Helene FR

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L’étoffe dont les rêves sont faits Œuvres d’Hélène Ferruzzi / Hélène Ferruzzi’s Artworks © 2013 Hélène Kuhn Ferruzzi Dorsoduro, Calle della Chiesa 727 30123 - Venezia +39 041 5230197 www.heleneferruzzi.com heleneferruzzi@gmail.com Texte de / Text by Cecilia Gualazzini cecilia.gualazzini@iuav.it Projet graphique / Design by John Volpato johnvolpato@me.com Photographies / Photo by Andrea Marca marca.andrea@gmail.com Pp. 21, pp. 50: Photographies / Photo by Giuseppe Simone Traductions / Translation by Alphaville. Vicenza alphaville.traduzioni@uniformazione.eu Tous droits réservés. Toute reproduction de cet ouvrage est interdite. Toute copie ou reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, photographique, magnétique ou autre, de même que toute transcription totale ou partielle lisible sur machine électronique est interdite. L’auteur a fait tout ce qui était en son pouvoir pour retrouver les copyrights concernant les textes et images reproduits dans ce volume. Cependant, si par inadvertance la reconnaissance de certains droits avaient été omis, l’auteur s’efforcera d’en intégrer les modifications dans les futures éditions. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without permission of the copyright holder. All reasonable attempts have been made to trace, clear and credit the copyright holders of the texts and images reproduced in this book. However, if any credits have been inavdvertently omitted, the author will endeavour to incorporate amendments in future editions.

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L’étoffe dont les rêves sont faits Artworks/Œuvres d’Hélène Kuhn Ferruzzi

Texte de / Text by Cecilia Gualazzini

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À Bobo, mon amour et mon maître

À Chizuko, mon âme soeur

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La préparation de ce livre m’a donné l’occasion d’observer mon parcours, de comprendre où je suis, où me porte ce courant imprévisible qui me pousse à explorer des chemins toujours nouveaux. Il n’est pas complet, ne pourra jamais l’être: la recherche est infinie, les chemins multiples. J’ai voulu recueillir quelques instants d’une créativité toujours ouverte et mobile, en espérant qu’ils transmettent un peu de cet élan qui leur a donné naissance. Y sont présents tous les amis, et ils sont nombreux, qui enrichissent le tissu de ma vie. Leur enthousiasme, leur regard, la note de couleur que chacun d’eux m’apporte, tout est là dans mon travail, imprimé au cœur de mes étoffes. Je crois qu’au-delà de la trame visible de la matière, il y en a une autre plus subtile constituée du filet de nos relations, tissage des rencontres que la vie nous offre et qui, si nous savons les accueillir, nous aident à “mieux être”. En toute autonomie bien-sûr, mais aussi dans une interdépendance réciproque, tressés les uns aux autres par des fils d’or et d’argent. Ce tissu impalpable, mais non moins concret, se prolonge et s’anime par delà les absences et les séparations. Souvent nous nous heurtons aux parois de nos propres limites et systèmes de pensée qui, s’ils nous rassurent face à la complexité du réel, peuvent aussi nous freiner dans notre processus créatif et évolutif. Les couleurs, en dehors de celles que nous offre la nature, peuvent apparaître inertes, les matières opaques, les instruments rigides. Et pourtant derrière les grilles de notre conditionnement se dissimulent d’autres espaces dont les clefs d’accès ne se découvrent que par une ouverture de conscience. Le travail constant, à la recherche d’une perfection qui jamais ne se laisse atteindre, stimule nos sens, les aiguise et peu à peu les rend réceptifs à ce qui se “trame” derrière les barrières du connu. Ils nous mettent en contact avec une vaste échelle vibratoire qui résonne à des fréquences de plus en plus fines jusqu’à devenir “silence sonore”. De même que se déploient des octaves de couleurs et de

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sons non perceptibles à nos sens ordinaires dans une sphère “infra” et “ultra”, ainsi, en deçà et au-delà de ce que nous expérimentons, une infinité de strates vibratoires s’étend du cœur de la matière la plus dense à l’éther le plus transparent et léger. Les tissus aussi ont un “arrière-plan”. Il suffit d’observer ce que nous dévoilent en transparence certaines étoffes étendues au soleil, ou éclairées de l’intérieur par une source lumineuse. Les matières, les couleurs, les formes sont bien plus riches et nuancées que ce qu’il n’apparaît au premier regard. Nous ne pouvons qu’essayer d’être un intermédiaire pour la lumière, tenter de perforer la matière par des éclairs de conscience. Si je me laisse aller à la mauvaise humeur, les couleurs s’alourdissent et se ternissent. Le résultat sera tout autre si je me sens en harmonie avec une journée fraîche et limpide. Tandis que je prépare les couleurs à la lumière du soleil, elles m’apparaissent plus vives, elles “chantent” mieux. En plus des pigments entrent en jeu des vibrations qui dépendent de l’accord de “mon violon intérieur”. Instaurer une relation sincère avec sa créativité permet à la matière, la nôtre et celle que nous travaillons, de se raffiner, de se régénérer. Tout est constamment en devenir et pourtant, si nous nous rendons pleinement présents à l’instant, celui-ci se grave en nous et peut nous révéler un peu du mystère qui réside au cœur de l’être.

Hélène Kuhn Ferruzzi

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Preparing this book has allowed me to reflect on my personal journey, and to understand where I am and where I am being taken by that unpredictable current which compels me to explore new paths. It is not complete, nor could it ever be — a quest is infinite, and the roads are many. I wanted to bring together instances of an ever open, constantly moving creativity, which, I trust, will communicate some of the impetus that generated them. All my friends (and there are a good many) are here, enriching the fabric of my life. Their enthusiasm, their “eye”, and the touch of colour that each of them offers me are printed in the very core of my fabrics. I believe that alongside (and beyond) the visible weave of all matter there is another, subtler weave made of a web of relationships, the weft and warp of encounters that life throws up and that, if we are able to welcome them, help us to “be more our true selves”. We are perfectly independent, certainly, but we also find ourselves mutually interdependent and interwoven through threads of gold and silver. This impalpable yet very real fabric endures and lives on despite absence or separation. Often we have to confront our own limitations and those of our thought systems, and while this can be reassuring when faced with the complexity of the real, it also risks bringing our creativity and development to a halt. Colours, apart from those that nature offers us, might seem inert, opaque matter, and our tools unyielding. And yet, behind the grid of our conditioning lie hidden other spaces to which we can gain access only if we open our consciousness. Constant effort, an endless quest for unattainable perfection, stimulates our senses, making them gradually more acute and receptive to what is being “woven” behind the threshold of the known. Our senses can then put us in contact with a large vibratory range that resonates according to ever more subtle frequencies which tend towards an audible silence. Just as there are octaves

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of colours and sounds that cannot be perceived within ordinary space but only within an “infra” and “ultra” sphere, so there is, below and above what we experience, an infinite array of vibratory strata, from the heart of the densest matter to the most transparent and lightest ether. Fabrics themselves also have a “background”. Observe, if you will, what is revealed in the transparency of certain panels when they are laid out in the sun or lit from inside: colours, materials, and forms are much richer and more subtle than at first glance. We can only be a medium for that light and attempt to pierce through matter with flashes of consciousness. If I am in a bad mood, my colours become heavy and dull. Quite the opposite occurs when I am in harmony with a fresh, clear day. As I prepare the colours in the sunlight, they appear more alive — they “sing” better. Vibrations that depend on the way “my inner violin” has been tuned, come into play above and beyond the pigments themselves. Genuinely coming into contact with one’s own creativity refines and regenerates matter, both our own and that which we fashion. Everything is constantly becoming. And yet, if we make ourselves fully present to the moment, it will etch itself in us and might reveal some of the mystery that inhabits the heart of being.

Hélène Ferruzzi Kuhn

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Et dans le coin, en haut à gauche, là où le volcan a laissé un trou, je dessine un ange. Henry Miller, L’ange est mon filigrane

L’atelier en plein air

“Les couleurs, parfois je les mangerais !”, dit Hélène en souriant tandis qu’elle les prépare à Cugnan, son lieu de retraite sur les monts de l’Alpago où, chaque été, elle se retire du monde pendant trois mois. Ici, les semences endormies nourries durant l’hiver peuvent éclore et alors elle se remet à peindre. Enfin elle revient dans sa maison des couleurs, tout simplement pour “créer de la beauté”. Après avoir habité le silence et construit le vide, l’inspiration, lentement, peut retrouver son tempo et s’épanouir librement. Ce n’est pas un retour facile, un peu comme s’enfoncer dans un bois inconnu, à la merci des obstacles, s’ouvrir à tous les imprévus. Et savoir se confronter à ses zônes d’ombre pour en extraire toute la lumière. L’espace de la création respecte des règles intimes et s’apparente en cela à tous les lieux sacrés. À Cugnan, c’est un enclos, protégé du soleil par des canisses qui tempèrent la lumière. L’ordre rigoureux, sans être rigide, de la grande table en bois, les bols destinés aux couleurs, les rangées de pinceaux suspendus à l’intérieur des portes d’une armoire ancienne: tout a la grâce d’une liturgie simple et nécessaire. Transparaît une maîtrise impeccable des instruments qui laisse le champ libre à une attention naturelle, fragile dans sa réalisation et d’autant plus précieuse. La préparation des pigments est un plaisir des sens même si les premières touches ne se font qu’à doses homéopathiques: Hélène se fait souvent la main sur des chutes ou de petits rectangles d’étoffe. On pourrait dire qu’elle “goûte” les couleurs. Ses exercices deviennent ensuite des cahiers, petits et grands catalogues de signes, des pages et des pages de neumes colorés.

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The Studio en plein air

“Sometimes I think I could just eat colours,” says Hélène, smiling, while she prepares her colours at Cugnan, a buen retiro on the Alpago mountains, where she retreats from the world each summer for three months. Here, the silent seeds that have been nourished all winter come to flower, and the artist is finally able to paint, can finally return to her house of colours. Quite simply, she goes back to “creating beauty” after having inhabited silence and constructed a void where inspiration is allowed to slowly rediscover its rhythm and move freely. This is not a simple return. It is somewhat akin to entering an unfamiliar wood, at the mercy of unknown obstacles, open to the unexpected... but knowing how to respect the luminous presence of one’s own shadow. The locus of creation needs a secret space. At Cugnan, this space is a square, fenced off and protected from the sun by a veil of reeds that soften the light. The rigorous, but by no means rigid, tidiness of the large wooden table, the bowls set out for the paints, the sequence of brushes hanging from the interior of the doors of an old wardrobe — everything is infused with the grace of a simple, yet necessary, liturgy. Here we see the artist’s impeccable control over her instruments which allows her to work with a natural freedom that is a risky process and therefore all the more precious. Preparing pigments is a sensual pleasure, but her initial draft makes use of scarcely homeopathic quantities. Often, she limbers up on small scraps or little rectangles of fabric. She is “tasting” her colours. Her trial runs then become exercise books, small and large catalogues of sketches, and pages and pages of colour neumes.

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Géométries

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Au commencement, les formes

Le premier alphabet artistique d’Hélène est la géométrie. L’utilisation des tampons de bois accompagne son apprentissage. Ils dessinent les murs d’un monde stable. Un horizon de signes simples mais emplis de promesses apparaît: juxtapositions de triangles, savants dégradés de bleus, d’ocres, de sables et de terres délayés en transparence, formes sans pédanterie, mystérieusement exactes. La géométrie d’Hélène n’est pas euclidienne: il s’agit plutôt d’une géométrie spontanée qui évoque les paysages mentaux de Klee, les horizons où affleure le sourire de “l’ange nécessaire à la terre” dont parle Wallace Stevens. D’innombrables triangles et carrés s’articulent en modulations de couleurs, aux dilutions imprévisibles, combinaisons de partitions chromatiques disposées avec légèreté. La lumière byzantine, inscrite dans l’histoire et le corps de Venise, s’infiltre dans le langage de l’artiste qui, durant ses premières années de création, a souvent eu recours à l’or. C’est ainsi que naissent des tissus sensibles aux reflets chatoyants de la lumière, où chaque mouvement crée des variations et des réfractions magnétiques. Étoffes d’impératrices, splendides héritières de la tradition vénitienne, mais aussi subtilement désinvoltes: les enchaînements de triangles improvisent des parades et, dans les carrés, se glissent des points, lignes et bâtonnets et, probablement, les 64 hexagrammes du Yi-King...

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In the beginning was the form

Hélène’s first artistic alphabet is geometry. The use of wooden blocks accompanies her early training. They construct the walls of a stable world, the abscissas and ordinates of a horizon of signs, simple yet full of potential: sequences of triangles, skilful palisades of blues, ochre, sands and earths distempered into transparencies, shapes that are never pedantic but mysteriously precise. Hélène’s is a non-Euclidean geometry. It is, rather, a spontaneous geometry that recalls Klee’s mental landscapes, the horizons where the smile of Wallace Stevens’s “necessary angel of earth” emerges. Hundreds of triangles and squares, almost devotional in their composition, offer infinite modulations of colour, unexpected degrees of dilution, combinations between the background and the chromatic scores. The Byzantine light that has been inscribed in the history and body of Venice shines through the language of the artist, who often made use of gold in her early works, hence giving rise to iridescent fabrics sensitive to the variations of light, where each movement creates transmutations and magnetic refractions. Fabrics befitting empresses, heirs to the splendour of the Venetian tradition. And yet they are ingeniously impish: the necklaces of triangles devising parades, squares containing a flurry of dots, lines, little dashes and probably all 64 hexagrams of the I Ching… The voluble, reactive colours are exalted and transformed by their proximity, like contented travel companions.

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Ondulation de velours, Damier de couleurs, Polyphonie de pourpres, Chemins de lumières. Pascal Flamand

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Textures, trames

Dans la peinture d’Hélène, la “relation” occupe une place essentielle. Relation, avant tout, avec la matière et la qualité de chaque trame: coton, soie, velours, et plus tard, lin... Chaque tissu a ses propres lois et offre des résistances et des ressources toujours différentes. L’inimitable capacité du velours à réfléchir la lumière en fait une matière vénitienne par excellence. Les rayonnantes séquences de triangles, les minutieuses impressions de carrés – véritables tesselles de mosaïque – évoquent les compositions en opus sectile1 des pavements de la basilique Saint Marc: d’incomparables mandalas de pierres semblent se fondre dans les velours en conservant la délicatesse du dessin. L’artiste s’amuse parfois à prendre le velours à rebrousse poil, comme pour en vaincre la nature dominante, en créant de nouvelles transparences. Elle matérialise ainsi cette impossible couleur – parmi tant d’autres – qu’est l’argent des oliviers agités par le vent.

1. Opus sectile: technique à mi-chemin entre la mosaïque et la marqueterie, utilisée avec beaucoup d’habileté sur les pavements de la basilique Saint Marc, à Venise, et dans de nombreuses églises du Moyen-âge. Très fréquemment appliquée aux sols, cette technique ne fait pas, à proprement parler, partie des techniques de la mosaïque car elle utilise des pierres et des marbres découpés et assemblés (sectiles) pour constituer des dessins géométriques (losanges, carrés, triangles), aux dimensions bien supérieures à celles des tesselles. La pierre est découpée selon des formes précises qui permettent de respecter la composition géométrique du dessin. Sols.Saint-Marc, Venise, par André Bruyère, une des œuvres les plus importantes au sujet des Pavements de Saint-Marc, se conclue par l’image d’un velours d’Hélène, triangles sur fond or, que l’auteur définit comme “ le prolongement contemporain des Sols de SaintMarc.“

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Plus difficile dans sa simplicité, le coton est un véritable banc d’essai: il ne se livre pas facilement mais, dans sa peau d’ivoire, les tampons parviennent à imprimer des glacis aquatiques, reflets dérobés à la lagune, aux mouvements des canaux. Venise, jamais évoquée mais toujours présente, est le continuo musical de ces expériences. Parfois, comme sur les murs de la ville, il semble que dans les étoffes le temps ait déjà travaillé en estompant la netteté des pigments. Les couleurs deviennent insaisissables, chaque teinte impossible à répéter: gammes infinies de bleus et de verts, couleurs de terre, rouges volcaniques, différentes modulations de noir, de bleu foncé et de gris. Ils proviennent d’une profonde intimité avec la nature. Cependant, éloignés du “réel“, ils sont plus proches du ressenti que d’une figure précise. Ce n’est pas la nature que l’on y voit, ni ses formes, ni ses lieux. Mais l’on peut imaginer des récits de cités sousmarines, des graffitis rupestres, des paysages apparaissant sous une luminosité aquatique ou végétale. Hélène aime aussi travailler sur la soie et créer “par soustraction”. Il suffit de peu de couleur. Toute l’habileté consiste à savoir doser l’eau. “Un jour”, se souvient-elle, “j’étais sur le point de terminer une soie, sur ma table en plein-air, lorsqu’un violent orage me contraignit à m’abriter au plus vite sans me laisser le temps de décrocher l’étoffe exposée aux trombes d’eau. J’étais déconfite, tout ce travail gaché! Quelle surprise le lendemain en découvrant la soie séchée: tout s’était fondu sous l’effet de l’eau, comme une aquarelle, aussi délicate et légère qu’une aile de papillon. Depuis, j’explore une infinité de dosages dans la dilution des couleurs”. La soie apparaît, au fil du temps, une précieuse “leçon de transparence”.

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Textures, weaves

The presence of “relationships” is essential in Hélène’s work. A relationship, first and foremost, with the material and the texture of each weave: cotton, silk, velvet, leather and, later on, even linen. Each fabric has its own laws, offering uniquely different resistances and opportunities. Velvet’s inimitable ability to reflect light makes it an exquisitely Venetian material. The radiant sequences of triangles, the accurate compositions of little squares (veritable mosaic tesserae) bring to mind the sections of an opus sectile1 or intricate Venetian flooring: incomparable stone mandalas, they seem to melt into the velvets, nonetheless maintaining the delicateness of their design. The artist sometimes playfully brushes and dishevels the velvet, almost as if she wants to overwhelm its “dominant” nature, creating new transparencies. Thus she brings into being impossible colours, such as that of the silvery olive trees, swaying in the breeze.

1. Opus sectile, a technique halfway between mosaic and inlay, was used masterfully in the floor of St Mark’s Basilica in Venice, as well as many other medieval churches. Often used for flooring, it cannot only be catalogued amongst mosaic techniques because it uses pieces of marble and stone (sectilis) that are much larger than mosaic tesserae and that subsequently are inlaid to form geometrical patterns (rhombuses, squares, triangles, lozenges). The specific shapes are cut out and then inlaid in predetermined areas of the pattern or design. Sols. Saint-Marc, Venice, by André Bruyère, one of the most important works on the flooring of St Mark’s, concludes with an image of one of Hélène’s velvets with triangles on a gold background, which the author defines as “le prolongement contemporain des sols de Saint-Marc...”

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More difficult in its simplicity, cotton is a real litmus test: it does not easily yield, but its ivory-coloured skin allows the blocks to imprint their aquatic veil, reflections pilfered from the lagoon and the movement of the city’s canals. A neverevoked, albeit ever-present, Venice is the musical continuo in these experiments. Sometimes, as on the city’s walls, it appears that time has already done its work on the fabrics, subjugating the vividness of the pigments. The colours become elusive, each tonality unique and unrepeatable. It is difficult to give a name to the infinite array of blues and greens, the earthy colours and volcanic reds, the different modulations of blacks, blues and greys in Hélène’s works. They derive from an intimacy with nature that has been nourished since her childhood. Yet they are distant from reality but in some ways they are more similar to the tonalities of hearing than seeing. Because it is abstract, there is no evocation of figures or places. But you might still find stories about underwater cities, rupestrian graffiti tattooed onto the fabrics, landscapes beneath an aquatic or vegetal luminosity. Hélène also loves to work on silk, a texture which requires a lighter approach. “One day,” she recalls, “I was just about to finish a silk, on my open-air table, when a violent storm forced me to run for shelter so quickly I didn’t have time to grab the fabric, which was left in the pelting rain. I was disconsolate. All that work wasted! But I was surprised, the following day, when I discovered the dry silk. The rain had made everything merge and come together, like a delicate, light watercolour, similar to a butterfly’s wing. Since then I’ve experimented with an infinite range of dilution levels with colours.” Over time, silk constitutes a precious “lesson in transparency”.

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L’apprentissage heureux

L’apprentissage s’accomplit aussi sous le signe d’une relation. Son époux, Bobo Ferruzzi, peintre et vénitien de haute lignée, l’initie à la peinture, un univers qu’Hélène, alors musicienne et chanteuse, n’avait encore jamais exploré. Le regard de son maître est un miroir affectueux et exigeant. Il lui offre la clé d’une nouvelle forme d’expression. Dorénavent “montrer à Bobo” le fruit de ses travaux, expériences et découvertes, sera toujours un moment heureux et nécessaire. Les toiles de Bobo et les tissus d’Hélène dialoguent dans leur maison. L’abstrait et le figuratif y cohabitent amoureusement. Dans certains intérieurs de Bobo, qui possèdent la sérénité méditerranéenne des chambres de Matisse, on peut voir les étoffes d’Hélène, et parfois, elle-même apparaît sur la toile. Bobo la “capte” – plus qu’il ne la “représente” – avec une capacité unique à en saisir l’essence: dans le geste, la posture, le mouvement presque dansant autour de sa table de travail. Elle est – et sera toujours, pour lui – la petite Hélène, avec sa grâce et sa gaieté d’hirondelle.

Hélène qui lit, et anémones Roberto Ferruzzi Gouache sur papier 75 x 100 cm 1999

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The happy apprenticeship

Hélène’s apprenticeship was also under the auspices of a relationship. It was her husband, Bobo Ferruzzi, a highly regarded Venetian painter, who introduced her to painting, a universe that, having been a musician and singer, she had never before considered. Her master’s gaze is an affectionate and exacting mirror, and he gave her the key that opened the door to a new expressivity. “Showing Bobo” her works, experiments, and discoveries is a happy and necessary occurrence. Bobo’s canvases and Hélène’s fabrics talk to each other in their home, the abstract and figurative affectionately cohabiting. In some of Bobo’s interiors, which have the Mediterranean serenity of the rooms of Matisse, you can sometimes glimpse Hélène’s fabrics and often Hélène herself, whom Bobo captures rather than, strictly speaking, “portrays” through his unique ability to grasp the essential — in her gestures, posture and the way she almost dances around her work bench, she is, and will always be, for him his petite Hélène, with the grace and happiness of a swallow.

Hélène au travail Roberto Ferruzzi Fusain sur papier 40 x 29 cm 2008

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Vibrations, lignes, espace entre les lignes

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Comme les “notes de fond“ des parfums qui flottent longtemps dans l’air et tracent le sillage d’une certaine fragrance, la vibration est une présence identifiable, une sorte de concentré dans le parcours de l’artiste. Ce mouvement léger, presque automatique mais pleinement intelligent, qui part des profondeurs et se transmet du bras à la main, génère un signe vibrant et vivant qui deviendra la griffe d’Hélène, une constante dans son parcours créatif. Après la tension incandescente des couleurs ou l’excitation explosive des formes, la vibration apaise et permet de retrouver un axe de quiétude. Elle se déroule encore, légère et dynamisante, sous forme de spirales, de peignes, de sinuosités. Elle anime alors les lignes, l’un des motifs préférés de l’artiste. Droites, courves, sensuelles, elles évoquent le souvenir de toiles élégamment délavées par le sel. Les lignes d’Hélène recèlent une riche variété d’ondulations, réminiscences des mouvements de la lagune. Plus ou moins épaisses ou diluées, simples ou habitées de points et de cercles, il y a une richesse infinie dans la recherche de ces “ formes d’onde“. On peut en compter des milliers mais il n’en existe pas deux identiques. Dans le tracé des lignes, c’est la vibration qui guide la rencontre entre le tissu et le pinceau: aucune pression dans le geste mais une fluidité, l’écoute d’un mouvement intérieur, imperceptible, qu’Hélène a également découvert dans l’étude du chant fonctionnel, au Lichtenberg Institute dirigé par l’extraordinaire Gisela Rohmert. Là, elle a ressenti la vibration comme une qualité du son que discerne l’oreille interne, semblable au léger “chant du grillon” que l’on peut percevoir lorsque le silence règne autour de soi. Ainsi, tandis qu’elle peint, la vibration imprègne même l’espace vide entre les lignes, et le geste du pinceau qui s’éloigne de l’étoffe est aussi important que le contact avec celle-ci.

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Like the “base notes” of some perfumes, which linger in the air and define the wake of a certain fragrance, vibration is a recognisable presence, a kind of essence on the artist’s path. It is a light, almost automatic albeit conscious, movement that starts within and is transmitted from the arm to the hand, generating a vibrant, living sign that will become Hélène’s griffe, present in all her work and research. In the tension of incandescent colours, or the explosive excitation of the forms, vibration constitutes a calming moment, an axis which helps one return to one’s own centre and tranquillity. Or it is unveiled in the form of a spiral, comb, coil: light and energising. And it animates the lines, which are some of the artist’s most beloved signs. Straight, wavy, sensual, happy lines that bring to the surface memories of canvases that have been elegantly discoloured by salinity: Hélène’s lines are a taxonomy of waves, whose familiarity with the lagoon’s movements is the omnipresent, bracing loom. Sampled in all manner of widths and dilutions, plain or inhabited by dots, circles, or faint evocations of other lines — there is a vital curiosity in her research into these “wave forms”. There are thousands; no two are alike. In these lines, it is vibration that guides the encounter between fabric and brush: there is no pressure in her stroke, but an effortless flowing in listening to an internal, imperceptible movement that Hélène is familiar with from her studies in functional singing at the Lichtenberg Institute under the directorship of the extraordinary Gisela Rohmert. There she realised that vibration is a quality of sound which is perceived by the inner ear, similar to that sort of light “song of the cricket” that you can just make out when everything around you is silent. Thus, when she paints, vibrations attain the white space between the lines, and the brushstroke as it leaves the fabric can be just as intense as contact itself.

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Danse du feu, Danse de l’ âme, Danse du pinceau qui vibre au feu de l’ âme. Brigitte Quéro

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We are such stuff as dreams are made on; and our little life is rounded with a sleep. William Shakespeare

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Forget your perfect offering There is a crack in everything That’s how the light gets in. Leonard Cohen, Anthem

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“Chaque ligne – écrit Hélène dans son cahier de travail – si elle est dessinée en toute conscience, toute liberté du début à la fin, sans repentir, devient expressive et dialogue avec les autres comme une entité autonome. On peut sur une seule ligne découvrir une infinité de variations. Et l’espace entre chaque ligne devient lui-même ligne parlante: c’est lui qui crée la relation entre les lignes”.

“Each line,” writes Hélène in one of her work diaries, “if designed uninhibitedly in freedom and awareness, from beginning to end, without hesitation, it will become an expression and dialogue with other lines as an independent entity. Infinite variations can be discovered in a single line. And the space between each line becomes an eloquent line: it is space itself that creates relationships between lines.”

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Les instants sont des écritures Qui tracent sur la soie Des chemins possibles. Des signes s’inscrivent dans l’intervalle, Songes et canaux Dont l’écho murmure entre les lignes. Jocelyne Gagliardi

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Sphères

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Au-delà de ce qu’Hélène appelle “ses gammes”, discrètes, aux teintes délicates, presque aériennes, peuvent soudain se matérialiser des couleurs osées et flamboyantes. Dans les tissus viennent s’installer les sphères: microcosmes agités de matière brillante, explosions d’oranges, de jaunes, de rouges et de fuchsia tempérés par les bleus et les noirs. “Il faut cacher la profondeur. Où ça? À la surface”, écrivit Hugo Von Hofmannsthal. Telles sont ces sphères: plates et irradiantes comme les ronds sertis de plomb des vitraux gothiques, elles sont animées de fourmillements cellulaires, et semblent se mouvoir comme des anémones de mer, des méduses, ou la silencieuse rotation des planètes. Et il y a de la vie sur ces planètes. Créatures d’autres mondes, elles recèlent un potentiel lumineux hors du commun. Observez-les à contre-jour, par une belle journée de soleil, les sphères s’illuminent. Elles font de la musique.

Alongside what Hélène calls mes gammes (her five-finger exercises), which are discrete and made of almost ethereal colours, we are also offered flaming, bold colours. The fabrics are inhabited by spheres: restless microcosms of refulgent material, explosions of oranges, yellows, reds, and fuchsia, made all the clearer by blues and blacks. As Hugo Von Hofmannsthal had it, all profundity will eventually come to the surface. And this is true of these spheres — flat and radiant like the leaded discs of gothic windows — they are animated by swarms of cells, moving like sea anemones and jellyfish, or the silent dance of the planets. And there is life on those planets. Creatures from other worlds, they bring an uncommon, luminous potential. Observed against the light, on a brilliantly sunny day, these spheres quite literally ignite. They make music.

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Warm vibrant sunset, Radiates amongst deep, subtle pools of colour, Reflecting the beauty of Venice, The beauty of life. Nicole Campbell


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Entendre les couleurs

Entendre les couleurs n’est pas une métaphore. Un jour, une jeune fille raconta à Hélène que son père, aveugle, lui avait souvent parlé de la beauté de ses tissus qu’il percevait, sans les voir. La couleur et le son ont en commun la fréquence. A chaque couleur correspond une note de musique, imperceptible à l’oreille car très élevée dans les aiguës, onde, non pas sonore mais lumineuse. Peut-être captée cependant par de mystérieux récepteurs qui, de temps à autres, clignotent sous forme d’intuition. Transformer les fréquences de lumière et de couleur en fréquences de son, parvenir à percevoir même acoustiquement la musique des couleurs – subtile synestésie – est un défi pour l’artiste et un accomplissement possible pour la science. La musicalité que l’on perçoit dans les tissus d’Hélène est visuelle et bien présente: ces couleurs vibrent à haute fréquence. Le travail sur le son est d’ailleurs essentiel dans son parcours. Comme dans sa recherche sur les couleurs, il emprunte des voies non figuratives, se mesure à des abstractions qui naissent d’une nécessité intime et mystérieuse. Mais surtout il s’épanouit grâce à cette familiarité naturelle qu’elle entretient avec son âme, l’un des traits les plus fascinants et anticonformistes d’Hélène.

“La couleur est un moyen d’exercer une influence directe sur l’âme. La couleur est la touche. L’œil est le marteau. L’âme est le piano aux cordes nombreuses. L’artiste est la main qui, par l’usage convenable de telle ou telle touche, met l’âme humaine en vibration. Il est donc clair que l’harmonie des couleurs doit reposer uniquement sur le principe de l’entrée en contact efficace avec l’âme humaine. Cette base sera définie comme le principe de la nécessité intérieure.” Wassily. Kandinsky, Du spirituel dans l’art. Milan, SE, 1989

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Hearing colours

Hearing colours is not a metaphor. One day, a girl told Hélène that her blind father often talked to her about the beauty of her fabrics, which he could perceive, never having seen them. Colour and sound have something in common — frequency. The frequency of each colour corresponds to a musical note: it is imperceptible to the ear because it is so acute, because it is a wave of light and not of sound. But perhaps it is perceptible thanks to mysterious receptive systems that involve other senses, and that every now and then flash into life as intuitions. To transform the frequencies of light and colour into frequencies of sound, to perceive even acoustically the music of colours is a challenge for the artist and a possible achievement for science. The musicality that can be perceived in Hélène’s fabrics is visual and obviously present: her colours vibrate at high frequency. In fact her research on sounds is essential in her journey. As for colours, it follows non figurative roads, deals with abstractions that derive from an intimate, mysterious need, but above all it flourishes through a familiar dialogue with her soul, which is one of Hélène’s most fascinating (and non-conformist) traits.

Colour is a power which directly influences the soul. Colour is the keyboard, the eyes are the hammers, the soul is the piano with many strings. The artist is the hand which plays, touching one key or another, to cause vibrations in the soul. It is evident therefore that colour harmony must rest only on a corresponding vibration in the human soul; and this is one of the guiding principles of the inner need. Wassily Kandinsky, Concerning the Spiritual in Art, London 1914 (translated by Michael T. H. Sadler)

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Écritures

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A la découverte de signes inexplorés, de nouveaux alphabets visuels prennent forme. Des écritures imaginaires mais très évocatrices se matérialisent: graphies orientales, idéogrammes qui se devinent en filigrane ou bien toughra, les signatures impétueuses des sultans tatouées dans les grandes mosquées d’Istanbul. Certaines ébauches du pittoresque alphabet hébraïque ou encore la beauté des calligraphies persanes affleurent par moments. Un chaos apparent de lettres gouverné avec fermeté, une sorte de canevas alphabétique où les couleurs improvisent de nouvelles danses, pas de deux en parfaite harmonie parole-signe. Où la parole est trompeusement familière et la couleur aime sortir du périmètre de son nom pour se mêler dans une tension fluide et devenir autre. Comme des grilles mobiles, les écritures ponctuent le rythme sur les panneaux de soie où s’écoulent de généreux torrents de bleus-ciel, de noirs et de bleus de chine que l’eau a rendus transparents sur des fonds vieil ivoire. Observer ces tissus l’un à côté de l’autre, balancés par le vent, c’est comme assister à une parade de samouraïs: pacifiques, bien entendu, et légers comme l’air. New visual alphabets take form in discovering unexplored signs and imaginary, yet intensely evocative, calligraphies materialise: oriental writing shapes; barely visible watermark ideograms; or toughra, the impetuous signatures of Sultans tattooed onto the walls of Istanbul’s large mosques; suggestions of the picturesque Hebrew alphabet appear now and then, and the beauty of Persian calligraphy, all come to mind. These letters and scripts appear chaotic but, in reality, are confidently governed. It is almost an alphabetic loom in which colours improvise innovative dances, pas de deux where word and sign are perfectly balanced. There the word is deceptively familiar and colour loves to move beyond the perimeter of its name to melt into a liquid tension, becoming other. Similar to mobile grids, scripts indicate the rhythm of the silk panels with their generous torrents of Indian ink azures, blacks, and blues rendered transparent by water, over old ivory backgrounds. Seeing these panels next to one another, rippling in the wind, is almost like observing a parade of samurais. Peaceful samurais, naturally. And as light as the air.

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One sees signs. Are they words? symbols? How to translate them? Only beauty. Donna Leon

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Silence Comme si, après les explosions de couleur, le silence s’imposait soudainement, un signe apparaît parfois, simple et nécessaire. Né d’une épuration radicale, il semble défier le vertige des innombrables possibles. C’est un geste zen, libéré du passé, insouciant de l’avenir. Il rappelle les signes de certains maîtres japonais. Pure concentration de présence, il habite ce précieux ici et maintenant qui s’impose avec l’évidence d’une révélation. “Il faut nourrir le contact avec le vide pour faire le plein”, écrivait Hélène en 1999. C’est ce qu’enseigne le Tao Te King de Lao Tseu: la voie vers le vide plus que le but. C’est aussi ce que transmet à Hélène la présence de Chizuko, une amie très chère, qui porte dans sa vie la grâce et le parfum de la civilisation japonaise et, par sa simple présence, met Hélène en contact avec cette part d’Orient qui réside en elle. Avec Chizuko, chanteuse et musicienne, elle partage une écoute spéciale, celle du “son du silence”. Avec la même curiosité passionnée, elle recherche dans sa peinture ce dialogue entre le plein et le vide. “Au lieu de penser aux signes que l’on trace sur la toile, il faudrait observer la réaction de l’espace vide qui change de physionomie selon ce que l’on y dépose. De même que le silence devrait toujours demeurer la toile de fond qui sous-tend la trame d’une mélodie.” (Hélène, le 16.6.99).

Silence It is as though, after the explosions of colour, silence suddenly imposes itself. A simple sign born of a radical simplification, it seems to defy the vertiginousness of countless possibilities. It is Zen-like, free of the past and unconcerned by the future. It recalls the signs of certain Japanese masters — pure concentration of presence; it inhabits that precious here-and-now that belongs to the simplicity of a revelation. “In order to realise fullness, contact must be nourished with the void,” wrote Hélène in 1999. This is what we are taught by Lao Tzu’s Tao Te Ching: the journey towards the void is more important than the result. But it is also what is transmitted to Hélène by the presence of her dear friend Chizuko, who brings into her life the fragrance of Japanese civilisation, putting her in touch with that part of the East that dwells in her soul. With Chizuko, singer and musician, she shares a special ability — the ability to hear the “sound of silence”. With the same impassioned curiosity, she can rehearse through painting the dialogue between fullness and void. “Instead of thinking of signs that are traced onto canvas, one should observe the reaction of empty space which changes shape depending on what you place within. Just as silence should remain the backdrop underlying the weave of a melody.” (Hélène, June 16, 1999)

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Présences, regards Hélène, quand elle peint, n’est jamais seule. Ses toiles sont aussi des trames d’affections, où se mêlent des présences amies. Un tissu peut être une sorte de dédicace, un miroir dans lequel on se reflète. “Elle te ressemble”, m’a-t-on dit d’une soie qu’Hélène m’avait offerte il y a des années. De nombreuses présences ont accompagné le chemin de l’artiste: entre elles toutes, Ettore et Isabelle, amis précieux qui, dans les moments les plus difficiles, ont su lui redonner élan et confiance en son travail créatif. Et puis des amis des quatre coins du monde, attirés vers ce lieu magnétique – la maison de la Giudecca, à Venise – où, depuis des années, se mêlent langages, accents et talents. Il est intéressant d’observer les personnes – hommes et femmes – qui endossent les tissus d’Hélène: ils ont tous quelque chose en commun, “un certain art de vivre”.

Presences When she paints, Hélène is never alone. Her fabrics are also a weave of affections where friendly presences are interwoven. A fabric can be seen as a form of dedication, a possible reflection of ourselves. “It looks like you”, I was once told in reference to a silk Hélène had given me years before. Many presences have accompanied the artist’s path, and of these we must mention Ettore and Isabelle, close friends who in the most difficult moments managed to rekindle Hélène’s faith and passion in her artistic work. And also friends from all over the world, drawn towards the magnetic pole – the Venetian house on the Giudecca – for years the melting pot of different languages, accents and talents. And it is fascinating to observe the people, both men and women, who wear Hélène’s fabrics—they all have something in common, a special zest for life.

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Se dovessi cercare una parola che sostituisce “musica� potrei pensare soltanto a Venezia. Friedrich Nietzsche, Ecce Homo, 1888

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Au fil des années, Hélène joue avec la géométrie: elle décompose et recombine les formes de base, les déstabilise avec délicatesse. Mais vient un moment où l’urgence d’un mouvement plus libre se fait sentir et force les barrières de cet univers de signes. Après les exercices de rigueur et de construction pratiqués avec la géométrie, l’artiste abandonne les tampons pour oser passer aux pinceaux. De nouveaux instruments laissent – littéralement – la main libre. Ce n’est pas un moment facile. Passer de la sécurité d’une technique perfectionnée au fil des années, aux premiers essais à main libre, est un saut dans le vide. Mais la prise de risque est essentielle au processus créatif. “Il faut risquer – écrit-elle –, oser sortir de ce que l’on connaît, traverser le chaos, observer les failles en toute lucidité, et les imperfections. Puis oublier, tout oublier. Se tromper, repartir de zéro, tenter l’impossible et se laisser surprendre par ce qui est.” Elle a foi en son impérieux besoin de s’aventurer dans l’inconnu. “C’est alors tout un univers qui s’est mis en mouvement, accompagné d’une myriade de dessins plus gestuels et dynamiques: spirales, soleils irradiants, vagues, flots, fonds marins, champs de fleurs, rondes de danseurs, vols d’oiseaux... Entraînée par un flux intérieur d’une telle intensité qu’il m’a fallu apprendre à le contenir pour ne pas en être pulvérisée.” Dans cette phase se libère une énergie puissante, tellurique, qui requiert un fort centrage pour ne pas se désintégrer. Mais “se centrer” est un mantra intérieur, pour Hélène, qui, dans ce but, pratique un subtil tai-chi quotidien.

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For years Hélène has been playing with geometry, multiplying and combining basic forms, gently breaking them up. But there is a moment where the urgency of a freer movement insists on and forces open the bars of this universe of signs. After the exercises of rigour and construction practised with geometry, the artist threw aside her printing blocks and dared to move on to brushes. New instruments (literally) free her hands. This is not a simple move. Moving from the security of a technique she had honed over the years to her first free-hand “muddles” was a leap into the unknown. But risk is an essential component of the creative process. “You must take risks,” she writes, “dare to move beyond the familiar, negotiate chaos, lucidly contemplate your shortcomings and imperfections. Then forget, disremember everything. Make mistakes, start from scratch once more, attempt the impossible and allow yourself to be surprised by what is.” She lived up to her imperious need to venture into the unknown: “an entire universe then began to move, accompanied by myriad designs that were more gestural and dynamic — spirals, radiant suns, waves, surges, seascapes, fields of flowers, ring-a-ring ‘o roses of ballet dancers, birds flying… Dragged along by an interior flux so intense it forced me to learn to contain it, if I wanted to avoid being pulverised by it.” What was unleashed in this phase was a powerful, telluric energy that had to be thoroughly centred to avoid an explosion. But centring is an interior mantra, for Hélène. Who, in this sense, practises a delicate daily tai-chi.

In ogni conchiglia c’è il buio del mare Alda Merini

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Ăˆ una traccia appena mossa dal passaggio del vento. Forse, quella brezza di cui parlano molti testi sacri, la ruah, che “soffia dove vuole, e tu ne senti la voce e non sai da dove viene e dove vaâ€? Giovanni, 3-8

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Etincelles dans l’eau transparente, Les poissons dansent, Si simplement beaux dans leur robe de cristal. Isabelle Tabin

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Rencontres Abandonnée à l’inspiration, la main qui rencontre l’étoffe n’est pas mue par les sursauts de l’inconscient, comme dans un flux d’action painting. Elle est plutôt guidée par un savoir non mental, presque physique. Dilution, pression et mouvement génèrent une relation avec “ce qui advient”, à chaque instant, sur la surface de la toile. “Relation” est encore un mot-clé: entre le geste et la matière naît un dialogue où personne ne domine. Chaque signe, chaque couleur pose une question et si le dialogue s’instaure, d’autres signes, d’autres empreintes prendront vie. La trame des couleurs pourra s’éprendre de la trame du tissu, naîtra alors une sorte de bonheur, d’union entre donner et recevoir. Maintenant, plus que jamais, la recherche s’accomplit en toute liberté. L’étoffe est un élément fluide qui peut “devenir” autre, (rideau, tenture, tableau, vêtement), mais qu’Hélène aime libérer de son destin. Chacun sera libre de déchiffrer ce qu’il veut et ce qu’il sait. Ces tissus provoquent inévitablement une rencontre. Ils nous accompagnent dans des parcours toujours personnels, presqu’intimes. Car ces couleurs et ces formes toucheront en chacun de nous des cordes différentes en dialoguant avec notre imagination, et aussi – parfois – avec notre âme.

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Encounters In giving in to inspiration, the hand that encounters the fabric is not moved by the jolts and starts of the unconscious, as in the flux of action painting. Rather, it is guided by a non-cerebral, almost physical knowledge. Dilution, pressure, and movement generate a relationship with “what happens” at every moment on the fabric’s surface. “Relationship” is, once more, a key word: there is a dialogue between the stroke and material where neither prevails. Each mark, each colour is a question, and, if the dialogue works, other marks and other traces will take on life. The weave of colours can fall in love with the weave of the fabric, and then there will be a sort of happiness—the union of giving and receiving. More than ever, the artist can now plumb the depths of her art in total freedom. Fabric is a fluid element that can “become” other-than-itself (tapestry, curtain, painting, clothing), but which Hélène loves freeing from its destiny. Everyone can read into it whatever he or she wants and knows. These fabrics inevitably generate an encounter. They accompany us on paths that are always personal, almost intimate. Because those colours and forms appeal to each and every one of us differently, sparking off a dialogue with our imagination and, sometimes, our soul.

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Posés sur un ciel de vent, Les nuages fluides Volent vers une lumière Brodée de nuit. Isabelle Tabin

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Compositions Action, mouvement, feu. Dans ses travaux plus récents, le rythme explose. Un vent se lève qui bouleverse tout, aspire les couleurs, tourbillonne en vortex à s’y engouffrer, comme dans l’hypnotique “œil de l’inconscient” (pp.142-143). On dirait que les couleurs soulèvent leur support, se déforment, halètent, tandis que les signes se poursuivent en une véritable fugue musicale. Spirales et comètes tournent au rythme d’une danse derviche. Et comme dans le mouvement des danseurs soufis, les formes reflètent la réalité des phénomènes sans cesse en rotation: atomes, planètes, pensées. Certains bleus Klein lumineux attirent l’œil dans un maelstrom où l’on se noierait avec allégresse sur un pas de danse. Des zébrures de jaunes et d’oranges, des échauffourées de noirs et de bleus glissent sur la surface de la soie qui excite le dynamisme des compositions, tandis que le coton incorpore avec avidité la densité des teintes. L’énergie d’Hélène est puissante mais ce qui surprend et qui touche, c’est la grâce avec laquelle la matière émotionnelle prend vie et respire. Le dynamisme potentiellement chaotique des formes est maintenu en équilibre dans une solide mise en page de la composition, mesure qui semble retenir toute forme de dispersion. Il suffit d’observer l’exactitude spontanée avec laquelle les marges et les espaces blancs contiennent et délimitent le tout. On peut être à la fois naturel et “vigilant du coin de l’œil” (comme l’enseigne Gisela Rohmert). Se laisser guider par le rythme et le feu, puis revenir à la vibration apaisante, à l’étreinte des bleus. Atteindre une certaine quiétude rythmique.

Derviscio Pigments sur soie 59 x 36 cm 2012

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Action, movement, fire. Her more recent works contain rhythmic explosions. A wind blows in and disrupts everything, blustering over the colours, creating vortices and opening up chasms that you might fall into, as in the hypnotic “eye of the unconscious” (pp. 142—143). The colours seem to lift the support, distorting and panting, causing a spiralling of signs, a veritable and exquisitely musical fugue. Spirals and vortices spin to the rhythm of a dervish dance. And, as in the movement of Sufi dancers, form reflects the phenomenal reality that is endless gyration — of atoms, of planets, of thought. Certain Klein blues magnetically entice the eye into a maelstrom the observer can happily drown in while dancing. Sabre cuts of yellows and orange, brawling blacks and blues slide along the surface of the silk, which excites the dynamism of the compositions, while the cotton greedily incorporates the density of the hues. Hélène’s energy is powerful, but what is surprising and moving is the grace with which the emotional material takes life and breath. The potentially chaotic dynamism of the forms is kept in check by the secure layout of the composition, the measure that seems to contain any possible loss. Note the spontaneous precision with which the margins and white spaces delimit and surround. You can be “vigilant out of the corner of your eye” (as Gisela Rohmert has taught us) and still be natural. Allow yourself to be guided by rhythm and fire, and then return to becalming vibrations, the embrace of the blues. Coming upon a sort of rhythmic calm.

Caligada Pigments sur soie 145 x 60 cm 2011

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Kaghemusha Pigments sur soie 149 x 57 cm 2012

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L’occhio dell’inconscio Pigmenti su seta 22 x 31 cm 2004

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Serafin Pigments sur soie 149 x 65 cm 2012



Mitico Pigments sur soie 147 x 65 cm 2012

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Volumi Pigments sur soie 147 x 55 cm 2010

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Rotazioni 1 Pigments sur soie 149 x 61 cm 2012

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L’istante Pigments sur soie 146 x 61 cm 2004

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Apprendre du vide Laisser l’espace libre – non pas seulement vide, mais empli de potentialités – dessiner les formes, est un exercice qui se pratique avec constance et requiert la maîtrise de son impatience, “le pire ennemi” selon Hélène. Peindre devient une méditation. Le geste lié au mouvement du souffle ne peut s’accomplir que dans un état où se mêlent abandon, réceptivité, observation et perception sensorielle de tout ce qui advient dans l’instant présent. Attention extrême et écoute: ce qui émerge en cet état s’imprime non seulement sur la toile mais aussi au plus profond de soi. Comme si les tissages existaient également sur un plan plus subtil, autre que matériel. L’acteur devient alors un intermédiaire, en italien: “un tramite”, parole qui rappelle trame.

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Learning from the void Learning from the void, allowing free space (not simply a vacuum, but full of potential) to draw and design forms is an exercise that has been faithfully cultivated, keeping impatience, which Hélène defines as “the worst enemy”, at bay. Painting becomes a meditation. The paint stroke is closely related to the movement of breathing, and can be undertaken only in a state that brings together letting go, receptivity, observation, and a sensorial capturing of everything that happens in the moment. Awareness and listening: what is revealed in this state is impressed not only onto the canvas, but also into the depths of one’s being. As if the weaves also lived on a subtle, and not merely material, level. The person who acts becomes an intermediary for the warp and the weft.

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Schiarite Pigments sur soie 149 x 61 cm 2012


Viola d’Amore Pigments sur soie 147 x 59 cm 2010

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Samba Pigments sur soie 143 x 58 cm 2011

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Costruzione 3 Pigments sur soie 149 x 65 cm 2012

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Costruzione 1 Pigments sur soie 149 x 60 cm 2012

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Costruzione 2 Pigments sur soie 149 x 58 cm 2012

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Dinamismo Pigmenti su seta 139 x 124 cm 2010


Cantastorie Pigments sur soie 149 x 61 cm 2012

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Sarabanda Pigments sur coton 127 x 48 cm 2011

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Movimento 1 Pigments sur soie 149 x 47 cm 2012

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In Viaggio Pigments sur coton 88 x 50 cm 2011

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Girandola Pigments sur soie 48 x 50 cm 2011

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Sorpresa Pigments sur soie 71 x 70 cm 2011

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Éclat de rire C’est un jour lumineux du mois d’août, à Cugnan. Hélène étend au soleil un petit rectangle de coton qu’elle vient de peindre et qui soudain, dans l’air, éclate d’un rire silencieux. “Il s’appelle éclat de rire”, me dit-elle, comme si elle avait lu dans mes pensées. Le petit scherzo de couleurs vives et impétueuses, embrasées à contre-jour, rappelle Kandinsky. Et en effet, il est proche de Kandinsky ce monde de formes qui, notamment dans les derniers travaux, apparaît comme l’expression d’une réalité intérieure, une continuelle tension de forces. S’il est vrai, comme le disait Roland Barthes, que la couleur est “une sorte de bénédiction”, les irradiations de ces couleurs pourraient soigner certaines formes de mélancolie... Comme de délicates métamorphoses qui, venues d’on ne sait où, s’offrent au toucher de nos mains et de notre regard. Éclat de rire It is a luminous August day in Cugnan. Hélène lays out in the sun a small cotton rectangle she has just painted. Suddenly, the air is filled with silent laughter. “That’s called éclat de rire,” she says, reading my thoughts. The little scherzo of impetuous, playful colours, enflamed by the sunlight from behind, recalls a Kandinsky. And, in fact, this world of forms is very close to Kandinsky, especially in her more recent works in which a constant tension of forces seems to be the expression of an inner reality. If it is true, as Roland Barthes had it, that colour is a sort of blessing, then the radiation from these colours could help cure certain forms of melancholia… Like delicate metamorphoses that, having come from who knows where, offer themselves up to our touch and our gaze.

Éclat de Rire Pigments sur coton 35 x 61 cm 2011

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Notes biographiques

Hélène Ferruzzi Kuhn est née à Nancy en France, dans une famille de musiciens. Sa mère était violoniste et pianiste. Parmi ses meilleurs souvenirs d’enfance sont les instants qu’elle passait blottie sous le piano, où elle aimait se cacher, dès que sa mère se mettait à jouer, pour s’immerger dans cet univers de sons. A 21 ans, elle part faire des études en Angleterre. Durant le voyage elle rencontre le peintre vénitien, Bobo Ferruzzi. L’union de leurs destins la conduit à Venise. Tandis qu’elle pose pour de nombreux dessins et tableaux que Bobo lui dédicace, elle croise le regard attentif de l’artiste. Entre le peintre et son modèle s’instaure une magnifique osmose. Elle apprend à voir avec ses yeux à lui. Durant ses premières années à Venise, Hélène se consacre à l’étude du chant. Elle fait partie du groupe des “Madrigalisti del Centro di Musica Antica”, à Padoue. Quand un problème aux cordes vocales l’oblige à interrompre le chant, elle souffre de ne plus pouvoir exprimer sa sensibilité artistique. Bobo lui propose alors d’apprendre à peindre sur tissu. De nouveaux horizons s’ouvrent sur une dimension totalement inattendue. Son mari lui enseigne une technique d’impression qui, dès les premiers essais, la captive. Deux années d’apprentissages (1982 à 1984) stimulent une passion de plus en plus intense. Tandis qu’elle développe son talent, rapidement des expositions lui sont proposées: A Mulhouse au “Musée de l’impression sur étoffes”, (l’un des centres les plus importants de tissus imprimés), puis à Paris, Milan, Rotterdam, Bruxelles, Toronto, New-York, etc… En 1984, Hélène ouvre un magasin à Venise avec Nora, la fille de Bobo. Cette petite boutique au Campo San Maurizio devient un lieu de rencontres et attire des passionnés venus des quatre coins du monde. En 1993, elle s’installe dans un nouvel espace situé à la Salute, tout près du Musée Guggenheim, où elle continue à s’émerveiller des rencontres belles et surprenantes que ses tissus permettent.

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Brief biography Hélène Kuhn was born into a family of musicians in Nancy, France. Her mother played the violin and the piano. Amongst her fondest childhood memories are the moments she spent curled up under the piano, a place she loved to hide, wrapped in a blanket of sounds, while her mother would begin to play, thinking she had put Hélène to bed for a nap. At 21 Hélène left to study in England, and during the journey she made the most important encounter of her life when she met the Venetian painter Bobo Ferruzzi. From that moment, a bond was made which was to last a lifetime, and bring Hélène to Venice. As she sat for the numerous drawings and paintings Bobo did of her, she was able to watch first hand the artist’s creative gaze. Between the artist and his model an intense osmosis developed, and she learned to see through his eyes. During her early years in Venice, Hélène dedicated herself to the study of singing and joined the madrigal group at the “Centro di Musica Antica” in Padua. When she was forced to interrupt her singing because of problems with her throat, Bobo noticed how much she was suffering from not being able to express herself creatively. In order to comfort her, he suggested she learn the art of painting on fabric, which had a long historic tradition in Venice. A completely unexpected dimension opened up before her. Bobo taught her the basic printing techniques, and these instantly fascinated her because of the immediate, tangible results she observed. A further two years of apprenticeship (1982–1984) generated an ever-increasing passion. As Hélène’s skills developed and were recognised, exhibitions soon followed — in Mulhouse at the Musée de l’impression sur étoffes, (one of the most important exhibition centres for printed fabrics), then in Paris, Milan, Rotterdam, Brussels, Toronto, New York… In 1984, Hélène opened a shop in Venice along with Nora, Bobo’s daughter. This little shop in campo San Maurizio became a focal point for enthusiasts and a venue for magical encounters, where Hélène was able to meet many special people, many of whom have become a part of her life. In 1993 she moved to new premises near the Salute and the Guggenheim Museum, where she continues to be astounded by the wonderful, unexpected encounters, made possible because of her fabrics.

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Expositions Exhibitions 1983 Milano, Studio Sugar 1984 Thiene, Galleria Sandini 1984 Paris, Palais Galliera participation à une exposition sur la mode et le costume 1984-85 Mulhouse, Musée de l’impression sur étoffes 1985 New-York, Trompe-l’œil Gallery Milano, Palazzo Acerbi Bruxelles, Isabelle et Werner de Borchgrave Toronto, Panache Gallery 1986 New-York, Christian Schlumberger Paris, Nobilis-Fontan 1987 Paris, Grand Palais participation à la Biennale des éditeurs de la décoration 1988 Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen 1990 Schloss Trautenfels (Österreich), Landschaftsmuseum 1992 London, Wimbledon Fine Art Gallery Göteborg (Sverige), Röhsska Konstslöjdmuseet 1995 Sion (Suisse), Galerie Grande Fontaine 1999 Sion (Suisse), Galerie Grande Fontaine 2005 Venthône (Suisse), Château de Venthône 2007 Paris, Viaduc des Arts 2009 Paris, Viaduc des Arts

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Index Introduction - Hélène Kuhn Ferruzzi Intro - Hélène Kuhn Ferruzzi

6 8

L’atelier en plein air The studio en plein air

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Géométries Geometries

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Vibrations, lignes, espace entre les lignes Vibrations, lines, space between lines

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Sphères Spheres

69 70

Écritures Calligraphies

89 90

Compositions Compositions

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Notes biographiques Brief biography

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Expositions Exhibitions

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Remerciements Acknowledgements

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Remerciements

Ce livre est le fruit d’un travail collectif: Cecilia Gualazzini est entrée d’un pas léger dans mon travail, elle a su trouver les paroles pour le “dire” ; John Volpato avec originalité et talent en a projeté la réalisation graphique; Andrea Marca a su choisir les justes lumières et ombres pour photographier mes tissus; L’œil perspicace d’Ettore Fassini et les conseils précieux d’Yvette Wiener, Pascal et Sandra Flamand, Nicole Campbell, Samuel Vala, Caroline Mong, Claudine Lorenz, Sheila Malovany Chevalier m’ont été d’une grande aide; Isabelle Tabin, Pascal Flamand, Donna Leon, Nicole Campbell, Jocelyne Gagliardi, Brigitte Quéro ont accompagné de leurs mots certaines images. A chacun d’eux s’exprime ma reconnaissance, ainsi qu’à tous mes amis présents dans ces “trames”.

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Acknowledgements

This book is the end result of a collective effort: Cecilia Gualazzini stepped lightly into my work and found the words to describe it; John Volpato brought his adroit empathy to bear in designing the book’s layout; Andrea Marca found just the right light (and shade) in photographing my fabrics; Ettore Fassini’s discerning eye, and Yvette Wiener, Pascal and Sandra Flamand, Nicole Campbell, Samuel Vala, Caroline Mong, Claudine Lorenz, Annalisa Gianturco, Sheila Malovany Chevalier sensitive suggestions were of great help to me. Isabelle Tabin, Pascal Flamand, Donna Leon, Nicole Campbell, Jocelyne Gagliardi and Brigitte Quéro offered their words as an accompaniment to some of the images. My gratitude goes to them and to all my friends who are present in these pages.

© 2013 Hélène Ferruzzi - Achevé d’imprimer / Printed: Mars / March 2013

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