pascal Boniface, Noël Mamère… – ayant signé une tribune de soutien à Mediapart représente assez bien cette mouvance. On y trouve encore beaucoup de personnalités dénonçant «l’islamophobie» de la société française et très engagées dans la lutte contre le «sionisme». Plenel, auteur notamment d’un livre intitulé Pour les musulmans, illustre jusqu’à la caricature de cette «islamophilie» qui décrète la France coupable de «racisme d’État» et d’islamophobie. Pour les tenants de cette vision, dénoncer l’islamisme ou les islamistes équivaut à s’attaquer à tous les musulmans. Parfois même, la banalisation de l’islamisme vire à la complaisance ou à la complicité à l’instar de Jade Lindgaard, co-présidente de la Société des journalistes de Mediapart, déclarant le 12 novembre sur France 5 : «L'islamisme, en

tant que tel, n'est pas en soi une chose grave». Tellement peu grave que Plenel se fit donc le promoteur de Tariq Ramadan considéré comme un «intellectuel respectable» (cependant incapable de dénoncer publiquement la lapidation des femmes dans les pays musulmans, il préconise un «moratoire» de cette pratique). Quant à Jade Lindgaard, c’est selon elle naturellement «l'islamophobie» qui explique «l'excitation médiatique» contre Tariq Ramadan tandis que son patron diagnostique depuis longtemps en France la «discrimination en bloc d’une population à raison de son origine, de sa croyance, de sa culture». Comment peut-on asséner des âneries pareilles ? Déni du réel ? Aveuglement idéologique ? Il n’y a aucune guerre contre aucune religion en France. Chacun est libre de ses convictions et de ses croyances à partir du moment où il respecte les lois. On peut ainsi vénérer le soleil, croire que la Terre est plate ou que deux et deux font cinq.

Trotskiste Par ailleurs, le parcours d’Edwy Plenel est éclairant. Longtemps militant trotskiste, il entre au Monde en 1980 et devient au fil des ans à la fois le chantre et le symbole du «journalisme d’investigation». Affaires médiatiques et scandales d’État (Irlandais de Vincennes, Rainbow Warrior, écoutes téléphoniques de l’Élysée…) font du journaliste, qui aime poser en conscience de la profession, une personnalité redoutée. Il est aussi une sorte d’icône pour des journalistes ayant grandi dans le culte du scandale du Watergate révélé par Carl Bernstein et Bob Woodward du Washington Post. Le journaliste est ainsi vu comme un justicier, un redresseur de torts, un chevalier blanc faisant tomber les présidents ou les puissants… Du Monde à Mediapart , la méthode Plenel s’appuie sur des sources policières et judiciaires, alterne intox et vrais scoops, dérapages et lynchages de personnalités. Des ministres de François Mitterrand et des anciens responsables des services français l’accusèrent d’être un agent de la CIA. «Trotskiste un jour, trotskiste toujours», dit un dicton et Plenel se définit luimême toujours comme un «trotskiste culturel». Qu’est-ce qu’un militant trotskiste ? Un révolutionnaire qui peut notamment pratiquer «l’entrisme» dans des institutions, des partis, des syndicats, des médias en vue de les noyauter ou de les contrôler, avec comme but ultime le renversement de «l’État bourgeois». L’intérêt qu’a porté Edwy Plenel ces dernières années à l’islam politique et à l’islamisme (qu’il assimile habilement aux «musulmans»), sa croisade contre l’islamophobie de l’État français, sa défense des croyants musulmans (voir par exemple son livre Pour les musulmans) ne relèvent en rien d’une conversion religieuse. Tout trotskiste cohérent vise «l’abolition complète de la religion», mais cela n’empêche pas de se servir momentanément de la religion si celle-ci contribue à atteindre l’État bourgeois, l’impérialisme occidental, etc. Or, il y a une vrai cohérence dans le parcours d’Edwy Plenel : du militant trotskiste au fondateur de Mediapart en passant par le journaliste du Monde ou le partenaire idéologique du prédicateur Ramadan. Il a une détestation du modèle républicain, de la nation, des institutions… Tout ce qui peut les abattre ou les affaiblir est bon. Enfin, un autre ancien militant trotskiste a défrayé la chronique ces derniers jours. Gérard Filoche, membre de la gauche du PS, a publié un Tweet contre Emmanuel Macron mêlant antisémitisme et complotisme. Il est sans doute là le «secret» d’une partie de la gauche radicale prétendument antiraciste (Filoche a fait profession de foi antiraciste après son tweet…), «antisioniste», islamophile : elle baigne dans l’antisémitisme. Christian Authier

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ACTUALITÉ

Toulouse : un second souffle pour la culture ? Souvent critiqué pour avoir abandonné certains projets culturels et réduit les subventions aux associations, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc (LR) a présenté cette semaine les «perspectives culturelles» jusqu’à la fin du mandat.

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ls sont plus de 1000 à avoir été consultés au fil d’une vingtaine d’ateliers thématiques qui se sont déroulés sur l’ensemble des 37 communes de Toulouse Métropole. Acteurs culturels, artistes, membres d’associations : tous ont pris part à un vaste travail collectif censé dégager une vision cohérente des politiques culturelles sur l’ensemble du territoire métropolitain. «Depuis le début de l’année 2016 et le transfert à l’échelle métropolitaine de certains grands équipements comme le Théâtre et l’Orchestre National du Capitole, le TNT, la Cité de l’Espace ou encore le Museum, il était nécessaire de rapprocher les points de vue pour faire évoluer nos actions culturelles» a déclaré ce lundi le maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc lors de la présentation des «perspectives culturelles 2017-2020». Cinq objectifs stratégiques ont été définis à l’issue du travail de concertation : favoriser la découverte, l’émergence et la création ; promouvoir une culture qui s’adresse à toute la population ; accompagner un tourisme culturel et scientifique en plein essor ; développer une économie culturelle et créative ; nourrir une ambition internationale. Cinq

domaines de travail sont articulés autour de ces objectifs stratégiques : savoirs, musiques, images, cultures émergentes et patrimoine.

Pression sur les budgets Parmi les projets en cours et autres perspectives d’avenir, Toulouse Métropole prévoit pèle-mêle le passage en biennales du Printemps de Septembre en alternance avec le jeune festival de graffiti Rose Béton, le lancement d’un fonds de soutien à la création, la décentralisation des actions culturelles dans les 37 communes de la métropole et dans tous les quartiers toulousains, le redéploiement de la galerie Croix-Baragnon dans différents lieux grâce au Centre d’Art Nomade, la création d’un «Jour de la danse», l’installation d’un centre d’art à la Cartoucherie, la réinvention du festival Toulouse d’été, le soutien aux librairies indépendantes, l’affirmation de la dimension internationale du Marathon des Mots et du Lido, l’évolution de Rio Loco pour amplifier sa dimension interculturelle ou encore l’accueil d’évènements majeurs à la Cité de l’Espace. S’ils ne se sont pas prêtés devant la presse à un inventaire fastidieux des différents projets, Jean-Luc Moudenc et son adjoint à la culture Francis Grass n’ont pas manqué de rappeler

quelques données budgétaires dans la mesure où la majorité est régulièrement attaquée par l’opposition pour avoir non seulement augmenté sensiblement les impôts (+15%) mais aussi d'avoir baissé les subventions accordées aux associations et institutions culturelles (-25% d’ici la fin du mandat selon le groupe d’opposition socialiste). «Les gens n’en sont pas toujours conscients mais la dépense culturelle par habitant à Toulouse est largement supérieure à ce qui se pratique en France. Elle est ici de 292 euros par habitant alors que la moyenne nationale est de 148 euros. Malgré une forte pression sur les budgets des villes et des métropoles qui financent principalement la culture, les subventions aux petites associations et à celles en lien avec la politique de la ville ont été préservées. Par ailleurs, le budget total consacré chaque année à la culture est de 145 millions d’euros (NDLR : ville et métropole)» affirme Jean-Luc Moudenc.

Immobilier neuf : la dynamique se maintient Si les réservations de logements neufs sont en hausse par rapport à 2016 (+5,3%), l’offre commerciale commence à diminuer.

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étude comparative menée en 2017 sur le marché du logement neuf par l’association L’Observer de l’immobilier toulousain confirme les tendances précédemment observées. «Ce trimestre encore, l’activité commerciale reste dynamique, au niveau national comme au niveau régional» note Patrick Saint-Agne, le président de l’Observer. Sur le périmètre de l’aire urbaine toulousaine (de Martres-Tolosane à Rabastens et de Cuq-Toulza à L’Isle-Jourdain), les ventes à l’unité sur les douze derniers mois ont progressé de 14% par rapport au dernier trimestre 2016. Le prix moyen de vente (3553 euros/m2) augmente de 3%, s’établissant à un niveau national moyen, tandis que 70% des ventes se font auprès d’investisseurs.

Chute des ventes en bloc Les statistiques sont sensiblement les mêmes sur le périmètre des 37 communes de Toulouse Métropole. Les ventes à l’unité ont connu une progression de 15% tout au long de l’année, le prix moyen du m2 a lui aussi augmenté de 3% et les ¾ du marché sont constitués par des investisseurs. Sur

la commune de Toulouse, les ventes à l’unité ont connu une hausse un peu plus significative (18%), tandis que les autres indicateurs sont plus ou moins identiques à ceux observés au sein de l’aire urbaine et de la métropole. «Malgré le maintien de la dynamique commerciale, les mises en ventes de logements neufs à l’échelle nationale enregistrent leur première baisse (-7,8%), après douze trimestres consécutifs de hausse. En conséquence, l’offre commerciale ne se reconstitue pas» indique la Fédération de Promoteurs Immobiliers. Un constat également dressé par l’Observer. A noter enfin que les ventes en bloc ont diminué de manière sensible (-49%

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sur l’aire urbaine toulousaine). «Avec la baisse de 20% du Fonds national des aides à la pierre, il y a une tension sur les capacités de financement des bailleurs sociaux, indépendamment des annonces qui ont été faites sur la réforme des APL et des loyers. On se dirige vers ce que l’on craignait, avec de notre côté des programmes validés et sous hypothèque, et en face des bailleurs sociaux intéressés mais qui n’ont pas le financement» s'inquiète Patrick Saint-Agne. Un phénomène qui devrait d'ailleurs constitué un frein au «choc de l’offre» pourtant recherché par le gouvernement. N.C.

Où est le Minotaure ? Critiqué régulièrement par l’opposition socialiste pour l’abandon en début de mandat de certains projets plus ou moins emblématiques portés par la précédente municipalité PS de Pierre Cohen («Maison de l’Image» au Mirail, «Cité de la Danse» à La Grave), Jean-Luc Moudenc a naturellement été interrogé lors de la présentation de ces «perspectives culturelles 2017-2020» sur l’avancement de quelques dossiers phares. La «Piste des Géants», qui mêlera à Montaudran la mémoire des pionniers de l’Aéropostale aux fameuses «machines» de la compagnie nantaise de François Delarozière, sera inaugurée dans un an. «Je tiens à rassurer les inquiets, j’ai rencontré François Delarozière cet été et j’ai pu voir le fameux Minotaure (NDLR : une construction géante qui était déjà censée arriver à Toulouse sous la précédente mandature). Pour l’instant il dort, mais le Minotaure va bien» a ironisé Jean-Luc Moudenc. La reconversion d’une partie du site

de l’hôpital La Grave est quant à elle toujours au cœur des réflexions. Des activités médicales y seront maintenues. Les bâtiments patrimoniaux seront préservés mais les diverses constructions qui se sont accumulées tout au long du XXe siècle, d’un «intérêt esthétique relatif voire quasi nul» selon Jean-Luc Moudenc, seront en revanche détruites, permettant ainsi au CHU de procéder à une valorisation foncière de ses terrains, ce qui devrait logiquement stimuler l’appétit des promoteurs. «Les travaux du dôme, que nous avons récupéré, seront achevés dans deux ans, et d’ici là l’avenir du site aura été précisé. Il faut se mettre d’accord avec le CHU pour trouver un équilibre économique autour d’un projet culturel car nous ne pouvons pas dépenser l’argent à fonds perdus et nous le savons tous» a indiqué Jean-Luc Moudenc. Enfin, le projet de «LieuZaide», qui devrait voir le jour à la Galerie du Château d’eau autour de l’œuvre léguée par le célèbre photographe toulousain Jean Dieuzaide, fait toujours l’objet d’études techniques, tandis que l’idée d’une «Cité de la Musique» et d’un grand auditorium pouvant accueillir 2000 spectateurs dans les murs de l’ancienne prison Saint-Michel en est actuellement au stade de la concertation avec les riverains du quartier. L’étude de faisabilité a été lancée en co-financement avec l’Etat. «Je l’ai dit dès le départ, c’est un projet extrêmement lourd qui à mon avis nécessite de se projeter sur deux mandats» a conclu Jean-Luc Moudenc. De quoi prolonger davantage encore les perspectives culturelles… Nicolas Coulaud

CONFIDENTIEL RADICAUX. La réunification des deux familles radicales, est prévue pour le Congrès de Montpellier, le 9 décembre prochain. On sait que les tractations vont bon train entre les deux partis. On sait aussi, qu’ici en Haute-Garonne, fief historique, le processus s’accélère. Après une réunion “au sommet” le 24 octobre dernier, entre Sylvia PINEL, la Présidente des Radicaux de gauche – successeur de Jean-Michel BAYLET – et Laurent HENART, le patron des Radicaux valoisiens, les responsables locaux ont décidé de bâtir leur “maison” départementale. Ainsi donc, Jean Jacques BOLZAN, le radical de droite et son homologue de gauche Nicolas BAPT, présidents haut garonnais des deux formations, longtemps adversaires politiques, vont devoir travailler ensemble. Au départ, réticents l’un et l’autre, ils aspirent aujourd’hui à l’autonomie du nouveau parti dont on ne connaît pas à ce jour le nom. Il sera dévoilé au Congrès. Reste pour ces responsables politiques à trouver, non seulement cette autonomie, mais surtout une liberté de parole et de ton. Cela suppose de rompre avec leurs anciens alliés – Républicains ou Socialistes – et à faire fi de toutes les “contradictions internes” comme l’exprimait Karl MARX en son temps. Il faudra donc du courage et des convictions à ce nouveau parti. Combien de militants ? Quelle voix faire entendre ? Concurrencés ici – comme ailleurs – par la République en Marche dont ils avouent une certaine proximité, il leur sera difficile d’exister. A Toulouse, les leaders ne sont pas au rendez-vous. Seul, sans doute, le Sénateur Alain CHATILLON, sera le mieux à même de réunir ces nouveaux radicaux. Il a la stature, l’autorité. De plus, l’homme est “sympa”. Proche de BAYLET, dont il est un ami, il milite à droite depuis longtemps et fût un proche de Marc CENSI, l’ancien Président de Région. On ne sait aujourd’hui ce que veut faire CHATILLON, dont on dit qu’il ne se représentera pas à la prochaine échéance sénatoriale. Mais il pourrait être un “bon soldat” et se dévouer pour “tenir” ces nouvelles troupes. A suivre.

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ACTUALITÉ

La renaissance de la librairie Sauramps, institution montpelliéraine La librairie fondée en 1946 renaît quatre mois après sa reprise par le groupe immobilier Amétis au terme d'un feuilleton judiciaire riche en rebondissements.

"C'

est une renaissance, on n'est passé pas loin de la catast ro p h e " , s o u ligne Florence Doumenc, ex-directrice des ressources humaines, nommée directrice générale de Sauramps par les repreneurs spécialisés dans le logement social, l'architecte montpelliérain François Fontès et son associé Bertrand Barascud. Les dirigeants d'Amétis ont investi près de six millions d'euros dans la relance de Sauramps, selon M. Barascud. "On sent un véritable renouveau, au niveau des relations de travail, de la communication interne et externe, des projets de rénovation", assure Julien Domergue, délégué du personnel Sud. Premier motif de satisfaction, côté direction et personnel : le maintien de 100 postes sur 119, dans une région frappée par un fort taux de chômage. "Les salariés sont soulagés après des mois d'incertitude et de rebondissements judiciaires", ajoute M. Domergue. Sauramps, qui réalisait avant ses difficultés un chiffre d'affaires annuel d'environ 25 millions d'euros et était une des principales librairies indépendantes de France, fait figure d'acteur culturel majeur au plan régional. Placé en redressement judiciaire le 13 mars 2017,

le groupe comptant trois magasins à Montpellier et un à Alès, avait été attribué en première instance fin juin par le tribunal de commerce de Montpellier à la librairie indépendante lilloise Le Furet du Nord, qui prévoyait une soixantaine de licenciements et la suppression d'une des librairies. La décision avait suscité l'incompréhension des salariés, qui s'étaient mis en grève, et l'expression de réserves de la part de la ministre de la culture Françoise Nys-

sen, elle-même issue du monde du livre. Car l'offre concurrente d'Amétis, un groupe extérieur à ce secteur, prévoyait le maintien de la majorité des emplois.

Reconstruction Après un recours de l'ancien patron du groupe Jean-Marie Sevestre, dont la gestion était par ailleurs très contestée par les salariés, la cour d'appel de Montpellier avait finalement suspendu le 7 juillet la reprise par le libraire nordiste,

déjà dans les murs, avant de trancher en faveur d'Amétis le 19 juillet. "Quatre mois, c'est court, mais on a réussi à reconstituer les stocks" à temps pour la rentrée scolaire et littéraire de septembre, alors que les comptes chez les fournisseurs étaient bloqués depuis des semaines, se félicite M. Barascud. Une réussite rendue possible grâce aux garanties financières et aux efforts pour se faire connaître auprès des fournisseurs – éditeurs et distributeurs – des diri-

geants d'Amétis, assure Mme Doumenc. En septembre, le chiffre d'affaires est pourtant resté en recul de 20 % par rapport au même mois de 2016, mais la direction espère revenir au même niveau de ventes en décembre, avec les fêtes de fin d'années qui constituent le pic de l'activité. Désormais, direction et salariés "travaillent à la reconstruction de l'entreprise", poursuit Mme Doumenc, parlant notamment de la nécessité de "repenser l'offre commerciale" de librairies dont le principal concurrent est le géant Amazon. "On communique beaucoup sur le fait que l'ensemble des librairies Sauramps ont été reprises", insiste Mme Doumenc. "Beaucoup de gens pensent que nous sommes toujours en difficulté, voire fermés", s'inquiète Julien Domergue. A Montpellier, une rénovation complète et lourde de l'emblématique librairie du Triangle, située sur cinq étages au bout de la place de la Comédie, dans un bâtiment des années 1970, une réorganisation de celle d'Odysséum, qui sera davantage tournée vers les livres jeunesse, les jeux et loisirs créatifs, et un déménagement dans de nouveaux locaux de celle d'Alès-Cévennes sont au copieux programme de 2018. Isabelle Ligner

Accueil d'enfants handicapés dans le Gers : une lanceuse d'alertes relaxée Poursuivie pour diffamation après avoir dénoncé les conditions d'accueil des enfants handicapés dans l'institut spécialisé de Moussaron, une ancienne salariée a été relaxée mardi à Toulouse.

"C

e combat est un combat pour l'humain", assure, des trémolos dans la voix, Céline Boussié, présidente de l'association Handi'Gnez-vous et ancienne aide médico-psychologique dans cet institut médico-éducatif (IME) à Condom en sortant de la salle d'audience du tribunal correctionnel de Toulouse. "La justice vient de me relaxer. Le message que j'ai à passer aux travailleurs sociaux, à tous les professionnels, c'est : «parlez, bon sang. Libérez la parole»". "Il faut le faire, car ne pas le faire, c'est au détriment des personnes fragiles et

vulnérables", a plaidé Mme Boussié, entourée par les membres de son comité de soutien qui avaient longuement applaudi la décision du tribunal quelques minutes plus tôt. La procédure avait été lancée après les plaintes de l'établissement, Céline Boussié ayant dénoncé sur Europe 1 et LCI, en 2015, les conditions d'accueil des handicapés. Lors de l'audience, en septembre dernier, les larmes aux yeux, elle avait raconté les maltraitances que vivaient, selon elle, les enfants dans cet IME en 2013. Des extraits d'un reportage de Nicolas Bourgouin, pour

Zone Interdite sur M6, avaient aussi été diffusés, montrant des enfants attachés, des lits trop petits, les enfants enfermés. "Trait pour trait, c'est ce que je voyais", avait assuré Mme Boussié, 42 ans, avant de dénoncer "l'enfermement d'une jeune fille pendant 10 jours", "des coups portés aux enfants" ou "une clef au bras" à un "petit pour qu'il ouvre la bouche". Pour autant, aucune des dix plaintes contre l'IME n'avait abouti, y compris celle qui avait été déposée par le ministère des Personnes handicapées, s'était défendue la directrice de l'institut, Aurélie Doazan.

«Violences institutionnelles» Dans un rapport fin 2013, l'Agence régionale de santé (ARS) avait toutefois constaté de "graves dysfonctionnements" dans les conditions d'installation et de fonctionnement" de cet IME pour enfants atteints de lourds handicaps et dénoncé des "violences institutionnelles". "Me relaxer, c'est reconnaître ce qu'ont souffert ces enfants pendant 20 ans", a fait valoir mardi Céline Boussié, appelant à ses côtés une ancienne salariée, licenciée de cet IME en 1999 pour avoir elle aussi dénoncé des maltraitances.

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Au-delà de son propre cas, Céline Boussié a estimé que son combat était "un formidable exemple" pour tous les lanceurs d'alerte. "En toute modestie, je dois être la première lanceuse d'alerte à être relaxée en France", a-telle pointé en rendant hommage à ses avocats. Ceux-ci, a-t-elle révélé, lui ont "offert les frais de procédure", alors que "quand on est lanceuse d'alerte, c'est compliqué de se défendre car les frais de procédure coûtent cher". Après la décision du tribunal, "il est évident qu'on va demander une enquête parlementaire", a poursuivi celle qui s'était présentée aux élections législatives en juin sous les couleurs de La France Insoumise (LFI), dans le Lot-et-Garonne.

Une enquête parlementaire qui pourrait porter "sur la maltraitance mais aussi sur la problématique des lanceurs d'alerte", a précisé le député LFI de l'Ariège, Michel Larive, membre du comité de soutien de Mme Boussié. Des lanceurs d'alerte "qui sont condamnés mais qu'on souhaiterait plutôt protéger", a dit M. Larive. "Aujourd'hui, on condamne ceux qu'on doit honorer, c'est un peu dommage", a-t-il conclu. Dans la même procédure, le tribunal a également relaxé Wendy Bouchard, journaliste à Europe 1, la station sur laquelle Céline Boussié avait notamment tenu ces propos. Lors de l'audience de septembre, le parquet n'avait demandé aucune peine contre les prévenus. Hervé Gavard

"Terrorisme et libertés" Rencontre avec Maître Simon Cohen, avocat à la Cour, le mercredi 6 décembre 2017 à 18h au café adjacent, 15 allées Jules Guesde www.academie-legislation.fr likez les pages Facebook de l'Académie de législation https://www.facebook.com/Académie-de-législation/ https://www.facebook.com/Lheuredudroit/

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ART DE VIVRE

La Place du Capitole passe en mode Noël C’est la 18ème édition du Marché de Noël à Toulouse et dès le 24 novembre, notre Place emblématique se transformera en un village illuminé pour célébrer comme chaque année la magie et la féérie de Noël. 117 chalets de bois blanc borderont les larges allées et toulousains et touristes pourront déambuler à leur guise parmi les différents pôles de spécialités régionales ou gourmandes, les échoppes de créations artisanales, les jouets à déposer au pied du sapin ou encore les traditionnelles décorations de Noël pour mettre la maison en fête … à savourer entre un effluve de marrons chauds et un grand verre de vin chaud aux épices !

Cap sur l’Artisanat et la Décoration

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ous les deux ou trois jours, les 4 chalets du pôle artisanal accueillent des créateurs différents et de belles découvertes sont à envisager. On retrouvera par exemple les curiosités de Larexiste, les bijoux fins à pompons d’Amicie Factory, les bagues argent et cuir d’Oliv B., les figurines du Clou de Laguiole ou la maroquinerie stylée en bois et cuir des Samares ailées. Un panel de créateurs talentueux de notre belle région et d’ailleurs, des écharpes et foulards d’Inde et d’Asie à l’artisanat russe ou balinais pour voyager sans bouger depuis le centre de notre belle ville rose … Côté Déco, les propositions sont infinies :

santons, guirlandes et bonnets de PèreNoël mais également Art de la Table ! Dans la région du «bien manger», le menu est à la hauteur et vous pourrez trouver tout ce qui vous fait envie parmi les pots de miel à l’ancienne, les macarons, le chocolat, les plateaux de fromages fermiers, le canard sous toutes ses coutures ou l’Armagnac … En famille, n’hésitez pas à prendre le temps de déguster une brioche à la broche, un nougat artisanal ou une assiette d’aligot dont la saveur vous plongera immédiatement dans l’esprit de Noël et pour nombre d’entre nous, en enfance …

Un marché durable et éco-responsable

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oulouse s’engage et engage les usagers à venir en transports en communs ou en transports doux. Les VéloToulouse sont à votre disposition pour une promenade en solo, en amoureux ou en famille. Côté initiatives « green », optez pour le shopping basket en tissu avec le logo exclusif du marché utilisé par tous les exposants et l’utilisation de gobelets biodégradables. D’autre part, il a été imposé de réduire l’impact énergétique de la manifestation et la consommation d’électricité en employant des ampoules LED basse consommation quant à toutes les

illuminations de l’événement. Le tri des déchets sera à l’ordre du jour avec des containers mis en place pour séparer les différentes catégories de déchets recyclables et les ordures ménagères. Pour venir : Métro Ligne A – Arrêt Capitole Métro Ligne B – arrêt Jean Jaurès VéloToulouse : stations 1, 2, 3 et 6

Un marché solidaire

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endant toute la durée du Marché de Noël - qui cette année est totalement accessible aux personnes à mobilité réduite et malvoyantes, avec des allées larges et des passages et équipements aménagés – différentes associations interviendront : HÔPITAL SOURIRE, LA CROIX ROUGE , L’INSTITUT CLAUDIUS REGAUD ET ONCOPOLE, TÉLÉ-

THON, COLLECTIF POUR LES DROITS DES FEMMES , UNICEF, MÉDECINS SANS FRONTIÈRES, CENTRE SOCIAL IZARDS-BORDEROUGE, I F R A S S B A S S O - C A M B O, HISTOIRE DE CŒUR, DESSINE-MOI UNE MAISON, AMNESTY INTERNATIONAL , GODUS-ELY , ASSOCIATION CHIENS GUIDES D’AVEUGLES GRAND SUD OUEST …

Les Horaires du Marché de Noël Ouverture du marché : Vendredi 24 novembre à 10h00 et nocturne jusqu'à 22h00 Du dimanche au jeudi de 10h30 à 20h30 Les vendredis et samedis de 10h30 à 22h00 Dimanche 24 : 10h30 - 19h00 Lundi 25 : 14h00 - 20h30 Mardi 26 : 10h30 - 19h0 www.marchedenoeltoulouse.fr

Karine Satragno

Little Italy Ristorante : ambiance trattoria… A Labège, Florian Segarra et Julien Monterdez ont ouvert au début de l’année Little Italy Ristorante, une table dédiée à la gastronomie transalpine.

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e clin d’œil au petit quartier newyorkais surnommé «Little Italy» était une transition toute trouvée. Après avoir fondé en 2015 le Vintage-American Bistro afin de célébrer les traditions culinaires d’outre-Atlantique, Sophie Monné, Florian Segarra et Julien Monterdez ont décidé cette fois-

ci de prendre la route de l’Italie et d’honorer sa cuisine mondialement réputée. «A travers nos différents voyages, c’est une gastronomie que nous avons appris à aimer, à connaître. Nous avions envie de lui rendre hommage» raconte Julien Monterdez. A l’inverse du Vintage-American Bis-

tro, situé en plein centre-ville, les trois associés ont fait le pari de s’installer à Labège, dans le quartier Diagora, tout près du complexe cinématographique, au beau milieu de nombreuses entreprises mais aussi de zones résidentielles. «Pour ce local-là, qui accueillait une brasserie, il a fallu se décider très vite, en une semaine à peine. Ce qui nous a convaincu, entre autres, c’est que cette zone est très attractive, avec une véritable diversité de restaurants qui permet à tout un chacun de trouver ce dont il a envie» indique Florian Segarra.

100% frais Après avoir ré-agencé l’intérieur, refait toute la décoration, changé le mobilier et installé un four à pizza, les associés se sont concentrés sur l’élaboration de la carte du restaurant. «Nous avons dès le départ mis un point d’orgue à ne travailler que des

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produits frais livrés par des fournisseurs spécifiques et à tout faire sur place, sans jamais rien congeler. Or, faire une centaine de couverts en utilisant uniquement des produits frais, c’est un véritable défi que relèvent nos cinq cuisiniers. Mais nous sommes particulièrement attachés à cette démarche de qualité.» Burrata, calamars à la romaine, raviolis du moment (en ce moment ils sont aux cèpes), risotto saisonnier mais aussi à l’encre de seiches ou aux SaintJacques, ossu bucco à la milanaise, saltimbocca et, bien évidemment, toute une sélection de pâtes et de pizzas : Little Italy Ristorante offre un aperçu complet de la gastronomie de la Botte. Par ailleurs, chaque midi, la maison propose un menu d’inspiration diverse, pas forcément italienne. «Notre clientèle est composée de nombreux habitués. De ce fait, il faut qu’ils puissent de temps à autre trouver un peu de

variété. C’est pour cela que nous proposons ce menu du jour» poursuit Florian Segarra. Un soin particulier est également porté à l’accueil en salle. «Nous avons tout de suite essayé de le personnaliser, en sachant par exemple où nos clients aiment être installés. Pour les plus pressés, qui n’ont que peu de temps pour le déjeuner, nous leur permettons aussi de passer leur commande par téléphone, de manière à être servi dès leur arrivée» raconte Julien Monterdez. Un service aux petits oignons donc, ainsi qu’une escapade culinaire à prix doux. Comptez 15,90 euros pour la formule du midi, et 19 ou 22 euros pour celles du soir. Nicolas Coulaud Little Italy Ristorante 227 rue Pierre-Gilles de Gennes 31670 Labège Du lundi au samedi, midi et soir Rens : www.littleitaly.fr

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I N T E R N AT I O N A L

Turquie : les artistes cherchent leur voix dans un climat difficile En Turquie, où la liberté d'expression s'érode de jour en jour qui plus est dans le sud-est du pays en proie à des violences quasi quotidiennes, des artistes résistent.

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rkan Özgen, artiste kurde a ouvert à la rentrée une nouvelle galerie d'art contemporain à Diyarbakir et ne compte pas s'arrêter là : "J'ai beaucoup d'autres projets", dit-il avec un optimisme qui pourrait surprendre. En effet, le monde des arts est aujourd'hui sous pression en Turquie dans un contexte d'autoritarisme croissant depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016 contre le président Recep Tayyip Erdogan. Après ce coup de force, les autorités ont lancé des purges qui, au-delà des putschistes présumés, ont touché les cercles intellectuels et artistiques critiques. Dans ce contexte, nombre d'artistes s'autocensurent ou quittent le pays. D'autres, toutefois, cherchent à développer de nouvelles manières d'aborder la situation politique, misant sur une approche plus subtile. "La scène artistique à Istanbul n'est pas en train de rétrécir, elle est en train de devenir plus intéressante", estime l'une de ses membres, Safak Catalbas. "Les circonstances difficiles nous rendent plus créatifs", dit-elle.

Nouveau langage La Biennale d'Istanbul, la plus importante manifestation d'art contemporain en Turquie qui s'est achevée le 12 novembre, a permis de le constater. L'exposition concoctée par le duo scandinave Michael Elmgreen et Ingar Dragset ne s'est pas privée de commenter toute une série de sujets d'actualité brûlants, comme la crise des réfugiés ou

les conflits en Syrie et en Irak. Ainsi, M. Özgen, dans une courte vidéo baptisée "Wonderland" diffusée lors de la Biennale, montre un garçon syrien muet, Mohammed, raconter avec les mouvements de son corps sa vie sous la domination du groupe Etat islamique. Mais, en filigrane, l'exposition a aussi mis le doigt sur la situation politique en Turquie, avec notamment une fresque murale de la plasticienne franco-marocaine Latifa Echakhch montrant une foule de manifestants évanescente, évoquant l'agonie des idéaux démocratiques en Turquie après l'écrasement des protestations antigouvernementales de Gezi en 2013. Au moins huit personnes avaient été tuées et plus de 8000 blessées par la police lors de ces manifestations, selon des ONG turques. Autre exemple: de fausses caméras de vidéosurveillance en céramique, de l'artiste turque Burçak Bingöl, disséminées à travers la ville, rappelant le regard inquisiteur des autorités dans un pays qui vit sous l'état d'urgence depuis plus d'un an. "Toute exposition doit, d'une manière ou d'une autre, aborder le contexte politico-social local pour être pertinente", souligne la directrice de la Biennale, Bige Örer qui précise : "Nous avons tenté de trouver un nouveau langage pour traiter du contexte actuel".

Résilience Pour Asli Sümer, qui dirige une galerie à Karaköy, dans la Corne d'Or, le quartier historique de la rive européenne d'Istanbul, tout est question de point de vue : plutôt que de critiquer fron-

talement les autorités, les artistes dont elle expose les œuvres s'intéressent aux façons de surmonter les épreuves. "Un artiste avec qui je travaille étudie tout particulièrement les plantes et leur capacité à repousser en étant plus résistantes", dit-elle. Outre la Biennale, la Foire internationale d'art contemporain à Istanbul, qui a accueilli plus de 80 000 visiteurs du 14 au 17 septembre, a également montré la résilience de la scène artistique. Cette année, l'une des principales œuvres exposées était la "Box of democracy" de Bedri Baykam, figure de la scène artistique turque, une sorte de cabine téléphonique d'un mètre carré qui veut offrir un espace de liberté totale. Ressortir aujourd'hui cette œuvre créée en 1987 pour critiquer les années de répression héritées du coup d'Etat militaire de 1980 est en soi un acte éloquent.

La Foire internationale et la Biennale ont suscité cette année un engouement à Istanbul qui contraste avec la rentrée de 2016, plombée par les retombées du putsch manqué et par une série d'attentats. "Nous avons senti qu'une nouvelle énergie émergeait", s'enthousiasme Mme Örer. Le maintien d'une certaine liberté de créativité est rendu possible en grande partie par le financement de l'art contemporain par des fonds privés - pour la Biennale d'Istanbul, essentiellement la holding Koç. "De ce fait, l'Etat dispose de peu de leviers pour faire pression", souligne Orhan Esen, expert d'histoire urbaine et fin connaisseur de la scène artistique stambouliote.

Solidarité Les difficultés actuelles ne sont pas nouvelles: la répression brutale du mouvement de contestation du printemps

2013 autour du parc Gezi, dans lequel de nombreux artistes s'étaient impliqués, a marqué la fin d'une forme d'insouciance. Outre la situation politique, plusieurs actes de vandalisme récents ont ébranlé la scène artistique. Fin octobre, une statue de l'Australien Ron Mueck, représentant un homme nu, a ainsi été malmenée sur la rive asiatique d'Istanbul. L'an dernier, plusieurs agressions dans le quartier de Tophane, sur la rive européenne d'Istanbul, ont contraint des galeries à déménager à Kadiköy, sur la rive asiatique. "L'autre jour, des amis artistes m'ont dit «Désormais, on ne va pas exposer certaines de nos œuvres en Turquie»", regrette Erkan Özgen, l'artiste de Diyarbakir, ajoutant que certains de ses amis ont quitté le pays. Mais pour lui, hors de question de s'en aller. "On ne peut pas fuir éternellement." Gokan Gunes

La Grèce veut rendre la charia "facultative" pour sa minorité musulmane La Grèce, dont la minorité musulmane de Thrace est soumise à la charia pour ses affaires familiales, se prépare à la rendre "facultative".

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e ministère de l'Éducation et des Cultes mène actuellement une consultation en vue d'une réforme législative, a indiqué lundi une source gouvernementale. La réforme doit permettre aux membres de la minorité – quelque 110 000 personnes d'origine turque, rom ou pomaque – de choisir de régler leurs mariages, divorces, et héritages soit en fonction du droit ordinaire, soit en application de la loi islamique. Ce n'est pas le cas actuellement, du fait d'un régime légal spécifique mis en place pour la minorité de Thrace après le Traité de Lausanne de 1923 fixant les frontières entre la Grèce et la nouvelle Turquie issue de l'empire ottoman. Dans cette région pauvre et rurale, le règlement des affaires familiales relève ainsi de la compétence de trois muftis – des juges religieux musulmans nommés par l'État grec –, au détriment notamment de l'égalité des sexes, les femmes étant défavorisées par la charia en matière de divorces, gardes d'enfants

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et héritages, remarque le juriste Yannis Ktistakis.

Régime d’exception L'initiative gouvernementale intervient alors que la Cour européenne des droits de l'Homme doit se pencher pour la première fois sur cette question, avec une audience prévue le 6 décembre suite à la plainte d'une veuve, Molla

Salli, 67 ans. Cette dernière a recouru à l'instance européenne après que ses droits à hériter de son mari selon la loi grecque ont été déniés par un jugement de la Cour suprême grecque. Saisie après un recours des sœurs du défunt, la Cour a renvoyé en 2015 Mme Salli sous la juridiction du mufti. Le projet de réforme décliné par M. Tsipras vise à imposer désormais la com-

pétence d'office des tribunaux civils, le recours au mufti n'étant possible qu'en cas d'accord de tous les intéressés aux affaires jugées, selon la même source gouvernementale. "Le régime actuel ne nous fait pas honneur en tant que pays de l'Union européenne", a notamment relevé M. Tsipras dans son adresse à des représentants de la minorité. Dans une première réaction, la Ligue grecque des droits de l'Homme a salué l'annonce, soulignant que le régime actuel "viole une série de dispositions constitutionnelles et de traités internationaux". Mais elle a appelé à d'autres mesures pour mettre fin au "régime d'exception" réservé à la minorité, victime selon elle d'une approche "anachronique et ethnocentrique".

Mesure insuffisante Sur fond de délicates relations gréco-turques, le statut de la minorité, encore largement soupçonnée en Grèce de former une "cinquième colonne" turque, reste un des tabous de la po-

litique grecque, en dépit de mesures prises depuis les années 90 pour mieux intégrer cette communauté au corps national. Les autorités justifient désormais aussi leur prudence à modifier le statu quo par leur volonté de prévenir toute radicalisation islamiste dans la région, où prévaut un "islam modéré" sous la houlette des muftis, a souligné une deuxième source gouvernementale. Pour Yannis Ktistakis, qui est l'avocat de Mme Salli, la réforme annoncée est toutefois "insuffisante". "Le gouvernement n'a agi que pour prévenir une condamnation par la Cour européenne, dont tout le monde sait qu'elle est inévitable", a-t-il affirmé. Au vu contexte social, "il est facile de deviner que dans la plupart des cas, les femmes seront obligées de consentir à l'intervention du mufti", a-t-il déploré, voyant une preuve de cette contrainte "patriarcale" dans le fait que jusque-là seule une membre de la minorité ait recouru à la Cour européenne des droits de l'homme. Catherine Boitard

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TECHNOLOGIE

L'intelligence artificielle, nouvel outil contre le crime La police de l'État américain du Delaware, dans l'est du pays, s'apprête à déployer des caméras "intelligentes" dans ses véhicules.

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es vidéos seront analysées par des logiciels d'intelligence artificielle capable d'identifier les véhicules grâce à leur plaque d'immatriculation ou d'autres caractéristiques, et donner ainsi "des yeux supplémentaires" aux agents en patrouille, explique David Hinojosa de Coban Technologies, la société qui fournit ce matériel. "Nous aidons les officiers de police à rester concentrés sur leur travail", ajoute-t-il, qualifiant cette nouvelle technologie de "caméra embarquée sous stéroïdes". Le programme s'inscrit dans une utilisation croissante de l'alliance entre l'intelligence artificielle et la vidéo pour lutter contre la criminalité, une tendance qui inquiète les défenseurs de la vie privée et des libertés civiles. La start-up américaine Deep Science utilise la même technologie pour aider les commerçants à détecter en temps réel un vol à main armée, en identifiant des armes ou des agresseurs masqués, ce qui permet de déclencher des alarmes automatiques. Selon Sean Huver, le co-fondateur de Deep Science et ancien ingénieur au Pentagone, cette technologie est plus efficace et moins coûteuse que les gardes de sécurité humains. "Le problème avec les gardes de

sécurité, c'est qu'ils s'ennuient", explique-t-il.

Ecoles, hôtels, magasins Les technologies de vision assistée par ordinateur sont déjà utilisées pour les véhicules autonomes ou les drones, afin de reconnaître et interpréter l'environnement, explique Saurabh Jain, chef de produit pour le groupe d'infographie Nvidia qui fabrique des puces informatiques pour ces nouveaux systèmes de sécurité. Nvidia compte déjà une cinquantaine de partenaires qui utilisent sa technologie. L'un d'eux, Umbo Computer Vision, basé en Californie, a développé un système de surveillance qui peut être utilisé dans les écoles, les hôtels ou d'autres endroits, en analysant la

vidéo pour détecter les intrusions et les menaces en temps réel et envoyer une alerte aux gardes de sécurité. La startup israélienne Briefcam utilise une technologie similaire pour interpréter les séquences de vidéosurveillance. "Une vidéo n'est pas structurée, on ne peut faire des recherches dedans", explique Amit Gavish, directeur général de Briefcam aux Etats-Unis. Sans intelligence artificielle, dit-il, "il faudrait visionner des centaines d'heures d'images en utilisant seulement avance rapide et retour rapide". "Nous détectons, suivons, extrayons et classons chaque objet dans la vidéo pour en faire une base de données." Cela peut permettre aux enquêteurs de trouver rapidement des suspects dans les images de vidéosurveillance,

un système déjà utilisé par les forces de l'ordre dans des centaines de villes à travers le monde, dont Paris, Boston et Chicago. La start-up russe Vision Labs utilise la technologie Nvidia de reconnaissance faciale pour identifier les voleurs à l'étalage ou les clients fauteurs de troubles dans les casinos. Ses clients comprennent aussi des banques pour lesquelles la reconnaissance faciale peut aider à déterminer si quelqu'un utilise une fausse identité. Pour Marc Rotenberg, président de l'Electronic Privacy Information Center, la croissance rapide de ces technologies soulève des risques pour la vie privée et appelle à un contrôle réglementaire sur la façon dont les données sont stockées et utilisées. " C e r t a i n e s d e ce s te c h n i q u e s peuvent être utiles, mais il existe d'énormes problèmes de confidentialité lorsque les systèmes sont conçus pour capturer l'identité et prendre une décision basée sur des données personnelles", s'inquiète Marc Rotenberg. "C'est là que les problèmes de profilage, de partialité et de précision entrent en ligne de compte." L'utilisation des systèmes d'intelligence artificielle en justice doit faire l'objet de garanties juridiques et de transparence, dit-il. Rob Lever

Trop robots pour être vrais ? Les robots du futur sortiront sans doute de l'esprit et des labos des quelque 200 chercheurs qui viennent de se réunir à Biarritz.

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es Journées nationales de la recherche en robotique (JNRR) sont un moment important pour notre communauté, l'occasion de dresser un «état de l'art» de la recherche", souligne David Daney, de l'Inria (Institut national de recherche en informatique et automatique) de Bordeaux, co-organisateur de la dixième édition qui s’est déroulée le week-end dernier. Très en vogue actuellement, les "robots mous", souvent inspirés de la nature, qui agissent par déformation pour créer un mouvement alors que les robots rigides classiques utilisent leurs articulations, explique Christian Duriez, directeur de recherche à l'Inria de Lille. "Et en fait, ça change beaucoup de paradigmes du robot : pas seulement sa structure mais aussi la manière dont on va le contrôler", assure ce spécialiste. "Les robots rigides, on veut leur faire éviter les obstacles. Mais un robot déformable il peut rebondir. Comme il est souple, il peut aller au contact de son environnement et même l'utiliser pour accomplir sa tâche", relève-t-

il. Trompe, tentacule de pieuvre, robot-chenille, la plupart des prototypes mous sont encore limités, reconnaît M. Duriez. Qui rêve de concevoir un jour un "robot limace" capable de se faufiler partout, même dans les moindres recoins du corps humain, sans risque de le blesser : "Ce serait génial pour la chirurgie !", s'enthousiasme-t-il.

Aux frontières du cerveau "Soigner les gens de la manière la moins traumatique et invasive possible", c'est justement le champ d'ex-

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périmentation de Nicolas Andreff, de l'institut de recherches Femto-st de Besançon. Ses robots à lui ne sont pas mous mais microscopiques, pour mieux s'insinuer dans les délicates "voies naturelles" qui sont les nôtres... Après s'être fait la main sur des cordes vocales dans un conduit de 2 cm de diamètre, M. Andreff et son équipe s'apprêtent à présent à plonger – par le nez ! – jusqu'"aux frontières du cerveau" : dans un espace de seulement un millimètre de diamètre menant au bulbe olfactif, seul nerf du corps hu-

main directement exposé à l'air libre. Dans l'industrie ou l'assistance à la personne, les robots de notre quotidien seront peut-être bientôt "portables", comme les exosquelettes motorisés que conçoit Samer Mohammed, du laboratoire Lissi (Université Paris-Est Créteil). Le chercheur a développé un dispositif fixé sur les membres inférieurs, actionné au niveau des hanches et des genoux pour aider le porteur à se lever, à marcher, à monter des escaliers en lui apportant – grâce à une série de capteurs – exactement "le niveau d'assistance dont il a besoin en fonction du cycle de la marche" (talon, plante du pied, pointe). Les machines du futur ne seront pas toutes aussi spectaculaires. Un kit récemment développé par Marie Babel (Institut national des sciences appliquées de Rennes) permet ainsi de transformer (pour environ 3000 euros) un fauteuil électrique classique en "robot" capable de corriger sa trajectoire pour éviter des obstacles ou négocier des virages difficiles. Laurent Banguet

La cohabitation avec les humains, prochain défi de la voiture autonome

"L

es voitures autonomes sont déjà là", assure John Krafcik, le patron de Waymo, la filiale automobile autonome du géant américain Alphabet (également maison mère de Google), qui va procéder à des tests grandeur nature dans les rues de Phoenix et ses environs, en Arizona, de ses véhicules autonomes dans des usages du quotidien. À Paris, le robot-taxi de la start-up française Navya doit commencer à sillonner les rues de la capitale, ainsi que Lyon, dans le courant de l'année 2018. Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres car depuis plusieurs années déjà, des voitures autonomes enchaînent des kilomètres pour accumuler de l'expérience de conduite, notamment en Californie. D'abord connu comme Google Car, Waymo a ainsi parcouru plus de 5,5 millions de kilomètres, une phase d'apprentissage nécessaire afin de "mettre le véhicule face à des situations de plus en plus complexes pour apprendre par la pratique, avec des cas très différenciés et nombreux", explique Mouloud Dey, directeur innovation pour l'institut SAS spécialisé dans les nouvelles technologies. Pour ces entreprises, la question de la cohabitation entre conducteurs humains et algorithmes ne fait aucun doute et ne posera aucun problème, la vraie transition se situera dans l'acceptation par les humains de laisser le volant à la machine pour leurs déplacements. Pourtant, la problématique existe car "en cas d'accident, on ne fera pas de cadeau à la technologie, ce qui agira de manière négative sur l'acceptation de la voiture autonome", estime Guillaume Crunelle, associé responsable de l'industrie automobile chez Deloitte. "Il y aura forcément une période de cohabitation, la question sera alors de la voir comme une période d'apprentissage plutôt que comme un frein. Il faut trouver les usages intermédiaires, avec de l'autonomie progressive, pourquoi pas des voies dédiées ou d'autres solutions", détaille Amal Boutayeb, experte transports pour le cabinet de conseil Wavestone. Car l'intégration des voitures autonomes dans la circulation quotidienne prendra du temps. Entre adaptation nécessaire de la législation, technologie encore en phase d'apprentissage et renouvellement naturel du parc automobile, leur présence en nombre sur les routes est plus une question de décennies que d'années, de l'avis de la majorité des experts. "Cela viendra progressivement, avec des premiers usages qui se feront dans des situations simples comme sur autoroute, comme on peut déjà le voir, avec des voitures qui seront comme sur des rails et où le conducteur reprendra le contrôle lorsqu'il quittera l'autoroute", envisage M. Dey. Erwan Lucas

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C U LT U R E

Une exposition virtuelle révèle les plus profonds détails de Guernica L’œuvre de Picasso est aujourd'hui l'objet d'une exposition virtuelle du musée Reina Sofia, utilisant la technologie informatique et des documents inédits liés à l'emblématique tableau.

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uernica est une source infinie de matériel artistique et c'est un privilège de l'avoir en tant qu'historienne de l'art", déclare Rosario Peiro, chargée des collections au musée d'art contemporain de Madrid où est exposé le tableau. Elle fait partie de l'équipe de l'exposition interactive consacrée au chefd'œuvre de l'Espagnol, inaugurée le 13 novembre et intitulée "Repenser Guernica " (http:// guernica.museoreinasofia.es/). Guernica dépeint le bombardement de cette petite ville du Pays basque, le 26 avril 1937, par les aviations allemande et italienne, qui appuyaient le soulèvement du général Franco pendant la guerre civile espagnole. Le bombardement, l'un des premiers dirigés contre les populations civiles, avait fait des centaines de morts et choqué dans le monde entier. Picasso, réfugié en France, avait reçu une commande du gouvernement de la République espagnole d'un tableau qui

transmette l'horreur du bombardement pour l'Exposition universelle de 1937 à Paris.

Histoire mouvementée Le texte de la commande fait partie des centaines de documents inédits autour du tableau mis au jour par cette exposition. Ils permettent de retracer

les nombreux voyages de l'œuvre, en Scandinavie, au Royaume-Uni, et même brièvement au Venezuela en 1948, avant qu'un coup d'Etat ne le chasse du pays sud-américain. Parmi ces documents, un télégramme d'Alfred H. Barr, directeur des collections du Musée d'arts modernes (MoMA) de New York où le tableau a été exposé pendant

Billions, première série réaliste sur le monde de la finance

Dépeindre le monde de la finance en évitant l'ennui et la caricature, c'est le défi que relève l'ambitieuse série télé américaine.

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i depuis la crise financière de 2008, le cinéma s'est attaqué au genre avec succès, avec notamment The Big Short : Le casse du siècle, Le Loup de Wall Street ou Margin Call, la télévision s'en était jusqu'ici tenue sagement écartée. Mais l'univers des séries, portées par une demande d'une ampleur inédite, repousse désormais chaque jour ses limites. "Il y a tellement d'espace à remplir maintenant à la télévision", a déclaré l'acteur Paul Giamatti. Grâce à cet appel d'air, "contrairement au cinéma, les gens sont contents de faire des choses bizarres, (...) étranges, d'être plus inventifs." Rare à la télévision jusqu'ici, l'acteur primé aux Golden Globes et nommé aux Oscars a ainsi accepté de se glisser dans la peau du procureur fédéral Chuck Rhoades, un homme de loi décidé à faire tomber le financier Bobby Axelrod, joué par Damian Lewis (Homeland). La série tente de décrire, de l'intérieur, les turpitudes du ministère public mais aussi le fonctionnement d'un fonds spéculatif, ces fameux "hedge funds" souvent plus hardis et moins orthodoxes dans leurs

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stratégies d'investissement que les sociétés de gestion financière plus classiques. Et avec, parmi les scénaristes, le journaliste du New York Times Andrew Ross Sorkin, auteur du livre le plus marquant sur la crise financière (Too Big To Fail adapté au cinéma par Curtis Hanson), Billions va bien au-delà des clichés sur les poussées de testostérone, les rails de coke et les voitures de sport, qui résument trop souvent ce milieu. Cette recherche devient plus évidente lors de la deuxième saison, après une première saison échevelée. Le personnage de Bob-

by Axelrod est inspiré de l'investisseur américain Steven Cohen, pris dans une affaire de délit d'initiés en 2012 mais jamais condamné à titre personnel. Il était poursuivi, à l'époque, par l'ancien procureur fédéral de Manhattan Preet Bharara qui a, en partie, influencé l'écriture du personnage de Chuck Rhoades. Si Canal+ diffusera la deuxième à partir du 5 décembre (sur la chaîne Canal+ Séries), la série a un peu d'avance aux Etats-Unis où la troisième saison est attendue début 2018. Thomas Urbain

des décennies, qui informait le maître espagnol que ses œuvres n'avaient pas souffert d'un incendie dans le musée en 1958. "C'est clairement un tableau politique car c'est une commande d'un gouvernement dans un but de propagande", commente Rosario Peiro. Mais "pendant toutes ces années passées à voyager d'un endroit à l'autre, l'œuvre a été dépolitisée", estime-t-elle. Le document le plus massif de cette exposition est une reconstitution virtuelle du tableau en très haute définition, d'un poids de 436 gigabytes. Pour le constituer, des chercheurs ont utilisé des milliers d'images prises avec de la lumière infrarouge et ultraviolette et même à l'aide de rayons X. Cela permet de voir les détails les plus infimes du tableau de près de huit mètres de long, comme des poils de pinceau toujours collés ou les restes d'un acte de vandalisme en 1974, à peine visibles même d'aussi près. "Pour moi, ce qui est intéressant à voir, c'est la géographie du tableau, sa surface. C'est

comme une carte historique", explique Rosario Peiro.

Nouvelles perspectives Le musée Reina Sofia expose actuellement des dizaines de photos de guerre en noir et blanc auprès du Guernica. Des critiques ont assuré que les photos ont joué un rôle dans l'absence de couleur dans le tableau en noir, blanc et gris, alors que le peintre cubiste était habitué aux œuvres très colorées. Beaucoup des photos exposées au Reina Sofia sont l'œuvre du fameux photographe catalan Agusti Centelles. "Nous montrons beaucoup de photos de Barcelone, mais c'est parce que le meilleur photojournaliste espagnol de l'époque était catalan", se justifie Rosario Peiro, alors que la Catalogne avec une tentative de sécession a été cet automne au cœur de la pire crise politique qu'ait connu l'Espagne en 40 ans. Elle dit espérer que ce nouveau projet ouvrira de nouvelles perspectives pour l'une des œuvres les plus marquantes du XXe siècle. "Guernica est l'œuvre la plus importante, physiquement et symboliquement, pour le musée, donc nous devons continuer à travailler dessus", dit-elle. Patrick Galey

La question des migrants sous le prisme du fantastique Dans La Lune de Jupiter, le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó fait le pari du fantastique pour parler de l'arrivée de milliers de réfugiés en Europe.

L'

histoire débute par le lâche assassinat d'un jeune Syrien cherchant l'asile, Aryan, par un policier hongrois, de trois balles dans la poitrine. Dans la boue de la zone frontière, Ayran ressuscite et tel un ange s'envole dans les airs. C'est le point de départ de 02H03 de pérégrinations dans un Budapest lugubre et poisseux. En Hongrie, en première ligne depuis 2015 face à l'exode de centaines de milliers de demandeurs d'asile, et dans le reste de l'Europe, "on sent une tension très importante, une pression qu'on a voulu recréer" dans le film, avait souligné le cinéaste hongrois, 42 ans, déjà deux fois en compétition à Cannes, lors de la dernière édition du festival.

Le spectateur suit Aryan, figure christique qui cherche à retrouver son père. Clin d'œil biblique parmi d'autres, le paternel est un charpentier, perdu de vue lors du passage de la frontière. Si le fantastique est du côté de ce réfugié de Homs, le réalisateur choisit un réalisme sombre pour dépeindre les Budapestois qu'il rencontre : une galerie de pécheurs qui se débattent avec leurs propres turpitudes, dont le principal, le docteur Stern, navigue entre bien et mal. Le médecin, qui soigne les migrants dans les camps où les autorités hongroises les installent et se livrent à de petits trafics sur leur dos, va prendre le chemin de la rédemption en sauvant Aryan, suspecté à tort d'avoir commis un attentat dans le métro de Budapest. Le casting lui-même est un beau pied de nez : le Syrien Aryan est joué par un jeune Hongrois, Zsombor Jéger, qui a clamé à Cannes son attachement à l'Union européenne, tandis que le médecin hongrois est joué tout en finesse par un étranger, Merab Ninidze, un acteur géorgien qui a appris la langue pour le tournage. La Lune de Jupiter de Kornél Mundruczó avec Merad Ninidze, Zsombor Jéger. Durée : 2h03.

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C U LT U R E

Boire et déboire Avec Qu’est-ce que boire ?, François Caribassa signe un petit essai vivifiant autour du vin et de sa dégustation.

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e mémoire d'ivrogne, on n'avait jamais imaginé que l'on pouvait voir des vins disparaître du monde avant le buveur», écrivit Guy Debord. Le propos de François Caribassa est moins sombre, mais on peut penser qu’il a lu l’auteur de La Société du spectacle tant son livre Qu’est-ce que boire ? s’attache à débarrasser le vin des falsifications dont il est l’objet – des procédés de fabrication aux techniques de dégustation. Il se livre ici à une «critique de la dégustation», plus précisément de la dégustation moderne, façonnée par les sommeliers et œnologues, à cause de laquelle «la joie de savourer aliments et boissons», «la fraîcheur surannée des sympathiques descriptions qui résonnaient jadis autour des tables» ont été remplacées par un «jargon technique».

trie «dont on sait qu’elle ne se contente pas d’élaborer la marchandise, mais qu’elle conçoit également le discours qui l’accompagne afin d’en soutenir la consommation.» Et l’auteur d’épingler «le terroir» comme «l’élément central de ce discours», un terroir «à peu près vide de contenu réel», mais devenu un outil marketing utilisé même par la grande distribution. Le vin en France est appelé à être «principalement un produit d’exportation, en attendant de n’être plus qu’un produit de luxe destiné aux Américains et aux milliardaires chinois.» Par ailleurs, un processus de standardisation et de nivellement par le bas a accouché d’un «vin sans passé, résultat de processus scientifiques et d’une vision très moderne du progrès plutôt que de traditions anciennes».

Terroir-caisse

Pour satisfaire un marché mondialisé de buveurs occasionnels, l’œnologie moderne a donné naissance à des jus chargés de tanins et d’alcool. «C’est le monde moderne, et le vin a changé avec lui. Aujourd’hui, la qualité moyenne est peut-être supérieure, je n’en suis pas sûr, mais nous n’atteignons plus les sommets d’autrefois», constatait le vigneron Henri Jayer, décédé en 2006 et grande figure de la Bourgogne. Nulle tentation cependant du «c’était mieux avant» ou de la nostalgie sous la plume de François Caribassa car «cette nostalgie est sans objet, et c’est ce qui la différence d’une authentique mémoire qui, si elle était consultée, aurait pour premier effet, non pas de démontrer que les vins disparus étaient meilleurs que les nôtres, mais de proposer un contrepoint à l’uniformité désolante de la production actuelle.» Evidemment, certains résistent à l’uniformisation et des vignerons, toujours plus nombreux, tournent le dos à l’industrialisation, aux maquillages œnolo-

La modification n’est pas affaire que de vocabulaire ou de sémantique, elle touche aussi la façon de boire et de produire le vin. On invoque ainsi des notions – par exemple les fameux arômes de pomme ou de banane – qui servent plus à noyer le buveur (comme l’on noierait le poisson) derrière des artifices : «Le vin n’a pas a priori une odeur de pomme, de cuir de Russie ou de camomille, il a une odeur de vin. C’est un fait qui peut surprendre, mais ce n’est que par la suite d’un effort d’imagination qu’apparaît la pomme.» «Lorsqu’on constate la manière dont l’industrie agroalimentaire désinfecte les aliments, avant de leur redonner couleur, saveur et arôme, tous artificiels, il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec ces cours de dégustation, où l’on apprend à identifier des odeurs qui évoquent par ressemblance celle des produits naturels», poursuit François Caribassa pointant les ruses de l’indus-

Uniformité et gentrification

giques, aux adjuvants divers. Pour avoir été l’un des fondateurs du Bistrot Bancal à Clermont-Ferrand (qui fut un lieu culte pour les amateurs de «vins naturels»), l’auteur de Qu’est-ce que boire ? les connaît bien. Leurs vins «s ‘affichent quelquefois, punks, ouvriers ou populaires mais en réalité, ils restent une élite des bouteilles destinées au gratin des buveurs.» À l’instar des anciens quartiers populaires colonisés par les bobos, les vins des «marges» peuvent subir un phénomène de gentrification, voire même l’accompagner et laisser à leur tour la valeur d’échange prendre le pas sur la valeur d’usage. «Les cavistes et les restaurateurs sont d’ailleurs souvent les premiers à reprocher aux vignerons de sous-évaluer leurs prix. Les classes populaires, quant à elles, continuent de n’acheter dans les supermarchés que les grossiers produits de l’industrie. Vendus à bas

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Faut-il alors désespérer jusqu’au bout ? Non et Qu’est-ce que boire ? rend même hommage à un… dégustateur. En l’occurrence Jules Chauvet (19071989), également vigneron et négociant dans le Beaujolais dont les notes de dégustation possédaient «le génie de l’évidence» autant que la grâce du poète. Il recherchait l’éternité dans le vin et, selon lui, c’est dans le cadre spirituel de la transmutation – l’homme transforme «une matière liquide d’apparence inerte en éléments immatériels dont se nourrit sa pensée – que «le vin doit être considéré comme vivant .»

Un coffret collector rassemble quatre classiques du cinéaste en Blu-ray ou DVD.

L’auteur de Nous n’irons plus au Luxembourg publie un nouveau volume de son journal intime. de dernier des Iroquois dans un monde de l’édition toujours plus aseptisé. Il y a dans ces pages des amours contrariées, des dîners joyeux, de la mélancolie, des voyages (de

Buveurs fraternels

Chauvet cherchait le Vrai, le Beau et le Délicieux – quête qui ne demande qu’à être perpétuée. Loin des snobismes, des apparences, du marché, du spectacle, le vin est là. Il est «la figure de toutes ces petites choses de la vie qui la rendent réelle malgré tout parce qu’il y a en elles quelque chose qui résiste à toutes les réductions et à toutes les interprétations», «le vin est la substance même du don généreux. Il est la matière d’une conversation ancestrale, que nous reprenons chaque fois qu’un ami s’assoit à notre table ou que nous ouvrons une bouteille.» On aura compris que ce livre aussi subtil que combatif est dédié à certains buveurs, goguenards et fraternels, qui «dissimulés dans l’ombre ou accoudés au comptoir, sirotent des ballons de rouge qu’ils ne dégustent pas.» Christian Authier Qu’est-ce que boire ?, Menu Fretin, 98 p.

Hitchcock, les années Selznick

Matzneff est éternel ans un journal intime, il faut tout prendre. D’ailleurs, le diariste – de Léautaud à Renaud Camus en passant par Jouhandeau – ne nous épargne rien : ses problèmes de plomberie, une digestion contrariée, des factures à payer… Le plaisir paradoxal de la lecture d’un journal réside aussi dans ce quotidien le plus trivial. De même, l’égotisme, voire le narcissisme de l’auteur, fait partie du «contrat» scellé entre celui-ci et le lecteur. On lit ainsi le journal d’un écrivain pour sa propension à tout ramener à lui et pour découvrir son monde. Cela fait longtemps que Gabriel Matzneff est un maître du genre et La Jeune Moabite (le quatorzième volume de son journal) nous entraîne sur les pas de «Gab la rafale», esprit libre et manière

prix, mais avec des marges toujours confortables, ces derniers affichent des noms de châteaux et s’appuient sur la référence au terroir, mais c’est bien dans des usines qu’on les fabrique», relève Caribossa.

Naples à Venise ou Bordighera), des écrits sur le vif et des pensées en forme d’aphorismes. Matzneff affronte la maladie. Des éditeurs lui font faux bond. Ses jeunes maîtresses ont vieilli. Certaines veulent l’oublier. Lui n’oublie rien et méprise l’amnésie, surtout volontaire. Les amis fidèles sont au rendez-vous (Christian Giudicelli, Emmanuel Pierrat, Thierry Lévy disparu depuis…), les prières et les offices aussi. La dernière phrase de ce roboratif volume couvrant les années 2013-2016 surprend : «Aujourd’hui, j’ai quatre-vingt ans.» Il nous semble pourtant que Matzneff est un éternel jeune homme. C.A. La Jeune Moabite, Journal 2013-2016, Gallimard, 704 p.

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Alfred Hitchcock, il faut tout voir, mais les débuts de sa «période américaine» offrent de belles réussites et quelques chefs-d’œuvre. En témoigne ce coffret intitulé «Les années Selznick», édité par Carlotta Films, regroupant les quatre films réalisés par le cinéaste anglais sous l’égide du mythique producteur d’ Autant en emporte le vent. Le premier – Rebecca – obtint l’Oscar du meilleur film, le dernier – Le Procès Paradine – fut un four tandis que La Maison du docteur Edwardes (avec Gregory Peck et Ingrid Bergman) et Les Enchaînés (Cary Grant et encore Bergman) sont inoubliables. Selznick se mêlait de tout (casting,

scénario, réalisation…), les rapports entre les deux hommes furent souvent conflictuels, mais le résultat est impressionnant avec des films qui bénéficièrent aussi de collaborations prestigieuses (Ben Hecht au scénario, Salvador Dali pour les scènes oniriques de La Maison du

docteur Edwardes ). Parmi les nombreux suppléments du coffret, signalons l’analyse des œuvres par Hitchcock et Truffaut à travers leurs célèbres entretiens, un portrait de Daphne du Maurier (auteur de Rebecca) ou un livre de 300 pages. C.A.

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ENVIRONNEMENT

L'Iran se mobilise pour sauver les derniers guépards d'Asie Les gardes nature ont installé leur camp à deux pas d'un ancien pavillon de chasse royal du nord de l'Iran pour protéger les derniers guépards d'Asie.

"L

a dernière fois que nos pièges photographiques ont pu enregistrer des guépards ici, c'était il y a deux ans. Mais nous sommes sûrs qu'ils sont dans la région", affirme Rajab Ali Kargar, vice-directeur du Projet national de protection du guépard d'Asie en Iran. "Nos appareils photo à déclenchement automatique ne sont pas installés en permanence dans la région", explique-t-il, entouré d'une petite équipe de gardes du parc national de Kavir ("désert" en persan), à environ 120 km au sud de Téhéran, dans la province de Semnan. La présence du guépard, animal le plus rapide au monde avec des pointes à 120 km/h, s'étendait autrefois des confins orientaux de l'Inde jusqu'à la côte atlantique du Sénégal et à l'extrême sud du continent africain. Si l'on en trouve encore en nombre assez élevé dans certaines zones d'Afrique australe, ces grands félins ont pratiquement disparu d'Afrique du Nord et d'Asie. La sous-espèce "Acinonyx jubatus venaticus", ou guépard d'Asie, est classée en danger critique d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le projet de protection iranien a été lancé en 2001 avec le soutien des Nations Unies, "lorsqu'on s'est rendu compte qu'il ne restait plus de guépards asiatiques qu'en Iran", indique Houman Jokar, le directeur de ce programme.

Manque de proies Aujourd'hui, leur nombre est estimé à une cinquantaine d'individus. En 2016, une vingtaine de guépards ont été identifiés dans l'ensemble de la province de Semnan. "Tous les jours, nous parcourons des centaines de kilomètres pour observer les animaux sauvages dans le parc, qui est interdit aux particuliers", dit Reza Shah-Hosseini, alors que des gazelles passent au loin. M. Shah-Hosseini est l'un des 92 gardes nature éparpillés dans six provinces du centre de l'Iran qui, tous, ont reçu une formation spéciale pour participer au programme national de protection du guépard, sur six millions d'hectares de zones protégées. "Beaucoup estiment que sans ce projet, le guépard aurait totalement disparu en Iran", relève M. Jokar. La guerre entre l'Iran et l'Irak (1980-88) et la prolifération d'armes qu'elle a entraînée ont été dévastatrices pour les espèces sauvages dans l'ouest du pays, notamment pour les guépards, qui se sont réfugiés vers les régions centrales et désertiques d'Iran. A la fin du conflit, "on pensait que le guépard avait totalement disparu, jusqu'à ce qu'un de nos gardes nature en aperçoive deux dans la région de Tabas" (est), raconte M. Kargar. "Lorsqu'on a lancé le projet, le danger principal était le manque de proies", explique M. Jokar. De ce point de vue, indique-t-il, de gros progrès ont été faits "avec la protection de zones : le nombre des autres animaux comme les gazelles et les lapins qui constituent le repas des guépards a augmenté."

Malgré cela, les guépards font face à deux dangers principaux : la circulation routière et les bergers et chiens de troupeaux. "Aujourd'hui, les guépards sortent de leurs zones réduites pour s'approcher des villages. Là, ce sont les chiens (en meute) ou les bergers qui les tuent pour protéger leurs troupeaux. De même, le danger vient des routes qui sont très longues et difficiles à contrôler", ajoute M. Jokar. En 16 ans, une vingtaine de guépards ont été tués dans des accidents de la route.

Femelle exigeante Pour sensibiliser la population, l'image du guépard a été imprimée sur le maillot

de l'équipe nationale de football pour la coupe du monde de 2014 au Brésil et des Jeux asiatiques de 2014. Cela "a eu un effet extraordinaire", note M. Jokar. Alors que les fonds internationaux faiblissent (100 000 dollars par an de dotations onusiennes, représentant un quart du budget du programme), la mobilisation de l'opinion publique est un remède pour trouver l'argent, relève M. Jokar. "Depuis le 1er septembre, grâce à l'engagement de plusieurs artistes (...), nous avons réussi à rassembler près de 8 milliards de rials (environ 170 000 d'euros) nécessaires pour déplacer des fermes d'élevages de la région de Touran, dans l'est de Semnan, afin de proté-

ger les guépards", affirme M. Jokar. "C'est la plus importante mobilisation de la société civile pour la protection des animaux", assure-t-il. Un projet a également été lancé au parc Pardissan, l'un des plus grands de Téhéran, où deux guépards, une femelle (Delbar) et un mâle (Kouchki), sont gardés en captivité dans une zone d'1,5 hectare, à des fins de recherches mais aussi dans l'espoir d'obtenir des naissances. "La femelle du guépard est très difficile quand il s'agit de choisir son mâle", explique M. Kargar. Signe encourageant, Delbar a accepté Kouchki. Mais elle n'a pas pu mener à terme sa première gestation. Siavosh Ghazi

Au Maroc, Chefchaouen, la ville bleue qui se veut verte Dans le nord du pays, la petite ville accrochée à flanc de montagne se veut un modèle en matière de développement durable.

"C'

est un moyen de transport pratique et éco-friendly!", lance Aziz, la quarantaine, qui sillonne en vélo électrique les rues de cette petite commune familièrement surnommée "Chaouen". Agent municipal, il utilise depuis quelques mois ce vélo prêté par la ville pour "inspecter les chantiers en cours". "Ça respecte l'environnement et ça nous permet de nous déplacer facilement sans passer par des modes de transport polluants", se félicite Aziz. L'initiative s'inscrit dans un vaste programme lancé par cette ville touristique de 45 000 habitants, prisée par les visiteurs étrangers pour ses maisons pittoresques aux mille et une nuances de bleu. "En avril 2010, le Conseil municipal a voté à l'unanimité une décision visant à faire de Chaouen une ville écologique et durable", explique Mohamed Sefiani, le maire de la ville qui souligne "l'engagement politique local" et "les actions concrètes". "Chefchaouen n'est pas encore une ville écologique, mais elle a la volonté de le devenir. Nous sommes en phase de transition. Au niveau marocain et africain, nous sommes

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très avancés dans ce domaine", poursuit-il.

Centre de l'écologie Sur les hauteurs de la ville, une piscine municipale fraîchement inaugurée a été équipée d'installations solaires. A proximité se trouve un "centre de l'écologie", construit à partir de conteneurs recyclés, où sont pilotés les projets "verts" de Chefchaouen, financés principalement par l'Union européenne. "C'est à la demande de la ville que nous sommes venus ici pour appuyer sa

transition énergétique et climatique", explique Virginie Guy, coordinatrice du projet pour le Groupe énergies renouvelables, environnement et solidarités (GERES), une ONG française. Parmi les initiatives, un centre "info-énergie" sensibilise les consommateurs aux économies d'énergie, des plaques photovoltaïques contribuent à la production d'électricité sur quelques sites, comme la bibliothèque municipale, et un musée tourné vers l'environnement est en phase d'achèvement. Dans le centre "info-énergie", situé dans

une ruelle animée de la ville, Houda Hadji explique aux visiteurs les bases de l'écoconstruction, l'efficacité énergétique, les avantages des ampoules à économie d'énergie... "C'est la première initiative au Maroc qui travaille sur la mise à niveau énergétique dans les bâtiments, qui informe sur les gestes économes, en ciblant particuliers et entreprises", souligne la jeune conseillère. Chefchaouen est une des douze localités du sud de la Méditerranée à avoir bénéficié d'un programme européen qui l'a dotée d'environ 10 millions de dirhams (environ 900 000 euros) et déclarée "commune modèle et initiatrice d'un changement citoyen en matière de gestion énergétique durable". Mais tous les indicateurs ne sont pas au vert dans la petite ville bleue. "La décharge publique ne respecte pas les normes", concède le maire. "Nous travaillons sur la réalisation d'un centre d'enfouissement et de valorisation", dit-il. "Je pense que d'ici 2021, nous aurons réglé tous les points noirs."

Stratégie nationale Mosquées "vertes", parcs solaires et éoliens, bus électriques,

interdiction des sacs plastiques : le royaume a récemment lancé plusieurs projets respectueux de l'environnement et met régulièrement en avant sa stratégie volontariste en matière d'énergies "vertes", sous l'impulsion du roi Mohammed VI. Le Maroc a accueilli en novembre 2016 à Marrakech la 22ème Conférence mondiale sur le climat et mis en place un ambitieux plan de développement des énergies renouvelables. Dans ce pays dépourvu d'hydrocarbures, l'objectif est de porter d'ici 2030 la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national à 52 %. Projet phare de cette stratégie, le complexe Noor, présenté comme l'une des plus grandes centrales solaires au monde, a été inauguré en février 2016 à 20 km de Ouarzazate, aux portes du désert. Mais des problèmes restent à régler : la pollution atmosphérique atteint des pics "alarmants" dans les grandes agglomérations, selon un récent rapport de la Banque mondiale relayé par la presse locale. Et nombre de projets écologistes annoncés en grande pompe dans la foulée de la COP22 n'ont jamais dépassé le stade déclaratif. Hamza Mekouar

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SANTÉ

Nager avec des dauphins virtuels, une thérapie bien réelle Même irréel, l’animal a des vertus thérapeutiques, en particulier pour les personnes en situation de handicap ou souffrant de maux chroniques.

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l y a quelque chose de magique autour des dauphins : on pense à la joie, à l'entrain, au bonheur, à l'innocence...", constate Marijke Sjollema. "Et cela a même des propriétés de guérison ! " C'est de sa première rencontre avecle mammifère marin en 1993 qu'est née l'association Dolphin Swim Club, fondée avec son mari consultant en entreprises, Benno Brada. Elle plongeait au large du Mexique quand elle a "aperçu cette ombre grise dans l'eau" et a songé, prise de panique : "C'est la fin !" Avant de réaliser, dans une "fraction de seconde", que "ce n'était pas un requin, mais un dauphin", raconte cette artiste néerlandaise. Depuis, le couple a dévoué son temps libre, son énergie et ses ressources personnelles à sa nouvelle passion, avec une mission : permettre aux gens de connaître, eux aussi, la magie d'une rencontre avec des dauphins.

Relaxation Leur premier projet de film sur les dauphins à visionner avec des lunettes de réalité virtuelle remonte à fin 2015. Puis, en octobre, ils ont franchi un pas supplémentaire en créant un système permettant de visionner le film dans l'eau, grâce à des lunettes de plongée auxquelles est fixé un smartphone dans un boîtier étanche, imprimé en

3D avec du plastique recyclé. Lunettes de caoutchouc scotchées sur le visage et tuba en bouche, les nageurs peuvent observer, où qu'ils regardent, de grands dauphins et des dauphins à long bec tournoyer autour d'eux, tout en se laissant flotter dans l'eau tropicale d'une piscine aussi chaude que la mer des Caraïbes. Bercés par une musique aquatique, ils sont à la fois plongés dans un monde sensoriel bien réel et projetés dans un univers de dauphins totalement virtuel. Une expérience a priori unique au monde et une thérapie qui en est encore à sa phase test. "Notre rêve était de trouver une alternative à la plongée thérapeutique utilisant des dauphins vivant en captivité", explique Benno Brada à des thérapeutes, assis sur le rebord de la piscine d'un quartier communautaire résidentiel adapté aux personnes handicapées. Ce centre, chapeauté par l'organisation «s Heeren Loo», teste actuellement le système waterproof après avoir vu ses prouesses sur la terre ferme. Pas moins de 82 % des clients se sentent réellement relaxés lorsqu'ils regardent ces films, d'après les constats du directeur de la politique de l'établissement de soins, Johan Elbers. Une femme souffrant depuis longtemps d'insomnies a trouvé dans la réalité virtuelle le meilleur des somnifères, tandis que derrière ces lunettes un jeune homme

oubliait totalement la douleur lancinante qu'il avait dans le bras. Dion, un résident de 21 ans de cet établissement explique pour sa part que "les bruits des dauphins et l'eau" le rendent "zen".

Immersion "Le stress joue un rôle très important dans l'apparition de toutes sortes de problèmes psychiatriques", analyse le psychiatre Wim Veling, de l'Université de Groningen (sud), sur le site du Dolphin Swim Club. "Nous essayons en thérapie de rendre les gens plus

Abeilles : l'Anses renvoie au gouvernement la responsabilité d'interdire les pesticides Le directeur général de l'Agence de sécurité sanitaire a justifié l'autorisation donnée par son agence au pesticide accusé d'être néfaste aux abeilles.

"J

e ne connais pas d'insecticide qui ne tue pas les abeilles. La question c'est quelles sont les conditions d'emplois qui permettent aujourd'hui éventuellement de rendre le risque non-inacceptable", a déclaré Roger Genet devant la Mission d'information parlementaire sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, présidée par Élisabeth Toutut-Picard. Si l'Anses a autorisé le sulfoxaflore en France "c'est parce que l'évaluation tant pour la santé humaine que dans les conditions d'emploi pour la santé des abeilles permettait d'utiliser ce produit comme une alternative chimique insecticide qui présentait plus d'avantages que les produits aujourd'hui utilisés". De plus, le sulfoxaflore "a fait l'objet d'une autorisation avec un vote favorable de la France en 2015, précédée d'une consultation publique où toutes les parties prenantes ont pu s'exprimer", a-t-il rappelé. Pour autant, "le gouvernement peut totalement interdire l'usage des insecticides en France", selon le directeur général de l'Anses. L'Anses a autorisé fin septembre le Closer et le Trans-

détendus." La "force" de la réalité virtuelle est de permettre l'immersion dans un autre monde, relève celui qui étudie l'utilisation de cette technologie pour aider les personnes souffrant de troubles de la santé mentale. Développées grâce à une bourse de 50 000 euros du gouvernement néerlandais, les lunettes de Marijke Sjollema et Benno Brada diffusent de vrais films tournés en mer Rouge en 2015 par l'équipe de spécialistes Viemr. Durant ce tournage de dix jours, des apnéistes capables de retenir leur souffle plus de cinq minutes

ont plongé en silence aux côtés des dauphins, capturant des instants rares. La première version des lunettes est déjà utilisée bien au sec par plus de 150 universités, hôpitaux et centres communautaires à travers le monde. Les thérapeutes décident au cas par cas du nombre de fois où les patients effectuent ce genre d'"immersion" en réalité virtuelle. Marijke et Benn espèrent que ce masque de plongée virtuelle sera tout aussi bénéfique et recherchent un partenaire pour lancer sa fabrication commerciale. Jo Biddle

La pilule garde une place plus importante en France qu'ailleurs dans le monde

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l'approche des 50 ans de la loi Neuwirth sur la légalisation de la contraception, promulguée le 28 décembre 1967, l'Institut national d'études démographiques (Ined) a comparé la situation française à celle des autres pays. La méthode de contraception la plus utilisée dans le monde est la stérilisation, celle-ci étant plus souvent pratiquée sur les femmes que sur les hommes, souligne l'Ined. Parmi les femmes d'âge reproductif en union qui utilisent une contraception, 54 % avaient recours à la stérilisation - sur elles-mêmes ou leur partenaire - au Mexique en 2015, 43 % aux Etats-Unis en 2006, 39 % en Chine en 2006 et 32 % au Brésil en 2013. En France, seules 5 % des femmes en union avaient recours en 2010 à la stérilisation à visée contraceptive, encadrée par la loi du 4 juillet 2001. Après le stérilet, la pilule est la troisième méthode contraceptive la plus utilisée dans le monde. En Espagne, le recours à des méthodes considérées comme masculines (stérilisation masculine, préservatif et retrait) représente près de 53 % des usages contraceptifs, contre 15% en France et 37 % aux Etats-Unis. En France, la pilule, parce qu'elle donne aux femmes la possibilité de gérer elles-mêmes, et efficacement, leur fécondité, a été le symbole de leur émancipation, note l'Ined. Mais depuis la crise de 2012/2013 déclenchée par la révélation des risques cardio-vasculaires accrus liés aux pilules de 3e et 4e génération, le recours à la pilule a décliné : -18 % entre 2010 et 2013, -9 % entre 2013 et 2016. Les femmes se sont reportées sur le stérilet, le préservatif ou le retrait.

Les phytosanitaires responsables de 2 % des maladies professionnelles des agriculteurs

form, deux insecticides fabriqués par Dow AgroSciences, dont le principe actif est le sulfoxaflor. Face à la fronde des défenseurs de l'environnement contre l'homologation de ces produits, le gouvernement a donné trois mois aux autorités sanitaires pour confirmer ou non cette autorisation après examen de "nouvelles données". M. Genet a reconnu que les produits phytopharmaceutiques dont l'Anses doit décider de la mise sur les marchés "ne sont plus des

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questions techniques mais sociétales" et il espère à l'avenir "accroître le dialogue avec les parties prenantes" et créer avec eux "un espace de dialogue". "On parle beaucoup du glyphosate et c'est normal car c'est le produit phytosanitaire le plus utilisé au monde, mais en terme de dangerosité il y a encore sur le marché des produits vendus avec des niveaux de dangerosité bien supérieur et qui me préoccupent en premier lieu", a-t-il également indiqué.

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es représentants de la Mutualité Sociale Agricole (MSA) ont reconnu le 15 novembre, lors d'une audition à l'Assemblée nationale, que l'usage de produits phytosanitaires était responsable de 2% des maladies professionnelles des agriculteurs. "Deux pour cent des maladies professionnelles déclarées au titre du régime agricole sont liées aux produits phytosanitaires", a fini par déclarer Patrice Heurtaut, directeur de la santé-sécurité au travail de l'organisme de sécurité sociale agricole, sans donner d'année de référence, poussé dans ses retranchements par les députés. "Il faudrait ne plus utiliser de produits chimiques bien évidemment", a-t-il ajouté devant la Mission d'information sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, présidée par Elisabeth Toutud-Picard (REM). Seul autre chiffre précis que les députés réussiront à arracher à la délégation de la MSA : en 2016, 61 assurés de la MSA se sont vus reconnaître une maladie professionnelle provoquée par l'utilisation de pesticides, 25 présentant une hémopathie maligne et 36 une maladie de Parkinson. Le renouvellement ou non de la licence de l'herbicide glyphosate dans l'UE, doit être débattu une nouvelle fois le 27 novembre à Bruxelles par un comité d'experts.

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ART DE VIVRE

Au Liban, les micro-brasseries ont le vent en poupe Si l'Almaza, la bière blonde qui a fait la fierté du Liban, est omniprésente dans les bars, les micro-brasseries sont en plein essor au pays du Cèdre.

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ur une plage de la station balnéaire de Batroûn dans le nord du pays, Jamil Haddad ne cache pas sa satisfaction face au succès grandissant de sa brasserie, Colonel, fondée en 2014. "Chaque année, on se développe à un rythme de folie", se réjouit cet homme de 34 ans, supervisant les derniers préparatifs pour le festival de la bière organisé chaque année dans le jardin de son établissement. En 2017, après qu'il eut ouvert un bar sur la plage près de sa brasserie, son entreprise a enregistré une croissance de 45 %. "Quand j'ai ouvert en 2014, j'avais peur", confie-t-il. Il se demandait alors : "Est-ce que les gens vont accepter ce concept ? C'est nouveau, ce n'est pas traditionnel, c'est différent... " Au départ, ses ambitions étaient modestes : une seule bière lager (de fermentation basse et plutôt douce en amertume, ndlr), une boisson familière pour les consommateurs habitués au goût de la célèbre Almaza, qui signifie "diamant" en arabe. "Puis j'ai été surpris (...), je me suis rendu compte que beaucoup parmi ceux qui venaient connaissaient différentes variétés de bières", s'enthousiasme-t-il. "Et ceux qui ne connaissaient pas étaient ouverts et voulaient comprendre" le concept. Les micro-brasseries connaissent un succès grandissant dans le monde entier, no-

tamment en France et aux Etats-Unis. Ces petits producteurs se targuent de défendre une bière artisanale et de qualité, tout en cherchant à diversifier les arômes.

Marché local restreint Dans les pays majoritairement musulmans et conservateurs du MoyenOrient, la consommation d'alcool reste très peu répandue. Mais le Liban se détache de ses voisins, avec des mœurs

sociales plus libres et une large communauté chrétienne. Ce pays de quatre millions d'habitants a ainsi consommé 29 millions de litres de bière en 2016, l'Almaza dominant les trois quarts du marché, selon une étude de la banque libanaise Blom. Le public est donc au rendez-vous, en particulier à Beyrouth. Pour autant, les défis restent de taille pour les micro-brasseurs, qui doivent quasiment tout importer, du houblon - petite plante qui donne au breuvage

mousseux son arôme - aux bouteilles, dans un pays qui ne dispose pas d'usine de fabrication de verre. La bière artisanale libanaise est née en 2006 avec la Brasserie 961 Beer, qui tire son nom de l'indicatif téléphonique du Liban. Les débuts ont été laborieux mais les efforts ont payé. "Nous sommes la seule micro-brasserie de la région qui exporte", souligne Iyad Rasbey, directeur commercial de 961 Beer, animant un stand de la société lors d'un festival de la bière à Beyrouth. "Nous exportons entre six et sept conteneurs par mois vers l'Europe, le Brésil et les Etats-Unis. Et ça, c'est sans compter le Moyen-Orient et l'Extrême-Orient", dit-il. Alors que l'entreprise se concentre sur ses exportations, qui selon M. Rasbey représentent 85 % de ses ventes, 961 Beer ne détenait en 2016 que 5 % de part de marché de la bière au Liban, selon la banque Blom. Mais "on veut aussi se développer localement", assure M. Rasbey. "Le marché local est en expansion. Quand on parle de bière artisanale, les gens commencent à comprendre ce que cela représente".

Même son de cloche chez Brew Inc, une micro-brasserie dans le quartier branché de Badaro, à Beyrouth, qui offre dans son bar une large variété de

bières artisanales, de la blanche épicée au gingembre à la brune couleur café. Les boissons mousseuses sont produites sur place, comme en témoignent les grands réservoirs en aluminium qui font partie du décor. "C'est un marché qui grandit très rapidement", se réjouit Omar Bekdache, propriétaire de Brew Inc. "Les gens veulent essayer de nouvelles bières, de nouveaux styles, de nouveaux arômes, tout", poursuit ce quadragénaire qui a fait ses premières armes chez 961 Beer. Installé dans le patio de Brew Inc, Hisham Shaar fait partie de ces passionnés. Le jeune homme de 28 ans fréquente l'établissement avec assiduité, deux fois par semaine. "C'est nouveau, intéressant et stimulant", lance-t-il, enthousiasmé par l'essor des bières artisanales ces dernières années au Liban. "Ceux qui avaient l'habitude de boire de l'Almaza en avaient assez, c'était ennuyeux. Ils ont bien accueilli ces nouvelles micro-brasseries", dit M. Shaar. A Batroûn, Jamil Haddad rêve de pouvoir un jour fabriquer sa bière avec du houblon cultivé au Liban. Il prédit un développement du marché local des micro-brasseries sur "les cinq, dix prochaines années". Le Liban en compte une poignée aujourd'hui, mais selon lui, "on a encore de la place pour au moins 10 ou 15 autres micro-brasseries." Sara Hussein

produire quelque chose qui a le goût du territoire, un peu comme un bon vin", complète son fils, Antoine, éleveur avec son père à Rouvres-sous-Meilly. A 35 kilomètres de là, les vignes surplombent la ville de Beaune et produisent des vins réputés dans le monde entier. "La gène

de raisin servait parfois à produire du compost mais on ne savait pas trop quoi en faire. L'idée, c'est d'en recycler la totalité en donnant à manger aux bœufs de Bourgogne", explique Frédéric Mazeau, l'un des viticulteurs des Hospices. Olivier Devos

Nouvelles bières, nouveaux styles, nouveaux arômes

Après la mode du bœuf de Kobé, le "bœuf de Beaune" Déjà célèbre pour ses vins, la Bourgogne pourrait bientôt le devenir pour le "bœuf de Beaune", une viande nourrie aux résidus de raisin à l'image de son cousin japonais de Kobé élevé à la paille de riz.

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ne viande persillée, avec un petit goût de cassis ou de raisin : le "bœuf de Beaune" tire son nom de la ville de Beaune, mondialement réputée pour la vente aux enchères des vins de ses hospices. C'est d'ailleurs lors de la 157ème édition de cette vente, le week-end dernier, que la viande a été officiellement présentée. De race charolaise, le bœuf est nourri dans ses derniers mois de gène de raisin - le résidu de fruit obtenu après fermentation du vin et distillation du marc de Bourgogne - et de baies de cassis pressées.

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"Le vin de la vente des Hospices, c'est un vin fruité. C'est ce qu'on attendait de la viande : qu'elle soit goûteuse, avec des arômes de cassis, de raisin", expliquait récemment le chef cuisinier beaunois Laurent Parra lors d'une dégustation en avant-première, tout en grillant le bœuf à la plancha. Une douzaine de chefs de Beaune et des alentours, dont une majorité d'étoilés, étaient venus découvrir le produit et imaginer leurs futurs plats : pot-au-feu braisé "tout doucement" et servi avec des légumes d'antan ; tartare à l'huile

de bourgeon de cassis et ses échalotes au vin blanc, ou côte de bœuf rôtie et confit de champignons.

Persillage Laurent Parra décrit une chair "très tendre" mais imagine déjà une viande encore plus goûteuse et persillée, c'està-dire davantage nervurée de graisse, peut-être grâce à une ration plus généreuse. Car "c'est le gras qui donne le goût à la viande". C'est ce persillage, conférant à la viande saveur et tendreté, qui a fait la réputation mondiale du bœuf de Kobé, autrement appelé bœuf wagyu (littéralement "bœuf japonais"). La bête est pour ce faire en partie nourrie de paille de riz. On peut aussi lui donner en complément de la bière, ou des résidus de bière. Mais rien n'est encore jusqu'à présent venu confirmer les rumeurs selon lesquelles les bœufs seraient également massés au saké. Les deux premiers bœufs de Beaune ont été élevés "tranquillement, naturellement", explique Dominique Guyon, qui a bichonné pendant 40 mois ces mastodontes de 700 à 800 kilos : nourris d'abord sous la mère, puis à l'herbe des pâturages et au foin, avant d'avoir droit à une ration de céréales contenant 10 à 20 % de gène de raisin et de cassis. "Le but ultime, c'était d'arriver à

Vendredi 24 novembre 2017 - N° 3321


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