Lectures Cle: La cefetière et autres contes fantastiques (extrait)

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EN FRANÇAIS FACILE

La cafetière et autres contes fantastiques

1100 mots

Né eN 1811, Théophile Gautier est un poète, écrivain et journaliste du xixe siècle. Il fait ses études à Paris, où il rencontre le poète Gérard de Nerval. Pour vivre, il travaille comme journaliste. Mais sa passion, c’est l’art, et les voyages, comme beaucoup d’écrivains du xixe siècle. Il visitera l’Espagne, l’Italie, la Turquie, l’Égypte… dont il s’inspirera dans ses romans (Le Capitaine Fracasse, Le roman de la momie), dans ses poèmes et dans ses nouvelles. Il a en effet écrit beaucoup de nouvelles et de contes fantastiques, comme d’autres écrivains de l’époque (Maupassant…).

Il défend « l’art pour l’art » : pour lui, l’art n’a pas besoin d’être utile ; seule la beauté est importante dans un poème, un roman… Malade du cœur, il meurt en 1872.

Théophile Gautier a écrit de nombreuses petites histoires : contes, nouvelles.

Ce livre contient cinq contes fantastiques.

Dans l’un, le narrateur (celui qui raconte l’histoire) danse avec une cafetière qui, la nuit, devient une jolie jeune femme ; dans un autre, un oreiller parle à une petite fille ; dans un troisième, le narrateur veut épouser une momie qui a trente siècles, dont il a acheté un pied ; dans un autre, le narrateur a une aventure avec une femme qui sort d’un mur ; dans le dernier, le diable semble exister.

Est-ce possible ? Où est la vérité ? Qui est fou ? Qui rêve ?

Qui a raison ? Peut-on vraiment savoir ? Ces cinq histoires fantastiques emmènent le lecteur dans un monde étrange où on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est faux.

Les mots ou expressions suivis d'un astérisque* dans le texte sont expliqués dans le Vocabulaire, page 52.

L’aN derNier, on m’a invité, avec deux camarades, Arrigo Cohic et Pedrino Borgnioli, à aller quelques jours en Normandie.

Il pleuvait beaucoup. Les chemins où nous marchions ressemblaient à un torrent2. Nos bottes étaient pleines de terre et nous marchions avec difficulté. Nous sommes arrivés une heure après le coucher du soleil. Nous étions très fatigués. Quand nous avons fini de manger, notre hôte3 nous a emmenés dans nos chambres.

Ma chambre était grande ; quand je suis entré, j’ai tremblé. Je croyais entrer dans un monde nouveau. La chambre était meublée avec des meubles et des objets de style Régence4. Tout semblait avoir servi la veille. Deux ou trois robes et d’autres objets étaient par terre. Une tabatière5 pleine de tabac frais était posée sur la cheminée*. Étrange !

J’ai recommencé à trembler. J’ai enlevé mes vêtements, je me suis couché, je me suis tourné vers le mur pour ne rien voir et j’ai fermé les yeux. Mais je n’ai pas pu rester ainsi : le lit a bougé sous moi. Je me suis retourné et j’ai regardé.

Grâce au feu de cheminée, on voyait très bien les personnages qui étaient sur la tapisserie* et les gens qui étaient sur les tableaux. C’étaient les aïeux6 de notre hôte.

1. Cafetière : pot où on met le café.

2. Torrent : ruisseau de montagne en pente qui coule très vite.

3. Un hôte : personne qui invite et reçoit dans sa maison.

4. Style Régence : style de décoration des années 1700-1730.

5. Tabatière : pot où on met le tabac.

6. Aïeux : ancêtres, grands-parents, arrière-grands-parents…

Tout à coup, le feu a flambé et j’ai vu que ce que je croyais être des peintures était la réalité ; les yeux des personnages bougeaient ; leurs lèvres s’ouvraient et se fermaient, mais je n’entendais pas ce qu’ils disaient. J’entendais le bruit de la pendule* et le bruit du vent.

J’étais terrifié. Mes cheveux se dressaient sur mon front, mes dents claquaient.

La pendule a sonné onze heures du soir. Quand le onzième coup a sonné… Oh non ! Je n’ose pas dire ce qui est arrivé. Personne ne me croira. On me prendra pour un fou.

Les bougies* se sont allumées toutes seules ; le feu bougeait comme si quelqu’un s’en occupait. Puis une cafetière est partie d’une table où elle était. Elle a marché vers le feu, où elle s’est installée. Quelques instants après, les fauteuils ont commencé à bouger, et, avec leurs pieds, ils sont venus se mettre autour de la cheminée.

Je ne savais pas quoi penser ; mais ce que j’allais voir était encore plus extraordinaire.

Un des portraits, le plus vieux, celui d’un homme gros avec une barbe grise, a sorti la tête du tableau. Après de grands efforts, il a fait passer ses épaules et son gros ventre hors du tableau. Puis il a sauté par terre. Il a sorti de la poche de son habit une clef très petite ; il a soufflé dedans pour la nettoyer, puis il l’a mise sur tous les tableaux les uns après les autres.

Tous les tableaux se sont ouverts et les gens qui étaient dedans sont sortis : curés, femmes sèches et jaunes, juges dans de grandes robes noires, hommes, l’épée vers le haut. Tous ces personnages faisaient un spectacle bizarre. J’avais peur, mais j’ai ri.

Elle était assise dans un fauteuil près de la cheminée, et ne s’intéressait pas à ce qui se passait. Elle était très belle ; une peau très blanche, des cheveux blonds, de longs cils et des yeux bleus très clairs. J’ai compris que si j’aimais quelqu’un un jour, ce serait elle. J’ai sauté hors du lit et je suis allé vers elle. Tout à coup, j’étais à ses genoux, une de ses mains dans les miennes, et je discutais avec elle comme si je la connaissais depuis vingt ans.

Je ne sais pas pourquoi, mais pendant que je lui parlais, ma tête bougeait avec la musique et mes pieds voulaient danser. Je n’osais pas lui demander de danser. Mais elle a sans doute compris, car elle a montré la pendule et a dit :

– Quand l’aiguille de la pendule sera là, nous verrons, mon cher Théodore.

Je n’étais pas étonné qu’elle m’appelle par mon prénom. Nous avons continué à parler. Enfin, l’heure a sonné et la voix a dit :

– Angéla, vous pouvez danser avec monsieur, si cela vous fait plaisir. Mais vous savez ce qui arrivera.

– Cela n’a pas d’importance, a répondu Angéla.

Et elle a passé son beau bras blanc autour de mon cou.

Nous avons commencé à danser. Sa poitrine touchait ma poitrine, sa joue touchait ma joue. J’étais très ému. J’entendais battre mon cœur. Nous dansions sans problème et c’était étrange car l’orchestre jouait encore plus vite. Les gens qui nous regardaient criaient bravo, frappaient avec force dans leurs mains, mais on n’entendait rien.

Tout à coup, Angéla a semblé fatiguée ; elle s’appuyait sur mon épaule comme si ses jambes ne marchaient plus ; ses petits pieds bougeaient avec difficulté.

– Angéla, vous êtes fatiguée, lui ai-je dit. Reposons-nous.

– Je veux bien, répondit-elle. Mais, pendant que nous

dansions, ils se sont tous assis ; il n’y a plus qu’un fauteuil, et nous sommes deux.

– Cela n’a pas d’importance, mon bel ange. Je vous prendrai sur mes genoux. ***

Aussitôt, Angéla s’est assise, m’a entouré avec ses bras et a caché sa tête dans ma poitrine pour se réchauffer un peu.

Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ainsi. Je ne savais plus l’heure qu’il était et l’endroit où nous étions. Le monde réel n’existait plus pour moi. L’alouette10 a chanté, une lumière pâle est apparue sur les rideaux*. Quand Angéla l’a vue, elle s’est vite levée, m’a fait un geste d’adieu, et, après quelques pas, elle a poussé un cri et est tombée par terre. J’ai couru pour l’aider. Mais… elle n’était plus là. À sa place, j’ai vu la cafetière cassée en mille morceaux.

Quand j’ai vu cela, je n’ai rien compris. J’étais si effrayé que je me suis évanoui.

Quand je me suis réveillé, j’étais dans mon lit ; Arrigo Cohic et Pedrino Borgnioli étaient debout à côté de moi.

Quand j’ai ouvert les yeux, Arrigo a dit : – Eh bien ! Qu’as-tu fait cette nuit ? Ce matin, quand j’ai vu que tu ne descendais pas, je suis entré dans ta chambre, et je t’ai trouvé par terre, bien habillé. Tu serrais dans tes 10. Une alouette : oiseau.

LECTURES CLE

EN FRANÇAIS FACILE

LA CAFETIÈRE ET AUTRES CONTES FANTASTIQUES

Théophile Gauthier

Ce livre présente cinq contes fantastiques qui nous entraînent dans un monde étrange…

Une cafetière qui se transforme en jolie jeune femme la nuit, un oreiller qui parle à une petite fille, un pied de momie qui marche tout seul ou encore des personnages des tapisseries qui prennent vie ! Est-ce possible ou estce un rêve ? Veut-on vraiment le savoir …

MOTS

GRANDS ADOS ET ADULTES

Les audio sont disponibles sur www.anayaeducacion.es

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