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Sommaire

Numéro 2014/4 SOMMAIRE I.C. Régulation internationale

Éditorial Le succès des monnaies alternatives . . . . . . . . . . . Pauline P

3

II.A. Régulation européenne Redressement et résolution des établissements de crédit – Adoption du Mécanisme de résolution unique (MRU) . . . . . . . . . . . . . . . . . . Anne-Claire R

Dossier : La monnaie virtuelle Le bitcoin et les crypto-monnaies : nouveaux modèles, questions persistantes . . . . . . . . . . . . . . . Ludovic D

II. Régulation bancaire

Réforme du dispositif de garantie des dépôts . . . Myriam R 7

La « bitlicense » – Perspective nord-américaine d’un cadre juridique pour une « bitgeneration » encore en devenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vincent J

12

L’encadrement juridique de la monnaie virtuelle au Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Marc L

Comptes – Adoption de la directive relative aux frais de gestion des comptes de paiement et à l’accès à un compte de paiement . . . . . . . . . . . Caroline H-B

75 76

78

II.B. Régulation comparée

21

Le dispositif prudentiel de traitement du risque de défaillance des établissements de crédit dans la zone CEMAC . . . . . . . . . . . . . . . . Alain K S

80

e monitoring and regulation of financial innovation: the case of virtual currencies and the European Banking Authority . . . . . . . . . . . . . . Dr Dirk H

28

La prévention de l’insolvabilité des banques par le FOGADAC, au regard du droit des procédures collectives d’apurement du passif . . . Henri Désiré M K B

89

Quelles règles pour l’encadrement de la monnaie virtuelle en France ? . . . . . . . . . . . . Pauline P

39

II.C. Régulation internationale

Le statut fiscal de la « monnaie virtuelle » en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Régis V

III. Régulation assurantielle 44

III.A. Régulation européenne Législation

Publication de la directive « Omnibus II » : quelle portée sur l’élaboration de la législation assurantielle européenne ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pauline P

Chroniques I. Régulation financière I.A. Régulation européenne La nouvelle réglementation des abus de marché Laurie D

52

I.B. Régulation comparée Client protection under Belgian financial law: recent developments in information duties, product intervention and beyond . . . . . . . . . . . . . Gaëtane S W

58

Legal update: e FCA’s crowdfunding regulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Anastasia S

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Régimes de retraite : adoption d’un règlement d’exécution de la directive IRP concernant la transmission des dispositions nationales de nature prudentielle relative aux régimes de retraite professionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Jérôme C Travaux de l’EIOPA

Rapport de l’AEAPP sur les situations préjudiciables aux membres et bénéficiaires de régime professionnel de retraite – Illustration de la « surveillance sectorielle active » dans le domaine des régimes de retraite 103 Jérôme C

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Sommaire

III.B. Régulation comparée

V. Fiscalité des services financiers

III.C. Régulation internationale

V.A. Fiscalité directe (Libertés au sein du marché intérieur)

Dialogue transatlantique et assurance . . . . . . . . . 105 Adrien T

IV. Régulation intersectorielle

La nouvelle directive Épargne . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Patrice D

IV.B. Intégrité du marché

Le prologue d’un long débat sur la légalité de la future taxe européenne sur les transactions financières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 Tarek A et Virginie L-L

e SAC Capital affair: a user manual to understand insider trading prosecution in the United States . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 Martin H

Les recommandations BEPS de septembre 2014 : un aboutissement ou un commencement (première partie) ? . . . . . . . . 124 Georges C

Les risques liés aux mesures de sanctions économiques et financières par la réglementation américaine . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Anne-Dominique M

V.B. Fiscalité indirecte (Taxe sur la valeur ajoutée)

IV.A. Stabilité du marché

C.J.U.E., 10 juillet 2014, Fazenda Publica c. Banco Mais, aff. C-183/13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Sabrina L N-C

V.C. Fiscalité comparée e German Perspective on Foreign Financial Transaction Taxes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Dr. Oliver V. S

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Éditorial

LE SUCCÈS DES MONNAIES ALTERNATIVES Pauline P Professeur à l’Université de Reims

Quelle plus belle illustration pour la Revue internationale des services financiers que le succès des monnaies alternatives ? La monnaie virtuelle est au centre de toutes les attentions(1), mais elle n’est que la manifestation d’un phénomène beaucoup plus large qui montre combien la régulation des services financiers se joue des frontières. À côté de la monnaie virtuelle, monnaie transnationale, se développent des monnaies de dimension plus modestes, des monnaies locales, également désignées sous le terme de monnaies complémentaires(2), qui connaissent le succès dans de nombreux pays. Ces monnaies locales se développent en France(3), mais également dans d’autres États, que ce soit en Europe, comme au Royaume-Uni(4), aux PaysBas(5), en Belgique(6), mais encore aux États-Unis(7)

1. 2. 3.

4.

5. 6.

V., dans ce numéro, le dossier sur « La monnaie virtuelle ». V. http://communitycurrenciesinaction.eu/fr/. Plusieurs monnaies locales existent. Par exemple : le SolViolette à Toulouse : http://www.sol-violette.fr/ ; la pêche à Montreuil : http://peche-monnaie-locale.fr/monnaie/ ; SoNantes à Nantes, qui est encore à un stade expérimental, mais qui devrait être lancée en janvier 2015 : http://www.sonantes.fr/. V. Bank of England, «Banknotes, local currencies and central bank objectives », Quarterly Bulletin 2013 Q4 : http://www.bankofengland.co.uk/publications/ Documents/quarterlybulletin/2013/qb130403.pdf. Parmi les monnaies locales, on peut citer le Brixton Pound : v., http://brixtonpound.org/ et le Spice Time Credit : http://www.justaddspice.org/time-credits.html. TradeQoin : https://tradeqoin.com/en/. E-Portemonnee : http://communitycurrenciesinaction.eu/e-portemonnee/.

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ou en Amérique du Sud(8). Ces nouvelles monnaies privées suscitent un intérêt grandissant, qui ne peut laisser indifférent. Le recours à ces systèmes d’économies parallèles, qui témoigne d’une défiance à l’égard de l’État, n’est pas nouveau et a déjà suscité certaines interrogations. Mais alors que la monnaie virtuelle fait l’objet de multiples alertes de la part des régulateurs, pour les monnaies locales le choix a plutôt été celui du non-droit(9). Pourtant, ne pourrait-on pas dire que ces monnaies locales témoignent d’une réappropriation de la monnaie par les usagers, qui se soustraient par ce biais à l’État ? Le retour à ces monnaies locales ne renoue-t-il avec une imagerie monétaire locale, qui reflète, dans cet univers mondialisé, un retour à l’échelle locale remettant en cause la souveraineté étatique(10) ? La monnaie locale ou monnaie complémentaire repose sur un système géographiquement circonscrit, dont le but est de promouvoir les échanges entre les agents économiques locaux (professionnels ou consommateurs). En France, ce système s’est développé à partir des systèmes d’échanges locaux (SEL), associations soumises à loi de 1901 permettant à chacun des sociétaires entrant en SEL d’offrir ou de consommer des biens et des services émanant des autres. En réalité, il n’y a pas d’échange en dépit de la terminologie utilisée, puisque toute prestation est fournie dans la perspective future d’une contrepartie matérielle, qui ne sera pas forcément

7.

Par exemple : Life Dollars, CHE, Bay Bucks. V. « Local currencies : in the US we don’t trust », CNNMoney : http://money.cnn.com/2012/01/17/pf/local_currency/. 8. Au Brésil, Banco Palmas Currency. 9. R. L, « Actualité du non-droit : les systèmes d’échanges locaux », R.T.D. civ., 1998, p. 800. 10. J. C, « L’imagerie des monnaies », in Flexible droit, LGDJ, 10 éd., 2001, p. 393, spéc. p. 398 : « c’est dans une relation sémantique au souverain que se constitue l’imagerie monétaire. Ce qui la définit, c’est le pouvoir qu’elle a d’évoquer l’État, la société, le pays ». Adde J.-M. B, « Qu’est-ce que la monnaie ? », JCP, éd. E, 2001, p. 1905.

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Éditorial

Éditorial

le fait du bénéficiaire de la prestation effectuée(11). Le recours à une monnaie locale franchit une étape supplémentaire, puisqu’il y a émission de monnaie locale afin de réaliser des transactions non monétaires, extérieures au marché. Cette dérogation au monopole des services de paiement pourrait trouver sa source dans le droit européen, en particulier dans l’exception de réseau limité(12). En droit français, la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire consacre désormais les « titres de monnaie locale complémentaire », dont les émetteurs sont soumis aux dispositions relatives aux établissements de crédit lorsque l’émission ou 11. R. L, préc. 12. V., au niveau européen, directive n 2007/64/CE du 13 novembre 2007, article 3, k) et directive n 2009/110/ CE du 16 septembre 2009, considérant 5 et article 1, § 4. V., en France, article L. 521-3, I, du Code monétaire et financier. Adde, sur l’exception dite de « réseau limité », C.E., 24 avril 2013, n 354957 (« En dehors de l’hypothèse des franchises commerciales et de celle des chaînes de magasins placées sous une enseigne commune, un réseau peut également être regardé comme conforme aux exigences de l’article L. 521-3 du CMF s’il satisfait à des critères objectifs, tels que, notamment, un périmètre géographique circonscrit, (…) ») : D., 2013, pan., p. 2423, note H. S ; JCP, éd. E, 2013, p. 1662, spéc. n 5, note J. S ; Banque et droit, juillet-août 2013, p. 15, note T. B ; RD banc. fin., 2013, comm. 147, note T. S.

4

la gestion de ces titres relèvent des services bancaires de paiement ou à celles relatives aux prestataires de services de paiement et aux émetteurs de monnaies électroniques lorsqu’elles relèvent des services de paiement ou de la monnaie électronique(13). À la différence de la monnaie virtuelle, l’objectif de ces monnaies locales est solidaire : l’engagement est politique, puisqu’il s’agit de participer à la réinsertion économique et sociale, particulièrement cruciale en période de crise économique. Il est aussi local, puisqu’il est circonscrit à une zone géographique particulière. Ces monnaies ont pour point commun de n’être utilisées qu’au sein de la communauté géographique et de ne pas donner prise, en principe, à la spéculation. Cette finalité justifie certainement, outre son objectif affiché de solidarité, la mansuétude des pouvoirs publics. Qu’elles soient monnaies virtuelles ou monnaies locales, le développement de ces monnaies alternatives à la monnaie légale interroge pourtant la notion de monnaie et, audelà, la souveraineté étatique. La monnaie semble en effet prise dans des vents contraires : si certaines monnaies nationales se sont éteintes, fondues dans l’euro, la multiplication de nouvelles monnaies montre pourtant la modernité et la créativité du phénomène monétaire. 13. L. n 2014-856 du 31 juillet 2014. V. art. L. 311-5 du Code monétaire et financier modifié et art. 1 de la loi du 31 juillet 2014, qui définit le domaine de l’économie sociale et solidaire.

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Le bitcoin et les crypto-monnaies : nouveaux modèles, questions persistantes

Dossier

LE BITCOIN ET LES CRYPTO-MONNAIES : NOUVEAUX MODÈLES, QUESTIONS PERSISTANTES

Ludovic D Maître de conférences LEDi, UMR CNRS 6307, Université de Bourgogne

L’essor impressionnant du nombre de transactions menées en bitcoins – et plus généralement en crypto-monnaies – attire de nombreux commentaires. Ce texte vise à évaluer les mutations en cours du point de vue de l’évolution des systèmes de paiements. Nous commencerons par préciser la distinction à opérer entre monnaies électroniques et crypto-monnaies : alors que les premières sont déjà largement utilisées depuis des décennies au sein du système financier, les protocoles de cryptage ont introduit depuis  une nouvelle logique de transferts entre agents. Les transferts via bitcoins substituent au système traditionnel (qui suppose un « tiers de confiance » entre le payeur et le payé) un modèle décentralisé, a-bancaire et a-étatique. Nous nous intéresserons aux arguments développés par les partisans de ce type d’instrument avant d’évoquer les problèmes économiques posés par l’essor des crypto-monnaies.

The impressive development of the number of transactions in bitcoins – and more generally in crypto-currencies – attracts numerous comments. This text aims at estimating this development within the overall evolution of the systems of payments. We begin by specifying the distinction between e-money and crypto-currencies: while e-money transfers are widely used for decades, encryption protocols introduced a new logic of transfers between agents since . Bitcoins transfers substitute the traditional system (who supposes a ”trusted third party” between the drawer and the payee) by a decentralized model, without banks and states. We will investigate the arguments developed by the partisans of this type of instrument before evoking the economic problems raised by the development of crypto-currencies.

En 2014, on estime à 60 000 le nombre moyen de transactions journalières transmises par le système bitcoin, dont l’encours total mesuré en dollars avoisine les 6 milliards (toutes les statistiques sont consultables sur le site blockchain.info). Le volume d’opérations pourrait rivaliser avec celui des transferts opérés par Western Union. Pour ses partisans, le bitcoin constitue une « insurrection », voire une « révolution » menée sur le terrain des moyens de paiement. Il peut paraître étonnant de voir ce type de terminologie accolé à une modalité nouvelle de paiement, mais il est sûr que l’utilisation croissante de crypto-monnaies du type bitcoin a des répercussions importantes en termes de sécurisation des transactions, de régulation commerciale et fiscale, de fonctionnement du système financier, de politique monétaire... Enthousiastes et sceptiques rivalisent de dynamisme pour louer ou condamner les crypto-monnaies et de multiples angles d’analyse sont proposés : manifestation d’une nouvelle économie participative (collaborative common, Riin), avènement d’un moyen de paiement libéré de l’emprise étatique (Hayek money), alternative à un pouvoir bancaire oppressif, épisode spéculatif assimilable à une bulle financière (N. Roubini, P. Jorion) ou simple « fausse monnaie »…(1). Il nous semble que pour évaluer la portée des changements en cours, 1.

J. R, e zero marginal cost society, New York, Palgrave MacMillan, 2014 ; F.M. A « Hayek Money : the Cryptocurrency Price Stability Solution », 2014, www.hayekmoney.org.

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un retour sur l’évolution des systèmes de paiement est utile. Notons en préambule que le développement de protocoles cryptographiques permettant des transferts décentralisés de compte à compte contrevient à la logique monétaire traditionnelle. En effet, les relations monétaires entre agents découlent de l’articulation entre une sphère marchande alimentée en crédit par les banques et un système de règles qui déclare tel moyen de paiement comme légal sur un territoire. C’est dans la délicate cohésion à construire entre procédures privées et publiques que réside depuis des siècles la difficulté à analyser « l’ambivalence de la monnaie »(2). Autrement dit, dans les processus de création et de circulation monétaire, deux logiques interagissent, celle du « sceau » politique (apposé par le pouvoir fiscal) et celle de la « signature » (de l’emprunteur, dont la qualité est appréciée par le prêteur)(3). L’interaction entre procédures étatiques et bancaires est aujourd’hui malmenée par l’essor des crypto-monnaies. 2. 3.

M. A, « L’ambivalence de l’argent », Revue française d’économie, 1988, vol. 3, n 3, pp. 87-133. V. A. O, « La monnaie autoréférentielle : réflexions sur les évolutions monétaires contemporaines », in La monnaie souveraine, M. A et A. O (dir.), Paris, O. Jacob, 1998, pp. 359-386. La théorie étatique de la monnaie a été développée par G.F. Knapp il y a plus d’un siècle, l’approche centrée sur les pratiques bancaires sera ensuite développée par les keynésiens.

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Dossier

La monnaie virtuelle

Pour tenter d’évaluer les mutations en cours, nous commencerons par préciser la distinction à opérer entre monnaies électroniques et crypto-monnaies, avant d’évoquer le cas particulier du bitcoin. Ensuite, nous nous intéresserons aux arguments développés par les partisans de cet instrument, enfin nous évoquerons quelques-uns des problèmes posés par l’essor des crypto-monnaies.

I. Quelques précisons sur les moyens de paiement électroniques En 2002, un rapport de l’OCDE intitulé « L’avenir de l’argent » prédisait : « le destin de l’argent est de devenir numérique ». En fait, la nouveauté du bitcoin ne consiste pas à transmettre les paiements par voie électronique, car ce type de procédure existe déjà depuis des décennies. En effet, dès 1973, le réseau international SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) proposait la mise en place d’un format standardisé pour assurer les virements entre établissements et permettant aux Banques centrales, banques commerciales et institutions financières d’échanger des informations par voie électronique. Dans les années 1980, les groupements de cartes de crédit garantissent la sécurité de leur plastic money. En 1994, Netscape Communications est à l’origine du protocole Secure Sockets Layer (SSL), en collaboration notamment avec Mastercard et Bank of America. L’accent est alors mis sur la sécurisation dans les transferts d’informations financières. Avec l’essor des nouvelles technologies de la communication et l’utilisation massive d’internet, le système PayPal a permis en 2000 d’assurer des transferts d’argent par courrier électronique, avec accès sécurisé au compte-chèques ou à la carte bancaire du correspondant. Ce système élargit le champ des possibilités de paiement. Ainsi, depuis plus d’une décennie, l’évolution des techniques informatiques a permis aux virements numériques de se généraliser. Cependant, ces systèmes supposaient toujours un adossement au système bancaire, qui contrôlait le bon déroulement des opérations de compte à compte. En 1988, on estimait à raison que « l’utilisation de l’électronique dans la manière de donner les ordres de paiement ou de transférer des fonds, n’a pas généré, jusqu’à présent, une nouvelle forme de monnaie, à côté de la monnaie fiduciaire (espèces) et de la monnaie scripturale (comptes) »(4). Depuis 2009, la floraison de crypto-monnaies dessine de nouvelles potentialités : des opérations de codage organisent le transfert de plus de 500 unités aux appellations plus ou moins exotiques (litecoin, peercoin, 4.

8

P. A, « La monnaie électronique : régime juridique », in Droit et monnaie - États et espace monétaire transnational, Credimi, Litec, 1988, pp. 302-315, p. 305.

dogecoin, mastercoin, darkcoin, greececoin, auroracoin, ronpaulcoin, einsteinium…). Les développeurs de ces instruments mettent en avant leur logique coopérative. Mais comment engendrer une monnaie électronique court-circuitant les banques centrales et commerciales tout en garantissant un usage sécurisé ? En fait, la résolution du conflit décentralisation/confidentialité serait résolue grâce à des formules de cryptage asymétrique : la cryptographie à clé publique assure la confidentialité d’un message par l’usage de deux clés, une clé privée individuelle (secrète) et une clé publique (connue de tous). Un message chiffré avec une clé publique ne peut être déchiffré qu’avec l’autre partie de cette clé (privée). Partant, pour transférer des sommes d’argent, un simple accord entre deux parties (peer to peer) suffirait, sans intervention d’« intermédiaires de confiance » (comme c’est le cas dans les paiements par carte bancaire ou via PayPal). Ces crypto-monnaies permettraient donc de minimiser les coûts de transaction (pas de commissions versées à Master, Visa ou autre). Rappelons-le, l’essor des crypto-monnaies ne marque pas la naissance des monnaies électroniques ou virtuelles, déjà généralisées au sein du système financier(5). En revanche, les protocoles de cryptage introduisent une nouvelle logique de transferts entre agents : ils substituent au système traditionnel (qui suppose un « tiers de confiance » entre le payeur et le payé) un modèle décentralisé. Pour construire ces réseaux parallèles, on crée des unités de compte ex nihilo. Les réseaux assurent la circulation de signes (tokens), dont le statut juridique et économique est incertain(6). Si l’on reprend le texte de la Banque centrale européenne à ce propos, monnaies électroniques et crypto-monnaies sont considérées comme deux formats virtuels, mais dans le premier cas, les opérations sont libellées en monnaies légales (avec des émetteurs clairement identifiés), dans le second les unités n’ont pas de reconnaissance assurée (incertitude concernant les émetteurs).

II. Les principes de base du système bitcoin Bitcoin est un système de signes cryptographiques distribués via internet et affichés comme instruments de

5.

6.

Dans une perspective très longue, Graeber note d’ailleurs : « Il est faux que nous ayons commencé par le troc, puis découvert la monnaie, et enfin développé des systèmes de crédit. […] La monnaie virtuelle, comme nous l’appelons aujourd’hui est apparue la première. Les pièces de monnaie sont venues bien plus tard », D. G, Dette, 5000 ans d’histoire, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2013, p. 53. ECB/BCE, « Virtual currency schemes differ from electronic money schemes insofar as the currency being used as the unit of account has no physical counterpart with legal tender status », Virtual currency schemes, Francfort, 2012, p. 5.

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paiement. Littéralement « espèces constituées par des unités d’information » (bits), l’idée de ce protocole a été rendu publique dans un document de neuf pages publié sur internet par un certain Satoshi Nakamoto (un pseudonyme) début 2009. Ce document mêle des considérations économiques, logiques et techniques. D’après son (ou ses) auteur(s), l’architecture proposée est née d’une insatisfaction vis-à-vis du système monétaire conventionnel (« e root problem with conventional currency is all the trust that’s required to make it work. e central bank must be trusted not to debase the currency, but the history of fiat currencies is full of breaches of that trust. Banks must be trusted to hold our money and transfer it electronically, but they lend it out in waves of credit bubbles with barely a fraction in reserve »(7)). Selon Nakamoto, si chacun devient vérificateur et appose son sceau sur les transactions, on peut se passer des banques et des États. Encore faut-il éviter la circulation de fausses créances ou l’accumulation de doubles paiements… C’est pourquoi le principe proposé dans le programme de 2009 consiste à créer des unités de paiement enchaînées en « blocs ». La validation continuelle de la communauté des utilisateurs de ces blocs rendrait les bitcoins infalsifiables. Chaque unité transporte donc avec elle la mémoire des transactions (de A à B à C…), mais cette mémoire est cryptée. Ainsi, toute nouvelle transaction (depuis la dernière validation de bloc) est transmise à tous les nœuds de calculs. Dans le cas de bitcoin, la fonction SHA-256 crée des empreintes de 256 bits, soit 32 caractères. Si quiconque tente de modifier une seule information à l’intérieur du bloc (et donc de modifier l’historique des transactions passées), l’empreinte n’est plus valable. La vérification de la circulation entre agents est assurée par un protocole diffusé via un logiciel libre (open source). Selon Nakamoto, la création de bitcoins doit répondre à une rémunération, versée en échange d’un effort (une proof of work). Le « travail », en l’occurrence, consiste à résoudre un défi numérique : le premier « mineur » à avoir résolu ce défi est crédité en bitcoins. Nakamoto a lui-même « pioché » les 50 premiers bitcoins le 3 janvier 2009, puis l’expansion s’est produite de manière virale. Au départ, la rémunération était de 50 unités toutes les dix minutes, 25 unités désormais. Afin d’éviter les accusations de création infinie de moyens de paiement, l’extinction du bitcoin a été programmée dès l’origine dans le code source : au seuil de 21 millions d’unités, la rétribution disparaîtra (à l’horizon 2140). Bitcoin se présente donc comme un système panoptique permettant à chaque membre de la communauté de valider les transferts de signes entre deux usagers. Il n’y a plus besoin de centre organisateur à l’intérieur du système : tous les membres de la communauté deviennent vérificateurs, rendant inutile le rôle des intermédiaires financiers traditionnels. Ainsi, on se dispense 7.

S. N, « Bitcoin open source implementation of P2P currency », P2P foundation, 11 février 2009. Du même auteur, v. « Bitcoin : A Peer-to-Peer Electronic Cash System », 2009, www.bitcoin.org.

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des banques pour évaluer la qualité des signatures et centraliser les opérations. Le système ne peut néanmoins demeurer clos : pour opérer des achats, les bitcoins doivent être acceptés dans la sphère « réelle » (achats de biens et de services), et des agents non « mineurs » peuvent en acquérir. En conséquence, un taux de change avec les monnaies étatiques/bancaires traditionnelles est établi(8).

Dossier

Le bitcoin et les crypto-monnaies : nouveaux modèles, questions persistantes

III. Un retour aux sources du monnayage ? Les termes employés pour décrire le fonctionnement des crypto-monnaies ravivent l’histoire des pratiques de monnayage : on paie en « espèces » (coins), on « frappe » ces instruments (minting), les membres des communautés sont qualifiés de « mineurs » (diggers)... Le rapport aux moyens de paiement métalliques est abondamment souligné dans le vocabulaire utilisé et dans l’iconographie (les outils de prospection sont souvent représentés sur les sites de minage). Ainsi, les crypto-monnaies apparaissent comme une involution dans l’histoire des instruments de paiement, un retour à une époque pré-bancaire. Ceci n’est pas fortuit : la cryptographie et les réseaux informatiques permettraient à leurs utilisateurs de construire des espaces marchands sans banque et basés sur des relations interindividuelles. Une reconfiguration générale des valeurs entraînée par cette mutation supprimerait les intermédiaires financiers à la réputation particulièrement entachée depuis la crise des subprimes. Il n’échappe à personne que cette créativité intervient en pleine crise économique, alors que la confiance dans le système bancaire a été sévèrement érodée. En termes de pouvoir monétaire ou financier, les crypto-monnaies constitueraient un moyen de « démocratiser la finance » au sein d’espaces alternatifs (transnationaux). Dans l’imaginaire collectif, des moyens de paiement reprenant les principes des systèmes métalliques auraient l’avantage d’être soustraits à l’arbitraire d’un pouvoir politique très enclin à manipuler les cours (dévaluations ou réévaluations, etc.). Ainsi, les crypto-monnaies organisent des espaces sans souverain, sur lesquels transitent des monnaies a-bancaires. Ce type d’arguments convient tout particulièrement aux économistes de l’école autrichienne, dans le sillage de Ludwig von Mises ou de Friedrich Hayek. Ce dernier défendait dans un ouvrage de 1976 la « dénationalisation de la monnaie ». La Hayek money emprunterait aujourd’hui une forme crypto-monétaire. Un au8.

« Certaines plates-formes internet se sont créées en conséquence afin de permettre l’achat et la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal (euro, dollar, etc.), permettant ainsi à des utilisateurs n’ayant pas participé au processus de création d’acquérir cette monnaie virtuelle », Banque de France, « Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles », Focus, décembre 2013, p. 2.

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teur contemporain appartenant au Mises Circle, Pierre Rochard, compare trois formes monétaires : les métaux précieux, les bitcoins et les monnaies fiduciaires bancaires (fiat money). La première et la deuxième auraient une rareté naturelle ou programmée, alors que la dernière est « arbitrairement » gérée. Métaux précieux et bitcoins seraient infalsifiables alors que la contrefaçon deviendrait « inévitable » pour les monnaies bancaires (considérées comme artificielles)(9). En période de quantitative easing (assouplissement quantitatif) ayant provoqué un gonflement hors normes des bilans des banques centrales, ce type d’arguments reçoit donc des échos favorables.

Ainsi, les crypto-monnaies organisent des espaces sans souverain, sur lesquels transitent des monnaies a-bancaires.

Dans les cercles hayékiens, le bitcoin et les cryptomonnaies possèdent d’indéniables avantages sur les monnaies bancaires traditionnelles : au contraire de la création monétaire usuelle, le monde des unités numériques (bits) quasi métalliques (coins) serait garant d’une authenticité, car ancré dans l’effort nécessaire à leur extraction. À l’instar du métal, pour lequel la nature est avare, les algorithmes organisent une rareté nécessaire.

IV. Limites internes et externes On revient en détail dans certaines contributions de ce numéro sur les obstacles institutionnels et juridiques qui peuvent obérer le développement du bitcoin : les activités illégales se greffent sur le réseau, de nombreuses questions fiscales naissent, la législation à appliquer pose problème... Du point de vue des banquiers centraux, le risque de perdre le contrôle de la politique monétaire se précise(10). Ces obstacles sont liés 9.

P. R, « e Bitcoin Central Bank’s Perfect Monetary Policy », e Mises Circle, 15 décembre 2013. Cependant, pour Hayek, les monnaies concurrentielles devaient être émises par des banques. 10. Il y a quinze ans, le gouverneur de la Banque d’Angleterre prévenait à propos des innovations monétaires et financières : « e key to any such developments is the ability of computers to communicate in real time to permit instantaneous verification of the credit worthiness of counterparties, […]. Central banks would lose their ability to

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à l’articulation du système crypto-monétaire vis-à-vis de règles qui lui sont externes. Mais les problèmes se posent à l’intérieur même de l’espace bitcoin. En premier lieu, la complexification croissante des lignes de code à décrypter pour miner et valider les paiements entraîne une course à l’équipement informatique (hashrate war)(11). Ceci tend à dénaturer le modèle initial qui était présenté sur un mode coopératif (distribué par open source). Cinq ans plus tard, il faut mobiliser des puissances de calcul (et une consommation énergétique) telles que le « mineur » isolé voit sa capacité de gain en bitcoins s’amenuiser drastiquement. Du coup, des intermédiaires proposent de regrouper les efforts à l’intérieur de pools. Étant donné la puissance nécessaire désormais pour résoudre les algorithmes, quelques rares coopératives (telles que Ghash.io, Discus Fish, Eligius ou BTCguild) se partagent la majorité de la puissance de minage. On assiste donc à une cartellisation des activités. Cette concentration pose de plus en plus « le problème des 51 % » : si un groupe de mineurs accède à la majorité de la puissance de calcul dans le système, il pourrait remodeler les blocs de validation à son avantage, pour créditer ses partenaires. C’est la configuration qui est survenue le 12 juin 2014 pour Ghash.io, ce qui a provoqué une chute du cours en dollars. Une question majeure est celle de la volatilité des cours du bitcoin : « Ainsi, à l’occasion de crises économiques ponctuelles, comme la restructuration de la dette grecque en 2011 ou celle de Chypre en 2013, il a vu rapidement son cours doubler, pour frôler les 200 dollars, avant de retomber rapidement à ses valeurs d’avant crise »(12). Le cours de la première cotation du bitcoin en USD en octobre 2009 a été établi en prenant en compte le coût de l’électricité utilisée par un ordinateur employé à produire cette crypto-monnaie(13). Inférieur à 1 dollar, ce cours a ensuite atteint les 1 000 pour aujourd’hui avoisiner les 400. Or le cours des devises s’ancre sur une économie productive. D’un point de vue analytique, les émissions bancaires permettent de « monétiser » une production de biens et services. Dans le système bitcoin, que monétise-t-on ? Malgré l’idée de Nakamoto de rétribuer une proof of work, le réseau bitcoin n’est nullement un espace de producimplement monetary policy. e successors to Bill Gates put the successors to Alan Greenspan out of business », M. K, « Challenges for Monetary Policy : New and Old », 19991, www.bankofengland.co.uk, p. 411. 11. « By January 2014, the computational power of the network reached 200 petaflops, roughly 800 times the collective power of the top 500 supercomputers on the globe », T. S, e Anatomy of a Money-like Informational Commodity : A Study of Bitcoin, Creative commons, 2014, p. 12. Étant donné le coût de l’équipement du mineur, la « proof of work » de Nakamoto devient une « proof of capital »... 12. M. C et B. V, « Le bitcoin : défi à la souveraineté monétaire des États et ressource pour le blanchiment d’argent », Regards croisés sur l’économie, 14, 2014, pp. 122-125, p. 123. 13. V. le site New Liberty Standard.

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tion. Champ d’échanges au sein duquel on consomme l’énergie nécessaire à la résolution d’algorithmes, le réseau bitcoin est un lieu de dépenses en tout genre dont l’arrimage au monde « réel » demeure problématique.

Conclusion Les crypto-monnaies introduisent une dimension nouvelle dans le débat ancien sur l’ambivalence de la monnaie, qui mêle logiques bancaires et étatiques. Depuis la parution du texte de Satoshi Nakamoto et la diffusion du bitcoin, on assiste au développement d’unités a-bancaires et a-étatiques dont la prolifération attise à juste titre les réflexions.

Au final, on peut estimer que les crypto-monnaies sont des actifs régis par une logique de choix de portefeuille, et non des monnaies au sens

plein du terme.

D’un point de vue juridique, Denis Beau, directeur général des opérations à la Banque de France, estimait devant la commission des finances en janvier 2014 que

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« Considérer le bitcoin comme une monnaie est un abus de langage, il ne relève pas du code monétaire »(14). D’un point de vue économique, la qualité de chaque bitcoin peut représenter in fine une faiblesse : puisque chaque unité transporte la mémoire de chaque transaction à laquelle elle a été liée, toutes les unités sont intrinsèquement différentes. Cette garantie qui leur confère un caractère infalsifiable pose cependant une hypothèque sérieuse : pour éviter d’utiliser des bitcoins ayant été utilisés par certaines adresses proscrites ou inclus dans des transactions illégales, les agents seront amenés à sélectionner entre « bonnes » et « mauvaises » unités(15). Or une caractéristique essentielle de la monnaie au sens plein du terme réside dans la parfaite homogénéité et substituabilité des unités (la compensation bancaire ne permet pas de sélectionner entre des qualités diverses d’euros émis par des réseaux bancaires distincts). À terme, cette possibilité de choix à l’intérieur du système bitcoin peut conduire à une sélection qui freinerait ou bloquerait les transactions. Au final, on peut estimer que les crypto-monnaies sont des actifs régis par une logique de choix de portefeuille, et non des monnaies au sens plein du terme. La nature monétaire du bitcoin n’est donc pas avérée économiquement.

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Le bitcoin et les crypto-monnaies : nouveaux modèles, questions persistantes

14. Commission des finances, « Enjeux liés au développement des monnaies virtuelles de type bitcoin », janvier 2014. 15. « Bitcoins are not alike. Each transaction is a descendant of a unique transaction history, which is readily available in the public block chain. erefore, markets participants can, in principle, scrutinize the history and become selective in which transactions they accept ; or, with more granularity, how much they value it. e fact that most participants do not differentiate for the time being is hard to justify with economic rationality », M. M, R. B et D. B, « Towards Risk Scoring of Bitcoin Transactions », in Proceedings of the 1st Workshop on Bitcoin Research in Assocation with Financial Crypto 14, Barbados, 2014, p. 12.

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LA « BITLICENSE » – PERSPECTIVE NORD-AMÉRICAINE D’UN CADRE JURIDIQUE POUR UNE « BITGENERATION » ENCORE EN DEVENIR

Vincent J(1) Docteur en droit Représentant de la Banque de France à New York

Les monnaies virtuelles ne font pas encore l’objet d’un encadrement spécifique aux États-Unis, alors même que, toutes choses égales par ailleurs, les initiatives tendant à proposer des services prenant appui sur ces dernières, aussi protéiformes soient-elles, tendent à se multiplier. Pour l’heure, les autorités américaines en charge de superviser le secteur financier se sont ponctuellement contentées d’indiquer les conditions dans lesquelles pourraient être appréhendées, le cas échéant, celles des activités qui, impliquant les monnaies virtuelles, seraient susceptibles de tomber dans leur champ de leur compétence. Si cet encadrement, réalisé par défaut, tend à confirmer que les monnaies virtuelles ne se situent pas nécessairement dans un angle mort de la régulation financière, il n’apparaît toutefois pas totalement satisfaisant à raison de la fragmentation du périmètre de supervision institutionnel outre-Atlantique. C’est ainsi qu’en l’absence de réforme adoptée au niveau fédéral, certains États fédérés envisagent, selon leur degré de sensibilité au phénomène des monnaies virtuelles, d’amender leur corpus législatif et/ou réglementaire. Première du genre, la récente initiative du New York State Department of Financial Services (NYSDFS), visant à instituer une « BitLicense » pour ceux des opérateurs qui, n’étant pas d’ores et déjà soumis à une supervision, n’en exercent pas moins une activité professionnelle liée aux monnaies virtuelles, apparaît à cet égard emblématique du mouvement. Ainsi, la mise en place d’un régime spécifique, combinant des dispositions liées à la protection de la clientèle, à la lutte antiblanchiment et à la réglementation prudentielle, sous réserve qu’il soit considéré comme suffisamment adapté, pourrait in ne laisser entrevoir les contours de ce qui serait susceptible de constituer, à terme, un possible cadre juridique applicable aux activités construites autour des monnaies virtuelles, y compris à l’échelle fédérale, dès lors que serait souhaitée une harmonisation destinée à prévenir tout arbitrage réglementaire.

Virtual currencies are not yet subject to a specific regulation in the U.S., even though, all things being equal, protean business initiatives aiming to provide services based on these new instruments tend to multiply. For now, the U.S. authorities in charge of supervising the financial sector have basically indicated, occasionally, the conditions under which could be addressed, where appropriate, those of these activities involving virtual currencies which could fall in their field of competence. If such framework, chosen by default, tends to confirm that the virtual currencies are not necessarily located in a blind spot of the financial supervision, such observation seems not fully satisfactory being considered the fragmentation of the U.S. institutional supervision system. This is the reason why, in the absence of any reform at the federal level, some States are considering the possibility to modify their legal framework, depending of their sensibility to the virtual currencies phenomena. First of its kind, the recent initiative of the New York State Department of Financial Services (NYDFS), aiming to create a “BitLicense” for those of the operators who are not already regulated and are none the less professionals exercising an business activity linked to virtual currencies, seems to be emblematic of such tendency. Thus, the introduction of a specific regime, combining consumers’ protection, the anti-money laundering and some prudential provisions, provided it’s sufficiently tailored, could let perceive the possibility of a legal framework applicable to the activities based on the virtual currencies, even at the federal level, if a harmonization ought to be required to prevent any shopping-law.

Le 17 juillet 2014, par l’intermédiaire de son très médiatique Superintendent, Benjamin M. Lawsky, le New York State Department of Financial Services (NYSDFS)(2) a présenté, pour ensuite le soumettre à consultation, un projet de réglementation instituant une « BitLicense »(3). L’objectif poursuivi par

le régulateur financier de l’État de New York n’est autre que de fournir le réceptacle juridique permettant l’encadrement (ou l’appréhension(4)) des activités qui prennent appui sur les monnaies virtuelles(5), définies

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Les opinions exprimées dans la présente publication n’engagent que l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position de la Banque de France. Le NYSDSF, institué le 3 octobre 2011, résulte de la fusion du New York State Banking Department et du New York State Insurance Department, les deux agencies qui avaient respectivement été créées en 1851 et 1859 en vue de superviser l’exercice des activités bancaires et assurantielles au sein de l’État de New York.

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Le projet de texte est accessible en ligne : http: //www.dfs.ny.gov/about/press2014/pr1407171-vc.pdf. On ne peut manquer de relever que la publication du projet de texte est plus ou moins concomitante avec des demandes d’informations formulées par le NYSDFS, le 11 août 2014, auprès de vingt-deux sociétés dont l’activité, liée au bitcoin, fait partie intégrante d’une enquête couvrant tout à la fois la lutte antiblanchiment, la protection du consommateur et celle de l’investisseur. Conformément au New York State Administrative Proce-

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comme « un type d’unité numérique utilisée comme un moyen d’échange ou une forme de valeur numérique stockée ou incorporée dans un système technologique de paiement (…) »(6). Au rang de ces dernières figurent, bien évidemment, l’incontournable bitcoin(7), mais aussi l’ensemble de ses ersatz (Bitcoin, Ripple, etc.), dont il est piquant de constater, par ailleurs, que la mise en circulation, courant 2009, a peu ou prou été concomitante avec les ultimes soubresauts de la dernière crise financière. Si elle était attendue et avait déjà fait l’objet, en amont, de nombreux travaux préparatoires(8), l’initiative n’en constitue pas moins un événement qui fera date en ce qu’elle marque certainement une étape cruciale dans l’appréhension du phénomène émergent des monnaies virtuelles. Elle traduit tout à la fois l’importance que ce dernier pourrait revêtir dans les années à venir (alors que ne cessent de s’accumuler les indices qui laissent à penser qu’il pourrait imprégner toujours plus en profondeur le tissu économique et social(9)) et le choix des

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dures Act (SAPA), la procédure de consultation devait initialement s’achever le 5 septembre 2014, soit quarantecinq jours après que le projet de réglementation du NYSDFS eut été publié au New York State Register. Toufefois, à la demande de certaines organisations professionnelles, le NYSDFS a accepté de prolonger la période réservée pour les commentaires jusqu’au 21 octobre 2014. Cf. projet de texte, section 200.2 m) : « a type of digital unit that is used as a medium of exchange or a form of digitally stored value or that is incorporated into payment system technology (…) ». On relèvera avec intérêt que le régulateur financier de l’État de New York prend le soin d’exclure de la définition les monnaies « purement virtuelles », à savoir celles qui, créées dans le cadre des jeux en ligne, n’ont aucun lien avec l’économie réelle ou encore celles qui sont exclusivement cantonnées à un programme de fidélité (on songe ici aux fameux « miles » que les compagnies aériennes ou ferroviaires allouent à leurs clients) : « Virtual Currency shall not be construed to include digital units that are used solely within online gaming platforms with no market or application outside of those gaming platforms, nor shall Virtual Currency be construed to include digital units that are used exclusively as part of a customer affinity or rewards program, and can be applied solely as payment for purchases with the issuer and/or other designated merchants, but cannot be converted into, or redeemed for, Fiat Currency ». Fin septembre 2014, le nombre de bitcoins en circulation s’élevait à 13 313 000, pour une valeur proche des 5,5 milliards de dollars (source : bitcoin blockchain ; https://blockchain.info/fr/charts). En août 2013, le NYSDFS avait annoncé avoir amorcé un processus de réflexion en vue de développer un cadre réglementaire approprié aux activités prenant appui sur les monnaies virtuelles. Des auditions avaient par la suite été organisées en janvier 2014. Sans faire une recension exhaustive, on relèvera, par exemple, entre l’anecdotique et le substantiel, l’implantation du premier DAB (distributeur automatique de bitcoin ou BTM - Bitcoin Teller Machine) dans Manhattan (« Bitcoin ATM Debuts at Manhattan Boutique », WSJ,

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autorités financières de l’État de New York de s’en saisir dans une démarche qui se veut totalement neutre (à tout le moins dans l’énoncé(10)), notamment si l’on compare cette dernière à l’accueil nettement plus circonspect, voire clairement hostile, qui a d’ores et déjà été formulé dans certaines autres zones géographiques, que ce soit en Europe(11) ou en Asie(12). Selon ses promoteurs, l’approche retenue, agnostique, consiste, en effet, à fournir un cadre suffisamment précis pour juguler tout dévoiement de la monnaie virtuelle sans pour autant en entraver le développement éventuel(13). Il s’agit donc, d’une certaine manière, de pallier les carences ou les insuffisances constatées à l’échelle fédérale où, compte tenu de la fragmentation caractéristique du cadre de supervision et faute d’une législation véritablement adaptée(14), son appréhension n’a jusqu’à présent pu être réalisée qu’au travers de prises de positions ponctuelles des différentes autorités, que ce soit dans le strict cadre de leurs attributions ou encore par le biais d’un dialogue interagences plus ou moins formalisé.

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La « bitlicense » – Perspective nord-américaine d’un cadre juridique pour une « bitgeneration » encore en devenir

22 août 2014) ou encore, plus récemment, l’annonce d’un partenariat entre le prestataire de service de paiement PayPal et trois opérateurs de bitcoin en vue de permettre le règlement de certains biens immatériels (jeux en ligne, etc.) par le biais de monnaie virtuelle (cf. « PayPal Takes Baby Step Toward Bitcoin, Partners With Cryptocurrency Processors », Forbes, 23 septembre 2014). La charge réglementaire qu’emportera le nouveau dispositif pour les entités dont les activités intègrent son champ d’application pourrait bien traduire, en effet, la volonté du régulateur financier de l’État de New York d’instituer une véritable barrière à l’entrée (pour une description des différentes obligations mises à la charge des bitlicensees : cf. infra, II, B.). On ne manquera pas de renvoyer à la position adoptée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le 29 janvier 2014 (position 2014-P-01), dans le prolongement d’un communiqué d’alerte émis le 12 décembre 2013 par l’Autorité bancaire européenne et d’une étude pour le moins critique de la Banque de France en date du 5 décembre 2013 (Focus, n 10, 5 décembre 2013). La Chine, l’Inde ou encore la Russie se sont pour l’heure montrées très hostiles aux monnaies virtuelles, incitant bon nombre d’opérateurs à mettre fin à leurs activités. Cf. déclaration du Superintendent, reprise dans le communiqué de presse du NYSDFS en date du 17 juillet 2014 : « We recognize that – as the first state to put forward specially tailored rules for virtual currency firms – continued public feedback will be an important part of finalizing this regulatory framework. We look forward to carefully and thoughtfully reviewing public comments on our proposal ». Rappelons au passage qu’à l’inverse notamment des réformes engagées au sein de l’Union européenne, la récente crise financière n’a suscité qu’une remise en cause très marginale du cadre de supervision sur le plan institutionnel (pour une agence supprimée – l’Office of ri Supervision, en charge de superviser les savings and loan associations –, ce sont deux nouvelles autorités qui ont été instituées à travers le Financial Stability Oversight Council – FSOC, chargé de la supervision macropru-

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Le nouveau dispositif, qui couvre tout à la fois des domaines classiques, tels que la protection du consommateur ou la lutte antiblanchiment, mais aussi des aspects plus étroitement liés à l’objet qu’il s’agit de saisir, au premier rang desquels, bien évidemment, vient la cybersécurité(15), pourrait donc faire tache d’huile, d’abord auprès d’autres États fédérés(16), mais aussi peut-être au niveau fédéral, où il pourrait in fine être repris et consolidé afin de prévenir les éventuels arbitrages réglementaires et véritablement permettre de juguler les dérives considérées comme consubstantielles à l’anonymat et au caractère transfrontière des opérations impliquant les monnaies virtuelles.

Il serait faux de considérer que depuis son émergence le phénomène des monnaies virtuelles a laissé indifférent l’aréopage des autorités fédérales américaines.

Ainsi, selon une approche bottom-up, des carences d’une appréhension du phénomène des monnaies virtuelles réalisée par défaut à l’échelon fédéral (I) pourraient émerger, à l’échelle des États fédérés, les initiatives législatives ou réglementaires susceptibles de dessiner les contours de ce qui pourrait constituer le futur cadre juridique applicable aux différents opérateurs qui interviennent dans ce secteur au devenir encore incertain (II).

dentielle, et le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), émanation de la Federal Reserve, mais indépendant de cette dernière, chargé d’assurer la protection du consommateur, notamment dans le domaine des services financiers. 15. On relèvera cependant que la cybersécurité tend à devenir un sujet de préoccupation majeure dans le secteur financier et tout particulièrement au sein des établissements bancaires. Ici encore, les États-Unis semblent relativement précurseurs dans l’appréhension du phénomène. 16. Sur la côte ouest, l’État de Californie, avec l’emblématique Silicon Valley, pourrait notamment emboîter le pas, même si pour l’heure, un temps envisagée, l’adaptation du corpus législatif et réglementaire n’a pas encore eu lieu. 14

I. Les carences d’un encadrement des monnaies virtuelles réalisé par défaut et de manière fragmentée à l’échelle fédérale Il serait faux de considérer que depuis son émergence le phénomène des monnaies virtuelles a laissé indifférent l’aréopage des autorités fédérales américaines chargé de superviser le secteur financier. Si pour l’heure aucune réforme majeure n’est intervenue en vue d’adapter le cadre législatif et réglementaire préexistant, force est de constater, en effet, qu’au titre de leurs missions respectives et dans la limite de leur champ de compétences, les agences ont d’ores et déjà pour partie commencé à prendre la mesure de ce dernier. Ainsi, s’agissant de l’applicabilité du Currency and Foreign Transactions Reporting Act ou Bank Secrecy Act (ou BSA)(17), le Financial Crimes Enforcement Network (ou FinCEN), bureau du Département du Trésor chargé de la lutte antiblanchiment(18), par l’intermédiaire d’une guidance, publiée le 18 mars 2013(19), a notamment considéré que les opérateurs de monnaie virtuelle n’entraient a priori pas dans le champ de la définition du « service de distribution de monnaie » (money transmission service)(20), dès lors qu’aucun lien n’était établi 17. Adopté en 1970 (Pub. L. No. 91-508, 84 Stat. 1114 (1970), codifiée aux 12 U.S.C. §§ 1829(b), 1951-1959 et 31 U.S.C. §§ 5311-5330) ; 31 C.F.R. chap., ce dispositif législatif constitue l’assise fédérale au travers de laquelle les établissements financiers établis sur le territoire des ÉtatsUnis sont tenus de fournir leur assistance aux agencies afin de détecter et prévenir les activités de blanchiment (les établissements financiers ont notamment pour obligation de conserver les enregistrements afférents à toute transaction sur instruments financiers réalisée en espèces et de déclarer toute transaction en espèces d’un montant supérieur à 10 000 dollars (sur une base agrégée journalière), ainsi que toute activité suspecte qui pourrait sous-tendre une opération de blanchiment, d’évasion fiscale ou toutes autres activités criminelles. 18. Cette mission est pour partie partagée avec les régulateurs prudentiels (la Federal Reserve, l’OCC et la FDIC) qui sont chargés de diligenter les inspections. 19. FinCEN, « Guidance on the Application of FinCEN’s Regulations to Persons Administering, Exchanging, or Using Virtual Currencies » (FIN-2013-G001), 18 mars 2013. 20. Il est à noter qu’en date du 21 juillet 2011, le FinCEN avait modifié la définition de ces services afin de prendre en compte l’émergence des monnaies virtuelles dans le strict cadre de ses attributions. Ainsi, les money transmitters sont les personnes qui offrent des services de transfert de monnaie (soit « la réception de monnaie, de fonds ou de toute autre valeur ayant vocation à se substituer à la monnaie, en vue d’un transfert vers une autre destination ou vers une autre personne ») ou toute

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entre la « monnaie virtuelle », d’une part, et la « monnaie réelle » (ou fiat currency), d’autre part(21). A contrario, il en irait différemment si le service proposé consistait à échanger de la monnaie virtuelle contre une autre monnaie, quelle que soit sa nature (virtuelle ou réelle) ou à offrir la possibilité d’un remboursement en monnaie réelle. À s’en tenir à cette lecture, il revient donc aux opérateurs de s’assurer, au cas par cas, de la complète autonomie et de la totale étanchéité de leurs services sous peine de se retrouver en infraction vis-à-vis du BSA et de la réglementation afférente élaborée par le FinCEN(22). autre personne impliquée dans le transfert de fonds (cf. « Bank Secrecy Act Regulations ; Definitions and Other Regulations Relating to Money Services Businesses », 76 Fed. Reg. 4358531 et C.F.R. § 1010.100(ff)(5)(i)). Pour rappel, aux termes du 31 C.F.R. § 1010.100(ff)(1)-(7), les activités money services businesses recouvrent : 1) la distribution ou l’échange de monnaie, 2) check casher, 3) l’émission ou la vente de chèque de voyage ou de mandats, 4) la fourniture ou la vente de supports, 5) la transmission de monnaie et 6) l’U.S. Postal Service. 21. C’est-à-dire la monnaie métallique ou les billets émis par les États-Unis ou par tout autre État qui i) est reconnue comme ayant cours légal, ii) est en circulation et iii) est habituellement utilisée et acceptée comme un moyen d’échange dans le pays d’émission (cf. 31 CFR § 1010.100(m) : « the coin and paper money of the United States or of any other country that [i] is designated as legal tender and that [ii] circulates and [iii] is customarily used and accepted as a medium of exchange in the country of issuance »). Cette guidance a depuis lors été complétée par trois administrative rulings, publiées en date du 30 janvier 2014 (cf. FIN-2014-R001, FIN-2014R002) et du 29 avril 2014 (cf. Fin-2014-R007), en réponse à des sollicitations individuelles, par l’intermédiaire desquelles le FinCEN a pu préciser que n’emportait pas la qualification de money services business, au titre du BSA, la création de monnaie virtuelle (notamment à travers le mining), dès lors qu’elle était exclusivement réservée à un usage personnel, de même que la production ou la distribution de logiciels permettant l’achat ou la vente de monnaies virtuelles, ou encore les opérations en monnaie virtuelle réalisées pour compte propre. A contrario, deux récentes administrative rulings, publiées le 27 octobre 2014, sont intervenues afin de confirmer que dans le cadre de plates-formes destinées à permettre l’échange de monnaies virtuelles contre de la monnaie ayant cours légal, le service proposé intégrait la qualification de money transmission et emportait pour les sociétés gestionnaires de s’enregistrer auprès du FinCEN et de se mettre en conformité avec la réglementation applicable aux money transmitters (cf. FIN-2014-R011 et FIN-2014-R012). 22. Cf. 31 C.F.R. § 1022.210, subpart C. Sans bien évidemment qu’il s’agisse ici de reprendre l’ensemble des dispositions applicables aux money transmitters, rappelons que ces derniers doivent respecter les obligations applicables en matière de lutte antiblanchiment en développant notamment des programmes de contrôle préventifs, mais aussi conserver un enregistrement des transactions avec, le cas échéant, un certain nombre d’informations complémentaires dès lors que le montant des opérations dépasse le seuil des 3 000 USD (ces informations concerne2014/4

De la même manière, l’administration fiscale (l’Internal Revenue Service ou IRS), par l’intermédiaire d’une notice(23), développée sous la forme de questions/réponses (Q&A), est également intervenue pour préciser les conditions dans lesquelles pouvaient être appréhendées les transactions libellées en monnaies virtuelles, ces dernières étant définies comme une représentation numérique de valeurs, utilisée comme moyen d’échange, unité de compte ou réserve de valeur (« Virtual currency is a digital representation of value that functions as a medium of exchange, a unit of account, and/or a store of value »)(24). S’agissant des autorités de marché, seule la Securities and Exchange Commission (SEC) qui, de manière schématique, a la charge de superviser les marchés de titres financiers et les opérateurs intervenants sur ces derniers, a, pour l’heure, eu l’occasion d’intervenir officiellement dans le domaine des monnaies virtuelles. Ses prises de position ont été tout à la fois préventives, par l’intermédiaire d’avertissements destinés aux investisseurs(25), mais aussi « répressives », au gré de plusieurs cas d’espèce où elle a considéré que, nonobstant le fait qu’elles soient libellées en monnaie virtuelle, les opérations en cause (offre au public de titres réalisée sans prospectus d’émission(26) ou « pyramide de

23. 24.

25.

26.

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ront tout à la fois le transmitter, le destinataire et la transaction elle-même). Cf. Notice 2014-21, http://www.irs.gov/pub/irs-drop/n14-21.pdf. De manière très pragmatique, l’IRS considère que les monnaies virtuelles ne peuvent être qualifiées de monnaie, en ce qu’elles n’ont pas de cours légal. Elles sont assimilées à des biens qui ont vocation, à ce titre, à intégrer les revenus imposables après avoir été converties en dollars (ce principe s’applique également aux miners dès lors qu’ils se voient attribuer des bitcoins en rémunération de la mise à disposition de leurs ressources informatiques). Cf. « Investor Alert : Bitcoin and other virtual currencyrelated investments », 7 mai 2014 (document accessible en ligne sur le site internet de la SEC : http://www.sec.gov /oiea/investor-alerts-bulletins/investoralertsia_bitcoin. html. Le 3 juin 2014, le dirigeant de deux sociétés ayant publiquement sollicité le public par le biais de sites internet en vue de souscrire des actions libellées en bitcoins, sans qu’aucun prospectus d’émission n’ait préalablement été soumis et enregistré auprès de la SEC, a accepté de verser au terme d’une procédure de composition administrative (cease-and-desist proceeding) 35 000 dollars à titre de pénalité et de procéder au remboursement des sommes restant dues aux investisseurs, soit 15 000 dollars. La SEC a rappelé à cette occasion que la réglementation encadrant les offres publiques avait vocation à s’appliquer dans les mêmes termes quelles que soient les modalités de l’émission : cf. SEC, communiqué de presse n 2014-111, « SEC Charges Bitcoin Entrepreneur With Offering Unregistered Securities », 3 juin 2014 (la décision de composition administrative est également accessible en ligne sur le site internet de la SEC : http://www.sec.gov/litigation/admin/2014/339592.pdf).

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Ponzi »(27)), devaient être appréhendées en tant que telles par la réglementation applicable. La Commodities Futures Trading Commission (ou CFTC), pour sa part, dans le cadre de sa mission de supervision des marchés de dérivés (à l’exception de ceux dont le sous-jacent est un titre financier) et de matières premières, bien que n’ayant pour le moment pas officiellement adopté de position sur les monnaies virtuelles, n’en poursuit pas moins ses réflexions alors même que certains instruments dérivés prennent d’ores et déjà appui sur ces dernières(28). Il en va de même pour les superviseurs prudentiels, c’est-à-dire la Federal Reserve, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC) et la National Credit Union Administration (NCUA)(29) qui, sans se désintéresser 27. Consécutivement aux investigations diligentées par la SEC, la District Court de Sherman (Texas) a condamné, le 18 septembre 2014, une entité et ses dirigeants qui, sous couvert d’un fonds d’investissement libellé en bitcoins, avait en réalité mis en place une véritable « pyramide de Ponzi » et frauduleusement détourné plus de 700 000 bitcoins, soit près de 40 millions de dollars (le rendement de 7 % hebdomadaire promis aux investisseurs, par l’intermédiaire de sollicitations principalement réalisées par le biais de forum internet, était en effet constitué par l’apport en bitcoins des nouveaux entrants) : Securities and Exchange Commission v. Trendon T. Shavers and Bitcoin Savings and Trust, Civil Action, N. 4 :13-CV-416. 28. Les monnaies virtuelles ont à ce titre été inscrites à l’ordre du jour de la dernière réunion du Global Markets Advisory Committee (commission consultative), qui s’est tenue le 9 octobre 2014. Au cours de cette dernière, une présentation du marché des dérivés libellés en bitcoins a notamment été réalisée, ainsi qu’un focus sur l’apport que la technologie sous-jacente à cette monnaie virtuelle pourrait généré sur l’ensemble du marché des dérivés (le système dit de la « blockchain » – i.e. le registre des transactions – a en particulier été mis en avant, à raison des perspectives qu’il serait susceptible d’offrir en terme de gestion des flux financiers, à travers la possibilité d’une programmation très fine et une automatisation de ces derniers) : http://www.cc.gov/PressRoom/Events/ opaevent_gmac100914. 29. Pour rappel et d’une manière schématique qui ne reflète assurément pas le subtil enchevêtrement de compétences qui caractérise le périmètre de la régulation prudentielle aux États-Unis, la Federal Reserve supervise les établissements bancaires qui sont enregistrés à l’échelle d’un État fédéré et qui adhèrent au système de la Réserve fédérale (State Chartered Federal Reserve Members), les sociétés mères de groupe bancaire (Bank Holding Companies) ou encore les filiales et les succursales de banques étrangères établies sur le territoire des États-Unis (Foreign Banking Organization) et les établissements non bancaires d’importance systémique. L’OCC, quant à elle, supervise ceux des établissements bancaires qui sont agréés à l’échelle fédérale (Nationally Chartered) et qui, à ce titre, font également partie intégrante du système de la Réserve fédérale. La FDIC gère pour sa part le mécanisme de garantie fédérale des dépôts auquel adhèrent les Deposit Institutions (dont les Nationally ou State Chartered Fede16

du phénomène des monnaies virtuelles n’ont, au regard de leurs champs de compétences respectifs, pas encore véritablement eu l’occasion de prendre position (seule la NCUA, en 2013, a pu rappeler à l’une de ses assujetties ses obligations en matière de lutte antiblanchiment alors que cette dernière offrait ses services à un opérateur de monnaie virtuelle dont l’activité tombait dans le champ du BSA). Plus récemment, enfin, le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), nouvelle agency instituée par le Dodd Frank Act et entièrement vouée à la protection du consommateur, notamment pour ce qui concerne les services financiers, s’est également emparée du sujet en publiant, le 11 août 2014, un avertissement sur les risques liés aux monnaies virtuelles, après y avoir été expressément invitée, de manière pour le moins pressante, quelques mois plus tôt, par le Government Accountability Office(30), à l’issue d’un rapport particulièrement remarqué(31).

Le phénomène des monnaies virtuelles reste appréhendé de manière ponctuelle et fragmentée.

Au total, il apparaît donc qu’à l’échelon fédéral le phénomène des monnaies virtuelles reste appréhendé de manière ponctuelle et fragmentée par les différentes agences chargées de superviser le secteur financier. Faute d’une adaptation du corpus législatif, ces dernières ne peuvent en effet intervenir que dans la stricte limite de leurs attributions et pour autant que les opérations en cause soient susceptibles d’intégrer une qualification juridique préexistante. C’est ainsi que pour l’heure, sans être totalement négligée, l’émergence des monnaies virtuelles a essentiellement donné lieu à des interventions « doctrinales » prenant la forme de lignes directrices, de positions ou encore d’avertissements. ral Reserve Members) et supervise celles de ces dernières qui ne tombent pas dans le champ de compétence de la Federal Reserve ou de l’OCC. La NCUA, enfin, assure le contrôle des Credit Unions (soit peu ou prou l’équivalent des établissements bancaires mutualistes). 30. Le GAO est une agence fédérale chargée, sous l’autorité du Comptroller General of the United States, de contrôler, pour le compte du Congrès, la manière dont le gouvernement fédéral utilise les ressources budgétaires. 31. GAO, « Virtual Currrencies Emerging Regulatory, Law Enforcement, and Consumer Protection Challenges », mai 2014.

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La régulation ayant horreur du vide, particulièrement dans un contexte postcrise (mais aussi préélectoral…), il semble cependant que les premières initiatives tendant à véritablement se saisir des monnaies virtuelles puissent in fine être constatées au niveau des États fédérés les plus sensibles au phénomène. C’est ainsi, sans grande surprise, que l’État de New York, par l’intermédiaire du New York State Department of Financial Services (NYSDFS), a été le premier à proposer l’esquisse d’un régime juridique spécialement consacré aux opérateurs de monnaies virtuelles.

II. L’émergence d’un encadrement spéci que des monnaies virtuelles, mais limité quant à sa portée à l’échelle des États fédérés Le projet de dispositif réglementaire destiné à encadrer les activités qui impliquent les monnaies virtuelles, tel que soumis à consultation par le NYSDFS, vise très clairement à fournir le socle juridique permettant d’appréhender les situations où, pour l’heure, faute d’une adaptation de la législation fédérale, une situation de vide juridique est constatée. Avant de présenter les principales obligations afférentes à la « BitLicence » (A), il convient d’en préciser le champ d’application (B).

A. Champ d’application de la BitLicence Le projet réglementaire tendant à instituer une « BitLicence » au sein de l’État de New York entend délimiter de manière relativement précise les contours des activités liées aux monnaies virtuelles dont l’exercice sera soumis à un agrément préalable du NYSDFS (Virtual Currency Business Activity)(32). Sont ainsi limitativement mentionnés : – la réception et la transmission de monnaie virtuelle pour le compte de consommateurs ; – la sécurisation, le stockage, la conservation ou la garde de monnaies virtuelles pour le compte de clients ; – la réalisation de services de conversion pour le compte de la clientèle, incluant la conversion ou l’échange de monnaies ayant cours légal ou de devises étrangères (fiat currencies) contre de la mon32. Les conditions dans lesquelles devront être soumises les demandes d’agrément sont détaillées aux sections 200.4 à 200.6 du projet. On relèvera qu’in fine la liste des différents éléments qui doivent accompagner cette dernière constitue un minimum puisque le Superintendent peut à titre complémentaire solliciter la production de toute information qu’il estimera nécessaire. 2014/4

naie virtuelle, et inversement, la conversion ou l’échange d’un type de monnaie virtuelle contre un autre type de monnaie virtuelle(33) ; – l’achat et la vente de monnaie virtuelle pour le compte de la clientèle (par opposition aux opérations similaires qui seraient réalisées à titre personnel) ; et – le contrôle, l’administration ou l’émission de monnaie virtuelle (étant précisé que sont exclues ici les activités considérées comme passives, comme celle de mining, qui consistent à mettre à disposition certaines facilités au service de l’émission de monnaie virtuelle(34)). En tout état de cause, il convient de relever que cette « BitLicense » ne sera pas requise pour les professionnels ou les simples consommateurs qui utilisent les monnaies virtuelles uniquement pour l’achat ou la vente de biens et services ou pour celles des entités impliquées dans les activités tombant dans le champ de la nouvelle réglementation qui sont déjà soumises à la législation financière de l’État de New York (les établissements bancaires, notamment)(35). Les entités pleinement soumises à la nouvelle réglementation disposeront, en revanche, à compter de l’entrée en vigueur de cette dernière, de 45 jours pour déposer une demande d’agrément, étant précisé que le dossier sera instruit par le Superintendent dans les 90 jours suivant la transmission complète de ce dernier.

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La « bitlicense » – Perspective nord-américaine d’un cadre juridique pour une « bitgeneration » encore en devenir

B. Obligations imputables aux BitLicensees Les différentes obligations qui seront mises à la charge des entités agréées (BitLicensees) en vue de fournir au sein de l’État de New York une ou plusieurs Virtual Currency Business Activity s’articulent autour de plusieurs thématiques : la protection de la clientèle(36) (1), la lutte antiblanchiment (2) et un ensemble de dispositifs prudentiels (3)(37).

1. Protection de la clientèle Au premier rang des obligations destinées à protéger la clientèle figure bien évidemment l’obligation de ga33. On peut déceler dans ce dernier cas de figure le souci de ne pas totalement cantonner le champ de la « BitLicense » aux seuls domaines où un point de contact avec les monnaies réelles serait avéré. 34. Cf. Projet, section 200.2, n). 35. Cf. Projet, section 200.3, c), 1 et 2. 36. Cf. Projet, section 200.19. 37. Si le résultat de la procédure de consultation n’est pas encore connu, il est d’ores et déjà acquis qu’un grand nombre de commentaires se concentreront sur la charge réglementaire que représente la « BitLicense » et qui pourrait contraindre un certain nombre de petits opérateurs à quitter l’État de New York (à cet égard, il convient de relever qu’une action en justice a d’ores et déjà été engagée à l’encontre du NYSDFS).

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rantir à cette dernière la protection de ses actifs. Ainsi, chaque entité agréée devra être en capacité de pouvoir restituer les fonds et disposer, à cette fin, d’un compte libellé en dollars dont les caractéristiques seront considérées comme suffisantes par le NYSDFS(38). Les entités seront également tenues de ne pas vendre, transférer, assigner, prêter, gager ou rendre d’une quelconque manière indisponibles les actifs de la clientèle qu’elles détiennent (monnaie virtuelle incluse). Afin de garantir une protection effective et permettre subséquemment un contrôle efficient du NYSDFS, les BitLicensees seront également tenues d’enregistrer et de conserver les transactions réalisées pour le compte de leur clientèle(39). Ainsi, dès après la conclusion d’une opération, les entités devront fournir à leurs clients un récépissé contenant un certain nombre d’informations (le nom et les coordonnées de l’opérateur – avec notamment un numéro de téléphone spécialement destiné à recevoir et traiter les demandes d’information et les réclamations éventuelles de la clientèle(40) –, le type, le montant, la date et l’heure précise de la transaction, les frais mis à la charge du client, le taux de change éventuel, une déclaration de responsabilité en cas de défaut ou de retard dans l’exécution de la transaction et une référence à la procédure applicable en matière de remboursement). En amont de toute transaction, les entités licenciées seront par ailleurs tenues à des obligations de transparence impliquant d’informer de manière claire et concise les clients des risques éventuels associés aux transactions qui impliquent des monnaies virtuelles(41), de présenter dès l’ouverture d’un compte les modalités et les conditions qui encadreront la relation contractuelle (notamment les obligations imputables à chacune des parties), ainsi que les caractéristiques particulières à chaque opération envisagée. Il appartiendra en tout état de cause aux BitLicensees de s’assurer que le client a bien pris connaissance de ces différents éléments d’information(42) et, le cas échéant, 38. 39. 40. 41.

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Cf. Projet, section 200.9. Cf. Projet, section 200.19, e). Cf. infra. Cf. Projet, section 200.19, e). Le BitLicensee doit notamment porter à la connaissance de ces derniers le fait que les transactions réalisées en monnaie virtuelle sont généralement irréversibles et que les pertes liées à des transactions frauduleuses ou accidentelles peuvent être définitives. De même, doit être porté l’attention des clients, le risque de volatilité qui caractérise les monnaies virtuelles par comparaison aux monnaies à cours légal (avec la perspective de pertes importantes dans un laps de temps particulièrement court) ou encore le risque particulièrement élevé lié à de possibles « cyberattaques ». Last but not least, les BitLicensees devront rappeler à leurs clients qu’à la différence des monnaies ayant cours légal, les opérations réalisées en monnaies virtuelles ne font l’objet d’aucune garantie ou couverture spécifique de la part du gouvernement fédéral, notamment la garantie des dépôts, assumée par la FDIC, ou encore la protection offerte par la Securities Investor Protection Corporation (SPIC) en matière d’opérations sur titres financiers.

à travers la mise en place de procédures adaptées, de s’assurer que ces derniers seront en capacité de faire valoir leurs réclamations éventuelles, que ce soit auprès de l’entité licenciée elle-même (qui devra, à cet égard, disposer de règles et de procédures écrites destinées à permettre la résolution des réclamations de la clientèle de manière loyale et dans un laps de temps raisonnable)(43) ou auprès du NYSDFS (les BitLicensees devront ainsi permettre à la clientèle de compléter un document susceptible d’être ensuite transmis au régulateur financier dans la perspective d’éventuelles investigations et enquêtes).

2. Dispositif antiblanchiment Au cœur des préoccupations qui sous-tendent l’instauration d’un régime juridique spécifiquement applicable aux activités impliquant les monnaies virtuelles figure bien évidemment la lutte antiblanchiment(44). Sans qu’il s’agisse pour autant de construire ex nihilo un dispositif totalement étranger à celui qui encadre d’ores et déjà les fiat currencies, il appartiendra ainsi aux entités agréées de conserver au titre du programme antiblanchiment un certain nombre d’informations pour toutes les opérations qui impliquent le paiement, la réception, l’échange ou la conversion, le rachat, la vente, le transfert ou la transmission de monnaie virtuelle. Ces dernières concernent aussi bien l’identité et l’adresse physique des parties impliquées dans la transaction, que le montant ou la valeur de la transaction, avec le libellé utilisé dans le cadre de l’achat, de la vente ou du transfert, ou encore la méthode de paiement utilisée, la date à laquelle la transaction mise en œuvre a été exécutée et une description de la transaction. Toujours au titre du programme antiblanchiment, il incombera aux entités assujetties de procéder à certaines vérifications concernant les titulaires de compte. Ainsi, les entités devront au minimum, lors de l’ouverture d’un compte, s’assurer, dans la mesure du raisonnable, de l’identité du client et maintenir un enregistrement des données ayant permis cette identification (soit le nom, l’adresse physique et toute autre information)(45). Il leur appartiendra également de vérifier que le client ne figure pas sur la liste des Specially Designated Nationals (SDNs) établie par l’U.S. Treasury Department’s Office of Foreign Asset Control (OFAC). Il est à relever que ces obligations seront renforcées lorsque les clients revêtent un profil à haut risque (implantations off-shore – foreign shell entities –, notamment) ou que les comptes laissent apparaître d’importants volumes de transactions ou encore lorsque certaines activités suspectes ont pu être identifiées en lien avec les comptes. 42. 43. 44. 45.

Cf. Projet, section 200.19, a) à d). Cf. Projet, section 200.20. Cf. Projet, section 200.15. À raison des contraintes qu’elle emporte, cette obligation d’identification et de conservation a d’ores et déjà suscité un grand nombre de commentaires pour le moins hostiles de la part des professionnels concernés.

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D’une manière générale, une obligation de déclaration sera mise à la charge des BitLicensees pour toute activité laissant suspecter une fraude ou une activité illicite qu’ils seraient amenés à constater. À cette fin, les entités agréées devront tout particulièrement surveiller les transactions qui pourraient sous-tendre des opérations de blanchiment, d’évasion fiscale ou toutes autres activités illicites et, le cas échéant, déclarer sans délai ces dernières auprès du NYSDFS. En toute hypothèse et à titre préventif, il appartiendra aux entités agréées de notifier le NYSDFS, dès lors qu’elles se trouveront impliquées dans une transaction ou une série de transactions avec une même personne qui emporte la réception, l’échange ou la conversion, l’achat, la vente, le transfert ou la transmission de monnaie virtuelle cumulé sur une journée dépasse les 10 000 dollars.

3. Corpus prudentiel Le cadre réglementaire proposé pour encadrer les activités impliquant les monnaies virtuelles comporte un ensemble relativement disparate de mesures prudentielles dont certaines tendent à prendre en compte la spécificité des opérateurs.

Sous couvert d’un encadrement, le régime juridique esquissé par le NYSDFS à travers la « BitLicence » pourrait, en effet, être purement et simplement perçu par ses destinataires comme une

barrière réglementaire.

C’est notamment le cas s’agissant de la cybercriminalité. Supposés être tout particulièrement exposés, les BitLicensees devront ainsi, sous la responsabilité d’un Chief Information Security Officer (CISO), mettre en place un programme de cybersécurité qui permettra d’identifier les risques externes et internes auxquels l’entité est exposée, de protéger les systèmes de tout accès non autorisé ou de tout acte malveillant, de détecter les intrusions et toute atteinte aux données et, le cas échéant, d’y répondre de manière adaptée(46). Parmi les 2014/4

dispositifs de sauvegarde attendus, les entités agréées auront également à conduire des tests visant à mettre à l’épreuve les mécanismes destinés à prévenir toute intrusion, et ce au moins une fois par an. Elles devront procéder, en outre, à des vérifications au moins une fois par trimestre. Plus généralement, les BitLicensees devront établir un plan de continuité d’activité (PCA) destiné à garantir la pérennité des fonctions essentielles dans l’hypothèse où surviendrait une situation d’urgence ou tout autre événement de nature à affecter le fonctionnement normal du service, à charge pour ces dernières de notifier sans délai le NYSDFS dans l’hypothèse où surviendrait une situation d’urgence ou de dysfonctionnement de nature à affecter la capacité de l’entité à fournir ses services ou la qualité de ces derniers(47). Au rang des obligations plus classiques figureront certaines exigences de fonds propres(48) ou encore les contraintes imposées en matière de réinvestissement(49). Les entités agréées devront soumettre au NYSDFS, par ailleurs, un rapport financier dans les 45 jours suivant la clôture de chaque exercice trimestriel, ainsi que des comptes annuels certifiés et conformes aux US-GAAP dans les 120 jours qui suivent la clôture de l’exercice fiscal annuel(50). Bien évidemment, il appartiendra encore aux BitLicensees de maintenir à disposition du régulateur financier leurs livres et leurs comptes, y compris les informations relatives aux transactions, les relevés bancaires, les enregistrements et les minutes de leurs conseils d’administration ou de leurs organes dirigeants, ainsi que l’ensemble des enregistrements susceptibles d’attester de leur conformité avec le cadre législatif et réglementaire applicable (en particulier les documents permettant l’identification des clients et les documents relatifs aux enquêtes consécutives à des plaintes de la clientèle)(51). Chaque entité agréée devra enfin désigner une personne responsable de la conformité (Compliance Officer(52)) chargée de coordonner et de superviser la conformité des activités au cadre législatif et réglementaire applicable. En toute hypothèse, les BitLicensees feront l’objet d’inspections diligentées par le NYSDFS, au moins une fois tous les deux ans et chaque fois que le Superintendent l’estimera nécessaire(53). Il s’agira bien évidem-

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La « bitlicense » – Perspective nord-américaine d’un cadre juridique pour une « bitgeneration » encore en devenir

46. Cf. Projet, section 200.16. 47. Cf. Projet, section 200.17. 48. Cf. Projet, section 200.8, a). Ces dernières seront déterminées par le DFS, sur la base de plusieurs facteurs tels que la composition du bilan (actif et passif), l’effet de levier dont dispose l’entité agréée, le niveau de ses liquidités et tout autre facteur lié à la protection de la clientèle. 49. Cf. Projet section 200.8, b). Seules seront éligibles les opérations impliquant des actifs de haute qualité, libellées en USD, appartenant à la catégorie investment grade et d’une maturité supérieure à un an. 50. Cf. Projet, section 200.14. 51. Cf. Projet, section 200.12. 52. Cf. projet, section 200.7. 53. Cf. Projet, section 200.13.

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ment pour le régulateur financier de s’assurer que les entités agréées continuent de satisfaire aux conditions d’agrément, de sécurité et de robustesse, de contrôler les procédures mises en place, ainsi que le degré de conformité aux lois et règlements applicables. On relèvera toutefois, et à titre de conclusion nécessairement provisoire, que cette dernière perspective est encore assurément très prématurée, car, outre le fait que le projet de texte proposé par le NYSDFS soit encore

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soumis à commentaires, la charge réglementaire imputée aux opérateurs de monnaies virtuelles pourrait tout simplement dissuader tout ou partie de ces derniers d’exercer leurs activités au sein de l’État de New York. Sous couvert d’un encadrement, le régime juridique esquissé par le NYSDFS à travers la « BitLicence » pourrait, en effet, être purement et simplement perçu par ses destinataires comme une barrière réglementaire dont il conviendrait alors d’apprécier in fine la pertinence.

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L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA MONNAIE VIRTUELLE AU CANADA(1) Marc L Professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval Membre du Centre d’études en droit économique (CÉDÉ) de la Faculté de droit de l’Université Laval Avocat

La mutation des modes de paiement offerts aux consommateurs canadiens dénote un attrait pour la convivialité des instruments de paiement électroniques et virtuels. Cette tendance se traduit difficilement cependant par une protection juridique adéquate. La difficulté de qualifier la monnaie virtuelle participe aux hésitations du législateur. Les récents déboires de Bitcoin au sujet d’allégations de blanchiment d’argent et de fraudes financières ont néanmoins encouragé les premières interventions législatives canadiennes.

The evolution of payment mechanisms available to Canadian consumers shows an attraction towards user-friendliness electronic and virtual payment instruments. However, this trend does not result in an adequate legal protection. Difficulties in qualifying virtual money underlines the legislator’s hesitations. Recent problems with money laundering and financial fraud have fostered the first legislative interventions.

Introduction Il est intéressant de souligner le paradoxe canadien qui singularise les modes des paiements électroniques. La métamorphose dans les habitudes de paiement des consommateurs canadiens, qui se traduit par un appétit de plus en plus marqué des Canadiens pour les nouvelles technologies, devrait se refléter dans la réglementation, mais il n’en est point ainsi. Le législateur canadien et les législateurs provinciaux progressent trop timidement dans l’encadrement des modes de paiements électroniques, que ce soit la carte de paiement, le paiement par Internet ou la monnaie virtuelle. Seule la crainte d’activités illicites éveille le réflexe d’une intervention. Nous verrons dans les paragraphes qui suivent la mise en contexte des récents développements concernant la monnaie virtuelle (I) et les tentatives d’encadrement selon les diverses hypothèses rattachées à la qualification de la cybermonnaie (II).

I. Le contexte canadien

nées 1960 et de la carte de débit au début des années 1980(2). Depuis de nombreuses années, le paiement par chèque est presque totalement délaissé pour les achats de consommation au bénéfice du paiement par carte et, plus récemment, du paiement par internet. Si la monnaie fiduciaire s’est laissée séduire par les belles promesses de la technologie dès l’aube du commerce électronique au début des années 1990 – soit par les premières tentatives de DigiCash et de son successeur eCash dans les années 1990, et de NetBank au début des années 2000(3) –, elle tarde toutefois à se tailler une place au Canada(4). Ceci est dû à sa volatilité et à une certaine saturation des modes de paiement électronique sur le marché local, puisque les cartes de paiement (dé2.

3.

Les consommateurs canadiens sont friands de paiements électroniques. Ils ont été rapidement conquis par l’introduction de la carte de crédit au début des an4. 1.

La consultation des sites internet cités dans le présent texte est à jour au 14 novembre 2014.

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Au Canada, et aux États-Unis, la carte de débit vise une utilisation en temps réel et est l’équivalent de la carte à débit immédiat ; la carte de crédit permet le paiement postérieur à l’achat et offre la possibilité d’étaler le remboursement du solde sur plus d’un mois, à la condition de verser un montant minimum mensuellement ; la carte prépayée exige le paiement antérieurement à l’achat et est constituée de crédits stockés dans la carte. M. L, « Analyse de la trajectoire historique de la monnaie électronique », (2007) 48 Cahiers de Droit 373, pp. 328-331 ; A.M. F, « Flood Control on the Information Ocean : Living with Anonymity, Digital Cash and Distributed Databases », (1996) 55 Journal of Law & Commerce 395, pp. 460-466. Notons que le premier distributeur de Bitcoins au monde a été installé à Vancouver (Colombie-Britannique), où quelques commerçants acceptent cette monnaie.

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bit, crédit et prépayée) demeurent très populaires parmi la population(5). Cette crypto-monnaie, comme certains l’appellent, reste pour le moment presque entièrement limitée au monde virtuel, que ce soit à des fins ludiques ou pour le paiement auprès de quelques cybercommerçants. Dans le but d’analyser le panorama des paiements électroniques au Canada, le Groupe de travail sur l’examen du système de paiement, mandaté par le ministre des Finances du Canada, a remis son rapport final en décembre 2011(6). Le rapport s’oriente principalement vers la nécessité de créer une infrastructure juridique compatible avec la mise en œuvre des paiements virtuels, notamment transmis par un téléphone portable. Si la discussion concernant la monnaie virtuelle est absente, il faut néanmoins noter que : « le Groupe de travail a déterminé qu’un système de paiement pleinement moderne entraînerait pour l’économie canadienne des gains de productivité équivalant à 2 % du PIB, soit des économies annuelles de l’ordre de 32 milliards de dollars »(7). Sur la foi de ce rapport, et notamment de cette affirmation, la Monnaie royale canadienne a pris le virage numérique en annonçant, quelques mois plus tard, le lancement de la « cybermonnaie » (MintChip)(8). Cette démarche se voulait une réponse à la cybermonnaie Bitcoin, car la Monnaie royale canadienne avait l’intention de lui octroyer le cours légal(9). Au printemps 2014, l’organisme a mis un terme à cette aventure virtuelle pour se concentrer sur ses activités traditionnelles. Il faut regretter l’échec de ce projet qui aurait, certes, accordé une légitimité et une confiance envers une nouvelle monnaie virtuelle(10). Caractérisée par sa volatilité, par le potentiel de blanchir des capitaux et par son absence de garantie par la Banque centrale, l’adoption de la cybermonnaie peine à sortir du cercle intimiste des authentiques 5.

Banque du Canada, « La monnaie électronique », avril 2014, en ligne : http://www.banqueducanada.ca/wpcontent/uploads/2014/04/monnaie_electronique_ document_information.pdf. 6. Groupe de travail sur l’examen du système de paiement, « Le Canada à l’ère du numérique », 2012, en ligne : http: //paymentsystemreview.ca/wp-content/themes/ psr-esp-hub/documents/rf_fra.pdf. 7. Ibid., p. 4. 8. Monnaie royale canadienne, « Webinaire : Section R-D », p. 2, 11 juillet 2012, en ligne : https://mintchip.s3. amazonaws.com/RD%20Webinar_FR.pdf. 9. J. G, « Canadian Mint Ready to Test its Own Digital Money Project », Financial Post, 19 septembre 2013, en ligne : http://business.financialpost.com/2013/ 09/19/canadian-mint-pushes-ahead-in-murky-worldof-crypto-currency-with-mintchip-project/. 10. V. a contrario : M. D, « Sell Mintchip and Fast ! », Financial Post, 9 avril 2014, en ligne : http://www. google.ca/url?q=http://business.financialpost.com/2014/ 04/09/sell-mintchip-and-fast-delays-could-reduce-itsvalue/&sa=U&ei=5eQ1VK-_BPWIsQT634DgBw&ved= 0CBMQFjAA&usg= AFQjCNHCp8StAaunC3332cv6MgckK7tg. 22

internautes(11) et soulève un sérieux scepticisme parmi les banquiers canadiens et les autorités fiscales(12).

II. L’encadrement réglementaire A. Les notions fondamentales 1. Le partage des compétences Une réflexion au sujet de l’approche législative canadienne exige au préalable de mettre en exergue le particularisme constitutionnel canadien. Depuis la création de la Constitution en 1867, le partage des compétences prévoit notamment que les matières qui concernent les banques, l’intérêt, les lettres de change et l’émission d’argent sont exclusivement de compétence fédérale(13), alors que les contrats sont de compétence provinciale(14). Depuis lors, l’impact des nouvelles technologies suscite d’importantes interrogations quant à la détermination de la compétence juridictionnelle applicable. À la suite d’un pourvoi par des institutions financières contre l’inclusion de frais de conversion de devises dans le calcul des frais de crédit des cartes de crédit, la plus haute cour du pays a jugé que les législateurs provinciaux avaient le pouvoir constitutionnel d’intervenir en ce sens(15). Cette interprétation restrictive des pouvoirs du gouvernement fédéral pour11. Notons, récemment, une nouvelle cybermonnaie appelée « ether », créée par un Canadien, Y. E (« L’ether, la future monnaie qui vaut déjà des millions », Le Monde, 7 octobre 2014, en ligne : http://www.lemonde.fr/pixels/ article/2014/10/07/l-ether-la-future-monnaie-qui-vautdeja-des-millions_4501940_4408996.html). 12. V. notamment : Banque du Canada, « La Banque du Canada suit de près la monnaie électronique », 13 novembre 2014, en ligne : http://www.banqueducanada.ca/wpcontent/uploads/2014/11/communique_131114.pdf ; H. V, « Les limites des monnaies du type Bitcoin », Desjardins – études économiques, 21 novembre 2013, en ligne : http://www.desjardins.com/ ressources/pdf/pv131121-f.pdf?resVer=1385162817000 ; Agence de la consommation en matière financière du Canada, « Soumission au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce au sujet des monnaies virtuelles », 23 juin 2014, en ligne : http://www.fcac-acfc.gc. ca/Fra/auSujet/nouvelles/Pages/submissionssoumissions-1.aspx ; J. G, « Bitcoin Believers : Why Digital Currency Backers Are Keeping the Faith », e Globe and Mail, 5 avril 2014, en ligne : http://www. theglobeandmail.com/report-on-business/economy/ currencies/Bitcoin-believers-why-digital-currencybackers-are-keeping-the-faith/article17840246/?page=all. 13. Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.), article 91, §§ 14, 15, 16, 18. 14. Ibid., article 92, § 13. 15. Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55, § 83, en ligne : http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/ 14352/index.do.

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rait faciliter l’intervention des législateurs provinciaux lors de l’encadrement de la monnaie virtuelle. La qualification de ce mode de paiement prend donc une importance considérable.

tion de Bitcoin vers d’autres cybermonnaies(21), ce qui confirme le phénomène historique de convergence des monnaies(22).

2. La qualification de la monnaie virtuelle

B. La réglementation de l’émission de la monnaie virtuelle

La monnaie virtuelle est un sous-ensemble de la monnaie électronique qui se subdivise en plusieurs catégories et présente plusieurs caractéristiques spécifiques. La structure de fonctionnement de cet écosystème peut être centralisée, comprenant une autorité administrative, ou décentralisée, où les usagers sont plutôt en rapport direct les uns avec les autres, comme pour la monnaie Bitcoin(16). Ils doivent se procurer un porte-monnaie électronique, soit un fichier chiffré et sécurisé, pour stocker la monnaie virtuelle(17). La crypto-monnaie décentralisée se distingue par un taux de change flottant, car son cours n’est pas déterminé par rapport à une monnaie de référence(18), ce qui explique sa volatilité(19). En outre, les inquiétudes des autorités gouvernementales face aux crimes tels que le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale, facilités par l’anonymat des transactions, ont été constatées en analysant les prototypes de cybermonnaie(20). À la suite de cette perte de confiance, la Banque du Canada a d’ailleurs observé une tendance de substitu16. Les crypto-monnaies sont parfois distinguées en trois catégories : système fermé (jeux en ligne), système unidirectionnel et système bidirectionnel : Committee on Payment and Settlement Systems, « Innovations in Retail Payments », Bank of International Settlements, mai 2012, p. 50, en ligne : http://www.bis.org/cpmi/publ/ d102.pdf ; Banque centrale européenne, « Virtual Currency Schemes », octobre 2012, pp. 13-15, en ligne : http://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/ virtualcurrencyschemes201210en.pdf. 17. Pour une explication détaillée de ces monnaies, et de Bitcoin, v. : Banque centrale européenne, ibid., p. 23, en ligne : http://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/ virtualcurrencyschemes201210en.pdf ; F. R. V, « Bitcoin : A Primer », (décembre 2013) 317 Chicago Fed Letter, en ligne : http://www.chicagofed.org/ digital_assets/publications/chicago_fed_letter/2013/ cfldecember2013_317.pdf. 18. Il s’agit dans ce cas-ci de la monnaie de type bidirectionnel. V. : Committee on Payments and Market Infrastructures, « Non-banks in Retail Payments », Bank of International Settlements, septembre 2014, p. 16, en ligne : http://www.bis.org/cpmi/publ/d118.pdf ; Financial Action Task Force, « Virtual Currencies Key Definitions and Potential AML/CFT Risks », juin 2014, en ligne : http://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/ reports/virtual-currency-key-definitions-and-potentialaml-c-risks.pdf. 19. D. Y, « Is Bitcoin a Real Currency ? An Economic Appraisal », NYU Stern School of Business, 1 avril 2014, SSRN, p. 11, en ligne : http://ssrn.com/abstract= 2361599 ; Banque centrale européenne, supra, note 16, p. 13. 20. A.M. F, supra, note 3, pp. 474-475 ; É. D, « Les monnaies électroniques : un cas d’espèces », (1997) 76 Revue du Barreau canadien 33. 2014/4

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L’encadrement juridique de la monnaie virtuelle au Canada

1. L’émission de la monnaie Dès les débuts du commerce électronique, la question s’est posée quant à déterminer si la monnaie numérique est réellement une monnaie au sens économique ou juridique du terme. Les économistes considèrent la monnaie comme un moyen d’échange et une réserve de valeur(23). Plus précisément, nombre d’économistes et d’organisations se sont prononcés pour conclure qu’à ce jour, la monnaie virtuelle, qu’elle soit centralisée ou décentralisée, ne remplit pas les trois critères d’une monnaie(24). D’abord, elle ne constitue pas un moyen d’échange généralement accepté ; ensuite, il ne s’agit pas d’une unité de compte permettant de comparer les prix de biens et de services au fil du temps et d’un détaillant à l’autre ; et finalement, il n’est point question d’un instrument de réserve dont la valeur demeure stable dans le temps, vu la volatilité de certaines crypto-monnaies, dont Bitcoin. Si l’approche économique semble faire consensus, il en va autrement de l’approche juridique, laquelle peut être tributaire de l’État concerné. Au Canada, l’émission de la monnaie fiduciaire est régie par la Loi sur la monnaie(25) et la Loi sur la Monnaie royale canadienne(26). L’article 7, paragraphe (1), de la Loi sur la monnaie prévoit que : «[o]nt cours légal, pour la valeur faciale qui y figure en monnaie canadienne, les pièces émises : a) sous le régime de la Loi sur la Monnaie royale canadienne […] ». En vertu de l’article 6.4 de celle-ci, le ministre a le pouvoir d’« auto21. N. G et H. H, « Competition in the Cryptocurrency Market », Banque du Canada, Working Paper/Document de travail 2014-33, août 2014, p. 4, en ligne : http://www.banqueducanada.ca/wp-content/ uploads/2014/08/wp2014-33.pdf. 22. Pour le moment, le paiement en ligne par carte de crédit et le système PayPal ont acquis une popularité supérieure aux autres modes de paiement sur internet. 23. J. K. G, Money - Whence it Came, Where it Whent, Londres, André Deutsh, 1975, p. 5 ; P. M. H, Money Policy and the Financial System, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall, 1964, pp. 4 et 6. V. généralement : C. H. K, Jr. et O. S. P, Money, Banking and Monetary Policy, 2 éd., New York, e Ronald Press, 1967, pp. 3-4 ; D. H. R, Money, Chicago, University of Chicago Press, 1962, pp. 2-3. 24. V. par ex. : Banque du Canada, « Documents d’information - Les monnaies électroniques décentralisées », avril 2014, en ligne : http://www.banqueducanada.ca/wpcontent/uploads/2014/04/monnaies_électroniques_ décentralisées-.pdf. 25. L.R.C. (1985), c. C-52. 26. L.R.C. (1985), c. R-9.

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riser l’émission de monnaie de circulation », cette émission étant sous la responsabilité de la Monnaie royale canadienne. L’émission des billets destinés à la circulation (billets de banque ou papier-monnaie) est par contre assujettie à l’article 25, paragraphe (1), de la Loi sur la Banque du Canada(27). Depuis la création de la Banque du Canada en 1934, alors qu’elle a notamment été investie du pouvoir exclusif d’émettre l’argent, aucune modification législative n’est venue changer ce pouvoir, y compris une délégation d’émission de l’argent à une autorité privée. En d’autres termes, seule la monnaie émise par le souverain a cours légal au Canada. Le professeur canadien Benjamin Geva affirme que l’approche économique ne peut aider les juristes dans leur quête de la définition de la monnaie(28). Sous l’angle juridique, la dénomination de l’argent en unités de compte, c’est-à-dire l’aspect légal de la fonction de la monnaie, doit être gérée sous la tutelle de l’État pour être considérée comme un chattel, bien personnel au sens de la common law canadienne(29), en plus de servir de moyen d’échange dans cet État(30). Cette approche doctrinale restrictive s’oppose à l’approche libérale développée par la jurisprudence canadienne. À la fin des années 1930, la Cour suprême du Canada a jugé que tout moyen d’échange qui remplit les fonctions de la monnaie reconnaît généralement un pouvoir libératoire envers le débiteur, « even though it may not be legal tender »(31). En d’autres termes, le concept de monnaie s’étendrait au-delà des frontières statutaires pour englober les moyens utilisés afin d’effectuer un paiement visant à satisfaire à une obligation juridique. Cette définition n’est pas très claire en soi, mais elle a le mérite d’interpréter largement le concept de monnaie, laissant la porte ouverte à la cybermonnaie. En 1986, un auteur canadien a émis, à juste titre, l’opinion que : « to regulate twenty-first century econo27. L.R.C. (1985), c. B-2. Le paragraphe 25(1) prévoit : «[la] Banque [du Canada] est seule habilitée à émettre des billets ». Sur la question de l’émission de l’argent, v. : B. C, « Is Electronic Money Really Money ? », (1997) 12 Banking and Finance Law Review 399, pp. 410-412. 28. B. G, « From Commodity to Currency in Ancient History - On commerce, Tyranny, and the Modern Law of Money », (1987) 25 Osgoode Hall L.J. 115, p. 116. 29. Selon le professeur Geva, «[c]urrency thus facilitates the use of money as a universal medium of exchange in a given time and territory » : B. G, ibid., p. 118. 30. F. A. M, e Legal Aspect of Money, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 24. Ainsi, la monnaie est plutôt associée à un moyen d’échange qu’à une commodité, ce qui explique qu’elle est exclue des dispositions statutaires qui traitent de la vente de biens : Sale and Goods Act, R.S.O. 1990, c. S.1, article 1. 31. Reference Re Alberta Statutes - e Bank Taxation Act ; e Credit of Alberta Regulation Act ; And e Accurante News and Information Act, [1938] R.C.S. 100, p. 116 [ciaprès Reference Re Alberta Statutes]. 24

mic and commercial concepts with eighteenth and nineteenth century legal principles, is not appealing and risks rendering the law irrelevant »(32). Cette vision libérale est rejointe par Bradley Crawford, lequel a soutenu qu’une monnaie qui n’a pas cours légal, mais qui a acquis le statut de monnaie dans une communauté, deviendrait une monnaie non officielle(33). Aucune décision jurisprudentielle canadienne ne qualifie le statut juridique d’une monnaie virtuelle(34). Cette approche pourrait-elle s’appliquer en droit civil québécois ? En l’espèce, la monnaie scripturale est associée à un paiement imparfait, car elle n’a pas cours légal, mais l’article 1564 du Code civil du Québec rejoint l’esprit de l’arrêt Reference Re Alberta Statutes(35) et prévoit que : «[l]e débiteur d’une somme d’argent est libéré par la remise au créancier de la somme nominale prévue, en monnaie ayant cours légal lors du paiement », lui reconnaissant implicitement ce pouvoir(36). En vertu de l’article 907 du Code civil du Québec, l’argent est considéré comme un bien meuble.

Toute monnaie ne répondant pas aux strictes exigences statutaires canadiennes ne se qualifie pas comme monnaie

au sens légal.

Nonobstant l’arrêt Reference Re Alberta Statutes(37), il faut concéder que toute monnaie ne répondant pas aux 32. G. D, « Money in Canadian Law », (1986) 65 Revue du Barreau canadien 192, p. 223. 33. Il estime que les nouvelles formes de monnaie doivent respecter cinq caractéristiques afin d’être reconnues à ce titre : 1. elles sont acceptées d’une manière générale comme moyen d’échange ; 2. elles sont transmises à titre de paiement final et ne sont pas liées au crédit du cessionnaire ; 3. elles sont de plus entièrement transmises par livraison ; 4. elles sont anonymes ; 5. elles sont transmises libres de toutes charges envers les détenteurs précédents : B. C, supra, note 27, p. 402. 34. La seule décision canadienne traitant de Bitcoin discute la question liée à la faillite d’une entreprise qui avait acheté des Bitcoins : MtGox Co., Ltd (Re), 2014 ONSC 5811 (CanLII). 35. Supra, note 31. 36. N. L’H, É. F et M. L, Droit bancaire, 4 éd., Cowansville (Qué.), Éditions Yvon Blais, 2004, n 1.9, p. 34. 37. Supra, note 31.

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strictes exigences statutaires ne se qualifie pas comme monnaie au sens légal.

2. L’ouverture du législateur a. Les activités criminelles L’utilisation de la cybermonnaie aux fins de blanchiment d’argent a tôt fait de susciter l’intérêt des autorités canadiennes. Le Centre d’analyse des opérations et des déclarations financières du Canada (CANAFE) a présenté un état des lieux sur le blanchiment d’argent facilité par la monnaie virtuelle Bitcoin(38). Le CANAFE notait dans ce rapport de 2011 que les échangeurs de Bitcoins, qui utilisent des comptes bancaires, n’étaient pas assujettis à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes(39), car leur statut n’était pas encore déterminé, le législateur hésitant entre les considérer comme des entreprises de transfert de fonds (entreprises de services monétaires) ou des institutions financières. À la suite du budget du gouvernement fédéral déposé en février 2014(40), la définition des « entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables », prévue au paragraphe 5(h) de cette loi, a été élargie afin d’inclure les entités qui se livrent au « commerce d’une monnaie virtuelle », qui sera définie ultérieurement par une disposition réglementaire(41). Cette démarche vient compléter la disposition générale de l’article 448 du Code criminel(42) qui réprime les infractions relatives à la monnaie. Toutefois, comme la définition de la monnaie du Code criminel reprend celle de la Loi sur la monnaie(43), ces dispositions ne s’appliquent pas à la monnaie virtuelle.

Canada précise que la cybermonnaie peut être assimilée à deux situations. D’abord, lors de l’achat de biens ou de services, les règles du troc s’appliquent(45). L’agence justifie cette prise de position en affirmant que : «[i]l y a troc lorsque deux personnes acceptent d’échanger réciproquement des biens ou des services, et d’effectuer cet échange sans utiliser de monnaie légale »(46). Ensuite, en cas de transactions sur la monnaie numérique, «[t]out gain ou toute perte qui en découlerait pour le contribuable serait imposé à titre de revenu ou de gain ou perte en capital »(47). En d’autres termes, la monnaie virtuelle est assimilée à une marchandise, donc un à bien meuble(48).

Les régulateurs de marché ont mis en garde les investisseurs contre les dangers de fraude, dont les combines à la Ponzi et les faux investissements.

b. Les autorités fiscales

c. Les autorités de contrôle et de supervision

Sans surprise, les autorités fiscales se sont rapidement senties interpellées par le commerce électronique et la cybermonnaie. Une transaction en ligne peut-elle être secrète face au fisc ? Le problème repose sur l’anonymat et la traçabilité de l’argent(44). Les autorités fiscales canadiennes ont donc apporté certaines précisions au sujet de l’imposition de taxes sur les transactions par internet au moyen de la monnaie virtuelle. Dans un document d’information de 2013, l’Agence de revenu du

Les régulateurs de marché ont mis en garde les investisseurs contre les dangers de fraude, dont les combines à la Ponzi et les faux investissements(49). Au Québec, il est intéressant de noter l’avertissement de l’Autorité des marchés financiers (AMF), indiquant qu’elle « suit de près l’introduction de la monnaie virtuelle au Québec, tant du point de vue de la Loi sur les valeurs mobilières, de la Loi sur les instruments dérivés que de la Loi

38. CANAFE, Regard sur le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes : avril à juin 2011, 2011, en ligne : http://www.fintrac-canafe.gc.ca/publications/ watch-regard/2011-10-fra.pdf. 39. L.C. 2000, c. 17. 40. Ministère des Finances du Canada, « Sur la voie de l’équilibre : créer des emplois et des opportunités », 11 février 2014, pp. 152-153, en ligne : http://www.budget.gc.ca/ 2014/docs/plan/pdf/budget2014-fra.pdf. 41. Loi n 1 sur le plan d’action économique de 2014, L.C. 2014, c. 20, art. 256(2), introduisant le nouveau sousparagraphe 5(h)(iv). 42. L.R.C. (1985), c. C-46. 43. Supra, note 25. 44. A. M. F, supra, note 3, p. 475. 2014/4

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L’encadrement juridique de la monnaie virtuelle au Canada

45. Agence de revenu du Canada, « Que devez-vous savoir à propos de la monnaie numérique ? », document d’information, 5 novembre 2013, en ligne : http://www. cra-arc.gc.ca/nwsrm/fctshts/2013/m11/fs131105fra.html (ci-après Agence de revenu du Canada, « Monnaie numérique »). 46. Agence de revenu du Canada, « Monnaie numérique », ibid. ; Agence de revenu du Canada, Bulletin d’interprétation IT-490 - Troc, 1 janvier 1995, en ligne : http://www.cra-arc.gc.ca/F/pub/tp/it490/. 47. Agence de revenu du Canada, « Monnaie numérique », ibid. ; Agence de revenu du Canada, Bulletin d’interprétation IT-479R - Transactions de valeurs mobilières, 29 février 1984, § 9-32 en ligne : http://www.cra-arc.gc.ca/F/ pub/tp/it479r/it479r-f.html. 48. V. toutefois : F. A. M, supra, note 30. 49. V. également : supra, note 12.

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sur les entreprises de services monétaires »(50), et qu’elle interviendra en cas d’un manquement à l’une de ces lois. Cette mise en garde est certes la bienvenue, mais l’AMF demeure hésitante quant à la qualification précise de la crypto-monnaie. L’Ontario Securities Commission (OSC) a également averti les investisseurs contre les dangers de la monnaie virtuelle Bitcoin(51). d. Les valeurs mobilières Certains ont avancé qu’une transaction au moyen d’une monnaie virtuelle pourrait être assimilée à un investissement(52). L’intérêt de l’AMF, de l’OSC et de l’Agence du revenu du Canada à l’égard de cette question n’est pas anodin et pourrait présenter un argument défendable, selon l’utilisation qui est faite de la crypto-monnaie. À ce jour, les lois canadiennes encadrant les valeurs mobilières ne tiennent pas compte de cette monnaie virtuelle dans les définitions de valeur mobilière ou d’investissement. e. Le transfert de fonds La qualification d’une monnaie virtuelle en tant que système de paiement ou entreprise de service monétaire est-elle plutôt envisageable ? Bien qu’il existe une similitude entre la cybermonnaie et un système de paiement, notons qu’au Canada, tout comme dans d’autres pays, une variante s’est développée par l’émergence d’institutions non bancaires impliquées dans le transfert de fonds, appelées entreprises de transfert de fonds, ou entreprises de services monétaires, aux fins réglementaires, comme le réseau international de transfert d’argent Western Union. Dans ce cas, les fonds transférés par le donneur d’ordre sont disponibles à une de ses succursales situées à proximité du bénéficiaire. L’analogie du fonctionnement des entreprises de services monétaires avec le système de crypto-monnaie paraît séduisante. Cette solution a été particulièrement 50. Autorité des marchés financiers, « Mise en garde Prudence face à la monnaie virtuelle Bitcoin », 5 février 2014, en ligne : http://www.lautorite.qc.ca/fr/ communiques-2014-conso.html_2014_meg-monnaieBitcoin.html. Toutefois, selon un auteur, il faut noter plusieurs analogies : D. Y, « Is Bitcoin a Real Currency ? An Economic Appraisal », 1 avril 2014, SSRN, en ligne : http://ssrn.com/abstract=2361599 ; son homologue fédéral, le Bureau du surintendant des institutions financières, demeure silencieux sur la question. 51. OSC, « e Real Risks of Virtual Currencies », avril 2014, en ligne : http://www.osc.gov.on.ca/documents/en/ Investors/inv_news_20140404_real-risks-virtualcurrency.pdf. 52. K. L. M, « How to Encourage Global Electronic Commerce : e Case for Private Currencies On the Internet », (1998) 11 Harvard Journal of Law & Technology 733, p. 746 ; D. Y, supra, note 19, pp. 7, 10. A contrario : M. K. L, « Coining Bitcoin’s “Legal-Bits” : Examining the Regulatory Framework for Bitcoin and Virtual Currencies », (2014) 27 Harvard Journal of Law & Technology 587, p. 598. 26

utile pour qualifier les activités du réseau de transfert d’argent PayPal au Canada(53), qui fait également l’objet d’une attention marquée par les autorités américaines qui considèrent ce type d’entreprises en tant que money transmitter, c’est-à-dire une entreprise de transfert de fonds(54). S’appuyant sur l’approche américaine, la Loi sur les entreprises de services monétaires du Québec encadre les entreprises qui effectuent notamment le transfert de fonds et le change de devises(55). f. La monnaie parallèle En définitive, faudrait-il simplement considérer la crypto-monnaie comme une monnaie parallèle, c’està-dire qui existe à l’extérieur du système bancaire ? La monnaie parallèle émise par des commerçants, qui s’apparente à une forme de rabais et caractérisée par une utilisation très localisée, présente des traits de caractère communs avec la crypto-monnaie. À titre d’illustration, l’argent « Canadian Tire » (du nom de cette entreprise), connu de tous les Canadiens, constitue une sorte de coupons similaires à des billets de banque qui sont remis au client au moment de chaque achat afin d’obtenir un rabais lors d’une utilisation ultérieure(56). De nos jours, cette méthode s’est modernisée et transformée de diverses manières pour servir de rabais ou de cartecadeau. g. La carte prépayée Au Canada, la carte prépayée est utilisée par un consommateur qui achète une carte à un commerçant, carte qui peut être acceptée par son seul commerce, ou par un regroupement de commerçants (comme dans un centre commercial). Il peut également s’agir de cartes vendues par les grands réseaux internationaux de cartes de crédit. L’achat de la carte par le client est d’abord enregistré dans l’ordinateur du vendeur et, lors d’un achat, l’argent disponible sur la carte (argent virtuel) est transféré vers l’ordinateur du vendeur. Dans le cas d’une carte-cadeau, l’opération peut être anonyme. Ce cas de figure rappelle la cybermonnaie. Vu leur popularité et certains abus concernant les frais, ces cartes de paiement font l’objet d’un encadrement statutaire(57). 53. AMF, « Entreprises de services monétaires - Consultations antérieures (PayPal Inc.) », 11 juillet 2011, en ligne : http://www.lautorite.qc.ca/files//pdf/consultations/ entreprises-services-monetaires/commentaires/paypal. pdf. 54. J. D, « La régulation des crypto-monnaies et de leurs plates-formes de conversion », R.I.S.F., 2/2014, pp. 77-82. 55. L.R.Q., c. E-12.000001, article 1. 56. Plus précisément, cette « monnaie », fondée en 1958, s’inspire des billets de banque canadiens dans sa présentation et est disponible en plusieurs dénominations. Canadian Tire est un commerce pancanadien de vente de pièces d’automobile, d’outils et de matériel de sport. 57. Règlement sur les produits de paiement prépayés, DORS/2013-209 ; Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1, articles 187.1-187.5.

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Conclusion Si les adeptes de la monnaie virtuelle se complaisent dans un monde libertarien, inspiré de la théorie de Hayek sur la monnaie privée(58), les problèmes liés au 58. F. A.  H, Denationalisation of Money : An Analysis of the eory and Practice of Concurrent Currencies, Londres, Institute of Economic Affairs, 1976.

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blanchiment d’argent et à la fraude financière, notamment, appellent une intervention du législateur. Or la difficulté à qualifier juridiquement la cybermonnaie explique certaines hésitations en ce sens. L’absence d’unanimité parmi les décideurs, les auteurs et les tribunaux quant à la détermination de cette monnaie révèle peutêtre, en définitive, son caractère hybride.

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L’encadrement juridique de la monnaie virtuelle au Canada

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THE MONITORING AND REGULATION OF FINANCIAL INNOVATION: THE CASE OF VIRTUAL CURRENCIES AND THE EUROPEAN BANKING AUTHORITY Dr Dirk H Head of Consumer Protection and Financial Innovation, European Banking Authority(1)

The European Banking Authority (EBA) is an independent regulatory body whose aim is to protect the public interest by contributing to the short, medium and long-term stability and effectiveness of the overall financial system for the European Union economy, its citizens and its businesses. It does so by improving how the internal market functions, including in particular by making sure there is a sound, effective and consistent level of regulation and supervision in place. To this end, the EBA is responsible for monitoring new and existing financial activities and adopting guidelines and recommendations with a view to promoting the safety and soundness of markets and convergence of regulatory practice. This article describes the way the EBA fulfils its aim, using virtual currencies as a case study. In September , ‘virtual currencies’ arose on the EBA’s radar as one of the many innovations to monitor. The article highlights the steps taken in the first half of , starting with (i) EBA’s effort in defining the phenomenon under scrutiny ; (ii) the identification of market participants ; (iii) the assessment of potential benefits ; (iv) the identification and prioritisation of risks arising from virtual currencies ; (v) the identification of the ‘causal drivers’ for such risks ; (vi) and the development of the regulatory approach aimed at mitigating the causal drivers.

L’Autorité bancaire européenne (ABE) est un organisme de réglementation indépendant dont le but est de protéger l’intérêt public en contribuant à la stabilité et l’efficacité à court, moyen et long terme de l’ensemble du système financier pour l’économie de l’Union européenne, ses citoyens et ses entreprises. Elle contribue à l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur, en particulier en veillant à ce qu’il existe un niveau de réglementation et de supervision en place solide, effectif et cohérent. À cet effet, l’ABE est responsable de la surveillance des nouvelles activités financières existantes et de l’adoption de lignes directrices et de recommandations en vue de promouvoir la sécurité et la solidité des marchés ainsi que l’unification des pratiques réglementaires. Cet article décrit la façon dont l’ABE remplit son objectif, dans le cadre des monnaies virtuelles. En septembre , «les monnaies virtuelles » sont entrées sur le radar de l’ABE comme étant l’une des nombreuses innovations à surveiller. L’article met en évidence les mesures prises au premier semestre de , en commençant par (i) le travail de l’ABE quant à la définition du phénomène en question; (ii) l’identification des acteurs du marché; (iii) l’évaluation des avantages potentiels; (iv) l’identification et la hiérarchisation des risques découlant des monnaies virtuelles; (v) l’identification des facteurs de causalité de ces risques; (vi) et le développement de l’approche réglementaire visant à atténuer les facteurs de causalité.

Introduction e European Banking Authority (EBA) was established in November 2010 by a Regulation of the European Union Parliament and Council and it came into being on 1 January 2011.(2) It is an independent body 1.

2.

28

e author leads on the EBA’s work on virtual currencies. e views expressed in this article represent his personal opinion and do not necessarily reflect those of the EBA. e EBA has published its views on virtual currencies in its Warning of 13 December 2013 (see https://www.eba.europa.eu/-/eba-warns-consumers-onvirtual-currencies) as well as its Opinion of 4 July 2014 (see https://www.eba.europa.eu/-/eba-proposespotential-regulatory-regime-for-virtual-currenciesbut-also-advises-that-financial-institutions-should-notbuy-hold-or-sell-them-whilst-n). e author wishes to thank members and observers in the various EBA committees and taskforces that contributed to the EBA’s work on this topic. Regulation 2010/1093 EC, see http://eur-lex.europa.eu/ legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:32010R1093.

accountable to the EU Parliament and Council and its highest decision making body is the EBA Board of Supervisors comprising the CEOs of the 28 national supervisory authorities. One of the EBA’s main objectives is to protect the public interest by contributing to the short, medium and long-term stability and effectiveness of the financial system, for the European Union economy, its citizens and businesses. In order to fulfil this objective, the EBA took over all existing and ongoing duties and responsibilities from the preceding Committee of European Banking Supervisors (CEBS), but also took on additional duties including the protection of consumers and the monitoring of financial innovation. is includes the monitoring of new and existing financial activities and the adoption of guidelines and recommendations with a view to promoting the safety and soundness of markets and convergence of regulatory practice. e EBA’s findings apply to all financial institutions and financial activities that fall into the EBA’s ‘scope of action’ as defined in the EU Directives listed in the EBA’s founding regulation. At the time of writ-

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ing this article in September 2014, these Directives include: the Capital Requirements Directive and Regulation (CRD IV/R); the Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD); the Anti-Money Laundering Directive (AMLD); the Deposit Guarantee Scheme Directive (DGSD); the Mortgage Credit Directive (MCD); the Payment Accounts Directive (PAD); the Markets in Financial Instruments Directive II and Regulation (MiFID2/R) in respect of structured deposits; as well as, most crucially for the topic of virtual currencies, the Payment Services Directive (PSD) and the Electronic Money Directive (EMD).

One of the mandates of the EBA is to monitor

financial innovation.

In September 2013, virtual currencies (hereaer “VC”) emerged as one of the many innovations the EBA was monitoring at the time. Following three months of analysis, the EBA issued a public warning on 13 December 2013, making consumers aware that VC were not regulated and that the risks were unmitigated as a result. e warning was taken up widely by media outlets across the EU, who reported, analysed and commented on the messages contained therein. e question that remained unaddressed at the time was whether VCs should or could be regulated. is article provides an overview of the way in which the EBA carried on its work of monitoring financial innovation aer the publication of its initial warning; and how it reached a conclusion in response to the question above. It highlights the steps taken in the first half of 2014, starting with (i) the EBA’s effort in understanding and defining the phenomenon under scrutiny; (ii) the identification of market leaders; (iii) the assessment of potential benefits; (iv) the identification and prioritisation of risks arising from virtual currencies; (v) the identification of the ‘causal drivers’ for such risks; (vi) and the development of the regulatory approach aimed at mitigating the causal drivers.

I. How virtual currencies work In their decentralised variant, virtual currencies schemes such as Bitcoin, Litecoin and others tend to be created online using powerful computer hardware, which allows users to ‘mine’ small amounts of the currency by solving deliberately complex, but otherwise purposeless, algorithms. e increase in the supply of VC units in the decentralised VC schemes that exist is said to be fixed by a mathematical protocol. Only small 2014/4

amounts are released over time, and the computing power required to mine a unit increases over that time. Miners validate VC transactions and tend to operate anonymously, from anywhere in the world. VC units can also be bought at exchanges using conventional fiat currency (FC), such as the euro, the pound sterling or the US dollar. VC units are held in personalised accounts known as an electronic wallet (ewallet). Using this wallet, consumers can send VCs online to anyone else willing to accept them, or convert them back into FC. Each transaction is validated and recorded on a transaction ledger oen referred to as a block chain. At present, the size of all VC schemes is difficult to gauge, due to the uncertain reliability of the data sources. It is also unknown how many VC transactions are carried out, not as a means of payment but as a mere exchange between VC and FC. Using a generous interpretation, the number of global VC transactions has never exceeded 100,000 per day globally,(3) compared to approximately 295 million conventional payment and terminal transactions per day in Europe alone (i.e. credit transfers, direct debits, e-money transfers, cheques, etc.).(4) In autumn 2013, however, the EBA noticed increased VC activity across EU Member States, with a growing number of VC schemes being launched, an increasing number of merchants and individuals using VCs, and Bitcoins in particular, not only as an investment but as a means of paying for goods and services. Given that the regulation of payment services and relevant EU directives – such as the Payment Services Directive (PSD) and the Electronic Money Directive (EMD) – fall into the EBA’s scope of action, the EBA decided to set up a taskforce comprising experts from national supervisory authorities across the 28 Member States of the EU as well as other European regulatory authorities as observers, with a view to assess whether virtual currencies can and ought to be regulated. Furthermore, given the global nature of the phenomenon, the EBA invited regulatory authorities from elsewhere, notably from Japan and the United States, to the table, with a view to exchanging views, analyses and experiences. At the time, more than 200 different VC schemes were reported to be in circulation,(5) and many more were expected to be developed, some of them arguably with features that are not yet known. While this created challenges when finalising useful definitions for the development of a regulatory approach, some differentiating features that should withstand the test of time could still be identified. e same challenge arises when identifying the participating actors in the market for VCs who 3.

4. 5.

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e monitoring and regulation of financial innovation: the case of virtual currencies and the European Banking Authority

See for example, http://blockchain.info/charts/ n-transactions?timespan=1year&showDataPoints=false &daysAverageString=7&show_header=true&scale=0& address. Which are equivalent to EUR 94.5bn per year, see http://sdw.ecb.europa.eu/reports.do?node=1000001439. See, for example, http://coinmarketcap.com/.

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would be the parties affected by any regulations developed. Many different types of actors are competing to be the first to offer innovative ancillary VC services of one kind or another, such as automated machines used to exchange VC against FC and vice versa, the possibility to reverse charges, etc. It is uncertain which service offerings will emerge in the future, which ones will gain market acceptance and which underlying business models will therefore survive. Again, however, some key market participants with functions that create particular risks can be identified for regulatory purposes, and are explained in section III below.

II. A preliminary de nition VCs can be defined as “a digital representation of value that is neither issued by a central bank or public authority nor necessarily attached to a FC, but is used by natural or legal persons as a means of exchange and can be transferred, stored or traded electronically”.(6) VCs can therefore be characterised along several distinguishing features, as per the below. Although some of the features resemble activities or products that are already within the remit of the EMD, these products are not intended to be included here, as e-money is a digital representation of fiat currency, which VCs are not.

e EBA asked itself whether virtual currencies can and ought to be

regulated.

e digital representation of a value refers to the fact that the value is essentially represented in digital form. is does not exclude the possibility that it may also be physically represented, such as through paper printouts or an engraved metal object. e term ‘digital representation of value’ is close to the monetary concept of a ‘unit of account’ but includes the option to consider VCs as private money or a commodity. It also avoids making reference to a standard numerical unit of account for the measurement of value and costs of goods, services, assets and liabilities, which might (according to some views), imply that it needs to be stable over time. Another component of the definition is that virtual currencies are not issued by a central bank or a public au6.

30

It is theoretically conceivable that a central bank or public authority might back a particular VC scheme. However, it can be reasonably argued that, in this case, the currency is no longer a virtual but a fiat currency.

thority, nor are they necessarily linked to a fiat currency. is element of the definition differentiates VCs from FC issued by central banks or public authorities. Currency issued by a central bank or public authority is considered FC, regardless of its (physical or digital) form. e difference between electronic money and a virtual currency is that the latter is not necessarily attached to a FC, i.e. it does not have a fixed value in a FC and, furthermore, it is not necessarily fixed to be redeemed at par value by an issuer. Electronic money, by contrast, means electronically (including magnetically) stored monetary value as represented by a claim on the issuer, which is issued on receipt of funds for making payment transactions, and which is accepted by a natural or legal person other than the electronic money issuer.(7) Finally, VCs can be used as a ‘medium of exchange’ to obtain goods and services by one holder, such as a private person or company, from another. is avoids the inconveniences of a barter system, i.e. the need for a coincidence of wants between the two parties involved in the transaction. How widely a VC scheme is accepted amongst market participants (i.e. its acceptance network) varies from scheme to scheme and could deliberately be designed to be a broader or narrower use (e.g. for a specific community of individuals). e aim of the above definition is to distinguish VCs from conventional fiat currency and, in particular, from electronic-money as digital representation of fiat currency. From an economic standpoint, money performs three different functions: (1) a unit of account, (2) a means of exchange and (3) a store of value. In principle, VCs could potentially fulfil one or more of the functions of money. However, the definition of VC above reflects the fact that these functions are, at least currently, not comparable in terms of quality, and are not always fulfilled at the same time or to the same extent. Furthermore, from a regulatory perspective, inclusion of the term ‘currency’ in the denomination ‘VC’ is misleading as it implies the highest liquidity of the asset, with a wide or universal acceptance within its geographical sector, as well as exchangeability with other currencies (virtual and fiat), which may not necessarily be the case for every single VC scheme.

III. Market participants A potential regulatory regime requires the identification of both the actors that participate in the market and of the activities of which may give rise to risks, and may therefore require regulation. Although the market sector is young and dynamic, and business models are therefore constantly emerging and changing, the following main actors could be identified in spring 2014. 7.

See Article 2.2 of the Electronic Money Directive (EMD), at http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri= CELEX:32009L0110.

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Users are persons or legal entities that obtain VC and use it to purchase real or virtual goods or services or use it to send remittances in a personal capacity to another person (for personal use), or who hold the VC for other purposes, such as an investment. Typically users can obtain VC through exchanges, engaging in specific activities such as ‘mining’; and/or receiving VC from a central entity, such as the issuer, or a scheme governing authority. Merchants are users in a trade, business or professional role who accept VCs in exchange for goods and services. Exchanges are persons or entities engaged in the exchange of VC for FC, funds or other VC schemes. ey may accept a wide range of payments, including cash, credit transfers, credit cards and other VCs. Comparable to traditional currency exchanges, the larger VC exchanges provide an overall picture of the changes in a VC’s exchange price and its volatility. Trade platforms function as market places: they bring buyers and sellers of VCs together by offering them a platform on which they can offer and bid for VCs. Some trade platforms may even help their clients to locate merchants in their vicinity. Scheme governing authorities are private-sector actors who would yet have to be established as part of a potential future regulatory scheme (please see below). Some legal entities governing the rules for the use of a particular VC scheme, maintain a central payment ledger, and are responsible for the integrity and functioning of the scheme. is does not imply, however, that the issuance of the VC units of the scheme is also centralised. Processing service providers are entities that facilitate the transfer of VC units from one user to another, usually through the means of information technology. In decentralised VC schemes, the provision of these services is sometimes rewarded by granting VC units to the provider, an activity that is referred to as ‘mining’. Wallet providers/custodians are entities, which hold and administer users’ VC accounts (or e-wallet) and that provide an overview of the user’s transactions (via a web or phone-based service). With some VCs, the services entrusted to the wallet service provider may include the custody of the user’s public and private key. Wallets can be stored both online (‘hot storage’) and offline (‘cold storage’), the latter of which increases the safety of the balance by protecting the wallet. Miners exist in decentralised VC schemes. ey solve deliberately complex, but otherwise purposeless, algorithms in order to obtain small amounts of VC units. Miners validate VC transactions carried out by other users and tend to operate anonymously, from anywhere in the world. When a group of miners – a so-called ‘mining pool’ – controls more than half of the total computational power of a particular VC scheme, the pool is potentially in a position to interfere and reject the validation of transactions of other users and thereby to change the functioning of a VC scheme. 2014/4

An inventor is a person, or a group of persons, who create or originate the concept of a particular VC and its underlying code and protocol. Technical service providers are third-party entities providing additional (non-core) technical services that interact with the VC scheme through, for example, soware applications, or enabling mining pool access. Information providers make available information on VC-related exchange rates, news feeds and other data on which other market participants rely. Each of these market participants may give rise to risks, the materialisation of which can potentially undermine the confidence of other market participants and may therefore require a regulatory response aimed at ensuring all participants can have confidence in this new market segment.

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e monitoring and regulation of financial innovation: the case of virtual currencies and the European Banking Authority

IV. Potential bene ts Supporters of VCs attribute numerous advantages to VC schemes. Some of these are more conceptual, while others are more of a practical or financial nature. It is common to most advantages that, at this stage of the development of VCs, many remain hypothetical, as the advantages have oen not (yet) materialised.(8) However, a regulator needs to assess the validity and probability of benefits of emerging innovations, so as to be able to compare them against any risks that will be identified and, thus, to be able to develop a regulatory regime that achieves the appropriate balances and trade-offs. Benefits in this context refer to impacts that can be objectively identified, against a benchmark, as an advancement for at least some market participants or more generally for society.

A. A reduction of transaction costs VC transactions can potentially be achieved at lower costs than other means of payment, such as credit card payment or bank transfers. is is partly due to the absence of intermediaries in the payment process that may impose charges on handling the transaction. VCs can therefore be less expensive for merchants as payees as well as for payers to whom transaction costs may be partially passed on. Although reliable and independent data on the exact costs of VC transactions is difficult to ascertain, some anecdotal suggestions have been made that average transaction fees on the Bitcoin network tend to be less than 0.0005 BTC, or 1% of the trans-

8.

An exception may be those market participants that have already taken advantage of the significant exchange rate volatility of VCs, or the anonymity feature that allows them to escape surveillance, purchase illegal goods, evade taxes, commit other forms of crime or avoid seizure of their assets. However, from a regulatory or societal perspective these are arguably not benefits.

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action amount.(9) is compares with 2%-4% for traditional online payment systems or an estimated 8%9% for remittance without involving bank accounts via money transmitters.(10) However, several caveats need to be made about these alleged benefits. Firstly, the cost advantages are not guaranteed, as miners of popular decentralised VCs such as Bitcoins currently tend to be compensated by both transaction fees and a share in recently mined VC units. It is reasonable to assume that, as the number of newly issued VC units decreases over time, miners will have to rely more on transaction fees to recoup their investment of processing power, leading to fee increases in the future. Secondly, most merchants who accept VCs tend to convert them immediately into their local FC,(11) an activity that also incurs costs (estimated to be 1% of the amount to be exchanged).(12) irdly, the higher fees for other means of payment transactions are partly due to the regulatory requirements imposed on the regulated entities that provide them, as a result of security measures, corporate governance, internal control measures, prudential requirements and more. Should VCs schemes be regulated as a financial service, associated (although perhaps not identical) costs are likely to result in a reduction of cost advantages. Finally, and most importantly, the cost differentials between FC and VC transactions are much less pronounced in the Member States of the European Union that are part of the Single Euro Payments Area (SEPA). e SEPA is the EU’s payment-integration initiative for the simplification of bank transfers in euros. As of spring 2014, the SEPA consists of 34 countries, including the 28 EU member states. Furthermore, the EU regulation on the equality of charges for cross border payments eliminates the differences in charges for cross-border and national payments in euros.(13) As a result, the costs arising for payers and payees when making cross-border transactions through conventional payment services is already low or, indeed, free, therefore significantly reducing the cost advantages of VCs in the European Union as the EBA’s geographical jurisdiction. 9.

10.

11.

12. 13.

32

J. B, Beyond silk road: potential risks, threats, and promises of virtual currencies, Testimony before the Senate Committee on homeland security and governmental affair, 18 November 2013, 11. R. W, Why we accept Bitcoin, Forbes, 13 February 2014, at http://www.forbes.com/sites/groupthink/2014/02/13/ why-we-accept-bitcoin/, and World Bank, Remittance Prices Worldwide, 2014. A. K-G and C. S, Practical aspects of the bitcoin system, Paderborn, Universität Paderborn, 2013. UBS, Bitcoin and Banks. Problematic currency, interesting payment system, 24 March 2014. See Regulation(EC) No 924/2009 at http://ec.europa.eu/ internal_market/payments/crossborder/.

B. Faster transaction processing Transactions using VCs can potentially be settled faster than those of FCs.(14) For Bitcoins, the total process time is said to be between 10 and 60 minutes. It is claimed that, on average, a new block is added every 10 minutes to the blockchain transaction ledger. In this respect, VC payments appear to compare favourably with credit transfers or card payments, particularly for payments between different currency areas. Also, processing VC payments takes place on a 24/7 basis, unlike payments made through traditional payment systems.

Many of the potential benefits of VCs are unlikely to materialise in the EU.

However, for similar reasons as explained above regarding transaction costs, these benefits are reduced for the 34 countries of the SEPA agreement, because the payee needs to be credited, at latest, by the next business day. Moreover, a number of countries around the world have already established several settlement cycles per day or even 24/7 real-time payment services. Furthermore, regarding card payment transactions, real-time authorisation transaction systems guarantee the payment to the payee.

C. Economic growth Economic growth, too, was said to benefit from virtual currencies, because compared to traditional payment systems with established business actors, VCs have spawned new types of businesses that did not exist before. e use of decentralised VCs offers various new business opportunities. For example, the activity of mining has spawned the development of specialised mining hardware, specialised server farms, commercial mining services such as mining pools, as well as demand for safe storage capacities. Further business opportunities have arisen for exchanges and trade platforms, due to the need to convert VCs into FCs and vice versa. e main focus of innovation in virtual currencies is the IT sector although they may also arise in the financial ser14. ‘Virtual Currencies: e Legal and Regulatory Challenges’, Global Forum on Law, Justice and Development and held at the World Bank’s headquarters in Washington, DC on 14 June 2013.

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vices sector.(15) e magnitude of these benefits, however, is difficult to quantify.

D. Financial inclusion In jurisdictions where financial services are not widely available, where users have a high risk profile, where the national currency is not convertible into other FC, where financial services are too expensive for individuals, or where the administrative burden for obtaining an account is high, VC schemes provide a potential alternative way for individuals to access trade and effect payment transactions notwithstanding those obstacles. However, this potential benefit is likely to be much less pronounced in the European Union, as directives such as the Payment Accounts Directive, which was adopted in April 2014, will give EU citizens the right to open a cheap basic bank account within any EU Member State.(16) In contrast to VC, these accounts are subject to consumer and depositor protection requirements. In summary, it is reasonable to argue that the alleged benefits may potentially materialise in areas where the payment infrastructure is less developed or less trustworthy but many of them are unlikely to materialise in European Union as the EBA’s jurisdiction. ere is therefore less of a case for such benefits to be counterbalanced and less of a case for any regulatory measures that may need to be developed to be slowed down.

e identification of risks needs to be complemented with an analysis of risk drivers.

V. Risks

e main objective of a financial regulator is to identify risks arising from financial activities, prioritise them, and take mitigating action, if required. is paragraph (i) lists the risks that arise from VCs, (ii) identifies the bearer(s) of each risk, (iii) the impact on the risk bearer in the event that the risk materialises, and (iv) the conditions needed for the risk to materialise. e causal drivers of the risks were also identified, as these drivers allow for a targeted, and hence effective, development of regulatory measures to mitigate the risks.

e EBA identified over 70 risks that arise for users; non-user market participants; merchants; financial integrity as a result of financial crime, terrorist financing and money laundering; conventional payment systems in fiat currencies; and risks for regulators themselves. An overview of all the risks is provided in table 1 overleaf. Some of these are similar, if not identical, to risks arising from conventional financial services or products, such as payment services, while others are specific to VCs. All of them are given a preliminary priority ranking of low (green), medium (amber) or high (red), based on a tentative assessment of factors such as the probability of a risk to materialise, the severity of the impact should the risk materialise, and an assessment of the anecdotal evidence available.

Dossier

e monitoring and regulation of financial innovation: the case of virtual currencies and the European Banking Authority

A. Risks to users e first category of risks in table 1 comprises all those risks that arise for users of virtual currencies. Some of these arise irrespective of the intended usage and purpose of holding or buying VCs, while others are specific to VCs used as a means of payment or as an investment. As can be seen in table 1, more than two dozen of such risks can be identified, including: users suffering losses when an exchange is hacked; an exchange acts fraudulently; the value of VC units to be used for payment purposes fluctuates due to significant or unexpected exchange rate fluctuation; the VC units acquired turn out not have the related payment characteristics; when changes are made to the VC protocol, the transaction ledger (the ‘block chain’) or other key components; a user’s computing capacity is abused for the mining benefit of others; a user’s eWallet is hacked or the soware malfunctions; when the exchange is hacked where the user temporarily holds his money; or when counterparties in the payment transaction chain do not meet their obligations. Also, users have no guarantee that VCs are accepted by merchants as a means of payment on a permanent basis; and users cannot access their VC units aer losing their password (i.e. ‘private keys’) to their e-wallet. e drivers of these risks are manifold and include the fact that virtual currency markets, and the price formation therein, are relatively opaque, and the price formation on exchanges can easily be manipulated. ere is also a lack of procedures and settlement finality, the conduct of employees of an exchange may fall short of reasonable expectations by consumers; the exchange is not necessarily legally incorporated in a jurisdiction and cannot therefore be subjected to regulatory requirements; the corporate governance responsibilities of the exchange’s senior management are unclear; and/or the business activities of the financial institutions are not subject to an independent audit.

15. UBS, Bitcoin and Banks. Problematic currency, interesting payment system, 24 March 2014. 16. See http://ec.europa.eu/internal_market/finservicesretail/inclusion/index_en.htm. 2014/4

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Dossier

La monnaie virtuelle

B. Risks to non-user market participants Risks also arise for a second category of entities, which are other non-user market participants, including exchanges, trade platforms, e-wallet service providers,

merchants and others. Some of the risks apply to all participants, while others are specific to only one of them. For example, an exchange may find itself not in control of its own operations, as a result of inadequate governance arrangements to oversee transactions, a failure to keep adequate records, or an inadequate IT security.

B) Risks to non-user market participants

General risks, irrespective of purpose When used as an investment

When used as a means of payment

A) Risks to users

Table 1: Overview of risks arising from virtual currencies

34

Specific to exchanges

Specific to merchants Specific to some other market participants

ID

Risk description

Rank

A01

User suffers loss when an exchange is fraudulent

High

A02

User suffers loss when an ostensible exchange is not a genuine exchange

High

A03

User experiences drop in value of VCs due to (significant) exchange rate fluctuation

High

A04

User holding VCs may unexpectedly become liable to tax requirements

Med

A05

User who is a member of a VC mining pool does not get fair share of mined VC units

Low

A06

User suffers loss when buying VCs that do not have the VC features that the user expects

Med

A07

User’s computing capacity is abused for the mining benefit of others

Low

A08

User suffers loss due to changes made to the VC protocol and other core components

High

A09

User is not in a position to identify and assess the risks arising from VCs

Low

A10

User is in violation of applicable laws and regulations

Med

A11

User loses VC units through e-wallet the or hacking

High

A12

User loses VC units when exchange gets hacked

High

A13

User’s identity may be stolen when providing identification credentials to access VCs

High

A14

Market participants suffer losses due to unexpected application of law that renders contracts illegal/unenforceable

Med

A15

Market participants suffer losses due to delays in the recovery of VC units or the freezing of positions

High

A16

Market participants suffer losses due to counterparties/intermediaries failing to meet contractual settlement obligations

High

A17

Market participants suffer losses of VC units held in custody by others

Med

A18

Market participants suffer losses through information inequality regarding other actors

Med

A21

User suffers loss when counterparty fails to meet contract. payment or settlement obligations

High

A22

User experiences fraud or loss of FC when using VC cash machines

Med

A23

User has no guarantee that VCs are accepted by merchants as a means of payment on a permanent Basis

High

A24

User suffers loss when VC payment they have made to purchase a good is incorrectly debited from their e-wallet

High

A25

User is not able to convert VCs into fiat currency, or not at a reasonable price

High

A26

User is unable to access VCs aer losing passwords/keys to their e-wallet

High

A27

User is not able to access VCs on an exchange that is a ‘going concern’ (i.e. has the resources to operate)

High

A28

User is not able to access VCs on an exchange that has gone out of business (i.e. does no longer have resources to operate)

High

A41

User suffers loss as a result of VC prices being manipulated

High

A42

Med

A43

User investing in regulated financial instruments (e.g. derivatives, SPS, CIS) using unregulated VCs suffers unexpected loss User is misled by unreliable exchange rate data

A44

User suffers loss when investing in fraudulent VC investment schemes

Med

A45

User is exposed to significant price volatility within very short time frames

Med

A46

User cannot execute the VC exchange at the expected price

Med

A47

User is exploited by a VC Ponzi scheme

Med

B11

Exchange is operationally unable to fulfil payment obligations denominated in VCs or FCs

Med

B12

Exchange is not in control of its operation

Med

B13

E-wallet provider faces loss should their refund policies be abused to hedge transactions

Med

B21

Aer accepting VC for payment, merchant is not reimbursed

Med

B22

Unlike a FC, the merchant cannot be certain that they can spend the VCs received

Med

B23

e merchant cannot be certain of the FC purchasing power of the VCs they have received

Med

B24

Merchant faces compensation claims from customers experiencing wrongly debited transact.

Med

B31

Wallet provider loses e-wallets provided for individuals

High

B32

Scheme governance authority fails to meet payment and other obligations

High

B33

Scheme governance authority is subject to unexpected civil/criminal liability that brings the VC scheme to a halt

Med

B34

E-wallet provider faces compensation claims from customers if functionality of wallet is compromised or fails to provide expected functionality

Med

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D) Risks to payment systems in FCs

ID

Risk description

Rank

C01

Criminals are able to launder proceeds of crime because they can deposit/transfer VCs anonymously

High

C02

Criminals are able to launder proceeds of crime because they can deposit/transfer VCs globally, rapidly and irrevocably

High

C03

Criminals/terrorists use the VC remittance systems and accounts for financing purposes

High

C04

High

C05

Criminals/terrorists disguise the origins of criminal proceeds, undermining the ability of enforcement to obtain evidence and recover criminal assets Market participants are controlled by criminals, terrorists or related organizations

C11

Criminal uses VC exchanges to trade illegal commodities and abuse regulated financial sector at point of entry

High

C12

High

C13

Restorative justice of victims of crime is hindered by criminal using VCs to avoid seizure of assets, confiscation and financial sanctions Criminal can use VCs for anonymous extortion

C14

Criminal organizations can use VCs to settle internal or inter-organizational payments

Med

C15

VCs make it more feasible for individuals to engage in criminal activity

High

C16

Hacking of VC soware, wallets or exchanges allows a criminal to implicate others in the criminal activities they commit

Me

C17

Med

C18

Criminals, terrorist financiers and even entire jurisdictions are able to avoid seizure of assets, confiscation, embargos and financial sanctions (incl. those imposed by IGOs) Criminals are able to create a VC scheme

High

C19

Tax evaders are able to obtain income in VCs, outside monitored FC payment systems

Med

D01

Payment service providers (PSPs) that use FC and also provide VC services suffer losses due laws that render VC contracts illegal PSPs that use FC and also provide VC services fail due to liquidity exposures in their VC operations

Low

PSPs that offer VC payment services suffer loss of reputation when VC payments fail, because they gave the impression that VCs were regulated Businesses in the real economy suffer losses due to disruptions in financial markets that were caused by VC assets blocked, delayed, etc.

Med

E01

Regulators decide to regulate VCs but the chosen regulatory approach fails

Med

E02

Regulators do not regulate VCs but the viability of regulated financial institutions is compromised as a result of their interaction with VCs Regulation and supervision of conventional financial activities is circumvented by unregulated ’shadow’ activities that incur the same risks Regulator is subject to litigation as a result of introducing regulation that renders pre-existing contracts illegal/unenforceable Should the regulator decide to regulate VCs more leniently than FCs, an unequal playing field in the market for payment services will emerge If an unequal playing field is retained, the intensity of competition in the market for FC payment services diminishes as providers exit FC markets Regulators prevent potential new entrants to payment services market if the regulatory approach to VCs is excessive

Med

Should VCs gain widespread acceptance, central bank as issuer of FC can no longer steer the economy, as the impact of its monetary measures become difficult to predict

Low

D02 D03 D04

Reputation risks

E) Risks to regulatory authorities

E03 Legal Risks to competition objectives

E11 E21 E22 E23

To authority issuing FC (out of scope)

E31

Merchants, in turn, incur the risk of not being reimbursed or credited once they have accepted payment, because of the ‘double-spending problem’: unlike FC that has a physical representation in coins and notes, VC units are only digital files. erefore, the act of spending a VC unit does not remove its data from the ownership of the original holder. Electronic payment systems in FC prevent double-spending by having a central authoritative source that follows rules for authorising each transaction. By design, no central authority exists in a VC scheme. To prevent double-spending, VC schemes tend to use a decentralised system with separate nodes that follow the same protocol. e authenticity of each transaction is verified by adding it to a transaction ledger, called the blockchain, which is to ensure that the inputs for the transaction have not previously been spent. However, there is no guarantee that a particular VC scheme uses this verification approach, nor is it certain that if this approach is used, it is completed securely and is not compromised, for example through ‘blocking’ individual users from the VC network.

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Dossier

Money laundering and terrorist financing risks

White collar crime risks

C) Risks to financial integrity

e monitoring and regulation of financial innovation: the case of virtual currencies and the European Banking Authority

High

High

Low

Low

Med Low Med Med Med

Furthermore, merchants may face compensation claims from customers if transactions have been wrongly debited. is is because e-wallet providers, exchanges, trade platforms and most other VC market participants are not regulated, and do not have a physical presence. e VC scheme itself is not regulated either. So, in the event of an issue arising in a VC transaction, the aggrieved user may be le in a situation whereby the merchant is the only participant to whom a complaint and compensation claims can be addressed.

C. Risks to financial integrity A third category of risks can usefully be characterised as risks to financial integrity which comprises risks of money laundering, terrorist financing, and financial crime. Particular risks are that (i) criminals are able anonymously to launder proceeds of crime, (ii) use the VC remittance systems and accounts for financing purposes and (iii) can disguise the origins of criminal proceeds, undermining the ability of enforcement authori-

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La monnaie virtuelle

ties to obtain evidence and recover criminal assets. Furthermore, VC market participants themselves, such as exchanges or other entities, may be controlled by criminals, terrorists or related organisations. Also, criminals can use VC exchanges for the purpose of avoiding the regulated financial sector and trade in illegal commodities, for anonymous extortion, for the settlement of internal or inter-organisational payment needs and they are even able to create themselves and yet anonymously a VC scheme for criminal purposes. Restorative justice for victims of crime, too, is hindered by criminals using VCs to avoid seizure of assets and confiscation. And generally, VCs lower the threshold for individuals to engage in criminal activity, as the anonymity of the creation combined with the easy access to VCs, the easy exchange between VCs and FCs, and the ability to avoid regulated financial systems makes it more feasible for individuals to engage in criminal activity, including the illicit purchase of goods and services and tax evasion.

VCs undermine an important political tool for national governments: to impose financial

sanctions.

Furthermore, individuals, entities as well as entire jurisdictions are able to avoid seizure of assets and confiscation, as well as international embargos and financial sanctions, because VC transactions are peer-to-peer, unrecorded, anonymous, global, irrevocable they and do not require financial intermediaries on which financial sanctions and embargoes could be imposed. As a result, an import tool in a sovereign government’s toolbox – the enforcing of financial sanctions or embargos – is bypassed and undermined.

D. Risks to payment systems in fiat currency Another important category is risks to payment systems and payment service providers (PSPs) in fiat currency. e risks in this category cover issues that may potentially arise as a result of interdependencies between payment systems denominated in FCs and those denominated in VCs, particularly if PSPs carry out activities in both. is includes the risk that PSPs offer services for FC and VC and fail to meet their contractual obligations 36

as FC payment system participants due to liquidity exposures in their VC operations. e overall economy may suffer losses due to disruptions in financial markets that were caused by VC transactions and assets that were blocked or delayed.

E. Risks to regulators Finally, regulators themselves incur risks regardless of whether they deliberately decide not to regulate at all, or they do decide to regulate but the approach fails. e risks may be of a legal nature, of a reputational nature or because the activity that is being assessed undermines one or more of the regulator’s other objectives. Unlike the risks in the previous categories, the mitigation of the risks listed below is firmly in the hands of the regulators. e most conceivable of these risks is that regulators decide to regulate an innovative phenomenon but the chosen regulatory approach fails or that, conversely, they decide not to regulate, but a subsequent failure in the new market sector causes detriment to consumers and/or other market participants anyway and/or undermines the confidence of participants in conventional regulated market sectors.

VI. Causal drivers For a regulator, the identification and prioritisation of risks is a necessary but in itself insufficient step when developing regulatory approaches. An even more important step is the identification of the causal drivers of these risks. An unrelated example serves to illustrate the point: if a preliminary analysis of the available evidence suggests to a regulator that, say, there is a risk that consumers are mis-sold a given innovative financial product because they do not understand it, the regulator will have to identify the factor of this lack of understanding. is is the case because a regulatory response will only be successful if the correct factor(s) are identified and a regulatory approach is developed that mitigates them. In the above example it is well conceivable that the risk arises because consumers are not receiving any information about the features and risks of the products; or if they do receive information, it is misleading; or the disclosure document is insufficient in order to understand the product; or the product itself is too complex. ese factors are very different and, in an effort to mitigate them, would lead a regulator into very different directions: the first driver may require a financial education programme, while the other drivers may require disclosure obligations to be imposed on financial institutions, and possibly in a specific prescribed and comprehensible format. Others still may require the regulator to intervene in a market and to forbid certain types of products being sold to certain types of consumers. An adequate identification of the risk drivers right is therefore of paramount importance.

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e preceding paragraph already alluded to some of the causal drivers, which were highlighted when some of the risks were identified and discussed. During its work, the EBA subjected all of the 70 or so risks to this type of analysis. Eventually, all causal drivers were aggregated and a list of 18 drivers emerged which potentially required regulatory mitigation. e first ten of these are: i) VC schemes can be created by anyone anonymously and their functioning, protocol and transaction validation can then be changed by anyone attaining a 51% majority of the computational power required to mine VC units; ii) payer and payee are anonymous; iii) the internet-based nature of VC schemes means that VC units do not respect jurisdictional boundaries; iv) entities are not subject to standards of good standing; v) price formation occurs in an opaque way; vi) VC transactions are not reversible, so no refunds are issued for erroneous transactions; vii) definitions and standards are lacking; viii) IT safety is inadequate; ix) entities have insufficient own funds to meet obligations; x) and client VC accounts are not separated from those of the entity. Given that new regulation oen tends to apply the principle that ‘similar risks require similar regulation’, the analysis above suggests that, in aggregate, a substantial (and in some aspects unprecedented and untested) body of regulation would be required so as to address the phenomenon of virtual currencies in a comprehensive manner. e elements of this potentially long-term approach are set out in the next paragraph. However, the EBA arrived at two further conclusions. First of all, it anticipated that it would require several years for such a regulatory framework to be developed. Secondly, the assessment of one of the risks – risk C17 in table 1 about VC schemes allowing individuals, entities and jurisdictions to bypass financial sanctions – falls outside the EBA’s regulatory remit, and within the political remit of national governments. Sanctions tend to be imposed on individuals, entities, or jurisdictions by requiring the financial intermediaries in a payment transaction to block specific transfers. However, in VC schemes, there are no intermediaries on whom such requirements could be imposed: virtual currencies allow anonymous peer-to-peer transfers without the involvement of a payment institution. is risk undermines an important political tool available to national governments and intergovernmental organisations seeking to promote particular political objectives. It is a primary issue that governments will need to take a view on, and to do so before the EBA decides on its regulatory approach. is follows because governments might take a more stringent point of view and/or articulate a need for the regulatory regime to be set up in a way that does allow for sanctions to be imposed. As a result, the EBA decided not to develop this regulatory framework itself through the development of EBA Guidelines, but rather to publish its analysis via the legal route of an EBA Opinion. e Opinion is addressed 2014/4

to European legislators – the EU Commission, the EU Council, and the EU Parliament – as well as national supervisory authorities. It is addressed to EU legislators in order for them to consider the analysis, and recommended regulatory approach that emerged, when assessing the case for and against regulation; and it is addressed to national supervisory authorities because, as long as there is no regime (yet) in place, an ‘immediate regulatory response’ is required to mitigate at least some of the risks in the meantime. is immediate response, as well as the regulatory approach for the long-term, are explained in detail in the final section further below.

Dossier

e monitoring and regulation of financial innovation: the case of virtual currencies and the European Banking Authority

VII. A potential regulatory approach for the long-term e potential regulatory approach that is required in order to mitigate the risks and the identified risk drivers comprehensively consists in several elements, some of which are similar to requirements applicable to payment services and electronic money institutions and well known by the latters. ese include customer due diligence requirements, fitness and standards of good standing, mandatory legal incorporation of entities, capital requirements, evidence of secure IT systems, payment guarantees and refunds, and mandatory authorisation and corporate governance arrangements. Other elements come from regulatory regimes established elsewhere for other financial market sectors, such as the requirement to ensure transparent price formation and requirements against market abuse, the separation of client accounts and the mandatory legal and organisational separation of VC activities when carried out by regulated payment institutions active in conventional fiat currencies. Others are still rather new and untested and would therefore require further analysis and elaboration. e most significant and equally untested of these is the required establishment of so-called ‘scheme governing authorities’. is measure is meant to address the risk factor that VC schemes can be created by anyone anonymously and their functioning, protocol and transaction validation can then be changed by anyone attaining a 51% majority of the computational power required to mine VC units. A scheme governing authority is a non-governmental body that establishes and governs the rules for the use of a particular VC scheme.(17) It is a legal entity and it is responsible for maintaining 17. e concept of governance authority is derived from the European Central Bank, Harmonised oversight approach and oversight standards for payment instruments, February 2009. ere, the governance authority is described as being accountable for the overall functioning of the scheme that promotes the (initiation of the) payment instrument in question and for ensuring that all the actors involved comply with the scheme’s rules. Moreover, it is responsible for ensuring the scheme’s compliance with oversight standards.

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La monnaie virtuelle

the integrity of the central transaction ledger, the protocol, and any other core functional component of the scheme. e scheme governing authority would be required to comply with regulatory and supervisory requirements of various kinds to mitigate identified risks. A governing authority may, at first, appear incompatible with the conceptual origins of VCs as decentralised schemes that does not require the involvement of a central bank or government. However, the mandatory creation of a scheme governing body does not imply that VC units have to be centrally issued. is function can remain decentralised and be run through a protocol and a transaction ledger for example. If it is true that the decentralised VC schemes are secure, it should be possible for market participants to establish themselves as scheme governing authorities. However, if a legal entity is not able to exercise authority over market participants and is therefore unaccountable to a regulator for compliance purposes, it would be unreasonable to expect a regulator to guarantee integrity on their behalf. In the case of a centralised VC scheme, the issuer of the scheme arguably already controls the core elements of the scheme.

VIII. A regulatory response in the meantime It will take some time for the long-term approach to be developed and implemented. e question therefore arose for the EBA as to which regulatory approach should be taken in the meantime to mitigate the identified risks. e risks identified in the previous paragraph highlight the issues that arise for users, exchanges, wallet providers, conventional payment service providers

38

and regulators, as well as the dangers for financial integrity more generally. Some of these risks are considered to be of high importance, and some others have already materialised, through losses and the of VCs, the bankruptcy of VC exchanges or large-scale money laundering and other criminal activity. Until a comprehensive regulatory regime is developed bringing all VC activities under the same regulatory umbrella, only the risks arising in the interaction between VC schemes and the regulated financial services sector can be mitigated, but not those that arise from activities within or between VC schemes. is would include risks of money laundering and financial crime, the risks to conventional payment systems, and some risks to individual users. To that end, the EBA concluded that national supervisory authorities should discourage regulated financial institutions from buying, holding or selling VCs, thereby ‘shielding’ regulated financial services from VCs. e EBA also recommends that EU legislators should consider reporting specific actors operating directly at the interface between regulated financial services and virtual currencies – exchanges – as ‘operating entities’ that must comply with anti-money laundering and counter terrorist financing requirements set out in the EU Anti Money Laundering Directive being reviewed at the time of writing. All things being equal, this immediate response will allow VC schemes to innovate and develop outside of the financial services sector, including through the development of solutions that would satisfy regulatory demands of the kind specified above. e immediate response would also still allow financial institutions to maintain, for example, a current account relationship with businesses active in the field of VCs.

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Quelles règles pour l’encadrement de la monnaie virtuelle en France ?

Dossier

QUELLES RÈGLES POUR L’ENCADREMENT DE LA MONNAIE VIRTUELLE EN FRANCE ? Pauline P Professeur à l’Université de Reims

La monnaie virtuelle connaît en pratique un succès mitigé en France. Mais les régulateurs et les juges se sont tout de même saisis de cette question. S’ils ont considéré que l’activité d’intermédiation portant sur la conversion de la monnaie virtuelle en monnaie ayant cours légal doit se soumettre au régime des prestations de services de paiement, d’autres qualifications pourraient permettre de compléter cette première régulation. Notamment, la question se pose de la soumission de la monnaie virtuelle, qui peut être utilisée comme produit d’investissement, à la réglementation financière sur les « biens divers », afin de protéger les investisseurs. Plutôt que de créer une réglementation autonome, la faveur est donc donnée à l’utilisation de réglementations préexistantes.

Virtual currencies are not yet widely used in France. Nevertheless, regulators and judges have already started to give their view on this subject. As a result, the exchange of virtual currencies against official currencies is deemed to constitute a “provision of payment services”, and such exchange activity will therefore be subject to the applicable payment services regulations. But additional existing legal frameworks could be used to regulate virtual currencies. For example, virtual currencies, which are often used as investment products, could be submitted to the so called “miscellaneous properties” regulation in order to protect investors. Instead of creating new regulations, the current trend is to encourage the application of existing ones.

Par défiance à l’égard de la monnaie étatique, des systèmes d’économies parallèles se sont déjà mis en place par le passé(1). Mais le développement en France des mécanismes d’économie solidaire(2) ou de la monnaie virtuelle manifeste un degré supplémentaire dans la soustraction au droit étatique. Et la dimension internationale de la monnaie virtuelle accentue les interrogations liées à son encadrement. Mises en garde des autorités nationales(3), démantèlement de plates-formes illicites(4), projets de recours à la monnaie virtuelle de certaines enseignes françaises(5), création de distribu1. 2.

3.

4. 5.

R. L, « Actualité du non-droit : les systèmes d’échange locaux », R.T.D. civ., 1998, p. 800. V. art. L. 311-5 du Code monétaire et financier, introduit par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. AMF, Risques et tendances, n 15, juillet 2014, « Cartographie 2014 des risques et tendances sur les marchés financiers et pour l’épargne », spéc. § 1.6, « Émergence des monnaies virtuelles : risques et opportunités ? », p. 59 ; ACPR, « Position relative aux opérations sur bitcoins en France », Position, 2014-P-01, 29 janvier 2014 ; Banque de France, « Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin », Focus, n 10, 5 décembre 2013. V. également les recommandations de Tracfin, « L’encadrement des monnaies virtuelles », juin 2014 : http://www.economie.gouv.fr/ files/rapport_monnaiesvirtuelles_web.pdf. « Bitcoin : premier démantèlement en Europe d’une plate-forme illicite », Les Échos, 7 juillet 2014. « Pourquoi Monoprix a décidé d’accepter les bitcoins ? »,

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teurs de « bitcoins », la monnaie virtuelle suscite à la fois craintes et enthousiasme en France, même si en pratique son utilisation reste marginale.

La monnaie virtuelle suscite à la fois craintes et enthousiasme en France, même si en pratique son utilisation reste marginale.

Les risques sont en effet nombreux. Ils tiennent à l’anonymat des détenteurs de monnaie virtuelle, à La Tribune, 9 avril 2014. V., déjà, le site Expedia : http://www.expediainc.com/news-release/?aid= 123124&fid=99?fid=99&yy=2014. Et, pour une liste des commerçants acceptant le paiement en bitcoins : http://www.bitcoin.fr/post/2010/12/30/Que-faire-avecmes-bitcoins.

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La monnaie virtuelle

l’absence de transparence des flux financiers, qui font notamment craindre le blanchiment ou la fraude fiscale, à la volatilité de ces instruments, ainsi qu’à l’absence de garantie de liquidité. Le volet pénal de l’encadrement s’avère donc particulièrement crucial(6). Mais cette nouvelle « monnaie », qui illustre la vitalité des instruments de paiement, ne présente pas uniquement des inconvénients. En ce sens, un rapport d’information intitulé « La régulation à l’épreuve de l’innovation : les pouvoirs publics face au développement des monnaies virtuelles », rendu public par la commission des finances du Sénat le 23 juillet 2014(7), dresse un portrait plutôt favorable de ce mécanisme et prône la voie d’un encadrement mesuré, à rebours des condamnations des autorités de régulation. Pour le moment, si la monnaie virtuelle ne connaît pas de qualification certaine, le droit se saisit des opérations d’intermédiation qui la prennent pour objet, et encadre notamment les plates-formes d’échange de « bitcoins », sur internet, en retenant que celles-ci réalisent des prestations de service de paiement. Mais cette analyse ne permet pas de trancher clairement la question de la qualification de la monnaie virtuelle, qui suscite toujours des doutes.

I. Les opérations sur monnaie virtuelle : des prestations de services de paiement ? Aucune certitude sur la nature de la monnaie virtuelle, mais les bases d’un encadrement, que ce soit sur un plan institutionnel ou prétorien, voient progressivement le jour. Sur le plan institutionnel, la Banque de France(8) ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)(9) adoptent la même analyse : toute activité d’intermédiation ayant pour objet la conversion de monnaie virtuelle en monnaie ayant cours légal, par le biais de plates-formes internet, doit s’analyser comme un service de paiement nécessitant un agrément de prestataire de service de paiement (établissement de crédit, établissement de monnaie électronique ou établissement de paiement) délivré par l’ACPR. Dès lors que la monnaie virtuelle fonctionne en système ou6.

7.

8.

9.

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S. A, « Le traitement pénal du bitcoin et des autres monnaies virtuelles », Gaz. Pal., 30 août 2014, n 242, § 190n9, p. 11. P. M et F. M, « Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les enjeux sur le développement du bitcoin et des autres monnaies virtuelles » : http://www.senat.fr/rap/r13-767/r13-7671.pdf. Banque de France, « Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin », préc., p. 6. ACPR, « Position relative aux opérations sur bitcoins en France », préc.

vert et qu’elle est à flux bidirectionnels, c’est-à-dire qu’elle permet la conversion en monnaie ayant cours légal, elle sera encadrée par les règles relatives aux services de paiement. Par conséquent, selon la position de l’ACPR, l’activité d’intermédiation suppose « le respect de conditions relatives notamment aux apporteurs de capitaux, à la gouvernance, à la structure financière et au niveau de fonds propres ». L’autorité ajoute que les entreprises agréées doivent mettre en place «(i) un dispositif de contrôle interne et (ii) un dispositif de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, adaptés à l’activité exercée et aux risques encourus ». Par un arrêt du 26 septembre 2013, la cour d’appel de Paris retient la même solution(10). Toutefois, on peut se demander quel service de paiement fournit la plate-forme ? Les juges considèrent que le gestionnaire de la plate-forme exécute des opérations de paiements(11). Mais pour cela, encore fautil qu’il encaisse véritablement les fonds provenant de l’acheteur et verse les fonds au profit du vendeur, activité qui n’est pas nécessairement caractérisée pour la plate-forme de conversion, mais plutôt pour l’établissement de paiement associé(12). En réalité, comme un auteur le souligne, il serait peut-être justifié de créer un service de paiement distinct, ayant pour objet la gestion de plates-formes de conversion, sur le modèle des prestations de services d’investissement(13). Si ces différentes décisions ou positions ont pour principale finalité de permettre un encadrement de la monnaie virtuelle, elles laissent incertaine sa qualification, qui oscille entre monnaie véritable et produit d’investissement.

II. La monnaie virtuelle : véritable monnaie ou bien divers ? Les incertitudes sur la nature de la monnaie virtuelle ne sont pour autant pas levées. Si la finalité de protection des investisseurs a pu justifier une soumission au régime des services de paiement, ce choix n’est peutêtre pas définitif. En particulier, on peut se demander si la monnaie virtuelle est une véritable monnaie ou un produit d’investissement, même s’il s’agit d’un produit atypique.

10. Paris, pôle 5, ch. 6, 26 septembre 2013, n 12/00161, SAS Macaraja c. SA Crédit industriel et commercial, JCP, éd. E, 2014, p. 1091, note critique de T. B ; Comm. Créteil, 6 décembre 2011. 11. Article L. 314-1, II, 3, c, du Code monétaire et financier. 12. T. B, note préc., spéc. n 8. 13. T. B, note préc., spéc. n 2.

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A. Une « monnaie » imparfaite Si l’intermédiation portant sur la monnaie virtuelle relève de la prestation de services de paiement, quelle est la nature de cette « monnaie » ? S’agit-il d’une monnaie au sens classique ? N’est-elle pas plutôt un nouveau support pour la monnaie scripturale, qui relèverait de la catégorie des instruments de paiement ? L’une comme l’autre qualification sont incertaines.

Instrument de paiement imparfait et encore peu développé, la monnaie virtuelle peut aussi servir une autre fonction, dès lors qu’elle peut être utilisée comme produit d’investissement.

La « monnaie » virtuelle, qui ne relève pas du monopole d’émission de la monnaie ayant cours légal des banques centrales, peut-elle d’abord être qualifiée de monnaie(14) ? Si le critère étatiste de l’absence de cours légal de cette « monnaie » a pu être écarté comme n’étant pas déterminant(15), il n’en demeure pas moins que la monnaie virtuelle ne remplit qu’imparfaitement les trois fonctions classiques de la monnaie, selon lesquelles elle doit représenter une unité de compte, c’est-à-dire une unité standardisée qui permet de mesurer la valeur des flux et des stocks de biens, de services ou d’actifs ; représenter une unité d’échange, permettant de faciliter les transactions commerciales, et permettre de stocker une valeur pouvant être utilisée dans le futur(16). Si elle peut certainement favoriser les relations commerciales, en termes de simplicité et de coût, les deux autres fonctions peuvent être discutées. D’une part, elle ne constitue une unité d’échange que dans les cas où elle a été 14. V., sur cette question, L. C-C, « De la défiance à l’égard des monnaies nationales au miroir du bitcoin », R.D.B.F., 2014, dossier 13. 15. Critiquant la confusion opérée par cette conception étatiste de la monnaie : v. R. L, Recherches sur la monnaie en droit privé, préface P. Mayer, LGDJ, Bibl. de droit privé, t. 225, 1992, n 60 et s. 16. Banque de France, « Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin », préc. 2014/4

conventionnellement dotée d’un pouvoir libératoire. En principe, elle peut tout à fait légitimement être refusée en paiement. Ce constat est renforcé par le fait qu’elle ne permet l’évaluation des biens et des services que par référence, le plus souvent, à une monnaie légale : la valeur de la monnaie virtuelle dépend de sa convertibilité en monnaie scripturale, qui peut être extrêmement aléatoire. D’autre part, si elle peut constituer une réserve de valeur théorique, sa grande volatilité fragilise cette possibilité. Le débat sur la notion de monnaie n’est pas nouveau et s’est déjà manifesté en France à l’égard de la monnaie électronique. Contestant sa nature de monnaie, certains auteurs ont critiqué à cet égard « un amalgame entre la cargaison et le véhicule, entre la monnaie elle-même et ses modes de transfert »(17), soulignant qu’il ne s’agissait en réalité que d’un transfert de monnaie scripturale par le biais d’un porte-monnaie électronique(18). L’autonomie de la monnaie virtuelle par rapport à la monnaie scripturale est a priori bien mieux établie(19) ; toutefois, en attendant que son utilisation se généralise et que sa volatilité s’atténue, son facteur essentiel de légitimité et de développement tient, pour le moment, à sa convertibilité en une monnaie ayant cours légal. Bien qu’autonome par rapport à la monnaie scripturale et transnationale, la monnaie virtuelle s’apprécie tout de même le plus souvent dans sa confrontation avec la monnaie scripturale. La monnaie virtuelle relèverait-elle alors plutôt ensuite de la catégorie des moyens de paiement ? La définition des instruments de paiement, telle qu’elle résulte de la directive Services de paiement du 13 novembre 2007(20), est très large. L’article L. 133-4, c), du Code monétaire et financier(21), qui transpose le texte européen, témoigne de la grande souplesse de la notion, le législateur mettant en évidence l’importance de la finalité dans sa définition des instruments de paiement, qui consiste avant tout dans le transfert de fonds(22).

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Quelles règles pour l’encadrement de la monnaie virtuelle en France ?

17. M. C, « Monétique et droit du paiement », in Mélanges Juglart, Montchrestien, 1986, p. 83, spéc. p. 86, n 7. 18. D. R. M, « De la (fausse) monnaie électronique », R.D.B.F., 2003, étude 1. 19. La monnaie virtuelle ne peut pas revêtir la qualification de monnaie électronique, dès lors qu’elle n’est pas émise contre la remise de fonds, v. article L. 315-1 du Code monétaire et financier. 20. Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur. 21. Article L. 133-4, c), du Code monétaire et financier : « Un instrument de paiement s’entend, alternativement ou cumulativement, de tout dispositif personnalisé et de l’ensemble de procédures convenu entre l’utilisateur de services de paiement et le prestataire de services de paiement et auquel l’utilisateur de services de paiement a recours pour donner un ordre de paiement ». 22. La C.J.U.E. confirme à cet égard l’appréciation large de la notion d’instrument de paiement au sens de la directive, en jugeant que certains instruments peuvent aussi être utilisés de manière anonyme : C.J.U.E., 9 avril 2014,

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Sur une base conventionnelle et privée, la monnaie virtuelle peut bien remplir le rôle d’instrument de paiement, et la tendance pourrait être à son extension, avec le développement des commerces l’acceptant comme moyen de paiement. En ce sens, la monnaie virtuelle peut s’analyser comme un système de paiement électronique sans intermédiaire(23). Toutefois, il convient certainement de tempérer cette analyse, en constatant que le recours à cette monnaie est loin d’être sécurisé : comme le soulignent les autorités, un paiement par transfert de monnaie virtuelle est irréversible et ne donne lieu à aucune garantie légale de remboursement à la valeur nominale, et ce même en cas de fraude. Mais rien n’empêche que ces garanties existent à l’avenir. Instrument de paiement imparfait et encore peu développé, la monnaie virtuelle peut aussi servir une autre fonction, dès lors qu’elle peut être utilisée comme produit d’investissement pour les investisseurs.

B. Un produit d’investissement original La monnaie virtuelle peut aussi assurer la même fonction qu’un produit d’investissement et, à ce titre, être soumise à un régime équivalent à celui des instruments financiers(24). En effet, si les opérations portant sur la monnaie virtuelle ne peuvent assurer une fonction de financement, comme les titres financiers, ils peuvent permettre à des investisseurs de diversifier leurs investissements, voire, dans certains cas, d’assurer une fonction de couverture ou de spéculation. Si la monnaie virtuelle n’est ni un titre financier, puisqu’elle ne représente pas une créance contre un émetteur, ni un contrat financier, car elle n’est pas un contrat à terme portant sur un sous-jacent(25), elle pourrait se soumettre au régime des biens divers. L’Autorité des marchés financiers (AMF) souligne à cet égard le lien qui existe entre les monnaies virtuelles et les placements atypiques que constituent les placements en biens divers, qui ont fait l’objet d’un encadrement renforcé en droit interne (œuvres d’art, manuscrits, vins, panneaux solaires)(26).

C-616/11, T-Mobile Austria Gmbh, Banque et droit, juillet-août 2014, n 156, p. 22, spéc. p. 24, note T. B. V. aussi la définition large de l’article L. 311-3, alinéa 1, du Code monétaire et financier : « Sont considérés comme moyens de paiement tous les instruments qui permettent à toute personne de transférer des fonds, quel que soit le support ou le procédé technique utilisé ». 23. Audition conjointe du 15 janvier 2014 devant la commission des finances du Sénat sur les monnaies virtuelles et les bitcoins, v. intervention de G. Grandval, président de Payment SAS, p. 103. 24. F. D, « Bitcoin : du service de paiement au service d’investissement ? », Bull. Joly Bourse, 2014, § 111j1, p. 249. 25. Toutefois, des contrats financiers prenant pour sousjacent de la monnaie virtuelle sont envisageables, l’article D. 211-1 du Code monétaire et financier est suffisamment large pour le permettre. 42

Ce régime a en effet été récemment précisé par la loi n 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui a modifié les articles L. 550-1 et suivants du Code monétaire et financier(27). Qualifiée de bien divers, la monnaie virtuelle serait soumise au régime des produits d’investissement, au même titre que d’autres placements atypiques, ce qui permettrait une protection appropriée des investisseurs. La finalité de la régulation des biens divers est à cet égard identique à celle de la monnaie virtuelle : il s’agit de protéger les investisseurs contre des produits atypiques, dont les promesses de rendement sont très attractives, mais dont la forte volatilité, ainsi que l’absence de liquidité garantie, peuvent constituer des dangers. C’est la raison pour laquelle l’encadrement de la commercialisation des biens divers en France se calque de plus en plus sur celui applicable aux produits financiers. En particulier, l’article L. 550-1 du Code monétaire et financier, s’inspirant du régime existant pour les produits financiers, précise désormais quelles conditions doivent remplir les communications à caractère promotionnel relatives aux biens divers adressées à des clients ou des clients potentiels(28) : celles-ci doivent : 1 être clairement identifiables en tant que telles ; 2 présenter un contenu exact, clair et non trompeur ; 3 permettre raisonnablement de comprendre les risques afférents au placement. D’autres dispositions complètent ce régime : le conseil en opérations sur biens divers(29), comme le démarchage(30) sont ainsi également soumis à des obligations spécifiques. Pour finir sur le régime applicable à l’intermédiation en matière de biens divers, la loi consacre en ce domaine un nouveau pouvoir au profit de l’Autorité des marchés financiers qui, « sans préjudice des compétences de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation mentionnée à l’article L. 141-1 du Code de la consommation, (…) peut se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support, afin de s’assurer 26. AMF, Sanct., 23 juillet 2013, Solabios, Banque et droit, novembre-décembre 2013, n 152, p. 22, note J.-J. D ; Bull. Joly Bourse, 2014, § 111b5, p. 90, note H. B-D ; R.D.B.F., 2013, comm. 177, note P. P. AMF, Sanct., 7 avril 2014, MM. Mickaël Seghier, J.-M. Dardy, A, Sébastien Rome, et autres, Bull. Joly Bourse, 2014, § 111j9, p. 269, note J.-J. D ; R.D.B.F., 2014, comm. 121, note P. P. Les décisions en cette matière étaient auparavant rares : on peut toutefois citer AMF, Sanct., 3 novembre 2005, Sté Akzenta AG, Dr. sociétés, 2006, comm. 93, note T. B. 27. H. B-D, « Précisions apportées par la loi Hamon (article 110) sur le régime des intermédiaires en biens divers », Bull. Joly Bourse, 2014, § 111k1, p. 253 ; J.-B. P et S. M, « Quelle régulation pour les produits d’épargne atypique ? », JCP, éd. E, 2014, p. 1370. Adde, sur le constat antérieur de l’insuffisance de régulation, J.-J. D, « Des biens divers en quête de régulateur », Bull. Joly Bourse, 2012, § 29, p. 49. 28. Article L. 550-1, III nouveau. 29. Article L. 541-1, 4, et s. 30. Article L. 341-1, 4.

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de la conformité des propositions (…) aux dispositions relevant du présent titre »(31). Ces règles devraient permettre à l’investisseur, si elles sont déclarées applicables à la monnaie virtuelle, de ne pas se laisser étourdir par ses bienfaits supposés et d’être clairement informé de ses risques. 31. Article L. 550-1, IV nouveau.

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Monnaie, marchandise ? La question, concernant la monnaie, est récurrente. Peut-être, très pragmatiquement, vaut-il mieux attendre avant de se prononcer de savoir quel sort l’avenir réservera à cette « monnaie » atypique ? Mais qu’elle soit monnaie, instrument de paiement ou produit d’investissement, plusieurs options sont offertes au législateur et aux régulateurs pour l’encadrer en France.

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LE STATUT FISCAL DE LA « MONNAIE VIRTUELLE » EN DROIT FRANÇAIS Régis V Professeur de droit privé à l’Université de Bourgogne

Lors d’une mise à jour du Bulletin officiel des impôts, l’administration fiscale française s’est prononcée sur le statut fiscal de la monnaie virtuelle. Les entreprises ayant pour activité l’achat et la revente de « bitcoins » sont assimilées aux exploitants d’une entreprise commerciale justifiant une imposition au titre de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Toutefois, l’emprise du droit fiscal ne se limite pas à l’imposition des bénéfices générés par les « bitcoins ». Elle est également perceptible sous l’angle patrimonial. En effet, les « bitcoins » sont soumis tant à l’impôt de solidarité sur la fortune qu’aux droits d’enregistrement. During an update of the Official Bulletin Tax, the French fiscal administration has clarified the legal status of the ”bitcoins”. The firms whose principal activity is purchase and resales of bitcoins are treated as commercial entreprise and are subject to income tax under industrial and commercial profits. However, the tax burden isn’t restricted to profits generated by this activity. The bitcoins are also assets. Thus, they are subject to the solidarity tax on wealth and to registration fees.

Le système économique actuel connaît une nouvelle forme de désintermédiation bancaire, après celle qui s’est développée dans les années 1980, lors de l’émergence de la finance de marché. Les acteurs économiques expriment une nouvelle méfiance à l’égard du système bancaire traditionnel et développent leurs propres outils monétaires. Les échanges économiques tendent ainsi à se développer sans intermédiaires, voire sans véritable monnaie. La « monnaie virtuelle », dont le « bitcoin » n’est qu’une manifestation, participe de cette évolution vers un capitalisme sans banquiers. Son apparition récente soulève de nombreuses interrogations et inquiétudes(1), notamment parce que les catégories juridiques utilisées dans le domaine bancaire et financier ont du mal à l’appréhender(2). L’expression « monnaie virtuelle » révèle d’emblée une inexactitude. La qualification de monnaie est, en effet, inappropriée dès lors que la « monnaie virtuelle » n’a pas cours légal et que son utilisation ne libère pas le débiteur de son obligation. Contrairement aux formes monétaires couramment utilisées (chèque, carte, virement…), la « monnaie virtuelle » ne permet ni le stockage d’unités de paiement, ni le transfert de celles-ci(3). La qualification de « monnaie électronique » pourrait en apparence convenir, puisque la « monnaie virtuelle » prend la forme 1.

2. 3.

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Banque de France, « Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin », Focus, n 10, 5 décembre 2013 ; EBA, « Warning to consumers on virtual currencies », EBA/WRG/2013/01, 12 décembre 2013. P. S, « Crowdfunding, bitcoin : quelle régulation ? », Recueil Dalloz, 2014, p. 832. R. L, Recherches sur la monnaie en droit privé, LGDJ, spéc. p. 73.

d’unités de compte dématérialisées. En réalité, il n’en est rien, puisque la définition de la monnaie électronique fait référence à la créance détenue sur l’émetteur de ce « type de monnaie »(4), de sorte qu’il s’agit, en réalité, d’un titre(5) et non d’un support monétaire. La qualification d’instrument de paiement est tout aussi inadaptée, dès lors que « la monnaie virtuelle » ne fait pas intervenir de prestataires de services de paiement(6). La qualification d’instrument financier(7) l’est également, puisque la « monnaie virtuelle » ne constitue ni un titre représentatif du capital d’une société, ni un titre de créance, ni un contrat financier qui présente notamment la spécificité de ne pas être dématérialisé(8). Finalement, la « monnaie virtuelle » est un instrument 4.

5. 6.

7. 8.

C. monét. fin., article L. 315-1, I : « une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement [...] et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ». T. B, Droit bancaire, Montchrestien, 2013, 10 éd., spéc. n 85. Néanmoins, le régulateur et la cour d’appel de Paris ont considéré que l’activité de change-conversion du bitcoin en devise ayant cours légal constitue un service de paiement. V. T. B, « Une société qui utilise un compte bancaire sur lequel transitent des bitcoins est-elle une prestataire de service de paiement ? », JCP, éd. E, 2014, p. 1091. T. B et F. D, Droit des marchés financiers, Economica, 3 éd., 2010, spéc. n 78 et s. C. monét. fin., article L. 211-1. V. néanmoins la position de la Commission luxembourgeoise de surveillance du secteur financier (C.S.S.F., communiqué sur les monnaies virtuelles, 14 février 2014).

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conventionnel destiné à faciliter les échanges entre les différents participants d’un système autonome et décentralisé. Elle échappe aux qualifications légales qui structurent le système bancaire et financier classique et ne constitue rien d’autre qu’un bien meuble incorporel, sans statut particulier(9).

Si la « monnaie virtuelle » semble échapper à l’État, du point de vue de la souveraineté monétaire, elle est susceptible de subir la contrainte étatique sous l’angle de la

souveraineté fiscale.

La seule spécificité de ce bien est qu’il constitue une unité de compte définie par ses utilisateurs. Précisément, la « monnaie virtuelle » peut se définir « comme une unité de compte stockée sur un support électronique, créée, non pas par un État, ou une union monétaire, mais par un groupe de personnes (physiques ou morales) et destinée à comptabiliser les échanges multilatéraux de biens ou de services au sein de ce groupe »(10). À l’aune de cette définition, on perçoit que la « monnaie virtuelle » est une manifestation de la liberté individuelle : les participants à ce système privé ont choisi librement l’unité permettant de comptabiliser leurs échanges. Pour autant, si la « monnaie virtuelle » semble échapper à l’État, du point de vue de la souveraineté monétaire, elle est susceptible de subir la contrainte étatique sous l’angle de la souveraineté fiscale. En effet, la relative incertitude entourant la notion de « monnaie virtuelle » n’empêche pas son appréhension sous l’angle du droit fiscal. À cet égard, en juillet 2014, l’administration fiscale française est venue mettre à jour le Bulletin officiel des impôts (B.O.I.) et préciser le régime fiscal de la « monnaie virtuelle ». La prise 9.

H.  V et S. C, « Bitcoin : money, money, money ? », Lexbase Hebdo, édition fiscale, n 567, 17 avril 2014. 10. L’encadrement des monnaies virtuelles - Recommandations visant à prévenir leurs usages à des fins frauduleuses ou de blanchiment, Groupe de travail « Monnaies virtuelles », Ministère des finances et des comptes publics, juin 2014. 2014/4

en compte de ce phénomène monétaire est ainsi effectuée sous l’angle de plusieurs impôts et elle confirme que la « monnaie virtuelle » a bien la nature d’un bien meuble incorporel. L’administration fiscale s’intéresse notamment aux modes d’acquisition de ces unités de compte. Ici, on sait que deux techniques sont susceptibles d’intervenir : l’obtention gratuite de « bitcoins » en raison de la participation du contribuable au système, en tant que « mineur »(11) ; l’acquisition à titre onéreux de « bitcoins » en raison de l’échange effectué contre de la monnaie ayant cours légal. Dans les deux cas, l’administration fiscale considère que les « bitcoins » ainsi détenus peuvent être le support d’une activité économique. L’achat suivi de la revente de « monnaie virtuelle » constitue donc une activité économique génératrice d’impôts. Mais la fiscalité des « bitcoins » ne s’arrête pas là. La « monnaie virtuelle » constitue un actif patrimonial taxable, lorsqu’elle n’est pas revendue par le contribuable. La doctrine fiscale conduit donc à aborder la monnaie virtuelle, sous deux angles : en tant que source d’une activité économique, d’abord (I) et en tant qu’actif patrimonial, ensuite (II).

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Le statut fiscal de la « monnaie virtuelle » en droit français

I. La « monnaie virtuelle », source d’une activité économique Selon l’administration fiscale, « le bitcoin est une unité de compte virtuelle qui peut être valorisée et utilisée comme outil spéculatif »(12). Cette définition met en évidence le premier angle d’analyse de la monnaie virtuelle en droit fiscal. Il s’agit de s’intéresser, en premier lieu, aux gains que le détenteur de « bitcoins » est susceptible de réaliser. En raison de sa fonction d’instrument d’échange, la « monnaie virtuelle » permet, en effet, à ses utilisateurs de faire l’acquisition de biens matériels ou immatériels évaluables en argent ou de devises ayant cours légal. Aussi, la différence constatée entre la valeur d’acquisition des « bitcoins » (qui peut être égale à zéro, si l’attribution a été gratuite) et la valeur obtenue en échange (biens acquis, devises obtenues) génère un gain imposable. Il reste alors à déterminer les modalités d’imposition. Ici, l’administration se penche essentiellement sur le sort du contribuable particulier, soumis à l’impôt sur le revenu. Elle est amenée à distinguer ici deux catégories d’imposition. D’une part, l’achat/revente de « bitcoins » exercé à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en application de l’article 34 du Code général des impôts (CGI)(13). 11. L. D, « Le bitcoin et les crypto-monnaies : nouveaux modèles, questions persistantes », R.I.S.F., 4/2014, v. supra. 12. BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40. 13. BOI-BIC-CHAMP-60-50.

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La monnaie virtuelle

D’autre part, les produits tirés de l’activité de revente des « bitcoins », lorsqu’elle est exercée à titre occasionnel, sont des revenus relevant des prévisions de l’article 92 du CGI (bénéfices non commerciaux). L’approche retenue par l’administration fiscale, en fonction de la nature de l’activité exercée par le contribuable, appelle plusieurs remarques. En premier lieu, dans l’hypothèse la plus simple, celle d’un contribuable exerçant une activité commerciale fondée sur l’achat/revente de « bitcoins », la « monnaie virtuelle » constitue un stock(14), si l’on suit l’analyse de l’administration. Comme les autres éléments en stock, la monnaie virtuelle devra donc faire l’objet d’une évaluation comptable à la clôture de chaque exercice. Le cas échéant, l’entreprise devra passer une provision pour dépréciation si le cours du « bitcoin » est inférieur à son coût de revient à la clôture de l’exercice(15). En deuxième lieu, en présence d’un contribuable ayant déjà une activité commerciale distincte, l’inscription de « bitcoins » au bilan de son entreprise fera l’objet d’un retraitement, puisque la suppression des effets de la théorie du bilan, pour les exercices ouverts à compter du 1 janvier 2012, conduit à retirer du résultat fiscal les produits et les charges qui sont engendrés par un bien inscrit au bilan, mais non utilisé pour l’exercice de l’activité professionnelle(16). Le contribuable ne peut donc pas imputer le déficit commercial de son activité initiale avec les gains produits par l’activité d’achat/revente de « bitcoins ». En troisième lieu, la catégorie des bénéfices non commerciaux pour les contribuables ayant une activité occasionnelle n’est guère surprenante, dès lors que l’article 92 instaure une véritable catégorie « balai »(17). Selon ce texte, « sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». Néanmoins, la qualification de bénéfices non commerciaux, ainsi retenue 14. Selon le Plan comptable général, le stock est « un actif détenu pour être vendu dans le cours normal de l’activité, ou en cours de production pour une telle vente, ou destiné à être consommé dans le processus de production ou de prestation de services sous forme de matières premières ou de fournitures » (article 211-1, § 4, PCG). 15. CGI, annexe III, article 38decies : « Si le cours du jour à la date de l’inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l’inventaire est inférieur au coût de revient défini à l’article 38nonies, l’entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation ». 16. A.  B, Comptabilité et fiscalité - Du résultat comptable au résultat fiscal, LexisNexis, 2013, spéc. n 477 et s. 17. M. C et F. D, Précis de fiscalité des entreprises 2013-2014, 37 éd., spéc. n 499 et s. 46

par l’administration fiscale, met à nouveau en supplémentaire lorsque le contribuable opère des échanges ou des ventes évidence les incertitudes entourant les notions de revenu et de plus-value(18). éoriquement, l’impôt sur le revenu frappe les revenus tirés d’une activité, occasionnelle ou non, exercée par le contribuable. Cette activité constitue soit la profession du contribuable, soit la mise en œuvre occasionnelle de moyens matériels et humains en vue d’obtenir un gain. Cette activité permet généralement au contribuable de fournir une prestation renouvelable et c’est la rémunération de cette prestation qui est taxée(19). Dans le cadre d’une plus-value, il ne s’agit pas à proprement parler de fournir une prestation renouvelable, mais bel et bien de céder de manière isolée un actif. éoriquement donc, les plus-values ne devraient donc pas relever de l’impôt sur le revenu. Pourtant, le régime fiscal des plus-values montre qu’elles sont très souvent soumises à cet impôt, à l’image des plus-values sur cessions de titres réalisées par les particuliers(20). Le régime des « bitcoins » en est une illustration occasionnelles. Ne fournissant aucune prestation particulière, la rémunération qu’il perçoit sur ce type d’opérations relève davantage des plus-values que des revenus. Pourtant, l’administration l’assimile à un revenu d’activité, ce qui lui permet une fiscalité potentiellement plus lourde que celles applicables aux plus-values sur les biens meubles(21). En quatrième et dernier lieu, même si l’administration ne l’indique pas expressément, il est évident que si l’activité d’achat/revente de « bitcoins » est effectuée par une société soumise à l’impôt sur les sociétés, ces gains seront soumis à cet impôt, les règles de comptabilisation du résultat des sociétés soumises à l’IS étant identiques à celles fixées en matière de bénéfices industriels et commerciaux, sous réserve de certaines spécificités inapplicables en ce domaine(22). La « monnaie virtuelle » peut donc être le support d’une activité économique dont les bénéfices seront appréhendés par l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, le cas échéant. Mais l’appréhension de l’activité engendrée par la monnaie virtuelle ne se limite pas à ces deux seuls impôts. La question de l’application de la taxe sur la valeur ajoutée se pose également. L’administration fiscale ne s’est pas encore prononcée sur ce point et pour cause, des négociations sont en cours, notamment au niveau européen, au sein du comité TVA. Sur le plan des principes, il est évident que 18. J.-P. C, « La mutation génétique des plus-values », in Écrits de fiscalité des entreprises - Études à la mémoire du professeur Maurice Cozian, Litec, 2009, p. 171. 19. D. G, Droit fiscal des affaires, Montchrestien, 2010, spéc. n 163. 20. CGI, article 150-0 A. 21. D. G, « Quel statut fiscal pour les bitcoins ? », Les Échos, 18 avril 2014 ; M.-C. S, « Quel régime fiscal pour les bitcoins ? », Les Échos, 17 juillet 2014. Les plusvalues réalisées sur biens meubles sont taxées à 19 %, ce qui constitue, le plus souvent, un tarif plus avantageux que l’application du barème de l’impôt sur le revenu. 22. CGI, article 209.

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la taxe sur la valeur ajoutée devrait normalement trouver à s’appliquer à toutes livraisons de biens ou prestations de services fournies par une entreprise assujettie en échange de « bitcoins ». Concrètement, cela signifie que l’entreprise qui reçoit des « bitcoins » devrait convertir ceux-ci en euros pour déterminer le montant de la TVA. Ce qui pose le plus de problème au regard de la TVA, ce sont les entreprises qui achètent et revendent à titre de profession habituelle des « bitcoins ». éoriquement, elles entrent dans le champ d’application de la TVA, car il s’agit d’une prestation de services taxable ne bénéficiant d’aucune exonération. L’exonération prévue pour les opérations sur devises et monnaies est, en effet, inapplicable, faute d’être en présence d’une véritable monnaie(23). Pourtant, ce n’est pas l’orientation qui devrait être retenue par l’administration fiscale. En effet, les risques de fraude à la TVA sont élevés en ce domaine, de sorte qu’il apparaît plus sûr pour les finances publiques d’accorder une exonération de TVA pour les entreprises ayant pour activité d’acheter et de revendre des « bitcoins ». À l’échelle européenne, le comité TVA devrait formuler des recommandations pour un régime fiscal spécifique propre à la monnaie virtuelle(24). De surcroit, c’est la solution retenue en Angleterre : une exonération de TVA est appliquée pour l’échange de monnaies virtuelles contre des devises(25). Les conséquences fiscales de l’activité exercée dans le domaine de la monnaie virtuelle sont donc nombreuses. Elles conduisent à appliquer l’ensemble des impôts commerciaux à tous les contribuables développant à titre habituel une telle activité. La pression fiscale ne se limite pas aux professionnels. Elles concernent également les particuliers qui se contenteraient de détenir seulement des « bitcoins », en tant qu’actif patrimonial.

II. La « monnaie virtuelle », en tant qu’actif patrimonial La « monnaie virtuelle » ne constitue pas seulement une unité de compte ou un instrument d’échange. D’un point de vue fiscal, il s’agit également d’une valeur patrimoniale sur laquelle un impôt va pouvoir s’appliquer. 23. L’article 261 C, 1 -d du CGI exonère de TVA les opérations de toute nature, y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux. 24. « La régulation à l’épreuve de l’innovation : les pouvoirs publics face au développement des monnaies virtuelles », rapport d’information de MM. Philippe Marini et François Marc, fait au nom de la commission des finances, n 767 (2013-2014), 23 juillet 2014, spéc. p. 34. 25. « HM Revenue and Customs tax treatment of income received from Bitcoin and other cryptocurrencies », mars 2014, disponible sur le site https: //www.gov.uk/government/publications/revenueand-customs-brief-9-2014-bitcoin-and-othercryptocurrencies/revenue-and-customs-brief-9-2014bitcoin-and-other-cryptocurrencies. 2014/4

Il ne s’agit plus ici d’imposer les gains générés par la « monnaie virtuelle », mais de taxer bel et bien sa détention, voire sa transmission.

Dossier

Le statut fiscal de la « monnaie virtuelle » en droit français

La « monnaie virtuelle » ne constitue pas seulement une unité de compte ou un instrument d’échange. D’un point de vue fiscal, il s’agit également d’une valeur patrimoniale sur laquelle un impôt va pouvoir s’appliquer.

C’est ce que l’administration fiscale a été amenée à préciser dans la mise à jour du B.O.I. précitée(26). La « monnaie virtuelle » est ainsi susceptible d’être appréhendée sous l’angle de deux impôts supplémentaires : l’impôt de solidarité sur la fortune et les droits d’enregistrement. Néanmoins, l’administration fiscale n’a pas pris la peine de développer outre mesure le régime de la monnaie virtuelle au regard de ces deux impôts. Elle se contente d’indiquer que les « bitcoins » devront faire l’objet d’une déclaration, tant au regard de l’ISF, qu’au regard des droits de mutation dus pour cause de décès. Il convient néanmoins d’aller au-delà pour mesurer la portée de la doctrine fiscale en ce domaine. Précisément, on sait que l’ISF est assis sur l’ensemble des biens, droits et valeurs qui au jour du fait générateur de l’impôt, composent le patrimoine du redevable. L’impôt est dû dès lors que le patrimoine du contribuable est supérieur au seuil d’un 1 300 000 EUR(27). Tous les biens, quelle qu’en soit la nature, appartenant au contribuable ou au foyer fiscal, entrent, en principe, dans l’assiette de l’ISF. Soumise à déclaration, la « monnaie virtuelle » ne bénéficie ici d’aucune exonération qui lui serait spécifique. Même si elle ne constitue pas 26. Pour l’ISF, v. BOI-PAT-ISF-30-20-10-20140711. Pour les droits de mutation par décès, v. BOI-ENR-DMTG-1010-20-10-20140711. 27. Lorsque le patrimoine taxable est supérieur à 1 300 000 EUR, le foyer fiscal bénéficie d’un abattement de 800 000 EUR.

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La monnaie virtuelle

une unité de paiement admise par la loi, elle constitue une richesse taxable. Concrètement, les « bitcoins » détenus par le contribuable devront faire l’objet d’une déclaration, en tenant compte de leur valeur à la date du fait générateur de l’impôt, soit au 1 janvier de l’année d’imposition. Les variations de la « monnaie virtuelle » entre cette date et celle de la déclaration ne seront donc pas prises en compte. En revanche, les frais supportés pour l’acquisition des « bitcoins », en particulier les dettes contractées pour l’acquisition du matériel informatique et le matériel de « minage »(28), sont déductibles dès lors que l’ISF frappe un actif patrimonial net. Toutefois, l’ISF présente la particularité de connaître un régime d’exonération propre aux biens professionnels qui peut trouver à s’appliquer à la « monnaie virtuelle ». En effet, les biens nécessaires à l’exercice à titre principal d’une profession commerciale constituent des biens professionnels exonérés d’ISF. Dès lors, le contribuable pourra échapper à cette imposition lorsqu’il exercera une activité ayant pour support la « monnaie virtuelle ». En d’autres termes, le contribuable qui exerce l’activité d’achat/revente de « bitcoins », à titre de profession habituelle, ne supportera pas l’ISF, sur son « stock » de « monnaie virtuelle »(29). Néanmoins, cette exonération ne pourra pas s’appliquer dans un certain nombre d’hypothèses. En premier lieu, l’exonération est écartée si l’activité d’achats/revente de « bitcoins » n’est pas exercée à titre principal. Précisément, le contribuable qui aurait une activité principale distincte de celle exercée dans le domaine de la « monnaie virtuelle » ne peut pas bénéficier de l’exonération accordée aux biens professionnels. En deuxième lieu, l’exonération des « bitcoins » ne sera pas accordée aux contribuables qui exercent une activité occasionnelle et qui sont soumis à l’article 92 du CGI. Faute d’exercer leur activité de manière régulière, la qualification de biens professionnels est écartée par l’administration fiscale. En troisième lieu, la qualifica-

tion de biens professionnels est retenue à chaque fois que le bien en cause est nécessaire à l’activité exercée. En d’autres termes, l’inscription de « bitcoins » au bilan d’une entreprise n’exerçant pas une activité d’achat/revente de « monnaie virtuelle » n’est pas suffisante. Faute d’une affectation réelle à l’activité de l’entreprise, les « bitcoins » ne constituent pas, dans cette hypothèse, un bien professionnel exonéré(30). En quatrième et dernier lieu, si le contribuable exerce son activité professionnelle d’achat/revente de « monnaie virtuelle » dans le cadre d’une société, les titres détenus au sein de celle-ci pourront bénéficier de la qualification de biens professionnels, sous réserve de respecter certaines conditions(31). À titre d’exemple, les titres détenus dans une société par actions simplifiée peuvent être exonérés d’ISF si le contribuable a la qualité de dirigeant, s’il possède au moins 25 % des droits de vote et si la rémunération versée par la société représente plus de 50 % des revenus professionnels du dirigeant(32). Pour les droits de mutation par décès, les possibilités d’échapper à l’imposition sont beaucoup plus limitées. Les unités de « monnaie virtuelle » détenues par le de cujus devront être, en principe, mentionnées dans la déclaration de succession. Néanmoins, si le contribuable exploite une entreprise commerciale spécialisée dans l’achat et la revente de monnaie virtuelle, la transmission à titre gratuit de cette entreprise pourrait faire l’objet d’un pacte Dutreil et bénéficier ainsi d’un abattement de 75 % sur la valeur de l’entreprise transmise(33). De surcroît, on peut se demander s’il n’est pas possible d’anticiper quelque peu la transmission des « bitcoins », qu’ils soient exploités dans le cadre d’une entreprise ou non, en vue d’alléger la charge fiscale, notamment par une donation opérant un démembrement de propriété. Mais de nouvelles interrogations surviennent alors, dont une sur laquelle les juristes pourront méditer : est-il possible de faire un démembrement de propriété portant sur de la « monnaie virtuelle » ?

28. H.  V et S. C, préc. 29. En outre, la qualification de biens professionnels empêche le contribuable de déduire les dettes liées à l’acquisition des « bitcoins », l’article 885 Gquater du CGI empêchant l’imputation des dettes afférentes à des biens exonérés ou n’entrant pas dans l’actif taxable.

30. La Cour de cassation admet que l’administration fiscale puisse contester le caractère professionnel d’un bien inscrit à l’actif d’une entreprise (Cass. com., 15 juin 1993, n 91-12745). 31. CGI, article 885 Obis. 32. M. C et F. D, op. cit., spéc. n 1662 et s. 33. CGI, article 787 C.

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I. Régulation financière Chronique sous la direction de Katrin D

Anastasia S

&

Maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Maître de conférences à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

Avec la collaboration de

Laurie D

&

Élève avocate M2 Droit Financier (Paris 1)

Gaëtane S W PhD and Lecturer at the Catholic University of Louvain Member of CRIDES

Cette chronique présente des évolutions importantes intervenues dans les droits européen, belge et britannique des marchés financiers. En droit de l’Union européen, le règlement / sur les abus de marchés et la directive //UE sur les sanctions pénales en cas d’abus de marché, publiés au Journal officiel de l’Union européenne le  juin , modernisent et renforcent les règles préexistantes en matière d’abus de marché définies par la directive //CE. Ces nouveaux textes ont un champ d’application élargi et modifient plusieurs notions fondamentales de la réglementation, comme celles d’abus de marché et d’information privilégiée. Par ailleurs, les pouvoirs des autorités compétentes ont été accrus et harmonisés, tant en matière d’enquête et de surveillance qu’en matière de sanction administrative. Enfin, la pénalisation des abus de marché est désormais imposée à l’échelle européenne. En Belgique, l’autorité de surveillance des marchés financiers, la FSMA, a récemment multiplié les initiatives pour renforcer la protection des «consommateurs financiers». Elle a contribué à l’élaboration de règles légales nouvelles en cette matière, et est aussi à l’origine de règlements, avertissements, circulaires et autres communications. Une question mérite cependant d’être posée : cet activisme va-t-il à l’encontre de la sécurité juridique, de la compétitivité du secteur financier belge, et, dans une certaine mesure, des « consommateurs financiers » eux-mêmes ? Pour répondre à cette question, l’article examine les évolutions les plus récentes dans ce domaine concernant () les obligations d’information précontractuelle et publicitaire, ainsi que les règles de responsabilité, contrôle et sanctions qui leur sont attachées, () la « gouvernance produit » et () les « pouvoirs d’intervention produit ». Ces développements ont été introduits en droit belge par la réforme Twin Peaks II, le livre VI du nouveau Code de droit économique, l’arrêté royal transversal imposant un document d’information standardisé en cas de commercialisation aux investisseurs de détail, le règlement de la FSMA imposant un label de risque sur certains produits financiers et le règlement de la FSMA interdisant la commercialisation de produits financiers «non conventionnels» aux clients de détail. L’auteur prend une position critique sur les deux points d’attention majeurs du régulateur belge : les obligations d’information et « l’intervention produit » : une meilleure approche réglementaire consisterait à se concentrer sur la réglementation des intermédiaires financiers et sur la gouvernance produit ; les initiatives de la FSMA ne peuvent être soutenues que si elles vont dans ce sens. Enfin, au Royaume-Uni, l’autorité de surveillance des marchés financiers (Financial Conduct Authority) a récemment mis en place un nouveau régime réglementaire applicable aux plates-formes de financement participatif (crowdfunding). Les nouvelles règles, qui sont entrées en vigueur le er avril , complètent le cadre réglementaire existant en encadrant deux types de financement participatif, le financement sous la forme de prêts et le financement sous la forme de titres financiers. L’encadrement réglementaire du crowdfunding était nécessaire, mais il n’est pas sûr que les nouvelles règles offrent une protection adéquate aux investisseurs, tout en préservant un espace suffisant pour l’innovation dans ce domaine.

This chronicle presents major regulatory evolutions in EU, Belgian and UK financial markets law. In the EU, Regulation / on market abuse and Directive //UE on criminal sanctions for market abuse, published in the EU Official Journal on th June , update and strengthen the existing rules on market abuse defined by Directive //CE. This new legislation has a broader scope and modifies several fundamental

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Chroniques

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I. Régulation financière

notions of regulation, such as “market abuse” and “insider information.” Moreover, the investigative, surveillance and administrative sanction powers of the competent authorities have been increased and harmonized. Finally, criminal penalties for market abuses at the European are now imposed on the European scale. In Belgium, the financial supervisory’s authority’s (the Financial Services and Markets Authority or “FSMA”) pro-activity in recent months is striking. It drafted many rules and issued many regulations, warnings, circulars or other communications to increase the protection of clients who buy financial products on Belgian financial markets. But does the FSMA go too far and too fast to the detriment of legal certainty, competitiveness of the Belgian financial sector and, to some extent, financial consumers themselves? This article tries to answer that question by examining some of the most recent developments in client protection on Belgian financial markets with respect to () provisions relating to pre-contractual and marketing information obligations, and related liability, supervision and sanction regimes, () product governance arrangements and () “product intervention powers.” They were introduced in Belgian law by the “Twin Peaks II package,” Book VI of the new Code of economic law, the transversal marketing Royal decree, the FSMA label regulation, and the FSMA prohibition on the distribution of several non-mainstream financial products to retail clients. This article gives a critical assessment of the Belgian legislator focus on disclosure and product intervention and explains that emphasis should be put on point-of-sale regulation and product governance arrangements as regulatory approach to protect financial clients. Only to that extent should the FSMA pro-activity be supported. Finally, the Financial Conduct Authority (FCA) in the UK recently introduced a new regulatory regime for crowdfunding platforms. The new rules, which came into force on st April , complete the existing regulatory framework by regulating two types of crowdfunding, loan-based and investment-based crowdfunding. Regulation in this field was necessary, but it is not sure that the new rules provide adequate protection to investors, while maintaining enough room for innovation in this area.

I.A. Régulation européenne LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION DES ABUS DE MARCHÉ Laurie D Élève avocate M2 Droit Financier (Paris 1)

La réglementation des abus de marché vise à établir un marché intégré, transparent et efficace, inspirant la confiance du public. Elle existe à l’échelle européenne depuis la directive n 89/592/CE. Critiquée pour ne se préoccuper que des opérations d’initiés, comporter des lacunes notamment en matière de prévention et ne pas préciser la nature des sanctions susceptibles d’être infligées, elle a ensuite été abrogée et remplacée par la directive 2003/6/CE sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché. Pionnière de la procédure Lamfalussy, la directive 2003/6/CE ne regroupe que des principes-cadres et est complétée par des normes dites de niveau 2. Ses avancées les plus significatives résident dans la réglementation des manipulations de marché, l’obligation pour chaque État membre de désigner une autorité administrative unique compétente en vue d’assurer l’application de ladite directive, et dans l’obligation pour eux de veiller à ce que, sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, des sanctions administratives appropriées, effectives, proportionnées et dissuasives soient prises à l’encontre des personnes responsables d’un abus de marché. En 2007, le processus de révision du dispositif abus de marché a été lancé : si la directive 2003/6/CE a globalement un effet positif, certaines de ses dispositions sont 52

considérées excessives ou inappropriées. Le 20 octobre 2011, la Commission européenne a adopté une proposition de règlement sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché, et une proposition de directive relative aux sanctions pénales applicables aux opérations d’initiés et aux manipulations de marché. À la suite du scandale du Libor et de l’Euribor, la Commission a adopté le 25 juillet 2012 des propositions modifiées de règlement et de directive. Le règlement 596/2014 sur les abus de marché(1) et la directive 2014/57/UE sur les sanctions pénales en cas d’abus de marché(2), abrogeant la directive 2003/6/CE, ont été définitivement adoptés le 16 avril 2014. Ils ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 12 juin 2014(3). Ces nouveaux textes constituent un élément clé de la stratégie de la Commission européenne en faveur d’un renforcement du cadre réglementaire de l’Union pour les services financiers prévu dans le plan 1.

2.

3.

Règlement (UE) 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, texte présentant de l’intérêt pour l’EEE, J.O.U.E. L 173 du 12 juin 2014, pp. 1-61. Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché), J.O.U.E. L 173 du 12 juin 2014, pp. 179-189. Le règlement est entré en vigueur le 2 juillet 2014. Toutefois, certaines de ses dispositions ne s’appliqueront qu’à compter du 3 juillet 2016. La date de la transposition de la directive est également fixée au 3 juillet 2016.

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I.A. Régulation européenne

européen pour la relance économique. Ils visent à accroître l’effectivité de la répression et de la prévention, à simplifier le régime mis en place et à améliorer sa rentabilité en réduisant le pouvoir de manœuvre au niveau national et en introduisant plus de standards européens. Plus précisément, les principaux apports de ces textes résident dans la modification du champ d’application de la réglementation européenne en la matière (I), l’introduction d’une nouvelle définition d’abus de marché (II), l’élargissement de l’opération d’initié et de la manipulation de marché (III), la modification de la notion d’information privilégiée et de son régime de publication (IV) et l’extension des pouvoirs d’enquêtes et de surveillance des autorités compétentes (V). La nouvelle réglementation met également en place une harmonisation minimale des sanctions administratives (VI) et prévoit une pénalisation des abus de marché (VII). Ce nouveau dispositif européen en matière de sanctions demeure toutefois à l’épreuve du principe non bis in idem (VIII).

I. Une modi cation du champ d’application La directive 2003/6/CE visant exclusivement les marchés réglementés, elle n’intègre pas les nouveautés apportées par les textes européens qui lui ont été postérieurs et qui ont permis l’émergence d’autres lieux d’exécution(4). Le champ d’application des nouveaux textes relatifs aux abus de marché(5) englobe alors, en plus des instruments financiers admis ou faisant l’objet d’une demande d’admission à la négociation sur un marché réglementé, ceux négociés ou faisant l’objet d’une demande d’admission à la négociation sur un MTF(6), ceux négociés sur un OTF(7) et les opérations qui se rapportent à la mise aux enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Ces textes s’appliquent également aux instruments non visés expressément, mais dont le cours ou la valeur dépend d’un instrument financier précédemment cité ou qui a un effet sur ce cours/cette valeur. Par ailleurs, ils s’appliquent aux contrats sur matières premières au comptant qui ne sont pas des produits énergétiques de gros et aux types d’instruments pour lesquels l’opération a, est de nature à avoir ou est destinée à avoir un effet sur l’ensemble des instruments ou contrats précités. Enfin, faisant écho aux scandales du Libor et de l’Euribor, les nouveaux textes européens condamnent les manipulations et les tentatives de manipulation d’indices de référence. Tou4.

5. 6. 7.

Il s’agit surtout de la directive 2004/39/CE (MiFID) qui est désormais remplacée par la directive 2014/65/CE (MiFID 2), complétée par le règlement 600/2014 (MiFIR). Articles 2 et 5 du règlement 596/2014 et article 1 de la directive 2014/57/UE. Système multilatéral de négociation. Système organisé de négociation.

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tefois, le champ des dérogations aux nouveaux textes relatifs aux abus de marché est lui aussi plus étendu que celui de la directive 2003/6/CE. En plus de ne pas s’appliquer aux opérations sur actions propres effectuées dans le cadre de programmes de rachat, aux mesures de stabilisation et aux opérations effectuées pour des raisons relevant de la politique monétaire, de change ou de gestion de la dette publique, les nouveaux textes ne visent pas non plus les opérations mises en œuvre dans le cadre de la politique climatique, de la politique agricole commune et de la politique commune de la pêche de l’Union.

Chroniques

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II. Une nouvelle dé nition d’abus de marché L’expression « abus de marché », inspirée du terme anglo-saxon market abuse, a été introduite par la directive 2003/6/CE. Elle désignait classiquement un triptyque comprenant l’opération d’initié, la diffusion d’informations fausses ou trompeuses et la manipulation de cours. Aux termes de la directive 2003/6/CE, ces deux dernières infractions sont regroupées sous le seul terme de « manipulation de marché ». S’il a été possible de croire que la notion d’abus de marché s’étendait à la méconnaissance de toute obligation professionnelle par tout émetteur, investisseur et professionnel, le considérant 7 du règlement 596/2014 vient confirmer qu’« il convient d’entendre par cette notion les opérations d’initiés, la divulgation illicite d’informations privilégiées et les manipulations de marché ». Si la notion d’abus de marché est précisée, elle est aussi modifiée : le triptyque des infractions n’est plus le même et la « divulgation illicite d’informations privilégiées » fait son apparition en tant qu’abus de marché.

Si la notion d’abus de marché est précisée, elle est aussi modifiée : le triptyque des infractions n’est plus le même.

Cet abus est défini comme le fait par une personne en possession d’une information privilégiée de la divulguer à une autre personne, sauf lorsque cette divulgation a lieu dans le cadre normal de l’exercice d’un travail, d’une profession ou de fonctions(8). Il vient 8.

Articles 8, 10 et 14 du règlement 596/2014.

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remplacer la communication d’une information privilégiée qui était sanctionnée par la directive 2003/6/CE comme constituant une opération d’initié. D’une part, l’intérêt de la scission en deux abus de marché distincts trouve sa justification dans la répression pénale des abus de marché, puisqu’aux termes de l’article 3.3 de la directive 2014/57/UE, seules certaines personnes peuvent être condamnées pénalement pour divulgation illicite d’informations privilégiées, comme les membres des organes d’administration de l’émetteur détenant lesdites informations privilégiées. D’autre part, elle se justifie par la volonté du législateur européen de réglementer la pratique des sondages de marché. En effet, si celle-ci n’est pas considérée comme constituant une divulgation illicite d’informations privilégiées, des règles contraignantes sont imposées aux sondeurs par l’article 11 du règlement 596/2014. Ainsi, pour qu’une divulgation d’informations privilégiées dans le cadre d’un sondage de marché ne soit pas réputée constituer un abus de marché, le participant au marché communicant doit obtenir le consentement de la personne visée par le sondage à recevoir des informations privilégiées, l’informer qu’il lui est interdit de réaliser une opération d’initié sur la base de ces informations et lui ordonner de garder ces informations confidentielles.

sonne sait ou aurait dû savoir qu’elles étaient fausses ou trompeuses(11). Le règlement 596/2014 donne une liste plus fournie d’exemples de comportements constituant une manipulation de marché que celle donnée en 2003. Par exemple sont ajoutées les stratégies abusives mises en œuvre par le trading algorithmique et le trading à haute fréquence. Par ailleurs, l’interdiction n’est plus limitée au seul fait d’effectuer des manipulations de marché : elle s’étend à la tentative(12), et même à la complicité en matière de répression pénale(13). L’innovation majeure en matière de manipulation de marché concerne les pratiques de marché admises. Si la personne qui a eu un comportement constitutif d’une manipulation de marché peut encore établir que celuici a été réalisé pour des raisons légitimes et est conforme aux pratiques de marché admises, l’article 13 du règlement 596/2014 pose désormais les critères que doivent prendre en compte les autorités pour instaurer une pratique de marché admise.

III. L’élargissement de l’opération d’initié et de la manipulation de marché

L’information privilégiée reste généralement définie comme « une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou des instruments dérivés qui leur sont liés »(14). Mais le règlement 596/2014 précise les contours de cette notion. D’une part, le caractère précis et l’impact anticipé de l’information privilégiée y sont définis. D’autre part, de nouvelles définitions particulières de l’information privilégiée sont ajoutées à celles déjà données par la directive 2003/6/CE. Est ainsi définie l’information privilégiée pour les instruments dérivés sur matières premières ainsi que pour les quotas d’émission de gaz à effet de serre. Par ailleurs, le règlement européen précise que chaque étape intermédiaire d’un processus en plusieurs étapes constitue une information privilégiée si elle en remplit les critères (conformément à la décision de la C.J.U.E. dans l’affaire Markus Geltl c. Daimler(15)). Par ailleurs, l’article 17 du règlement modifie les obligations pesant sur les acteurs des marchés : si l’obligation de publication de l’information privilégiée et les conditions d’une publication différée restent les mêmes que

La définition de l’opération d’initié est identique à celle donnée par la directive 2003/6/CE, mais les nouveaux textes européens l’élargissent au fait d’inciter une autre personne à effectuer une opération d’initié, au fait de s’en rendre complice(9) et à la tentative de faire une opération d’initié(10). De plus, la notion d’« utilisation » est étendue, car elle regroupe, en plus de l’acquisition et de la cession d’instruments financiers, la modification et l’annulation d’un ordre relatif à un instrument financier qui a été passé avant que la personne détienne l’information privilégiée ainsi que la soumission, la modification ou le retrait d’une offre pour les mises aux enchères de quotas d’émission. Enfin, l’article 9 du règlement 506/2014 précise une liste de « comportements légitimes » ne devant pas être considérés comme constituant une utilisation d’information privilégiée. Tel est par exemple le cas de l’opération ayant pour seul objectif d’assurer l’exécution d’une obligation conclue avant que la personne ne détienne l’information privilégiée qui est désormais devenue exigible. La définition de la manipulation de marché n’est pas révolutionnée par les nouveaux textes européens, mais est étendue au fait de transmettre des informations fausses ou trompeuses ou de fournir des données fausses ou trompeuses sur un indice de référence lorsque la per9. Article 6 de la directive 2014/57/UE. 10. Article 8 du règlement 506/2014. 54

IV. Modi cation de la notion d’information privilégiée et de son régime de publication

11. Article 12 du règlement 596/2014 ; article 5 de la directive 2014/57/UE. 12. Article 15 du règlement 596/2014. 13. Article 6 de la directive 2014/57/UE. 14. Article 1 de la directive 2003/6/CE ; article 7 du règlement 596/2014. 15. C.J.U.E., 2 ch., 28 juin 2012, aff. C-19/11, Markus Geltl c. Daimler AG.

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celles posées par la directive 2003/6/CE (les petites et moyennes entreprises ne bénéficiant pas d’un régime favorable), le régime de la divulgation différée est quant à lui différent. Alors que la directive 2003/6/CE donnait une option aux États membres d’imposer à l’émetteur d’informer sans délai l’autorité compétente de la décision de différer la publication d’une information privilégiée, le règlement impose à l’émetteur d’informer l’autorité compétente que la publication de l’information a été différée immédiatement après la publication de ladite information : on passe à un système a posteriori de non-option. De plus, un régime spécial est mis en place pour l’émetteur établissement de crédit ou financier qui doit obtenir une autorisation préalable de l’autorité compétente pour pouvoir différer la publication de l’information privilégiée. Par ailleurs, le champ des données devant être contenues dans la liste d’initié est précisé et uniformisé par l’article 18 du règlement et les PME sont exemptées de l’obligation d’établir une telle liste, même si elles restent néanmoins obligées de la fournir sur demande de l’autorité compétente. Enfin, si la transparence des opérations effectuées par des personnes exerçant des responsabilités dirigeantes et des personnes qui leur sont étroitement liées est toujours imposée par l’article 19 du règlement, cette obligation regroupe un champ de transactions plus étendu, mais est limitée aux transactions ultérieures une fois le montant de 5 000 EUR atteint au cours d’une année civile, les autorités compétentes pouvant choisir de rehausser ce seuil à 20 000 EUR.

V. L’extension des pouvoirs d’enquêtes et de surveillance des autorités compétentes Les articles 23 à 26 du règlement ajoutent de nouveaux pouvoirs d’enquête et de surveillance des autorités nationales compétentes à l’ensemble minimal déjà édicté par la directive 2003/6/CE. Par exemple, elles ont désormais le droit de pénétrer dans des locaux afin de saisir des documents ou données si des raisons permettent de suspecter que ceux-ci se révéleront importants pour apporter la preuve d’un comportement contraire au règlement européen. Il convient de noter que certaines de ces dispositions trouvent leur raison d’être dans le nouveau champ d’application des textes européens relatifs aux abus de marché. Par exemple, les autorités ont le droit, en ce qui concerne les instruments dérivés sur matières premières, de demander des informations aux participants au marché opérant sur les marchés au comptant qui leur sont liés. D’autres dispositions s’attachent surtout à clarifier l’étendue de certains pouvoirs des autorités. Par exemple, si celles-ci ont le droit depuis la directive 2003/6/CE de procéder à des inspections sur place, le règlement précise désormais « et [de procéder] à des enquêtes sur des sites autres que les résidences privées de personnes physiques ». 2014/4

En matière de coopération entre les autorités nationales, le règlement confie à l’AEMF la mission générale de coordonner les échanges d’information et les enquêtes ou inspections à dimension transfrontalière. De plus, si les textes européens permettent toujours à une autorité sollicitée par une autre de refuser de donner suite à cette demande, les raisons pouvant justifier ce refus ont été modifiées. D’une part, la susceptible atteinte à la souveraineté ou à l’ordre public de l’État membre requis n’apparaît plus, le règlement européen évoquant seulement la susceptible atteinte à la sécurité de l’État. D’autre part, le fait que la demande puisse nuire aux propres activités d’enquête de cet État peut également justifier un refus de coopération, en plus du fait que la demande concerne des faits et des personnes contre lesquels une procédure judiciaire a déjà été engagée ou un jugement définitif a déjà été rendu dans l’État requis. Enfin, le considérant 74 du règlement autorise les États membres, sous certaines conditions, à prévoir l’octroi d’incitations financières aux personnes fournissant des informations pertinentes sur la commission éventuelle d’un abus de marché.

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VI. Une harmonisation minimale des sanctions administratives La directive 2003/6/CE imposant seulement que des sanctions administratives « effectives, proportionnées et dissuasives » soient prises à l’encontre des personnes responsables d’une violation de ce texte, une grande disparité existe ainsi entre les différents États membres concernant le type et le montant de ces sanctions, ce qui favorise l’arbitrage réglementaire et l’existence de distorsions de concurrence. Le législateur européen a donc fait le choix d’un règlement européen afin que son applicabilité directe favorise une harmonisation plus profonde de la réglementation des abus de marché et de leurs sanctions. Son article 30.2 énonce la liste des mesures administratives pouvant être prises en matière d’abus de marché, qui comporte des sanctions pécuniaires (de (h) à (j)) et des sanctions non pécuniaires (de (a) à (g)). Au titre de ces dernières, les autorités compétentes peuvent a minima ordonner, par exemple, une interdiction temporaire d’activité ou le retrait de l’agrément d’une entreprise d’investissement. En matière de sanctions pécuniaires, aucun montant minimal n’est indiqué, sauf en cas de coopération de la personne responsable de la violation avec l’autorité compétente, car si cette circonstance atténuante peut être prise en compte, c’est « sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution des gains obtenus ou des pertes évitées par cette personne ». Quant au montant maximal, le règlement européen pose différents plafonds en précisant que les autorités peuvent en prévoir de plus élevés. Tout d’abord, l’article 30.2 (h) pose un plafond maximal général « d’au

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moins trois fois le montant de l’avantage retiré de la violation ou des pertes qu’elle a permis d’éviter, s’ils peuvent être déterminés ». De plus, les dispositions de l’article 30.2 (i) et (j) posent des plafonds maximaux plus particuliers. En cas d’abus de marché stricto sensu, pourra être prononcée à l’encontre d’une personne physique une sanction maximale de 5 millions d’euros et à l’encontre d’une personne morale une sanction de 15 % de son chiffre d’affaires annuel total ou de 15 millions d’euros. Pour un manquement à une obligation en matière de prévention et détection des abus de marché ou en matière de publication d’informations privilégiées, la sanction pourra atteindre à l’encontre d’une personne physique 1 million d’euros et à l’encontre d’une personne morale 2 % de son chiffre d’affaires annuel total ou 2,5 millions d’euros. Enfin, pour une violation des dispositions relatives aux listes d’initiés, aux transactions effectuées par des personnes exerçant des responsabilités dirigeantes et aux recommandations d’investissement et statistiques, la sanction pécuniaire maximale pouvant être octroyée sera de 500 000 EUR à l’encontre d’une personne physique et de 1 million d’euros à l’encontre d’une personne morale.

En matière de sanctions pécuniaires, aucun montant minimal n’est indiqué, sauf en cas de coopération de la personne responsable de la violation avec

l’autorité compétente.

À l’égard de ces dispositions, il convient de noter que si les plafonds des sanctions pouvant être octroyées aux personnes physiques sont inférieurs à ceux prévus par le dispositif français, ils sont bien supérieurs à ceux prévus par le droit national de certains États membres (par exemple, en Slovénie où l’amende administrative est de 1 200 EUR). Par ailleurs, la modification de la proposition de règlement, qui prévoyait un unique plafond pour l’ensemble des violations dudit texte, est à saluer. En effet, lorsque la sanction est maximale pour plusieurs infractions, la dissuasion marginale est nulle et l’individu n’a aucune incitation à choisir une infraction mineure plutôt qu’une infraction majeure, car la 56

sanction potentielle n’est pas affectée par la gravité de l’infraction. De plus, elle posait un maximum de 10 % du chiffre d’affaires annuel total pour l’ensemble des violations des textes relatifs aux abus de marché par une personne morale, sanction très lourde pouvant dans certains cas être assimilée au prononcé d’une « mise à mort » de la personne morale. Par ailleurs, l’article 30.2, alinéa 3, du règlement précise que, pour la violation de ses articles 14 à 17, « lorsque la personne morale est une entreprise mère ou une filiale qui est tenue d’établir des comptes consolidés en vertu de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil, le chiffre d’affaires annuel total à prendre en considération est le chiffre d’affaires annuel total ou le type de revenus correspondant conformément aux directives comptables pertinentes […] tel qu’il ressort des derniers comptes consolidés disponibles approuvés par l’organe de direction de l’entreprise mère ultime ». À cet égard, il convient de noter que la proposition de règlement ne prenait en compte le chiffre d’affaires consolidé que lors d’une condamnation de la fille, et non de la mère. Désormais, l’idée n’est plus seulement de considérer que les avantages d’un abus de marché éventuellement retirés par la fille remontent à la mère, mais bien celle de consacrer l’implication de l’entier groupe de sociétés dans le cas où un de ses membres commettrait un abus de marché. En vertu de l’article 31 du règlement doivent être pris en compte pour déterminer le type et le niveau des sanctions administratives : le degré de responsabilité, l’assise financière et le degré de coopération de la personne en cause ainsi que les violations commises précédemment par celle-ci. Les profits réalisés sont toujours – comme la gravité du manquement – un critère d’appréciation, mais ils sont remplacés par la formule « importance des gains obtenus et des pertes évitées » afin de désigner plus globalement les avantages économiques retirés de l’opération. Par ailleurs, alors que la publicité des sanctions administratives était une option pour les autorités compétentes en vertu de la directive 2003/6/CE, elle est désormais de principe selon l’article 34 du règlement, sauf si cette publication est de nature à compromettre la stabilité des marchés financiers ou si elle n’est pas proportionnée au regard de mesures réputées avoir un caractère mineur. De plus, ce texte met en place la pratique du naming and shaming, qui consiste à dénoncer publiquement les personnes ayant commis un abus de marché en posant le principe de la publication de la mesure ou sanction. Le texte précise que celle-ci doit au moins comprendre « des informations sur le type de la nature de l’infraction et sur l’identité des personnes qui en sont responsables » et qu’elle pourra être anonyme seulement si elle est de nature à causer un préjudice disproportionné aux parties en cause ou si elle risque de compromettre une enquête en cours ou la stabilité des marchés financiers.

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VII. L’introduction de sanctions pénales des abus de marché Les sanctions pénales des abus de marché n’étant que facultatives aux termes de la directive 2003/6/CE, cellesci sont particulièrement hétérogènes au sein des États membres : ils n’en prévoient pas tous et parmi ceux qui en prévoient les sanctions sont disparates. La directive 2014/57/UE impose désormais un volet pénal des abus de marché, soulignant que les sanctions pénales sont considérées comme un message de désapprobation sociale sans équivoque de nature à rendre les sanctions plus dissuasives. La dualité des textes relatifs aux abus de marché était alors inévitable, l’article 83, paragraphe 2, du TFUE prévoyant en effet que si l’Union peut établir des règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions lorsque le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires en matière pénale s’avère indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union dans un domaine ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation, ce pouvoir ne peut s’exercer que par le biais de directives.

La directive //UE amène les États membres à prévoir une peine d’emprisonnement, sanction qui marque la différence entre répression pénale

et administrative.

La directive 2014/57/UE impose des sanctions pénales pour les abus de marché d’une particulière gravité commis intentionnellement. Elle concerne les personnes physiques (article 7) et morales (article 8) ayant commis ou tenté de commettre de tels abus de marché, ou ayant incité à, ou été complice de, leur commission (articles 3 à 6). L’article 8.1 précise que les États membres doivent prendre des mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables des abus de marché lorsque ceux-ci ont été commis pour leur compte par toute personne exerçant une fonction dirigeante au sein de la personne mo2014/4

rale en cause et agissant soit individuellement, soit en tant que membre d’un organe de ladite personne morale, en vertu d’un mandat de représentation de la personne morale, d’une qualité pour prendre des décisions au nom de la personne morale ou d’une qualité pour exercer un contrôle au sein de la personne morale. Il convient de noter que si une telle disposition est envisagée presque à chaque fois qu’un rapprochement des éléments constitutifs d’une infraction a été réalisé au niveau de l’Union(16), les textes n’obligent jamais les États membres à mettre en place une responsabilité pénale des personnes morales compte tenu du fait que celle-ci n’est pas connue de tous les États membres. Par ailleurs, l’article 8.2 dispose que les personnes morales risquent également d’être sanctionnées pénalement en cas de défaut de surveillance ou contrôle de la part d’une personne visée au paragraphe 1 ayant permis l’abus de marché, pour le compte de ladite personne morale, par une personne soumise à son autorité. Alors que la proposition de directive ne posait pas de règles minimales en matière de sanctions pénales, l’article 7 de la directive 2014/57/UE précise que les sanctions pénales doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives » et que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que soient passibles d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins quatre ans pour les opérations d’initiés et les manipulations de marché et deux ans pour les divulgations illicites d’informations privilégiées. Cette disposition est à saluer en ce qu’elle

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VIII. Le nouveau dispositif européen à l’épreuve du principe non bis in idem Selon l’article 30.1, alinéa 2, du règlement 596/2014 et le considérant 22 de la directive 2014/57/UE, les États membres peuvent décider de ne pas établir de règles concernant les sanctions administratives lorsque les abus de marché sont déjà passibles de sanctions pénales dans leur droit national au plus tard le 3 juillet 2016, date butoir à laquelle ils devront notifier de façon détaillée à la Commission et à l’ESMA leur choix. Les États membres ont ainsi le choix d’infliger à l’encontre des abus de marché à la fois des sanctions administratives et pénales si leur droit national l’autorise, ou seulement des sanctions pénales. Dès lors, il est légitime de se demander si cette éventuelle dualité de sanctions contrevient au principe non bis in idem. Tandis que le règlement 596/2014 reste silencieux sur le sujet, la directive 2014/57/UE indique clairement à ses 16. V. notamment : décision-cadre n 2002-475 DC, 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme ; décisioncadre n 2004-757 DC, 25 octobre 2004, concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue.

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considérants 23 et 27 qu’elle respecte le droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction tel que consacré à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dès lors, la mise en œuvre des nouveaux textes européens devra respecter ce principe, quelles que soient les réserves formulées par les États membres à l’encontre de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La voie indiquée est celle du partage et les nouveaux textes européens posent comme critère de compétence l’intentionnalité de l’abus de marché : aux infractions intentionnelles, les sanctions pénales ; aux manquements objectifs, les sanctions administratives. Mais si ce critère ne peut être critiquable au plan de la rigueur juridique, quelques difficultés risquent néanmoins d’être rencontrées. Tout d’abord, l’article 6 de la directive qui pose en infraction l’incitation à effectuer une opération d’initié précise que ce n’est pas l’incitation qui doit être intentionnelle, mais le fait résultant de l’incitation. La pertinence de cette distinction se prête à discussion : pourquoi une personne qui a incité une autre personne à commettre un abus de marché doit-elle faire face à des sanctions pénales, si la personne « incitée »

commet l’abus de marché intentionnellement, et à de seules sanctions administratives si la personne « incitée » ne le commet pas intentionnellement ? Par ailleurs, les nouveaux textes européens ne semblent pas toujours respecter ce critère de l’intentionnalité. D’une part, l’article 12.2 a) du règlement considère comme une manipulation de marché le fait, pour une personne ou plusieurs personnes agissant de manière concertée, de s’assurer une position dominante sur l’offre ou la demande d’un instrument financier ou de contrats sur matières premières au comptant qui lui sont liés, avec pour effet la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou des prix de vente ou la création d’autres conditions de transaction inéquitables. Or il semble qu’un tel comportement ne pourrait pas être non intentionnel. D’autre part, en matière de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, l’article 5.2 c) de la directive ajoute par rapport au manquement administratif un critère d’intention, mais exige également que les personnes auteurs de l’abus de marché aient retiré « pour elles-mêmes ou pour une autre personne, un avantage ou un bénéfice de la diffusion des informations en question ». Reste alors à savoir si dans ces cas le seul critère de l’intention suffit ou non à donner compétence au juge pénal.

I.B. Régulation comparée CLIENT PROTECTION UNDER BELGIAN FINANCIAL LAW: RECENT DEVELOPMENTS IN INFORMATION DUTIES, PRODUCT INTERVENTION AND BEYOND(1)

Gaëtane S W PhD, Lecturer at the Catholic University of Louvain Member of CRIDES

I. Introduction Client protection in Belgian financial markets is one of the top priorities for the Belgian financial supervisory authority (the Financial Services and Markets Authority or ‘FSMA’). Heavily criticized during the Belgian financial crisis for not having intervened on time, the FSMA’s pro-activity in recent months is striking. It has draed 1.

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Researches for this contribution were made until 15 September 2014.

many rules that later became laws or Royal decrees and issued many regulations, warnings, circulars or other communications. But does the FSMA go too far too fast to the detriment of legal certainty, the competitiveness of the Belgian financial sector and, to some extent, financial clients themselves? In this article, we try to find an answer to that question by examining some of the most recent developments in client protection in Belgian financial markets:(2) (1) the provisions relating to pre-contractual and marketing information obligations,(3) and related liability, su2.

3.

See for a European law assessment, G. S W, “Client Protection in European Financial Markets – From Inform Your Client to Know Your Product and Beyond: An Assessment of the PRIIPs Regulation, MiFID II/MiFIR and IMD 2”, Revue Trimestrielle de Droit Financier, 3-2014, at 143, available on ssrn. We leave aside the law of 19 April 2014 relating to alternative schemes for collective investment and their managers (the AIFMD law); it is mostly an implementation of the European AIFMD directive.

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pervision and sanction regimes, (2) evolutions in product governance arrangements which are meant to reduce potential risks of failure to comply with investor protection rules and (3) ‘product intervention powers’ of the FSMA. ese have been introduced in Belgian law through the following regulations: the ‘Twin Peaks II package’, which essentially provides for the strengthening of the supervisory and sanctioning powers of the FSMA as well as the MiFIDisation of the insurance sector; Book VI of the new Code of economic law, which deals with ‘consumers’ protection and market practices; the transversal marketing Royal decree that seeks to implement a (standardized) key information document addressed to ‘retail clients’ for all ‘financial products’ and sets out specific requirements for marketing material related to those products; the FSMA label regulation, which imposes a risk label on specific financial products; and the FSMA prohibition on the distribution of several non-mainstream financial products to retail clients. e rules discussed in this contribution are quite new - some of them are not even in force yet. is contribution’s sole ambition is therefore to give preliminary comments and thoughts, awaiting the necessary experience to make a more in-depth analysis. In the conclusions to this article, we give a critical assessment of the focus of the Belgian legislator on disclosure and on product intervention. ere is a reminder that increasing disclosure requirements are inefficient given the lack of competence, time and will of addressees to read them. We also express our doubts about the ability of the financial education programs of the FSMA to change this situation. We share the view of the European financial markets’ supervisor with respect to products restrictions and bans, which should be considered as measures of last resort given their associated risks. In essence, we favor point-of-sale regulation and product governance arrangements as a regulatory approach to protect financial clients. And only to that extent do we support the FSMA pro-activity.

II. Twin Peaks II package: MiFIDisation of the insurance sector and beyond A. Foreword Belgian financial markets have a ‘Twin Peaks’ supervisory architecture. Since April 2011, the supervision of the financial sector and financial markets has been shared between the FSMA and the National Bank of Belgium (NBB). e Twin Peaks II reform(4) which came into force in April 2014(5) can be summarized in three pillars. A first pillar extends to the insurance sector client protection obligations that already applied to the bank2014/4

ing sector. e same level of protection is consequently provided to all clients, regardless of the type or nature of ‘financial product’ (investment,(6) insurance or saving products)(7) and of the status of the financial institution (credit institution, investment firm, managing company of collective investment schemes, certain collective investment schemes, insurance company, financial intermediary). More precisely, the MiFID rules of conduct set out in the MiFID Law(8) and in the MiFID Royal decree(9) are now applicable to insurers and insurance intermediaries (unless otherwise provided)(10) to the extent provided by the three Royal decrees of 21 February 2014.(11) Given that these new obligations are considered by the FSMA as provisions of general interest, this extension is relevant for Belgian and foreign insurance companies and insurance intermediaries doing business in Belgium. A second pillar focuses on the reinforcement of the efficiency and the action power of the supervision of the FSMA. A third pillar strengthens the sanctioning powers of the FSMA, by tightening the civil liability regime.

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Laws of 30 and 31 July 2013 seeking to reinforce the protection of users of financial products and services as well as the competences of the FSMA, and containing various provisions ((I) and (II)), Belgian State Gazette, 30 August 2013, 60090 and 60110 (the law of 30 July 2013 being referred to as ‘Twin Peaks II’); Royal decree of 21 February 2014 relating to the application specificities to the insurance sector of Articles 27 and 28bis of the MiFID Law, Belgian State Gazette, 7 March 2014, 20144 (‘Royal decree No. 1’); Royal decree of 21 February 2014 relating to rules of conduct and the rules relating to conflicts of interest management, set out by the law, in connection with the insurance sector, Belgian State Gazette, 7 March 2014, 20158 (‘Royal decree No. 2’); Royal decree of 21 February 2014 modifying the law of 27 March 1995 relating to insurance and reinsurance intermediation and insurance distribution, Belgian State Gazette, 7 March 2014, 20133. See also FSMA_2014_02, Modification of the law of 27 March 1995 and extension of the MiFID rules of conduct to the insurance sector, 16 April 2014. 5. See below for the exception relating to professional knowledge. 6. Including securities and branch 23 life insurance products. 7. Including saving accounts, branch 21, branch 22 and branch 26 life insurance products. 8. Law of 2 August 2002 relating to the supervision of the financial sector and to financial services. 9. Royal decree of 3 June 2007 relating to the rules and specificities for the implementation of the directive relating to markets in financial instruments. 10. e precise scope of the Twin Peaks II reform is outside the scope of this article. 11. e MiFID rules of conduct are also made applicable to banking and investment intermediaries further to Twin Peaks II. e Royal decree that would provide particular rules for banking and investment brokers is still awaited.

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ese three pillars are summarized below to the extent relevant for the purposes of this article. Twin Peaks II modifies various laws relating to the insurance sector, including the insurance intermediation law.(12) As from 1st November 2014, these laws are integrated – to a large extent – in the new so-called ‘insurance code’.(13)

B. Inform your client Twin Peaks II package provides for quality, content, means of communication, timing and responsibility requirements for information to be provided to insurance clients, without making any distinction between professional and retail clients.(14)

Twin Peaks II package provides for quality, content, means of communication, timing and responsibility requirements for information to be provided to insurance

clients.

Any piece of information, including marketing information (even marketing by e-mail), provided by the service provider to (prospective) clients and relating to an offer or provision of insurance products must be ‘correct, clear and not misleading’. is means, inter alia, that any piece of information must also identify the risks corresponding to any advantage put forward; be sufficient to enable the client to make an informed decision; and be draed in a fluent language and avoid state of the art terms. It must also meet certain requirements in case of comparisons for instance,(15) refer12. Law of 27 March 1995 relating to insurance and reinsurance intermediation and to insurance distribution. 13. Law of 4 April 2014 relating to insurances, Belgian State Gazette, 30 April 2014, 35487. 14. See also Articles 28 et seq.; Articles 273 et seq. of the ‘insurance code’. 60

ence to a specific fiscal treatment(16) or to the name of the FSMA.(17) Specific additional information requirements are provided for saving or investment insurances (branch 23 or branch 44), including in case of reference to, or simulation of, past performances or reference to future performances.(18) As far as pre-contractual information is concerned, ‘appropriate information’, and any substantial change thereto,(19) must be provided, in standardized format, to enable the client to reasonably understand what is offered and make an informed decision. Pre-contractual information must be provided essentially on (1) the service provider (contact details of the service provider, a reference to its registration/license as well as the address of the FSMA, the language used, the communication method) and the services, (2) the type of contract or service offered and the related conditions, (3) the risks relating to saving or investment insurances (branch 21 or branch 23),(20) and (4) the costs and charges,(21) and also includes a tax disclaimer. Pre-contractual information also covers, inter alia, the scope and frequency of the client reports and a summary of the conflicts of interest policy and the inducements policy. A broker does not himself need to produce information about the insurance contract, such as the general Terms and Conditions, but well information about the insurance contracts of other insurance companies and information about the intermediation contract.(22) Until further details are provided by the FSMA on the records of their intermediation activities, and the period during which such records should be kept,(23) we would advise that a systematic procedure be put in place at intermediaries to document any communication of information to (prospective) clients, with a view to prove that sufficient appropriate information was provided. Information must be provided on a website or on paper or on any other durable medium (if the website is not a durable medium) provided that certain conditions are met.(24) We would suggest that clients be divided into two groups, those who correspond with the insurance company/intermediary via e-mail, and who would re15. Article 8, § 3 of the MiFID Royal decree as detailed by Articles 11 and 13 of Royal decree No. 2. 16. Article 8, § 7 of the MiFID Royal decree as detailed by Articles 11 and 13 of Royal decree No. 2. 17. Article 8, § 8 of the MiFID Royal decree as detailed by Articles 11 and 13 of Royal decree No. 2. 18. See Article 8, § 4 and Article 12 of the MiFID Royal decree as detailed in Article 13 of Royal decree No. 2. 19. E.g., a change to the franchise, to the coverage or to the costs. 20. Reference to a label will not be sufficient in that respect (FSMA circular of 16 April 2014 cited above). 21. e FSMA regulation detailing the specific information to be provided in that respect is still awaited. 22. Comp. with the KID under the transversal marketing Royal decree, discussed below. 23. Article 12septies, § 2 of the insurance intermediation law. 24. See Articles 5 and 10, § 4 of the MiFID Royal decree.

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ceive any information on the website or via e-mail, and the others, who will then have to sign any piece of information provided and for whom a systematic update of their client file will have to take place. e information must be disclosed before the service is provided or the contract is signed. In case of distance contract or telephone contract, it must be provided immediately aerwards and certain conditions must be met.(25) e FSMA considers that the client must have sufficient time to ask any complementary piece of information deemed necessary. Twin Peaks II package provides that the person who is in contact with the client is in principle in charge of providing the relevant information. It could be the insurance firm (in case of direct distribution or indirect distribution via tied insurance agents) or the non-related intermediary (insurance broker (who acts through its subagents as the case may be) or non-tied insurance agent (who acts through its subagents as the case may be)). In practice, the FSMA recommends that the service providers agree among themselves who amongst them shall provide what information to the client to comply with applicable requirements and to avoid complications.(26) e insurance company and the insurance intermediary are in charge of the draing of their respective information. Any marketing information must be recognizable as such and consistent with any other information disclosed and shall contain the pre-contractual information(27) unless reference is made to document(s) containing such information.

C. Know your product e new rules require that service providers know and are able to explain to clients the essential characteristics of the financial products and services they market. is also applies to the persons responsible for the distribution within them and any person they employ, particularly those who are in contact with the public.(28) is is a new obligation further to Twin Peaks II which applies to the entire financial sector. 25. See Article 10, § 5 of the MiFID Royal decree as detailed by Articles 11 and 13 of the Royal decree No. 2. 26. is is even more relevant as the definition of ‘tied agent’ is narrower than the definition of ‘appointment’ under the transversal marketing Royal decree discussed below which also provides for mandatory pre-contractual information (in the form of a standardized information sheet) when marketing to retail clients. 27. I.e., information relating to the service provider, to the type of contract offered, to the costs and charges and to the nature and risks of savings and investment insurance. 28. See Article 12series of the insurance intermediation law, as introduced by Twin Peaks II – it will become Article 277, § 2 of the ‘insurance code’ (in force on 1 November 2014). See as well Article 14, § 1bis of the banking and investment services intermediation law, introduced by Twin Peaks II. 2014/4

is new requirement aims at enabling clients to ask questions about the financial product to whomever they are in contact with, irrespective of whether or not the service or the intermediation includes the provision of an advice.

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D. Know your distributor and knowledge requirements e liability regime of the Twin Peaks II reform suggests a “know your distributor” obligation for insurance companies using tied agents.(29) More specifically, the Royal decree modifying the insurance intermediation law provides for the full and unconditional responsibility of insurance companies using tied agents(30) – even where the tied agent uses sub-agents – for any action or omission relating to the rules of conduct, except in case of gross negligence. In case of gross negligence, the Royal decree provides for the joint responsibility of the tied agent. is responsibility of the insurance company using tied agents does not apply for actions or omissions outside the intermediation activity(31) of the tied agent. is means that, concretely, insurance companies should enact procedures and policies for the compliance with the rules of conduct by their tied agents.

Knowledge requirements are strengthened for the insurance sector further to Twin Peaks II.

e law also provides for a “know your distributor obligation” on non-tied insurance agents and insurance bro29. See for the banking sector, Article 10, § 4 of the banking intermediation law (providing for the responsibility in connection with rules of conduct of the bank using banking and investment agents). 30. As defined in Article 1, 8 of the insurance intermediation law (Article 257, 5 of the insurance code), a tied agent is an agent who represents (acts in the name and for the account of) one insurance company and who falls within its complete responsibility or who represents more than one insurance company, each time within their complete responsibility and solely for a noncompeting branch (e.g., branch 21/23 for A and non-life for B). 31. As defined in Article 1, 1 and 2 of the insurance intermediation law.

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kers using insurance sub-agents.(32) ey bear full and unconditional responsibility for their action or omission where the sub-agents act for their account. ey must therefore also supervise the activities of their subagents.(33) Knowledge requirements are strengthened for the insurance sector further to Twin Peaks II. First, to level the playing field with the banking sector, all insurance and re-insurance intermediaries must prove, as a condition to be registered with the FSMA, that they know, and that the persons they designated as responsible for the distribution as well as the persons in contact with the public, know the rules of conduct applicable to them.(34) e requirements relating to professional knowledge are further detailed by the FSMA.(35) e FSMA should set out the details of a specific exam to replace the classes to be followed.(36) Second, further to the requirement to have a proper organization, service providers must make sure their compliance and internal audit functions do cover compliance with the rules of conduct, and establish specific policies and procedures in their respect. is applies explicitly to insurance companies and their marketing network, i.e., their tied agents and the sub-agents of those tied agents. is being said, to the extent appropriate, this also applies to insurance intermediaries to enable the FSMA to supervise compliance with the rules of conduct.

E. Supervision e FSMA supervises compliance with the rules of conduct and the provisions of any Royal decree or FSMA regulation enacted in their respect.(37) In 2012, the FSMA developed a specific method for the supervision of the compliance with the rules of conduct by financial institutions to be used during onsite checks. Each year, the FSMA selects an area for particular focus, depending on the results of a risk assessment.(38) is methodology is now covering the insurance sector as well. e FSMA, however, stressed that supervision will be proportionate to the area.(39) 32. As defined in Article 257, 2, 3 and 4 of the insurance code. 33. See for concrete examples of the split in responsibility between different types of intermediaries, the FSMA circular of 16 April 2014, at 14 (see above). 34. ere is a transition period until 30 April 2015 for the following: insurance intermediaries registered as of 30 April 2014, persons designated as responsible for the distribution with a registered insurance intermediary as of 30 April 2014, and persons employed by a registered insurance intermediary as of 30 April 2014. 35. For instance, the FSMA requires 6 hours minimum of classes for insurance intermediaries, persons responsible of the distribution and any person in contact with the public. See the website of the FSMA. 36. Article 11, § 3, 2 of the insurance intermediation law. 37. Article 33 of the MiFID Law. 38. E.g., conflicts of interests rules or the diligence duty (appropriateness and suitability tests). 62

Twin Peaks II second pillar provides additional powers to the FSMA to investigate breaches, including ‘mystery shopping’ by members of the FSMA or third parties in order to check compliance with rules of conduct, and permanent remote access to the parts of internet websites reserved to clients.(40)

F. Liability regime e liability rules set out in the Twin Peaks package (see above) do not supersede the common law liability regime.(41) Moreover they do not release tied agents from their duty to comply with conduct of business rules. e Twin Peaks II package introduces a presumption of causal link for breaches of specific rules of conduct that occurred on or aer 30 April 2014.(42) In an action under civil law,(43) and notwithstanding any contractual provision stating otherwise, in case of breach to specific ‘rules of conduct’(44) by a ‘service provider’(45) in the context of a ‘financial operation’,(46) and if the user(47) 39. To respond to critics pointing out the too sharp implementation period for the Twin Peaks II package, the FSMA mentioned that it would spend the first months since implementation mainly on training, and much less on checks. 40. e FSMA is however not entitled to gain access to clients’ individual protected websites. 41. Pre-contractual information duties are sanctioned by Articles 1382/1383 of the Civil code and contractual information duties are sanctioned by Article 1134, al. 3 of the Civil code. 42. New Article 30ter of the MiFID law. is article has been extended to the insurance sector by Article 2/1 of the Royal decree of 20 February 2014. Note that Article 30ter was slightly changed by the insurance code. 43. And particularly contract law (actions in nullity of the contract) and liability law. 44. Including, Article 27, § 2 of the MiFID Law (correct, clear and non-misleading information); Article 27, § 3 (appropriate information to be communicated in a understandable way); Article 2/1 of the Royal decree of 20 February 2014 implementing Article 30ter of the MiFID Law, (information on costs and charges; all information requirements). e question rises whether the information duties are best efforts obligations or result obligations. 45. See Article 30ter, § 1, al. 2 of the MiFID Law (including, so-called ‘regulated entities’; banking and investment services agents; insurance companies and intermediaries and intermediaries in banking and investment services). 46. As defined in Article 30ter, § 2 of the MiFID Law (very broad definition that includes lending, exchange, repayment and holding). 47. Not defined. In the preparatory works, it is clearly stated that the concept of ‘user’ is not to be confused with the concept of ‘consumer’ in the consumer protection law (see below). We think that natural persons and professional clients are included. Another question is whether the claimant still needs to be a ‘user’ at the time of the claim.

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of the ‘financial products’ or ‘financial services’(48) suffers damage aer the financial operation – the existence and the scope of which must be proven –(49) the financial operation is presumed to have taken place as a result of the breach, unless proven otherwise. If the claimant proves the causal link between the operation and the damage, there is no need to prove the causal link between the operation and the breach; and the damage is also presumed to be resulting from the breach.(50) In other words, Twin Peaks II creates a presumption that the investment decision would not have been taken had the relevant financial institution complied with the applicable conduct of business rules. In practice, this presumption creates a reversal of the burden of proof: it will be up to the financial institution to prove that the breach of the conduct of business rules did not affect the investor’s investment decision. e only benefit for the claimant would then be that in case of any doubts remaining at the end of the proceedings, the doubts should benefit the claimant. Nonetheless, the rebuttable character of the presumption is a strong limitation to the usefulness of this presumption of causal link to the benefit of the claimant. e statute of limitation is five years as from the time the client knew of the damage or its aggravation. No action can be introduced on that basis aer twenty years from the day following the day of the breach.

G. Sanctions e Twin Peaks II package extends the existing powers of the FSMA to issue injunctions, public warnings and administrative fines to insurances companies and insurance intermediaries. It further increases and harmonizes the level of administrative fines. As a general rule, fines must be published, disclosing the name of the concerned person(s) unless such disclosure would seriously jeopardize the financial markets or cause disproportionate damage to the parties concerned. It also introduces the possibility for the FSMA to suspend the marketing of a financial product on the Belgian territory as long as the breach is continuing (if necessary, this decision can be made public);(51) and introduces an injunction action in case of breach of rules of conduct.(52) 48. As defined in Articles 2, 39 and 40 of the MiFID Law. 49. Article 30ter does not provide any details concerning the damage that can be incurred. According to current case law, on the basis of common law (contract and tort), the loss of a chance is repaired (loss of the chance not to sell the losing investment and/or to make a more valuable investment; no damages for the loss or the low income) or the “moral” damage that results from the inability to take an informed decision. 50. Comp. with Article 61 of the Prospectus Law and Article 63 of the UCITS Law. 51. Article 36, § 1, al. 4 MiFID Law. 52. Article 125, 3 MiFID Law. 2014/4

In addition, the Code of economic law provides for the possibility of a collective action(53) in case of breach by a company(54) of, inter alia, information duties,(55) to the detriment of ‘consumers’, as defined by the Code (see below). e breach must have occurred aer 1st of September 2014 and certain conditions must be met that relate to the claimants, their representative and the procedure.

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III. Book VI of the Code of economic law Book VI of the Code of economic law(56) is applicable since 31 May 2014 and reiterates most of the Law of 6 April 2010, which it replaces. It also transposes the Consumer Rights Directive 2011/83/EU. In addition, alongside the transposition, a limited number of areas were revisited and modified. Book VI of the new Code of economic law contains provisions aimed at protecting ‘consumers’ – defined as natural persons who act outside any commercial, industrial, artisanal or self-employed activity(57) – where undertakings offer them products and services. Book VI applies a priori to financial services but for the four limited exceptions provided by the Royal decree of 23 March 2014.(58) is has important implications where securities are sold to ‘consumers’, even in a private placement. e definition of ‘financial services’ in Book VI is much broader than the definition of ‘financial services’ in the MiFID Law. Book VI’s definition covers on the one hand, services relating to banking (e.g., bank accounts), 53. Law of 28 March 2014, Belgian State Gazette, 29 April 2014, in force since 1st September 2014. 54. Defined as a natural or legal person who pursues in the long term an economic goal, including associations. 55. Article XVII.37, 17 of the Code of economic law refers to Article 27, § 2 of the MiFID Law (correct, clear and not misleading information) and to Article 27, § 3 of the MiFID Law (appropriate information), as well as to the implementing provisions of the MiFID Royal decree. 56. Law of 21 December 2013, Belgian State Gazette, 30 December 2013, 103506. 57. See Article I.1.2 of Book VI of the Code of economic law. 58. Royal decree of 23 March 2014 relating to the adaptations of specific provisions of Book VI of the Code of economic law to certain categories of financial services, Belgian State Gazette, 3 April 2014, 28702. Article VI.3, § 2 is not applicable to the price of investment instruments that are sold or offered for subscription, if the price is not pre-determined. Article VI.5 is not applicable to financial products expressed in a currency other than the EUR (except the related fees and costs). Articles VI.18 and VI.19 are not applicable to the sale or offer to subscribe (to a consumer) of investment instruments the price of which fluctuates on the financial market that the company cannot influence. Certain clauses are deemed not to be unfair.

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credit (e.g., loans), insurance, individual retirement, investments and payments, and on the other hand, ‘financial instruments’, ‘securities’, ‘financial products’ defined in the MiFID Law and ‘investment instruments’ defined in the Prospectus Law (59). Without getting into details, the Code provides for a general information obligation which applies if the information could not be derived from the context, rules relating to comparative marketing, distance contracts, off-premises contracts,(60) joint offers, abusive clauses, unfair – misleading or aggressive – commercial practices, unsolicited communications. Any breach concerning ‘financial services’ can be searched and set out by the ‘federal public service economy’ and by the FSMA (to the extent the firm, the transaction or the product concerned are subject to the FSMA supervision).(61) Non-compliance with Book VI is subject to criminal sanctions. e FSMA may also impose administrative sanctions. An injunction action can be brought.(62) Any breach of Book VI can also give rise to a collective action if all the conditions are met.(63)

An important question to resolve is to know what law is applicable where both the Code and one or

the Code is considered to be a lex generali and the adage ‘lex specialis derogat generali’ applies. However, important qualifications must be made depending on whether the matter is harmonized at European level. If Book VI is not an implementation of European directives whereas the specific financial law implements a maximum harmonization directive or the other way around, any deviating rule of Book VI, or as the case may be of the specific law, will not be applicable. For instance, no deviating rule of Book VI can apply to the language requirements of the Prospectus Law. If both the Code and the specific law implement European directives in a harmonious way, lex specialis generali derogat unless otherwise provided in the directives themselves or it is impossible to know which law is the lex specialis.(64) If Book VI implements a minimum harmonization directive and the specific law implements a maximum harmonization directive,(65) or the other way around, any rule beyond minimum harmonization cannot be contrary to full harmonization.(66) In case of provisions of Book VI not implementing any European directive whereas the special law implements a minimum harmonization directive or the other way around, or in case both Book VI and the special law implement minimum harmonization directives, the cumulative application cannot be contrary to the minimum harmonization. Moreover, the question of the applicable law is likely to be subject to discussion where, next to the Code, more peculiar layers of specific financial legislations are applicable.(67)

more other Belgian laws regulate the same

matter.

An important question to resolve is to know what law is applicable where both the Code and one or more other Belgian laws regulate the same matter, as will oen be the case. As a general rule, Book VI applies cumulatively with specific financial legislation. In case of a conflict, 59. Article I.8, 18 of Book VI of the Code of economic law and the Report to the King. 60. Note in that respect that Book VI implements the consumer rights directive 2011/83/EC in connection with contracts negotiated away from business premises. But this directive does not apply to financial services (see recital (32)). Nevertheless, Book VI and the implementing Royal decree do not provide for an exception of those rules to financial services. 61. Article XV.11, § 2 of the Code of economic law and Article 45, § 1, al. 1, 7 of the MiFID Law. 62. Book XVII of the Code of economic law. 63. Article XVII 37, 1, c) of the Code of economic law. 64

IV. The transversal marketing Royal decree A. Scope e transversal marketing Royal decree(68) provides 64. e Report to the King provides for the following example: application of the rules on distance selling to a public offer with distance selling: the investor-consumer shall receive the information provided for in the Prospectus Law and in Book VI (distance contracts). 65. For instance, the application of the rules on misleading advertisements in Book VI to MiFID marketing. 66. For instance, the provisions of MiFID II or IMD II relating to joint offers apply if the rules provided in that matter by the Code of economic law contradict them. 67. E.g., FSMA circulars (including FSMA circular 2013-13), FSMA moratorium, etc. 68. Royal decree of 25 April 2014 setting out certain information obligations for the marketing of financial products to retail clients, Belgian State Gazette, 12 June 2014, 44471. See Article 27, § 11 and Article 45, § 2 of the MiFID Law which are the bases of this Royal decree.

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for a pre-contractual information sheet and marketing requirements as from 12 June 2015. It has a more limited scope than the pre-contractual and marketing obligations under the MiFID Law and the MiFID Royal decree discussed above as it only applies to the ‘marketing’(69) to ‘retail clients’ (70) of ‘financial products’(71) in Belgium.(72) Besides, the Royal decree does not apply: when the financial counterpart needed from the retail client is at least EUR 100,000 or at least EUR 250,000 in case of UCITS; in the context of order receipt and order transmission or order execution where the service provider is only remunerated for such services; in the context of pensions of the first and second pillars; and for insurance products covering large risks.

e transversal marketing Royal decree provides for a pre-contractual information sheet and marketing requirements.

B. Pre-contractual information sheet (‘KID’) Any person marketing a financial product to retail clients on the Belgian territory is in principle responsible for the draing and the update of the KID. More specifically, the Royal decree provides for a cascade of responsibility. In case of regulated distributors or regulated intermediaries appointed(73) by the manufac69. Defined as the presentation, in any manner, of a financial product to incentivize a (potential) retail client to buy, subscribe, adhere, accept, sign or open the financial product. is covers both public offers and private placements. 70. Defined in Article 2, 29 of the MiFID Law. In practice mainly physical persons and small companies are covered. e concept of ‘retail client’ is thus broader than the concept of ‘consumer’ under Belgian law. Comp. with scope of the general disclosure obligations under the MiFID Law (does not distinguish between retail and other clients). 71. Defined in Article 2, 39 of the MiFID Law. 72. Foreign entities conducting business in Belgium on a cross-border basis or through a branch therefore also fall under the new rules. 2014/4

turer, only the manufacturer of the financial product is in charge. In case of delegation by regulated distributors or regulated intermediaries not appointed by the manufacturer, only the first distributor or intermediary is in charge and not the manufacturer nor the delegate. If an insurance intermediary appoints insurance sub-agents, without the insurance intermediary having been appointed by the manufacturer or a regulated distributor, only the insurance intermediary is responsible and not the sub-agents.(74) e person in charge of the draing and updating of the KID must pro-actively provide the information sheet and any update to entities that s/he appoints for marketing in Belgium. e same cascade applies.(75) e mandatory KID must meet the requirements as to length, typography and minimum content. It must be a document of a maximum of three A4 pages long(76) written in a readable way, in non-technical language. It must contain the principal characteristics of the product to reasonably enable the retail client to understand the nature of the product and its risks. e information provided must be correct, clear and not misleading and consistent with any other pre-contractual information. It must allow for comparisons. It should be a standalone document although (precise) cross-references are permitted to complement or detail specific information contained in the KID. It must mention the entity where complaints can be logged. e label related to saving or investment products (see below) must be mentioned on the first page; no other risk assessment should be mentioned, unless otherwise provided. e Royal decree provides for other specific content requirements, including the requirements relating to any reference to a formula or to any reference to the FSMA. e fiscal treatment should be mentioned. e information sheet should be dated. As long as the financial product is marketed in Belgium, the person responsible for the draing and the update of the KID shall publish updated KIDs on a website accessible by the public without charge. Reference to the specific location on the website where any update of the information sheet can be found shall be included in the KID. e Royal decree provides for standard forms for regulated saving accounts or regulated saving deposits; term deposits; structured notes; derivative without capital guaranteed; bonds; shares; branch 21 life insurance (as saving, as saving for retirement, as long-term saving); branch 23 life insurance; etc. ese standard forms

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73. Article 5, al. 2 transversal marketing Royal decree specifies when the manufacturer, regulated distributor or insurance intermediary should be considered appointing someone in the context of the responsibility cascade. Comp. with the (narrower) definition of ‘tied agents’ and the responsibility regime relating to the pre-contractual information under the MiFID Law (above). 74. Article 5 transversal marketing Royal decree. 75. Article 6 transversal marketing Royal decree. 76. 4 A4 pages if the information sheet includes number illustrations of formulae.

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should be complied with unless derogations are approved by the FSMA in advance. Any person marketing a financial product must provide the KID to the retail client free of charge in due time prior to the transaction. Immediate ex-post provision of the KID is however allowed in case of unsolicited distance sale where ex-ante provision is not possible. e Royal decree provides for the means of communicating the information sheet: paper or, provided certain conditions are met, other durable medium or internet website.(77) e up-to-date KID must in any case be made available at all times on an Internet website as mentioned above. Any mandatory KID, and any update thereof (but for limited exceptions), requires prior approval by the FSMA according to a specific approval procedure before being communicated to retail clients.(78) However, KIDs related to insurance products do not need prior approval by the FSMA before being communicated to retail clients. ey can be subject to the prior approval of the FSMA if the FSMA confirmed that they relate to insurance contracts which do not call for any further comments. In that case, any marketing material related to the insurance product is also subject to the prior approval of the FSMA.

C. Marketing rules e Royal decree also provides for rules applying to marketing materials, documents and notices communicated to retail clients when marketing financial products in Belgium. Marketing material must be recognizable as such, cannot be misleading or incorrect and cannot minimize or hide important elements or warnings. It must be consistent with any other piece of contractual or precontractual information made available and must be easily read by a retail investor. Any confusion with marketing relating to the manufacturer or the distributor or the manager of the product is prohibited. e Royal decree also provides for the minimum content of any marketing material.(79) ere are specific provisions in connection with past, simulated or future performance mentioned in marketing material relating to ‘saving or investment products’.(80) It also provides for specific content in case of reference to an award or a notation.(81) Certain conditions also apply with respect to comparisons.(82) 77. Article 7 transversal marketing Royal decree. 78. Comp. with what is provided under the PRIIPs Regulation. 79. Article 12 transversal marketing Royal decree. Comp. with the MiFID Law/MiFID Royal decree discussed above. 80. Article 16 et seq. transversal marketing Royal decree. 81. Article 24 transversal marketing Royal decree. 82. Article 25 transversal marketing Royal decree. 66

Prior approval by the FSMA in accordance with the procedure set out in the Royal decree is mandatory if the prior approval of the KID is mandatory.(83)

D. Voluntary KID No mandatory KID is required in case of publication of a prospectus in accordance with the Prospectus Law; in case of a non-public offering under the Prospectus Law or the UCITS Law or the AIFMD Law; in case of specific prospectus-exempted offerings under the Prospectus Law;(84) in case of marketing of units of UCITS if a key investor information document has been draed in accordance with the UCITS Law or the AIFMD Law. In all those cases, the Royal decree provides for an optin: a voluntary KID can be draed, with the same content as a mandatory KID. But the procedure relating to the approval by the FSMA of marketing material shall be applicable and not the procedure relating to the approval by the FSMA of the mandatory KID.(85)

E. Supervision and sanctions e FSMA supervises compliance with the transversal marketing Royal decree.(86)

A standardized risk label must be mentioned in the KID and in any marketing material.

As the transversal marketing Royal decree does not contain any specific provisions regarding responsibility and sanctioning in relation to marketing documents, only the default administrative, civil and criminal sanctions regime of the MiFID Law apply.

83. Article 26, § 1 transversal marketing Royal decree. In practice, no prior approval of marketing documents is required in connection with insurance products (unless prior approval of the KID relating thereto is required) and prospectus-exempt private placements. 84. Article 3, § 2, 3 transversal marketing Royal decree referring to Articles 16, § 1, 3 and 8 and Article 18, § 1 of the Prospectus Law. 85. Article 10, § 1, al. 2, 2 transversal marketing Royal decree. 86. Article 33 of the MiFID Law.

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V. The FSMA label regulation As from 12 June 2015, a standardized risk label must be mentioned in the KID provided for by the transversal marketing Royal decree and discussed above and in any marketing material relating to the marketing of ‘saving’ and ‘investment products’(87) to ‘retail clients’ in Belgium.(88) e label should indicate to retail investors, in a standard form which allows for comparisons, the degree of risks (market risk and credit risk) related to the product without assessing the quality or the opportunity of the product/transaction. Saving and investment products are organized in 5 categories to which a risk label corresponds. e division into product categories depends on (i) the type of debtor, (ii) the credit rating of the debtor and (iii) the product specifications. e label is allocated by the person responsible for the draing of the KID under the transversal marketing Royal decree. e regulation also provides details for the presentation of the label, which is based on the energy label designed for electrical appliances and has been allegedly tested by a consumer panel. Breaches of the FSMA risk label regulation can give rise to a collective action.(89) Compliance with the label regulation is supervised by the FSMA.(90)

VI. The FSMA nancial products ban regulation and beyond e FSMA considers that disclosure is not sufficient to protect investors buying complex financial products and considers that this market is important enough to intervene.(91) As discussed more at length elsewhere,(92) a voluntary moratorium has applied since 1st August 2011 to 87. Defined in the transversal marketing Royal decree. 88. Article 4, § 2, 8 and Article 12, § 1, 4, c) transversal marketing Royal decree and Article 2 Royal decree of 25 April 2014 approving the FSMA regulation relating to the technical requirements of the risk label, Belgian State Gazette, 12 June 2014, 44567. e possibility of the label regulation was provided in Article 30 bis, 2 of the MiFID Law, further to Twin Peaks II. 89. Article XVII.37, 17 of the Code of economic law refers to Article 30bis of the MiFID Law which provides for the possibility for the FSMA to take the label regulation. 90. Article 33 of the MiFID Law. 91. e Belgian market for these products is considered to be worth EUR 83 billion at the end of 2011. 92. See G. S W, “Product Intervention for the Protection of Retail Investors: a European Perspective”, in L. N-P et S. R 2014/4

the ‘distribution’ by a ‘distributor’ to ‘retail investors’ of ‘structured products’ that are deemed ‘particularly complex’ if they do not meet four pre-set criteria. Most Belgian financial institutions adhered to it. e IMF recently considered the moratorium to be effective in meeting its objectives of having more simple retail products and increased transparency to enable comparisons.(93) e moratorium was meant to be only temporary. But it is still in force, more than 3 years aer coming into force. Further to Twin Peaks II, the FSMA may prohibit or impose restrictive conditions to the marketing of financial products to retail investors.(94) On that basis, the FSMA issued the ‘financial products ban regulation’, which comes on top of the moratorium.(95) It came into force on 1 July 2014 and the ban prohibits the marketing(96) in Belgium of several ‘non-mainstream’ financial products to retail investors, whether or not in the framework of a public offer and irrespective of the nationality or place of business of the distributor. ree categories of products are covered by the ban: (1) financial products linked to life settlements, i.e., traded life policy investments or financial products directly/indirectly(97) related to traded life insurances; (2) financial products directly/indirectly related to virtual currencies, like Bitcoin and Litecoin, (3) certain fund-linked investment instruments, i.e. investment instruments (other than UCITS and AIF) and insurance wrapper (branch 23) directly/indirectly linked to alternative investment funds (AIF) or, in the case of insurance wrappers, internal funds or AIF, investing directly/indirectly in non-conventional assets – assets that cannot be invested in by Belgian UCITS or Belgian undertakings for collective investment in claims (e.g., raw materials, art pieces, wine, whisky). e alleged purpose of the prohibition is to ensure that funds which cannot be directly offered to the public in Belgium are not repackaged as structured products (or other financial products) and subsequently marketed to retail investors in order to circumvent the regulated

93.

94. 95.

96. 97.

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(dir.), Risques, Crise financière et Gouvernance: Perspectives transatlantiques, Montréal/Zurich/Limal, Editions émis/Schulthess/Anthemis, 2013. Belgium – Technical Note on Securities Markets Regulation and Supervision, IMF Country Report No. 13/136, 16 May 2013. See also for an assessment by the FSMA, FSMA annual report 2013, at 48. Article 30bis, 1 of the MiFID Law introduced by Twin Peaks II. Royal Decree of 24 April 2014 approving the FSMA Regulation of 3 April 2014 banning the marketing in Belgium of certain financial products to retail investors, Belgian State Gazette, 20 May 2014, 40095. Similar definition as under the transversal marketing Royal decree. A direct link means that repayment or return of the financial product is partially or completely related to the evolution or return of the underlying assets. An indirect link means that the issuer is financially dependent on the underlying assets to satisfy its repayment obligations under the financial product.

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funds regulations. e Chairman of the FSMA declared that the list could be extended if necessary. Compliance is supervised by the FSMA. e administrative sanctions provided in the MiFID Law as well as the power of the FSMA to suspend the marketing of the relevant financial products are applicable. is is without prejudice to default civil and criminal sanctions. In addition, a collective action can be brought in case of breach.(98) In addition, the FSMA issued in June 2011 a public warning concerning the risks associated with speculative transactions on foreign currencies (FOREX products). e FSMA did the same in May 2014 in connection with binary options. e FSMA also recently issued a communication reminding undertakings that distribute over the counter non-mainstream financial products on-line to retail investors in Belgium of their obligations. It concerns all types of derivative products which are considered complex under the MiFID rules, including contracts for difference and so-called ‘binary’ options.(99) It considers these products to be oen highly risky although presented as very simple products.

For these investors who rely on financial intermediaries’ advice, disclosure is useless, be it in short standard

form.

VII. Conclusions Mis-conceptions and mis-sellings of financial products recently happened on a great scale as illustrated by the losses on financial markets and the various judicial proceedings initiated by deceived clients. Regulators worldwide are trying to cure this problem as it negatively impacts clients’ confidence in sound financial markets and affects their savings. is in turn results in 98. Article XVII.37, 17 of the Code of economic law refers to Article 30bis of the MiFID Law which provides for the possibility for the FSMA to take the product ban regulation. 99. FSMA_2014_05 of 25 July 2014, Communication for undertakings that distribute non-mainstream financial products (such as CFD’s, binary options, etc.) online. 68

less support of the economy by suppressed demand and is illustrative of a misallocation of resources. We discussed in this article two areas of focus of the Belgian legislator: disclosure and product intervention. ese conclusions give a critical assessment of each regulatory approach. Information asymmetries and the principal-agent problem have always been key drivers of the regulation of investment products aimed at the retail client. From that perspective, the transversal marketing Royal decree and the FSMA label regulation fit perfectly. However, there is irrefutable evidence suggesting that the investor does not have the time, the will or the competence necessary to read the documents made available to him.(100) Worth noting in that respect are the efforts of the FSMA to improve financial education of clients.(101) e FSMA believes that educational programs can enable clients to eventually understand the documents addressed to them. But can these general public programs really go beyond raising awareness of the complexity and risks related to financial markets alongside its many opportunities; and stressing the importance of professional financial advisers in taking the right investment decision? And even if the investors were/became qualified enough to understand the disclosures made available to them, this would still leave whole issues relating to lack of time and will to read financial information. Such lack of time, will and competence are probably the main reasons for retail investors’ vast reliance on investment advisers. For these investors who rely on financial intermediaries’ advice, disclosure is useless, be it in short standard form. But more troublesome for the positioning of the Belgian market on the financial map are the following questions. What was the hurry to take the transversal marketing Royal decree and the label regulation? Were people incentivized by the then-approaching federal elections of May 2014 and the uncertainty of the political color of the next minister in charge of the Belgian economy?(102) It seems that the FSMA wants very badly to show that it can act, and it can act quickly, to fulfil its main mission of clients’ protection.(103) But this time, by doing this, the FSMA oversaw the fact that the disclosure requirements imposed by the transversal marketing Royal decree will in some important as100. e experience with MiFID showed that the delivery of documentation and the signature by the client do not automatically translate into a real understanding of what has been signed. 101. See the dedicated website wikifin.be created on 31 January 2013. See also the financial education program that the FSMA suggested to introduce in (professional) high schools (see the press releases of June 2014 in that respect). 102. e minister in charge of Belgian economy until the federal elections of May 2014 was the socialist Johan Vandelanotte. e next one could belong to the liberal political parties. 103. e FSMA usually dras all financial regulations before they are discussed at political level.

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pects be covered by the forthcoming European PRIIPs Regulation.(104) We would not be so critical if the enacted provisions did not go beyond what will be provided at European level.(105) But they certainly do.(106) is will negatively impact the competitiveness of the Belgian financial sector without offering sufficient related benefits as explained above. e FSMA is also a front-runner in interventionist, product-based regulation.(107) is raises several concerns. Has the FSMA correctly reconciled the moratorium/product ban regulation with the maximum harmonization retail investment services directives?(108) Is there not a breach of the principle of free movement of capital embedded in the EC Treaty?(109) We believe that a strategy of product intervention which is super-equivalent to European measures is likely to result in increased costs, to hinder access to the Belgian market, and to damage the competitiveness of Belgian firms while leaving retail investors exposed to detriment from firms nevertheless ‘passporting-in’ to the Belgian market.(110) ese concerns make the case for 104. For the latest text, see position of the European Parliament adopted at first reading on 15 April 2014 with a view to the adoption of Regulation (EU) No. .../2014 of the European Parliament and of the Council on key information documents for packaged retail and insurance based investment products (PRIIPs) (the ‘PRIIPs Regulation’). 105. e transversal marketing Royal decree has a broader product scope than the PRIIPS Regulation as it relates to all financial products, packaged or not (non-life insurance included). Besides, the label regulation was enacted eventhough a similar amendment to the PRIIPS Regulation was not adopted at European level (in November 2013, the European Parliament suggested that products covered by the PRIIPs Regulation be labelled ‘complex’ at the top of the KID if, inter alia, they present their risk-reward profile or costs in an overly complicated manner or invest in underlying assets not commonly invested in by retail investors). e Belgian regulator did not give much credit either to the IOSCO report stressing the moral hazards that could be involved in labelling (IOSCO, Regulation of retail structured products, final report, December 2013, at 22). 106. Does the transversal marketing Royal decree meet the requirements set out in MiFID in connection with goldplating provisions? Article 24.12 MiFID II (and similar provisions under MiFID I). 107. See also, FCA, PS/13/3 “Restrictions on the retail distribution of unregulated collective investment schemes and close substitutes”, June 2013. 108. See Articles 91.1 and 91.2 UCITS IV; recital (71) AIFMD; and similar provisions of the Prospectus Directive. 109. See article 56(1) EC Treaty. See also ECJ, Commission of the European Communities v. Kingdom of Belgium, C478/98, [2000] ECR I-07587 (‘Declares that, by prohibiting the acquisition by persons resident in Belgium of securities of a loan issued abroad, under […], the Kingdom of Belgium has failed to fulfil its obligations under Article […] of the EC Treaty’). 110. See, in connection with the Belgian moratorium, Marc Wolterink, StructuredRetailProducts.com, December 2014/4

favouring European level intervention by ESMA as provided for in MiFIR. But did the FSMA perhaps consider that it had to intervene given that MiFIR is not yet in force? We can only regret that the FSMA did not pay more attention to the costs associated with product intervention.(111)

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It is unfortunate that Twin Peaks II missed the opportunity to introduce the full range of point-of-sale regulation and product governance arrangements contemplated by MiFID II.

In that context, we believe in point-of-sale regulation, i.e., increased focus on intermediaries’ competence and ability to understand the products and to give proper as well as appropriate and unbiased advice taking into account only the interests of their specific client. We also believe in proper product governance arrangements. MiFID II (112) and IMD II (113) are likely to have a far 2012 (‘[…] Belgian investors are moving their capital and investments to trading platforms in other countries such as Germany and Switzerland’). 111. For more details about the costs in connection with product intervention, see G. S W, “Product Intervention for the Protection of Retail Investors: a European Perspective”, in L. N-P et S. R (dir.), Risques, Crise financière et Gouvernance: Perspectives transatlantiques, Montréal/Zurich/ Limal, Editions émis/Schulthess/Anthemis, 2013; G. S W, “Client Protection on European Financial Markets – From Inform Your Client to Know Your Product and Beyond: An Assessment of the PRIIPs Regulation, MiFID II/MiFIR and IMD II”, Revue Trimestrielle de Droit Financier, 3-2014, at 143. Both articles are available on ssrn. 112. Directive 2014/65/EU of the European Parliament and of the Council of 15 May 2014 on markets in financial instruments and amending directive 2002/92/EC and directive 2011/61/EU (recast), OJ, 12 June 2014, L 173/349. 113. Proposal for a directive on insurance mediation (recast), 2012/0175.

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greater impact for investor protection than a disclosurebased legislation. It is therefore unfortunate that Twin Peaks II missed the opportunity to introduce the full range of point-of-sale regulation and product governance arrangements contemplated by MiFID II.(114) 114. e FSMA did suggest in a 2011 consultation a ‘product approval process’ to be introduced internally at the distributors’ level. Prior to any decision to distribute a structured product to retail investors, the distributor was to carry out a product approval process. e responsibility for deciding whether the process had been adequately carried out was to be with a product approval committee made up of members of senior management, in which at least the compliance and risk policy departments would have been represented. Distributors had the possibility for some aspects of the process to refer to information provided by the issuer or the entity responsible for the structuring. e process should have allowed to demonstrate, aer due comparison with available alternatives,

We also would like to draw attention to a very simple, although oen forgotten fact. Regulations will not be effective in meeting their objective of clients’ protection on financial markets if manufacturers and distributors lack ethos in their way of doing business. As experience shows, financial institutions do know the tricks to circumvent the purpose of regulatory provisions. It is time to restore what has been lost in too many financial markets players: a culture reflecting a strong commitment to offer products that work in the best interests of their clients. And this can only happen with a true and sincere will from management as it needs proper motivation and supervision. that the complex product offers added-value to the target market and that the services would have been offered in the interests of the investors. But it was maybe too complex and, given the negative reaction from the industry, the FSMA did not go through with its proposal.

LEGAL UPDATE: THE FCA’S CROWDFUNDING REGULATION Anastasia S Senior Lecturer at the Sorbonne Law School (University of Panthéon-Sorbonne – Paris I) e UK’s Financial Conduct Authority (FCA) has recently set up a finalised regulatory regime for crowdfunding platforms, which came into force on 1st April 2014.(1) Instead of waiting for the European legislator to step into regulatory action,(2) the UK’s regulator pre1.

2.

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In October 2013, the FCA published Consultation Paper 13/3 which set out the FCA’s proposals to regulate loan-based and investment-based crowdfunding. Having received 98 comments to the Consultation Paper, the FCA published in March 2014 the Policy Statement 14/4 (e FCA’s regulatory approach to crowdfunding over the Internet, and the promotion of non-readily realisable securities by other media Feedback to CP13/13 and final rules), which contains the final rules governing the crowdfunding industry. e most recent actions of the European institutions in this field are the Communication of the European Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social European Committee and the Committee of the Regions, “Unleashing the potential of Crowdfunding in the European Union” (Brussels, 27 March 2014, COM (2014) 172 final), and the position of the ESMA of May 2014 on crowdfunding (ESMA/2014/SMSG/010). However, despite the increasing awareness of the opportunities and risks around such

ferred to take a proactive step to ensure that the new innovative platforms designed to ‘democratise’ finance are adequately supervised to protect investors. Crowdfunding, which is an alternative channel of financing the activities of people and businesses through online portals (crowdfunding platforms), had not been completely unregulated in the UK before the new rules were published. It already came under the scope of regulation by the Financial Conduct Authority, if it involved a person carrying on a regulated activity in the UK, such as arranging deals in investments, or the communication of a financial promotion in relation to securities. e new rules outlined by the FCA complete the existing regulatory framework by regulating two types of crowdfunding, the loan-based and the investmentbased.(3) Loan-based crowdfunding enables consumers to lend money to individuals (peer-to-peer lending) or to businesses (peer–to-business lending). Investmentbased crowdfunding enables consumers to purchase shares, debt securities in new or established business, or units in an unregulated collective investment scheme. As such, it is regulated by the FCA, and the firm operating the crowdfunding platform must be authorised, unless it is subject to an exemption.

3.

a finance alternative, and the recent move towards ruling on it in several Member States, the European legislator has refrained from taking any binding regulatory measures that would harmonize national regimes across Europe. erefore, the new regulation focuses on financial return crowdfunding, rather than on rewards or on donations, which remain outside any regulatory scope.

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e present legal update offers a brief overview of the new rules applying to firms operating loan-based crowdfunding platforms (I) and of the updated rules applying to firms running investment-based platforms (II). e remainder of this note considers the main risks the new regulation relating to crowdfunding is likely to carry (III).

I. Loan-based crowdfunding e key new provisions related to loan-based crowdfunding platforms include: minimum capital requirements (A), disclosure requirements (B), client money protection rules to minimize the risk of loss (C), a requirement for firms to take reasonable steps to ensure existing loans continue to be administered in the event of firm failing (D) and dispute resolution rules (E).

a description of how the loan risk is assessed and the borrower criteria a platform looks for.(7)

C. Client money rules

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Firms that hold client money in relation to investment business are subject to the client money rules contained in the FCA’s Client Assets Sourcebook (CASS). ese rules require firms to ensure adequate protection of client money when the firm is responsible for it. e FCA rules require that loan-based crowdfunding platforms comply with the client money rules in terms of money received from lenders and in terms of acting as a conduit for borrower repayments. Accordingly, in case of insolvency of a firm operating a loan-based platform, the FCA confirmed that any client money will be pooled and returned pro rata to the relevant investors, and this will include any loan funds provided by investors that have not yet been drawn down by the borrower.

A. Capital requirements e new FCA rules impose on firms operating loanbased platforms minimum capital requirements, in order to ensure they behave prudently in dealing with business and financial risks. e capital required is the highest of a minimum sum and a volume-based measure. e minimum sum is £20,000 since 1st April 2014 increasing to £50,000 from 1st April 2017.(4) In terms of volume-based amount, this is 0.2 % of lending up to £50m, 0.15 % from £50m to £500m and 0.1 % above £500m.(5)

B. Disclosure requirements e FCA considers loan-based crowdfunding to generally represent a lower risk of capital loss to investors than investment-based crowdfunding. Hence, instead of restricting promotion to specific categories of investors, it has placed emphasis on providing investors with the information they need to make an informed lending decision. Nevertheless the FCA does not specify the information that has to be provided. As it appreciates that business models vary across the market, it only requires firms to consider the nature and risks of the investment, and the information needs of their customers, and then to disclose relevant, fair and nonmisleading information to them.(6) For example, relevant information may be a fair description of the likely return, including fees, default rates and taxes, as well as 4.

5.

6.

Financial Conduct Authority Handbook (FCA Handbook), Interim Prudential sourcebook for Investment Businesses (IPRU (INV)) 12.2.6 R. Financial Conduct Authority Handbook (FCA Handbook), Interim Prudential sourcebook for Investment Businesses (IPRU (INV)) 12.2.4 R. Financial Conduct Authority Handbook (FCA Handbook), Conduct of Business Sourcebook (COBS) 14.3.

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D. Platform or firm failure In case the platform fails, there must be arrangements in place for existing loans to continue to be managed and administered in accordance with the contract terms. Investors may not know the identity of the borrowers and – as the loan may be small – they are likely to have no interest in claiming missing payments.(8) is situation may encourage borrowers to default on loans in order to avoid payments. e FCA has thus considered requiring appropriate arrangements in order to ensure that existing loans are administered. However, it has avoided setting any prescriptive requirements for minimum standards of due diligence at this stage. It is for firms operating the loan based crowdfunding platforms to appreciate the risks their business presents and to adopt appropriate measures to manage them.

E. Dispute resolutions rules Investors have the right to complain first to the firm and then to the Financial Ombudsman Service. However, the FCA has confirmed that loan-based crowdfunding platforms will not fall within the competence of the Financial Services Compensation Scheme (FSCS). e FCA considers that bringing the firms operating these platforms within the FSCS remit will add significant regulatory costs and that other mechanisms put in place, such as minimum capital requirements, should provide adequate protection at this time.

7.

8.

Financial Conduct Authority Handbook (FCA Handbook), Conduct of Business Sourcebook (COBS) 14.3.7A. Financial Conduct Authority Handbook (FCA Handbook), Senior Management Arrangements, Systems and Controls sourcebook (SYSC) 4.1.8.

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II. Investment-based crowdfunding For investment-based crowdfunding platforms, the FCA has preferred tailoring an existing rulebook, rather than creating a new one, so there are fewer proposed changes. Its key new rules relate to firms that promote unlisted securities. Given the difficulties and risks pricing securities independently and selling them on a secondary market, the FCA decided to set out certain limits on certain types of investors a firm operating an investment based crowdfunding platform can deal with(9). In summary, a firm must not communicate or approve a direct-offer financial promotion(10) relating to a “non-readily realisable security”(11) to a retail client unless that retail client falls within one of the following categories:(12) – professional clients, – retail clients who receive regulated investment advice or investment management services from an authorised person, – retail clients certified as “high net worth investors” – with an annual income in excess of £100,000 or net assets of £250,000 (excluding primary residence, any benefits in the form of pensions or otherwise, and any rights under certain contracts of insurance), – retail clients certified or self-certified as “sophisticated investors” – assessed by an FCA-authorised firm as sufficiently knowledgeable to understand the risks associated with engaging in investment activity or self-certifying where the individuals fall within one of the categories set out in the FCA rules, and – retail clients certified as “restricted investors” – individuals who certify they have not/will not invest more than 10 % of their investible income, net of their primary residence, pensions and life cover in unlisted share or debt securities over the 12-month period prior to and following the investment.(13) 9.

is kind of promotion restrictions to certain categories of investors do not apply to loan-based crowdfunding. Peer-to-peer or peer–to-business lending is considered less risky than direct offers of illiquid unlisted securities. 10. To be a direct-offer the promotion should contain an offer or invitation and specify the manner to respond to it. If the promotion does not indicate the way to respond to the offer, then it does not fall within the remit of the restriction. 11. “Non-readily realisable securities” are hard to price illiquid securities. erefore only securities admitted (or about to be admitted) to an official listing, recognised investment exchange or designated investment exchange are considered to fall outside the scope of a “non-readily realisable security”. 12. Financial Conduct Authority Handbook (FCA Handbook), Conduct of Business Sourcebook (COBS) 4.7.7. 72

Besides the rules restricting the type of investors to whom firms can send direct offers for unlisted securities, the FCA also set out rules requiring all firms (MIFID and not-MIFID) to comply with the rules on appropriateness before they arrange, or deal in, the investment concerned. Firms must therefore apply a suitability test that ensures that clients have the appropriate knowledge and the experience to understand the risks of the investment decision,(14) before allowing them to invest through the platform. Moreover, while most platforms will simply be providing a description of the proposed investment, they should consider carefully whether any additional information they provide amounts to advice. If this is the case, the firm must seek the FCA’s permission to advise on investments. Finally, promotion and disclosure rules that require fair, clear and non-misleading information continue to apply. is is also the case for prospectus regulations, and firms should consider whether they meet the requirement to publish a prospectus or whether an exemption is available.(15)

III. The risks relating to new regulation e main objective of the new rules is to strike a balance between ensuring that investors make an informed decision and safeguarding that crowdfunding is open to businesses and individuals. Yet, to achieve the best trade-off between adequate investor protection and sufficient space for crowdfunding innovation is an arduous task. e market is new and evolving, and it is difficult to estimate if the new rules can fulfil this purpose. Strong concerns are expressed with regard to the risks relating to the new regulation. From the industry side, regulation of loan-based crowdfunding can damage the financing of small and start-up enterprises. e terms of those loans are likely to become less attractive as the platforms pass on the cost of new regulation (costs involved in understanding the rules and training costs from compliance professionals, costs of FCA authorisation for loan-based crowdfunding platforms, costs of suitability test, etc.). In practice, this can mean higher interest rates and higher administrative costs. Moreover, the new regulation can act as a barrier to entry. For example, some consider that the calibration of capital requirements is too high for small start-ups willing to run loan-based crowdfunding platforms. Perhaps more important, though, is the alleged impact on securities crowdfunding. e investment13. According to the FCA, “this reflects the fact that most investments in start-up businesses result in a 100% loss of investment (between 50 % and 70 % of new businesses fail in the early years)”. 14. Financial Conduct Authority Handbook (FCA Handbook), Conduct of Business Sourcebook (COBS) 9. 15. Exemptions are available for small securities offers not exceeding for example 100 000 euros.

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I.B. Régulation comparée

based crowdfunding industry has generally reacted unfavourably to the restriction on marketing to retail investors. It has argued that treating all unlisted securities as high risk will dramatically reduce the pool of potential investors from which businesses can draw. ere is also a risk that, the introduction of the category of “restricted investors” that cannot invest more than 10 % of their investible income can create practical problems, as regulators are tackling a new technique they have not yet put in place. However, it is noteworthy that it is possible for retail clients to initially be certified as “restricted investors” and, once they have made more investments in an unlisted company, they could selfcertify themselves as “sophisticated investors” and fall within this category. is may enable them to respond without restrictions to any future direct-offer financial promotions. On the other hand, strong concerns have been expressed with regard to investor protection. e principle-based approach chosen by the FCA for the regulation of crowdfunding can create risks for the investors (the risk of capital loss, the risk of dilution of shareholder value, the risk that dividends will not be declared, illiquidity risk), as no minimum standards are imposed on firms; instead plenty of scope is le for deciding how they will implement certain disclosure or diligence requirements. For example, poor disclosure on the nature and risks of a proposed investment and inadequate arrangements for continuing to administer loans in the event that the platform fails can be detrimental to investors, especially to inexperienced ones. Moreover, additional protection for investors is not provided when a platform fails or the firm operat-

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ing a loan-based platform uses client’s funds for its own purposes. is is due to the non-inclusion of loan-based crowdfunding platforms in the remit of the Financial Services Compensation Scheme.

Chroniques

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e balance is difficult to strike between low regulatory costs for the crowdfunding industry and adequate protection for investors.

Accordingly, the balance is difficult to strike between low regulatory costs for the crowdfunding industry and adequate protection for investors. e FCA will monitor progress of its regulation in 2016. Nevertheless, considering the crowdfunding industry has rapidly grown in the past two years, this period is too long to examine if the UK regulatory approach to crowdfunding is optimal. An ongoing review process would be better in order to quickly react and adjust to the fast pace of a growing sector.

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II. Régulation bancaire Chronique sous la direction de Anne-Claire R &

Myriam R

Maître de conférences à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)

Professeur à l’Université du Mans

Avec la collaboration de

Caroline H-B

&

Maître de conférences à l’Université de Lorraine

Alain K S

Henri Désiré M K B

Agrégé des Facultés de droit Enseignant de l’Université de Yaoundé II Coordonnateur du Programme MBF-CESAG

Agrégé des facultés françaises de droit Doyen de la Faculté des Sciences juridiques et politiques Université de Dschang

Le traitement des difficultés des banques est à l’honneur dans ce numéro de la chronique, tant au plan européen, avec l’adoption du règlement instaurant le mécanisme de résolution unique (MRU) pour les États participant à l’Union bancaire et la refonte de la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts, que dans une perspective comparée, comme le montrent les questions soulevées par le traitement des difficultés des banques dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. S’agissant des opérations bancaires, une autre problématique, celle de la protection des consommateurs, est illustrée par l’adoption de la directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base.

Adressing bank difficulties is a key concern of today’s regulators, at european level as well as in member and non member states. At european level, two major steps forward have been taken through the adoption of the single resolution mechanism (SRM) in the European banking union and the adoption of the deposit guarantee schemes directive – almost four years after the initial proposal from the Commission. These issues are echoed in comparative law, the Economic and Monetary Community of Central Africa. Regarding banking activities, further progress concerning consumer protection has been achieved through the recent adoption of a directive on the comparability of fees related to payment accounts, payment account switching and access to payment accounts with basic features.

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Chroniques

II.A. Régulation européenne

II.A. Régulation européenne REDRESSEMENT ET RÉSOLUTION DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT – ADOPTION DU MÉCANISME DE RÉSOLUTION UNIQUE (MRU)(1) Anne-Claire R Maître de conférences à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1) Après le mécanisme de surveillance unique (MSU)(2), le second pilier de l’Union bancaire, le mécanisme de résolution unique (MRU), vient d’être adopté à son tour. Un an après la présentation du projet de texte(3), le règlement établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit de la zone euro a été adopté le 15 juillet 2014(4). Le renforcement des exigences prudentielles applicables dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne et le mécanisme de supervision unique fonctionnant sous l’égide de la Banque centrale européenne (BCE) pour les États de la zone euro, sont ainsi accompagnés par la mise en place de mécanismes communs permettant de résoudre les défaillances bancaires et de garantir les dépôts des clients(5). L’adoption du MRU suit de peu 1.

2.

3.

4.

5.

Un commentaire approfondi de ce texte sera publié dans le prochain numéro de la chronique, sous la plume de P. A et G. H. Règlement n 1024/2013 du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (J.O.U.E. L 287 du 29 octobre 2013, p. 63) et règlement n 1022/2013 du 22 octobre 2013 modifiant le règlement (UE) n 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) en ce qui concerne des missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne en application du règlement (UE) n 1024/2013 (J.O.U.E. L 287 du 29 octobre 2013, p. 5) : R.I.S.F., 1/2014, cette chronique, p. 118, A.-C. R ; R.I.S.F., 2/2014, cette chronique, p. 73, G. H. Proposition de règlement présentée le 10 juillet 2013 (COM (2013) 520) : R.D.B.F., n 5, septembre 2013, comm. p. 170, A. G et L. T ; R.I.S.F., 1/2014, cette chronique, p. 120, A.-C. R. Règlement n 806-2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement UE n 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil (J.O.U.E. L 225 du 30 juillet 2014, p. 1). H. V R, « Vers une véritable Union économi-

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celle de la directive du 15 mai 2014, qui a établi un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement(6). Le dispositif issu du règlement s’articule par conséquent avec le régime issu de la directive « résolution »(7). Le premier s’applique dans les États membres participant à l’Union bancaire européenne, le second, dans les autres États membres. Les pouvoirs dont la directive prévoit l’exercice par les autorités nationales de résolution seront, dans le cadre du règlement, exercés par le Conseil de résolution unique.

L’exercice des missions indispensables à la résolution des défaillances bancaires est ainsi centralisé.

Tout comme le MSU, qui s’appuie sur l’exercice du pouvoir de supervision par une autorité centrale, la BCE, le MRU repose sur la création d’un organe de décision central, le Comité de résolution unique (CRU), ainsi que d’un fonds de résolution unique. Le CRU est une agence de l’Union européenne dotée d’une structure

6.

7.

que et monétaire », 26 juin 2012, pp. 3-4. V. également les communications de la Commission européenne, « Feuille de route pour une union bancaire », septembre 2012, et « Projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie », novembre 2012. Directive n 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive n 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil n 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n 1093/2010 et (UE) n 648/2012 : R.I.S.F., 3/2014, cette chronique, pp. 55-57, P. A et G. H. Règlement n 806-2014, article 5.

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spécifique ainsi que de la personnalité juridique(8). Il devrait être opérationnel à partir du 1 janvier 2015. Il est composé notamment de représentants de la BCE, de la Commission européenne et des autorités nationales de résolution des États membres participants(9). L’exercice des missions indispensables à la résolution des défaillances bancaires est ainsi centralisé. L’initiative du déclenchement de la résolution appartient principalement au CRU, la BCE et les autorités de résolution nationales étant associées au processus. C’est en principe la BCE qui évalue la première des trois conditions de l’ouverture d’un dispositif de résolution, à savoir le caractère avéré ou prévisible de la défaillance de l’entité concernée(10). La deuxième condition, qui tient à l’absence d’autres solutions permettant d’empêcher la défaillance de l’établissement, est appréciée par le CRU, la BCE ou les autorités de résolution nationales en collaboration avec la BCE. Si ces deux premières conditions sont remplies, et si une mesure de résolution apparaît plus adéquate qu’une procédure normale d’insolvabilité, le CRU adopte un dispositif de résolution et le transmet à la Commission. Celle-ci le soumet au Conseil avec une proposition d’approbation ou d’objection. L’entrée en vigueur du dispositif de résolution est subordonnée à l’absence d’objections de la part du Conseil et de la Commission dans les 24 heures suivant sa transmission par le CRU. Les autres missions sont pour l’essentiel concentrées entre les mains du CRU. Celui-ci établit lui-même les plans de résolutions pour certains établissements, après consultation de la BCE et des autorités nationales concernées(11). Cette compétence directe s’exerce principalement à l’égard des établissements de crédit et des groupes considérés comme importants au sens du règlement 1024/2013(12), de ceux qui ne répondent pas à ce 8. 9. 10. 11. 12.

Règlement n 806-2014, article 42. Règlement n 806-2014, article 43. Règlement n 806-2014, article 18, § 1. Règlement n 806-2014, article 7. En raison de leur taille, de leur importance pour l’économie de l’Union ou d’un État membre, ainsi que de l’importance de leurs activités transfrontalières (ainsi, en

critère, mais à l’égard desquels la BCE a néanmoins décidé d’exercer elle-même directement le contrôle prudentiel, et des autres groupes transfrontaliers(13). Le CRU peut également établir lui-même le plan de résolution lorsque l’autorité de résolution nationale n’a pas pris les mesures adéquates. Dans les autres hypothèses, les plans de résolution sont établis par les autorités de résolution nationales(14). C’est également le CRU qui autorise l’application d’obligations simplifiées en ce qui concerne l’exigence d’élaborer des avant-projets de plans de résolution(15), et évalue la résolvabilité des banques(16). Une fois le dispositif de résolution adopté, le CRU définit les mesures à mettre en œuvre et donne les instructions correspondantes aux autorités nationales de résolution, qui sont chargées de l’exécution du plan de résolution sous la surveillance du CRU(17). Il décide en outre de l’utilisation des fonds destinés à financer les procédures de résolution. Comme dans le cadre de la directive résolution, l’Autorité bancaire européenne (ABE) contribue à la bonne marche du dispositif, notamment à travers l’élaboration de normes techniques de réglementation et d’exécution(18). Sources : – Règlement n 806-2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement UE n 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil.

13. 14. 15. 16. 17. 18.

tout état de cause, que les trois établissements de crédit les plus importants de chaque État membre) : règlement n 1024-2013 préc., article 6, § 4. Règlement n 806-2014, article 8. Règlement n 806-2014, article 9. Règlement n 806-2014, article 11. Règlement n 806-2014, article 10. Règlement n 806-2014, article 28. Règlement n 806-2014, article 5 in fine.

RÉFORME DU DISPOSITIF DE GARANTIE DES DÉPÔTS Myriam R Professeur à l’Université du Mans

La crise financière des subprimes et les défaillances bancaires qui s’en sont suivies ont révélé les limites du système de garantie des dépôts (ci-après « SGD ») qui ré76

sultait de la directive 94/19/CE du 30 mai 1994. Bien qu’elle ait porté le niveau de garantie de 20 000 EUR à 100 000 EUR, la réforme adoptée en urgence en 2009 n’avait pas suffi pour assurer une garantie adéquate aux déposants(1). Avec l’aide de l’Autorité bancaire européenne qui est chargée depuis son institution en 2010 de participer au renforcement du dispositif, la Commission a donc proposé une refonte com1.

Dir. 2009/14/CE du Parlement européen et du Conseil, 11 mars 2009.

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plète du cadre de garantie des dépôts(2). La directive 2014/49/UE du 16 avril 2014 a été publiée le 12 juin 2014 avec l’ensemble des autres textes participant à la construction du nouveau cadre applicable au système bancaire(3). D’harmonisation maximale, ce nouveau texte a vocation à permettre à tous les déposants de l’Union de bénéficier d’un meilleur accès aux SGD, grâce à un élargissement de son champ d’application, à un remboursement plus rapide et à une information plus accessible(4). La directive 2014/49/UE a pour objet de définir les règles et les procédures relatives à l’établissement et au fonctionnement des systèmes de garantie des dépôts. Elle se caractérise d’abord par son pragmatisme : la garantie offerte importe plus que le système mis en place. Ainsi, chaque État membre doit veiller à l’instauration et à la reconnaissance officielle sur son territoire d’un ou de plusieurs SGD(5). Pour autant, ces systèmes de garantie n’ont pas nécessairement à être institués par l’État. La directive admet plusieurs types de dispositifs : à côté des systèmes légaux, les États peuvent reconnaître des systèmes contractuels comme SGD, de même que d’autres systèmes de protection institutionnels, dès lors qu’ils répondent à certaines exigences prudentielles(6). Par ailleurs, la directive autorise la fusion de SGD de différents États membres et la mise en place de SGD transfrontaliers(7). Le dispositif de garantie mis en place est universel. Tous les établissements de crédit exploitant une activité de collecte de fonds doivent, sous peine de sanctions, adhérer à un SGD(8). Ce système doit jouer aussi bien pour 2. 3.

4. 5. 6. 7. 8.

Doc. COM(2010) 368 final, 12 juillet 2010. V. cette Revue, les contributions de A.-C. R, « Réforme structurelle du secteur bancaire : État des travaux sur la réforme structurelle du secteur bancaire de l’Union européenne », R.I.S.F., 1/2014, p. 115 ; A.-C. R, « Redressement et résolution des établissements de crédit : Un nouveau pas vers l’adoption d’un régime européen de résolution des établissements de crédit », R.I.S.F., 1/2014, p. 117 ; A.-C. R, « Union bancaire : Première étape dans la mise en place de l’union bancaire européenne : adoption du mécanisme de surveillance unique (MSU) », R.I.S.F., 1/2014, p. 118 ; A.-C. R, « Mécanisme de résolution unique : Les choses avancent aussi du côté du mécanisme de résolution unique », R.I.S.F., 1/2014, p. 120 ; A.-C. R, « Réforme structurelle du secteur bancaire – Interdiction, séparation : la Commission prend position », R.I.S.F., 2/2014, p. 7 ; G. H, « Union bancaire – Mécanisme de résolution unique (MRU) : accord du Conseil », R.I.S.F., 2/2014, p. 73 ; et Ph. A et G. H, « Redressement et résolution des établissements de crédit : adoption du régime européen de résolution des établissements de crédit », R.I.S.F., 3/2014, p. 55. Dir. 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, 16 avril 2014, J.O.U.E., n L 173, 12 juin. Dir. 2014/49/UE, art. 4.1. Ces exigences sont énoncées à l’article 113.7 du règlement n 575/2013 du 26 juin 2014. Dir. 2014/49/UE, art. 4.1., al. 2. Dir. 2014/49/UE, art. 4.3.

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les déposants ayant confié leurs fonds à un établissement implanté sur son territoire que dans les succursales qu’il a ouvertes dans d’autres pays membres(9). La directive laisse les États membres libres de décider quel système s’applique aux succursales d’un établissement de crédit ayant son siège social dans un pays tiers(10). Les SGD sont désormais des institutions régulées, surveillées par les autorités compétentes(11). Ils sont soumis à des règles de gouvernance et doivent publier un rapport annuel d’activité(12). Ils doivent se soumettre à des tests de résistance et être tenus informés au plus vite lorsque les autorités compétentes décèlent, dans un établissement de crédit, des problèmes susceptibles de donner lieu à leur intervention(13). La mission principale d’un SGD est de protéger les déposants contre les conséquences de l’insolvabilité d’un établissement de crédit. Plus précisément, les déposants peuvent obtenir du SGD le remboursement des dépôts réalisés auprès des établissements de crédit qui en sont membres, dans la limite d’un plafond de 100 000 EUR (par établissement). La créance de remboursement est exigible dans un délai fixé à 7 jours à partir de la date à laquelle les autorités ont constaté l’indisponibilité des dépôts(14), quelques aménagements de délais étant toutefois prévus(15). Pour faciliter la mise en oeuvre du remboursement, la directive prévoie que les SGD doivent garantir toutes les personnes ayant réalisé un dépôt sur un compte ouvert sur leur territoire (fonction « paybox »). Après avoir désintéressé les clients d’établissements étrangers, les SGD payeurs pourront alors se retourner contre les SGD des établissements teneurs de compte, les modalités de recours entre SGD étant organisées. Le niveau de garantie de 100 000 EUR avait été établi en 2009. Mais il avait créé des effets pervers pour les États qui offraient un niveau de garantie supplémentaire, de sorte que la directive de 2014 n’autorise les États à prévoir une garantie plus importante que lorsqu’ils appliquaient déjà un niveau de garantie allant jusqu’à 300 000 EUR au 1 janvier 2008(16). Par ailleurs, la directive retient le principe d’une limite harmonisée par déposant et non par dépôt. Ainsi, le montant de 100 000 EUR s’applique à l’ensemble des dépôts auprès du même établissement de crédit, quels que soient le nombre de dépôts, la monnaie et la localisation dans l’Union, la part de chaque déposant dans un compte joint étant prise en considération(17). La garantie joue de manière large : elle s’applique que le dépôt ait été réalisé dans un établissement de crédit 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17.

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Dir. 2014/49/UE, art. 14.1. Dir. 2014/49/UE, art. 15. Dir. 2014/49/UE, art. 4.7. Dir. 2014/49/UE, art. 4.12. Dir. 2014/49/UE, art. 4.11. Dir. 2014/49/UE, art. 2.18, art. 6.1 et art. 8. Dir. 2014/49/UE, art. 8.2. Dir. 2014/49/UE, art. 19.4. Dir. 2014/49/UE, art. 7.

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II. Régulation bancaire

ou dans la succursale d’une banque d’un pays tiers, en euro ou dans une monnaie étrangère. La directive définit les dépôts éligibles et exclut expressément certains dépôts(18). Les déposants peuvent compter sur la restitution du solde créditeur résultant principalement de fonds laissés en compte, mais aussi de situations transitoires provenant d’opérations bancaires normales, conformément aux conditions légales et contractuelles applicables. Elle couvre les dépôts à vue, les dépôts à terme et les dépôts d’épargne, quelque soit le compte ouvert. Le texte n’exclut expressément que les soldes créditeurs dont l’existence ne peut être prouvée que par un instrument financier (à l’exception des certificats de dépôt), dont le principal n’est pas remboursable au pair ou n’est remboursable au pair qu’en vertu d’une garantie particulière ou d’un accord particulier donnés par l’établissement de crédit ou par un tiers(19). La véritable nouveauté de la directive 2014/39 est d’avoir organisé un dispositif de financement global du dispositif(20) : les SGD doivent disposer de mécanismes pour déterminer leurs engagements éventuels et de moyens financiers suffisants pour couvrir, d’ici 2024, un niveau cible de 0,8 % du montant des dépôts 18. Dir. 2014/49/UE, art. 5. 19. Dir. 2014/49/UE, art. 2.1.3. 20. Dir. 2014/49/UE, art. 10.

éligibles. Ce niveau est atteint par le biais des contributions versées par leurs membres et dont le mode de calcul est précisé(21). La Commission a aussi organisé un dispositif de coopération et d’emprunt mutuel entre SGD au sein de l’Union(22). Par ailleurs, la directive 2014/39 doit être replacée dans le cadre plus large de prévention des crises bancaire et de l’Union bancaire. À cet égard, le dispositif de garantie des dépôts s’articule avec la directive Résolution(23). Les SGD supportent un rôle en matière de défaillance bancaire. Ils doivent prévenir la défaillance d’un établissement de crédit, grâce à leurs moyens financiers et aider à financer la résolution des défaillances conformément à la directive Résolution(24). 21. Dir. 2014/49/UE, art. 13. 22. Dir. 2014/49/UE, art. 12 et 14. 23. Dir. 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, art. 109. Pour une présentation de ce texte, voy. cette Revue, Ph. A et G. H, « Redressement et résolution des établissements de crédit : adoption du régime européen de résolution des établissements de crédit », R.I.S.F., 3/2014, pp. 55-57. 24. Dir. 2014/49/UE, art. 11.2.

COMPTES – ADOPTION DE LA DIRECTIVE RELATIVE AUX FRAIS DE GESTION DES COMPTES DE PAIEMENT ET À L’ACCÈS À UN COMPTE DE PAIEMENT

Caroline H-B Maître de conférences à l’Université de Lorraine

La directive du 23 juillet 2014 sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base vise à renforcer la concurrence entre les établissements de paiement et de crédit dans la gestion des comptes ouverts au profit des consommateurs, ainsi qu’à faciliter l’ouverture transfrontalière d’un compte de paiement pour les consommateurs(1). L’essentiel de ses dispositions doit faire l’objet d’une transposition avant le 19 septembre 2016.

1.

78

Pour une présentation de la proposition de directive, v. R.I.S.F., 3/2014, cette chronique, p. 59, C. HB.

I. Comparabilité des frais associés aux comptes de paiement Pour favoriser la comparaison des tarifs pratiqués par les différents établissements, la directive charge, tout d’abord, chaque État d’établir une liste des services les plus représentatifs rattachés aux comptes de paiement, en vue de permettre à la Commission d’adopter des termes normalisés pour les services communs proposés (art. 3). Ces termes sont ceux qui devront ensuite être employés par les prestataires de services de paiement dans leurs informations contractuelles et commerciales (art. 6). Elle prévoit, également, l’obligation pour les établissements de crédit et de paiement de fournir aux consommateurs, avant la conclusion d’une convention de compte de paiement, un document d’information tarifaire, dont la présentation doit être normalisée, reprenant la nomenclature précitée des principaux services proposés et indiquant les frais correspondants pour chaque service. Ce document doit, en outre, être accom-

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II.A. Régulation européenne

pagné d’un glossaire de nature à faciliter la compréhension des termes utilisés dans la présentation des services (art. 4). La directive impose, par ailleurs, aux prestataires de fournir gratuitement au consommateur, un relevé annuel de tous les frais encourus, ainsi que, le cas échéant, des informations concernant les taux d’intérêt pratiqués. Il convient de relever que cette obligation est déjà généralement imposée aux professionnels, et que c’est l’uniformisation de la présentation de ce relevé annuel des frais qui devrait permettre une meilleure comparaison des prestations et tarifications proposées par les établissements bancaires (art. 5). Enfin, lorsqu’un compte de paiement est proposé dans le cadre d’une offre groupée comprenant un autre produit ou service, qui n’est pas lié au compte de paiement, les consommateurs doivent être informés de la possibilité d’ouvrir le compte séparément, ainsi que du coût de chacun de ces produits et services autonomes (art. 8).

des opérations permanentes de virement et de prélèvement, d’assurer le transfert du solde positif du compte et de procéder à la clôture du compte (art. 11). De plus, pour renforcer le dispositif, la directive encadre la facturation de ce service de changement de compte en prévoyant la gratuité de la transmission des informations nécessaires au changement, de sorte que peuvent seulement être facturées les opérations relatives à la reprise des virements et prélèvements, ainsi qu’à la clôture du compte d’origine (art. 12). L’article 13 envisage encore, à ce titre, l’hypothèse dans laquelle une exécution tardive des opérations nécessaires au changement entraînerait une perte financière pour le consommateur en prévoyant que cette perte soit prise en charge par le prestataire fautif.

II. Changement de compte

Enfin, un chapitre est consacré à l’accès aux comptes de paiement par les consommateurs résidant légalement dans l’Union. À ce titre, on relèvera que si plusieurs mesures visent clairement à favoriser l’ouverture des comptes (comme l’interdiction d’opérer une discrimination entre les consommateurs posée à l’article 15), l’essentiel du dispositif a surtout pour objet d’encadrer l’accès aux comptes et n’apporte donc pas la même protection que le système du droit au compte mis en place en France. Ainsi, est abordée par la directive la question aussi bien de l’ouverture effective du compte que du refus du prestataire d’ouvrir le compte (ce refus lui étant notamment imposé si l’ouverture entraînait une violation des dispositions en matière de prévention du blanchiment d’argent ou de lutte contre le terrorisme, art. 16). En outre, la directive prévoit l’obligation pour le prestataire d’assortir l’ouverture du compte de la fourniture de prestations de base, mais le texte n’impose pas la gratuité de ces prestations en prévoyant la possibilité d’une facturation raisonnable (art. 18). De même, l’article 19 du texte autorise le prestataire de services à résilier unilatéralement la convention-cadre de compte dans plusieurs cas de figure et, notamment, en cas d’utilisation illégale du compte par le consommateur, inutilisation du compte pendant plus de 24 mois, fourniture d’informations inexactes pour obtenir l’ouverture du compte, ou ouverture ultérieure par le consommateur d’un second compte lui permettant de bénéficier des services de base énumérés par la directive.

La directive facilite également la mobilité bancaire en instaurant un service de changement de compte dont elle précise les termes et les conditions de facturation. La directive définit tout d’abord avec minutie les prestations assurées par les établissements professionnels en distinguant selon que le changement porte sur des comptes tenus dans la même monnaie et dans le même pays ou sur des comptes tenus dans des États membres différents. Dans la première hypothèse, le changement de compte est réalisé par le prestataire de service de paiement destinataire sur la base d’une simple autorisation donnée par le consommateur dont la forme doit être précisée par chaque État (art. 10). Le texte précise que, dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de cette autorisation, le prestataire de services de paiement destinataire doit demander au prestataire de service de paiement transmetteur, gestionnaire du compte d’origine, de lui communiquer les informations disponibles sur les ordres permanents de virement et les mandats de prélèvement, de mettre fin aux opérations de virement et de prélèvement permanent à compter de la date de changement retenue par le consommateur, de transmettre le solde positif éventuel et enfin de clore le compte de paiement. Le prestataire destinataire a ensuite cinq jours, à compter de la réception des informations précitées, pour mettre en place les ordres de virement permanent, accepter les prélèvements, et également communiquer aux personnes intéressées, payeur ou bénéficiaire, les coordonnées du nouveau compte afin de les informer du changement opéré. En cas d’ouverture transfrontalière d’un compte par un consommateur, le changement n’est pas pris en charge par les prestataires, mais la directive impose au prestataire gestionnaire du compte d’origine de fournir à son client toutes les informations nécessaires au transfert

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III. Accès à un compte de paiement

Sources : – Directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestation de base.

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II. Régulation bancaire

II.B. Régulation comparée LE DISPOSITIF PRUDENTIEL DE TRAITEMENT DU RISQUE DE DÉFAILLANCE DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT DANS LA ZONE CEMAC Alain K S Agrégé des Facultés de droit Enseignant de l’Université de Yaoundé II Coordonnateur du programme MBF-CESAG Les établissements de crédit présentent une très grande importance pour une économie nationale. De ce fait, tout législateur doit faire encore plus attention aux difficultés susceptibles de les rendre défaillants. C’est ainsi que le régulateur de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a adopté tout récemment un règlement relatif au traitement des établissements de crédit en difficulté de cette zone(1). Malgré sa dénomination, ce règlement ne traite pas des établissements de crédit en difficulté, mais des difficultés des établissements de crédit. Autrement dit, il régit l’attitude devant être adoptée dans la zone CEMAC face à la défaillance des établissements de crédit. De manière plus précise encore, il ne concerne pas seulement les établissements de crédit déjà en difficulté, mais il consacre aussi des dispositions aux mesures susceptibles d’éviter que les établissements de crédit ne soient en difficulté. En leur qualité de sociétés commerciales, les établissements de crédit sont susceptibles de relever du droit commun de la défaillance. Mais compte tenu de leur spécificité(2), ils relèvent principalement de règles spéciales(3). Pour l’essentiel, ce sont ces dernières, qui forment ce qu’il est convenu d’appeler les règles prudentielles, qui seront examinées ici. En quoi consiste le dispositif prévu par le régulateur CEMAC face à la défaillance des établissements de crédit ? L’analyse de 1.

2.

3.

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Ce règlement n’étant pas publié, il n’est pas possible de donner ses références. Il sera référé à lui en parlant généralement de futur règlement, ou, quelquefois, de nouveau règlement. Dans le préambule de ce règlement, cette spécificité est explicitement affirmée en ces termes : « Considérant la spécificité de l’activité exercée par les établissements de crédit en raison, d’une part, de leur rôle dans l’intermédiation financière, d’autre part, de la structure de leur bilan financier ». Pour expliquer le pouvoir de bail-in reconnu à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, A. G évoque « l’inaptitude du droit ordinaire des entreprises en difficulté, même adapté aux établissements financiers » (in « Le droit français (provisoire) du bail-in », R.I.S.F., 2014/3, p. 7).

ce dispositif laisse apparaître que celui-ci comprend des mesures traitant non seulement du risque de défaillance, mais aussi de la défaillance avérée. Bien qu’il ne soit pas toujours aisé de distinguer entre les deux, seules les premières mesures seront envisagées dans le présent travail(4). En ce qui concerne le risque de défaillance, le dispositif mis en place est constitué, assez logiquement, d’un ensemble de mesures visant à prévenir ce risque, puisque la première attitude à avoir vis-à-vis d’un risque consiste à empêcher que celui-ci ne se réalise. Ramenée à l’entreprise, cette démarche est d’autant plus importante que chacune des parties concernées (notamment le débiteur, le créancier et la collectivité) pourrait y trouver son intérêt(5). Deux autres raisons la rendent autrement plus importante ici : premièrement, comme en matière de santé, prévenir vaut mieux que guérir(6) et, deuxièmement, le sauvetage des entreprises étant devenu très difficile(7) au point où l’alternative semble se réduire à prévenir ou liquider, si l’on veut éviter d’avoir à liquider, il vaut mieux prévenir. Pourtant, malgré son importance, si l’on s’en tient aux procédures 4.

5.

6. 7.

Le risque de défaillance est traité de manière essentiellement extrajudiciaire alors que la défaillance avérée fait appel à un traitement judiciaire. Le dispositif de traitement de la défaillance avérée sera abordé dans une prochaine étude. Sur la question, il est possible de consulter la thèse de M. P. L. F K, Le traitement des crises bancaires dans la zone CEMAC, Université de Yaoundé II, septembre 2014, 472 p. Sur ces intérêts, v. A. K S, La protection des établissements de crédit contre la défaillance, thèse, Université de Yaoundé II, avril 2005, p. 19 ; J.-F. M, « Premières impressions de la pratique sur la loi nouvelle », in Le nouveau droit des défaillances d’entreprises, éd. Dalloz, 1995, p. 40. Il y a donc un certain rapprochement entre le domaine de la santé humaine et celui de la santé des entreprises. En France, par exemple, sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, les auteurs situent le pourcentage des procédures collectives se soldant par la liquidation à au moins 85 %. Cf. F. P et R. B, Entreprises en difficulté - Instruments de paiement et de crédit, op. cit., n 9, p. 5 ; P. H, « La genèse de la proposition de loi nouvelle et les travaux parlementaires », in Le nouveau droit des défaillances d’entreprises, op. cit., p. 9 ; C. L, Droit des défaillances bancaires, coll. Pratique du droit, Economica, 2002, p. 457 ; ministère de la Justice, « Autour de la publication de la loi du 25 janvier 1985 », L.P.A., 13 avril 1990, n 45, p. 2 ; cabinet Deloitte & Touche, L’entreprise en difficulté en France, prévention, reprise, Paris, décembre 1988.

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II.B. Régulation comparée

légales, certains droits ne connaîtraient pas de procédure de prévention(8). Dans notre système juridique actuel, la prévention présente une grande importance(9), spécialement pour les entreprises bancaires du fait de leurs caractéristiques propres(10) qui les rendent plus vulnérables au risque systémique et dépendantes de la confiance d’un public qui n’est pas toujours au fait des données précises relatives à leur condition(11). Cette nécessité de mettre un accent particulier sur la prévention de la difficulté, qui est bien comprise sur le plan général(12), l’est aussi dans le domaine bancaire.

Le dispositif du futur règlement CEMAC concerne le risque probable de défaillance des établissements de crédit.

Mais si la nécessité de la prévention est partagée de manière quasi unanime aujourd’hui, il n’y a pas pareille convergence quant à sa signification ou son contenu(13). En effet, où s’arrête la prévention et où 8.

9.

10.

11.

12.

13.

Ce serait le cas du droit allemand (cf. M.-D. S, op. cit., p. 62) et du droit américain (cf. M. H, op. cit.). D’ailleurs, si l’on ne devait s’en tenir qu’au principe de la liberté d’entreprendre qui caractérise notre système, la prévention pourrait ne pas être nécessaire parce que le risque de l’échec est le corollaire du principe et, aussi, parce qu’en cas de réalisation de ce risque, il y aurait un rééquilibrage naturel. Cette spécificité des établissements de crédit et leur forte exposition au risque systémique sont explicitement invoquées dans le préambule du futur règlement pour justifier sa nécessité. À ne pas confondre « la condition des banques » (dont il est question ici) et « les conditions de banque » dont l’affichage est obligatoire. J.-P. Haehl affirme que la prévention des difficultés des entreprises est entrée dans les mœurs (L.P.A., 30 septembre 1994, n 117, p. 113). Certains distinguent entre prévention éloignée, prévention détection et prévention rapprochée ou accentuée (cf. J.-L. R-L, rapport de synthèse au colloque de l’AFFIC, op. cit., pp. 159 et 160) et d’autres plutôt entre prévention anticipation, prévention détection et prévention-traitement. Pour Albert Reins, cette dernière distinction était très usitée au tribunal de commerce de Paris (cf. intervention au colloque de l’AFFIC, op. cit., p. 25).

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commence le véritable traitement ? Cette difficulté peut apparaître comme étant plus accentuée dans le domaine bancaire(14). Lorsque l’on analyse le futur règlement CEMAC consacré à la matière, le régulateur semble avoir voulu contourner la difficulté en insérant ce qu’il appelle « mesures préventives » dans un grand ensemble consacré aux mesures relatives à l’assainissement qu’il présente comme ayant pour objet de préserver ou rétablir les conditions normales d’exploitation d’un établissement en difficulté à travers la mise en œuvre de mesures disciplinaires ou de restructuration. Étant donné qu’assainir quelque chose signifie le rendre sain ou le ramener dans un état normal, pour le régulateur de la CEMAC, le critère semble être celui de la cessation, avérée ou potentielle, des conditions normales d’exploitation. Cette approche présente l’avantage de n’envisager que les établissements présentant des signaux de difficulté, aussi lointains soient-ils. Autrement, il aurait fallu reprendre tout le dispositif prudentiel dont l’un des objectifs principaux est justement d’assurer la stabilité du système bancaire. Dans la conception retenue, il s’agit d’éviter que la dégradation de la situation de l’établissement ne s’accentue au point de le rendre défaillant(15). Au total, si la lutte contre le risque de défaillance peut comprendre aussi bien des mesures dont l’objectif est d’empêcher que les établissements ne connaissent des difficultés du tout que celles visant à empêcher que les difficultés connues ne dégénèrent en défaillance, le dispositif du futur règlement CEMAC ne concerne, fort logiquement, que le dernier type de mesures. Il s’agit donc d’un dispositif de lutte contre le risque probable de défaillance(16), c’est-à-dire le risque qui existe lorsque des signaux sont déjà perceptibles, voire perçus. Avec cette précision que ces signaux peuvent consister même uniquement au non-respect de la réglementation. Le dispositif prévu vise alors à neutraliser ces signaux de défaillance en imposant aux établissements le retour au respect de la réglementation (I) ou en apportant les premiers soins aux entreprises nécessiteuses (II).

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14. La politique monétaire ou budgétaire, l’action sur les taux, le renflouement des capitaux… pourraient tout aussi bien être des mesures préventives que curatives. 15. Pour certains auteurs, il serait même vain de déployer des efforts en vue de définir, en termes scientifiques, l’entreprise en difficulté, car la frontière entre une entreprise saine et une entreprise chancelante n’est pas aussi nette qu’on aurait pu le croire. C’est ainsi que des auteurs se demandent si dans une économie de marché, toute entreprise soumise à une concurrence effective n’est pas virtuellement en difficulté (cf. L. B, R. G, A. J, M. J, J. P et A. P, Droit des faillites et restructuration du capital, coll. Critique du droit, Presses universitaires de Grenoble, 1982, p. 78). 16. Le dispositif de lutte contre le risque possible de défaillance concerne toute la réglementation prudentielle : aussi bien les règles d’accès à la profession (exigence de l’agrément de l’établissement et de ses principaux organes) que celles relatives à son exercice (normes prudentielles et règles comptables de fonctionnement).

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II. Régulation bancaire

I. Les mesures d’imposition du respect de la réglementation Les mesures visant à imposer le respect de la réglementation peuvent être variées. Elles peuvent intégrer, par exemple, la supervision prudentielle exercée sur le fonctionnement des établissements assujettis afin de s’assurer qu’ils respectent la réglementation. Mais ici, il s’agit uniquement de mesures prévues lorsque la supervision aura fait apparaître qu’un établissement contrôlé ne respecte pas la réglementation. Il s’agit donc de mesures visant à le ramener sur la droite ligne. Elles sont constituées de mesures visant à neutraliser l’une des principales causes lointaines de la défaillance que constitue le non-respect de la réglementation. Les établissements qui ne respectent pas les règles d’organisation et de fonctionnement imposées par la réglementation s’exposent à des sanctions disciplinaires (B). Mais le règlement prévoit également un certain nombre de mesures préalables à ces sanctions (A).

A. Les mesures préalables aux sanctions disciplinaires Les mesures préalables à l’exercice du pouvoir disciplinaire reconnu aux autorités bancaires sont assez variées(17) et diverses personnes sont habilitées à les prendre. Celles qui sont retenues dans le règlement CEMAC sont la recommandation (1), la mise en garde (2) et l’injonction (3).

1. La recommandation Elle est susceptible d’être prise dans plusieurs cas parmi lesquels la dégradation de la situation financière de l’établissement, l’inadéquation de l’organisation de l’établissement par rapport à ses activités, ses risques ou ses objectifs de développement et l’insuffisance de ses méthodes de gestion. Aux termes de l’article 7 du règlement, cette prérogative ressort du pouvoir du secrétaire général ou du secrétaire général adjoint de la Commission bancaire. Comme son nom le laisse apparaître, la mesure n’a pas un caractère véritablement contraignant(18). Mais il convient de relativiser l’affirmation dans la mesure où, comme il sera indiqué ci-dessous, le non-respect d’une recommandation peut déjà être un motif pour la COBAC d’« élever le ton ». Et donc, cela peut aboutir au bout du processus à une véritable sanction.

17. Leur nature soulève d’ailleurs des débats. 18. C’est la raison pour laquelle son non-respect ne figure pas parmi les hypothèses dans lesquelles la COBAC peut ouvrir une procédure disciplinaire. 82

En ce qui concerne les recommandations susceptibles d’être faites à un établissement, elles peuvent consister en une recommandation que l’établissement de crédit soumette à l’appréciation de la COBAC un programme de rétablissement détaillant les mesures prises ou qu’il compte prendre. En tout état de cause, lorsque ce pouvoir est exercé, son auteur doit fixer le délai dans lequel l’établissement de crédit est tenu de répondre.

2. La mise en garde Contrairement à la simple recommandation, la mise en garde a un caractère comminatoire plus prononcé. Aux termes de l’article 8, elle peut être lancée par la COBAC ou par son président en cas de manquement d’un établissement de crédit aux règles de bonne conduite de la profession ou si un établissement de crédit n’a pas répondu à une recommandation. Son lancement doit être précédé de la mise en demeure des dirigeants de l’établissement de s’expliquer. Elle doit être notifiée aux personnes intéressées et à l’Autorité monétaire concernée, avec ampliation à la direction nationale de la BEAC.

3. L’injonction Beaucoup plus forte que les deux précédentes mesures, l’injonction, selon l’article 10, peut être adressée lorsque la situation d’un établissement de crédit le justifie à l’effet notamment de prendre toutes les mesures destinées à rétablir ou renforcer sa situation financière, y compris par la prescription de normes prudentielles plus restrictives et la cession de tout ou partie des actions détenues à titre de participation, à améliorer ses méthodes de gestion ou à assurer l’adéquation de son organisation à ses activités, à ses risques ou à ses objectifs de développement. En particulier, elle peut enjoindre à l’établissement de crédit de porter le montant de ses fonds propres à un niveau en relation avec la spécificité de ses risques et exiger qu’il applique à ses actifs une politique appropriée de traitement ou de provisionnement, au regard des exigences en fonds propres. Elle peut aussi lui enjoindre de restreindre ou de limiter à titre temporaire son activité. Elle peut enjoindre à l’établissement de crédit de soumettre à son appréciation un plan de redressement pour la mise en œuvre effective de ces mesures. Il ne s’agit plus seulement de dire à l’établissement ce qu’il serait bien qu’il fasse, mais de le lui imposer. Comme pour la mise en garde, un délai doit être fixé à l’établissement de crédit pour répondre aux termes de l’injonction et la décision doit être notifiée à l’établissement de crédit, à l’Autorité monétaire concernée avec ampliation à la direction nationale de la BEAC. Le caractère contraignant de l’injonction est encore plus marqué, car l’établissement de crédit qui n’y satisfait pas dans le délai imparti s’expose à des astreintes dont le prononcé relève de la COBAC selon des modalités de calcul qui seront fixées par règlement COBAC. Lorsque l’établissement à qui les mesures ci-dessus ont été adressées les a respectées et que sa situation s’est

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II.B. Régulation comparée

améliorée, celui-ci est à l’abri de sanction. Mais, dans le cas contraire, le règlement a aussi aménagé un dispositif disciplinaire.

Ces sanctions visent donc l’établissement de crédit luimême, ses actionnaires ou ses dirigeants et des personnes exerçant certaines fonctions en son sein.

B. Le dispositif disciplinaire

2. La procédure à suivre pour prononcer une sanction disciplinaire

Le dispositif consiste en de véritables sanctions disciplinaires susceptibles d’être prononcées contre les établissements récalcitrants n’ayant pas déféré à une injonction ou n’ayant pas tenu compte d’une mise en garde. Il en existe une variété de sanctions prévues (1) et leur prononcé, qui doit suivre une certaine procédure (2), est susceptible d’entraîner des suites (3).

En ce qui concerne la procédure à suivre, le règlement ménage les droits de la défense. C’est ainsi qu’aux termes de son article 21, ces sanctions ne peuvent être prononcées par la COBAC qu’après avoir invité l’assujetti à transmettre ses observations par écrit ou à les présenter oralement en séance plénière. Il convient d’ailleurs d’ajouter que l’assujetti a la possibilité de requérir l’assistance d’un représentant de son association professionnelle ou de toute autre personne de son choix. Si l’assujetti s’abstient de faire connaître ses observations, la COBAC peut statuer par défaut à son égard. Lorsque la sanction envisagée est le retrait d’agrément, la COBAC doit au préalable saisir l’Autorité monétaire(21). Cette saisine préalable vise à permettre la recherche de solutions appropriées pour la poursuite de l’activité de l’établissement de crédit compte tenu du fait que la disparition d’un établissement de crédit peut avoir des conséquences préjudiciables non seulement pour le système bancaire national, mais aussi pour tout le système économique. La suite de la procédure dépendra de la réaction ou non de l’Autorité monétaire(22) et, si elle a réagi, de la pertinence des mesures qu’elle a proposées(23).

La révocation, la démission d’office et le retrait d’agrément disciplinaire... emportent de plein droit pour les personnes concernées

l’interdiction d’exercer.

3. Les suites du prononcé des sanctions disciplinaires

1. Les diverses sanctions susceptibles d’être prononcées

Lorsqu’une sanction disciplinaire est prononcée contre un établissement ou contre une des personnes visées par le règlement, cela peut avoir deux types de suite :

Les sanctions pouvant être prononcées sont assez variées(19) : il s’agit de l’avertissement, du blâme, de la suspension temporaire ou de l’interdiction d’effectuer tout ou partie de certaines opérations ou de toutes autres limitations dans l’exercice des activités de l’établissement de crédit, de l’interdiction temporaire ou définitive de disposer de tout ou partie des actifs de l’établissement de crédit, de l’interdiction ou de la limitation de la distribution d’un dividende aux actionnaires, de la révocation ou du retrait d’agrément disciplinaire du ou des commissaires aux comptes, de la suspension, de la démission d’office ou du retrait d’agrément disciplinaire du ou des dirigeants, de la démission d’office du ou des membres du conseil d’administration et du retrait d’agrément disciplinaire de l’établissement de crédit(20). 19. La nouvelle liste de sanctions est plus longue que celle de l’article 13 de l’Annexe à la convention de 1990. Par exemple, cette dernière ne contenait pas l’interdiction ou la limitation de la distribution d’un dividende aux actionnaires. 2014/4

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20. Cette décision, qui doit être distinguée du retrait d’agrément prudentiel, renvoie à la décision de retrait d’agrément prononcée par la COBAC au terme d’une procédure disciplinaire. 21. Cf. article 22. 22. Le règlement précise qu’avant de clore la procédure disciplinaire, la COBAC adresse sans délai une note circonstanciée à l’Autorité monétaire précisant les mesures susceptibles de rétablir les conditions normales d’exploitation de l’établissement de crédit. À compter de la réception de la note circonstanciée, l’Autorité monétaire dispose d’un délai de trente jours pour se prononcer expressément sur la poursuite de l’activité de l’établissement de crédit. 23. Si l’Autorité monétaire est favorable à la poursuite des activités de l’établissement, elle doit se prononcer dans ce délai de trente jours et elle est tenue, dans les soixante jours suivants, de soumettre à la COBAC pour validation un plan de restructuration. En l’absence de réponse écrite et d’actes appropriés pris par l’Autorité monétaire au terme des délais ci-dessus, la COBAC prononce d’office le retrait d’agrément disciplinaire de l’établissement de crédit.

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l’interdiction d’exercer et la publication de la décision de sanction. La révocation, la démission d’office et le retrait d’agrément disciplinaire des commissaires aux comptes, des dirigeants de droit ou de fait ou des membres du conseil d’administration emportent de plein droit pour les personnes concernées l’interdiction d’exercer(24). La durée de cette interdiction est fixée par la COBAC sans pouvoir être ni inférieure à cinq ans, ni supérieure à dix ans, à compter de la date de notification de la décision à l’établissement de crédit concerné(25). De même, le retrait d’agrément disciplinaire donne lieu nécessairement à la publication dans au moins un des principaux organes de la presse nationale ou dans tout support que la COBAC désigne. Pour les autres sanctions disciplinaires, il appartient à la COBAC d’apprécier et de décider si leur dispositif sera rendu public. Auquel cas, elle désigne les journaux, publications ou supports dans lesquels cela devra être fait. En tout état de cause, la publication a lieu aux frais de l’établissement concerné. En dépit de leur importance (ne serait-ce que pour le caractère préventif(26) qui leur est reconnu), les sanctions prononcées contre l’établissement ou certains de ses organes peuvent ne pas suffire, surtout si leur défaillance avait déjà entraîné un déséquilibre de la structure financière de l’établissement de crédit. Il sera alors nécessaire d’essayer de rétablir l’équilibre.

II. Les premiers soins apportés aux banques fragiles Le règlement a bien pris la mesure de la possible insuffisance des mesures sanctionnatrices. C’est ainsi qu’il consacre aussi des premiers soins à apporter à l’établissement fragile. Ceux-ci peuvent consister uniquement à rétablir son équilibre financier (A) ou, plus globalement, à engager sa restructuration (B).

A. Le rétablissement de l’équilibre financier des banques fragiles Assez souvent, les différentes causes possibles de défaillance vont se manifester par le déséquilibre de la structure financière de l’établissement. Dès lors, pour résoudre le problème, il faudrait essayer de rétablir 24. La COBAC est chargée de tenir un répertoire des personnes, physiques ou morales, dont elle a prononcé le retrait d’agrément disciplinaire. 25. À l’issue du délai fixé, l’interdiction cesse de plein droit sans qu’il soit nécessaire pour la COBAC de prendre un quelconque acte. 26. Aussi bien la prévention générale que la prévention spéciale. 84

l’équilibre perdu. Cela peut être l’œuvre de personnes privées (1) ou des pouvoirs publics (2)(27).

1. Le rétablissement par les privés Lorsqu’une banque devient fragile, les premières personnes visées auxquelles l’on peut penser pour le rétablissement de ses fondamentaux sont ses actionnaires(28). De manière tout à fait logique, le règlement leur a consacré des dispositions. En vertu de son article 13, lorsque la gravité de la situation d’un établissement de crédit le justifie, ses actionnaires sont admis à présenter à la COBAC les solutions appropriées telles que l’apport financier nécessaire à son assainissement, en particulier à travers l’augmentation du capital social(29) ou tout autre concours, ainsi que le calendrier de mise en œuvre de ces solutions. La présentation des solutions appropriées à la COBAC est faite sur invitation du président de la COBAC ou sur l’initiative des actionnaires. La nouvelle rédaction(30) donne l’impression que le régulateur veut tirer les conséquences du fait que ce qui était appelé « devoir d’actionnaire » n’en était pas vraiment un(31). En ef27. Sur ces mesures de rétablissement de l’équilibre financier d’un établissement fragile, v. en plus de notre thèse citée ci-dessus (spéc. pp. 226 et s.) et du même auteur, « L’appréhension des difficultés de l’industrie des services financiers : le cas des firmes bancaires en Afrique noire francophone », mémoire de master en banque et finance, CESAG, 2001-2002, pp. 72 et s. ; le dossier consacré par cette Revue aux mesures de bail-in en matière de résolution bancaire (2014/3, pp. 7-31) ; E. S, « Enjeux de la résolution bancaire », R.D.B.F., n° 4, octobre 2013, dossier 36 ; A. S et H. D V, « Le pouvoir de bail-in correspond-il à une expropriation ? », Revue Banque, n 765, novembre 2013, p. 44. 28. Dans la littérature bancaire, ceci est connu sous le nom de « devoir d’actionnaire ». 29. Ce recours ne doit pas être confondu avec ce que le règlement appelle « recours prioritaire aux actionnaires », qui peut être intégré dans le plan de restructuration des établissements de crédit mis sous administration provisoire. 30. Ce mécanisme était déjà organisé par l’article 40, alinéa 1, de l’annexe à la convention du 17 janvier 1992 qui donnait au président de la COBAC le pouvoir d’inviter les actionnaires d’un établissement de crédit lorsque sa situation le justifie à rechercher les solutions que la situation de celui-ci commande. 31. Sur ce prétendu devoir des actionnaires, v. M.-A. F-R, « L’invitation de l’article 52 de la loi bancaire », Rev. jur. com., numéro spécial consacré à la défaillance d’une banque, op. cit., pp. 86 à 90 ; C. L, Droit des défaillances bancaires, coll. Pratique du droit, Economica, 2002, p. 139 ; M. CR, « Les conséquences de la défaillance d’une banque : les solutions », Rev. jur. com., numéro spécial consacré à la défaillance d’une banque, novembre 1996, p. 143 ; G. A. L, « La Commission bancaire et les procédures collectives des établissements de crédit et des entreprises d’investissement », D., n 2000-

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fet, en disant que les actionnaires de l’établissement « sont admis à présenter à la COBAC les solutions appropriées », cela semble mettre l’accent sur le fait que c’est à eux de prendre l’initiative(32). D’ailleurs, contrairement à l’annexe à la convention de 1992, le nouveau règlement le précise clairement. On peut se demander quel est l’intérêt de cette précision, si ce n’est pour manifester, ne serait-ce que symboliquement, qu’il ne s’agit pas d’un devoir ? À la vérité, pour bien comprendre cette formulation, il faut avoir présent à l’esprit que certains actionnaires sont exclus de la souscription à l’augmentation du capital d’une banque en restructuration(33).

L’existence de la dimension préventive de l’action du FOGADAC n’induit pas nécessairement la disparition de la solidarité de place telle qu’elle était prévue

jusque-là.

En plus de la possibilité que le rétablissement des fondamentaux se fasse grâce à la contribution de ses ac1307, 26 décembre 2000, R.D.B.F., n 4, juillet-août 2001, p. 248, n 27 ; F.-J. C, « À propos des limites de la responsabilité de l’établissement de crédit actionnaire », L.P.A., 15 février 1985, p. 22 ; J.-L. R-L et M. C-R, Droit bancaire, 6 éd., coll. Précis Dalloz, 1995, n 150, p. 138 ; A. K S, thèse, op. cit., pp. 236 et s. 32. Nul doute qu’une initiative aussi louable sera difficilement repoussée par la COBAC. 33. En effet, aux termes de l’article 75 du règlement, l’actionnaire ayant par son influence tangible obtenu des concours directs ou indirects accordés en violation des limites fixées par la réglementation bancaire, ou contribué de façon significative à la dégradation de la situation de l’établissement de crédit, est exclu de la souscription directe ou indirecte au capital social de l’établissement de crédit en restructuration et de toute nouvelle prise de participation dans tout autre établissement de crédit de la CEMAC. 2014/4

tionnaires, le règlement a également reconduit le mécanisme de la « solidarité de place ». Comme le faisait déjà l’alinéa 2 de l’article 40 cité ci-dessus, le règlement donne le pouvoir au président de la COBAC, lorsque la situation d’un établissement le justifie, de demander à l’association professionnelle des établissements de crédit concernée (c’est-à-dire celle dont l’établissement défaillant est adhérent) de soumettre à la COBAC les conditions dans lesquelles ses autres adhérents pourraient concourir à son assainissement. Avec la possibilité qui est reconnue au FOGADAC(34) d’intervenir de manière préventive(35), il est possible de s’interroger sur la reconduction de ce mécanisme et, surtout, sans l’aménager de manière à l’articuler avec cette intervention. En effet, étant donné que ce sont les établissements de crédit qui contribuent au financement du FOGADAC(36) et que celui-ci a parmi ses missions (quoique ce ne soit pas sa principale mission) celle d’apporter son concours pour permettre la réalisation d’un assainissement financier ou d’une reprise totale ou partielle des activités d’un établissement de crédit dont la bonne fin des engagements est compromise, n’est-il pas possible de penser que les établissements de crédit manifestent déjà leur solidarité en finançant le FOGADAC qui fait cette intervention(37) ? En réalité, l’existence de cette dimension préventive du FOGADAC n’induit pas nécessairement la disparition de la solidarité de place telle qu’elle était prévue jusque-là, car les deux mécanismes peuvent coexister. Néanmoins, pour que cela se fasse de la meilleure manière, il faudrait organiser leur intervention : est-ce que la solidarité de place « à l’ancienne » ne sera lancée que si le FOGADAC n’est pas en mesure de jouer son rôle préventif ou doit-elle précéder l’intervention préventive du FOGADAC ? Il nous semble que le régulateur ayant fait le choix de maintenir les deux aurait dû les organiser pour éviter le risque de laxisme qui pourrait se présenter si le président de la COBAC n’use pas de la prérogative qui lui est reconnue parce qu’il attend que le FOGADAC intervienne et celui-ci s’abstient de le faire parce qu’il espère que le président de la COBAC déclenchera la solidarité de place. En définitive, la dimension préventive de la mission du FOGADAC pose déjà le problème du rétablissement des fondamentaux de la banque fragile par les pouvoirs publics(38).

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34. Fonds de garantie des dépôts en Afrique centrale. 35. Cf. articles 53 et s. du règlement COBAC R-2009/03 relatif à l’organisation et au fonctionnement du FOGADAC. 36. Sur ces modalités et celles relatives à son organisation, v. « Le dispositif de traitement de la défaillance avérée », à paraître au prochain numéro. 37. Autrement dit, cette intervention préventive du FOGADAC n’est-elle pas faite, en quelque sorte, en leur nom ? 38. L’article 2 du règlement (01/09/CEMAC/UMAC/COBAC) qui le crée dispose clairement qu’il s’agit d’un établissement public à vocation sous-régionale doté de la personnalité morale et jouissant de l’autonomie financière.

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2. Le rétablissement par les pouvoirs publics La question de savoir si la fragilité d’une banque doit (ou peut) être résorbée par les pouvoirs publics est déjà assez ancienne aujourd’hui(39). Sans revenir sur les débats qu’a suscités la question de savoir s’il doit y avoir ou non un organisme chargé de venir en aide aux banques fragiles(40), on peut signaler que dans la plupart des systèmes juridiques, ils se sont soldés en faveur d’une réponse affirmative. Parmi les arguments qui militent en faveur de cette solution, il y a le souci de préserver la stabilité du système bancaire. Au sujet de la contribution des pouvoirs publics dans la zone CEMAC, le règlement semble n’avoir envisagé que l’intervention de la banque centrale (BEAC(41)), qu’il limite d’ailleurs à un simple échange d’informations avec la COBAC. En effet, dans l’article 15 consacré à cette intervention, le règlement énonce que « Lorsque la gravité de la situation d’un établissement de crédit le justifie, la COBAC échange avec la BEAC toutes informations nécessaires à la mise en œuvre de mesures circonstanciées, en conformité avec les statuts de l’Institut d’émission, pour l’assainissement dudit établissement ». Mais il faudrait se garder de croire que l’intervention de la banque centrale ne peut pas aller audelà, d’autant plus que le texte parle de la COBAC qui échange avec la banque centrale toutes informations nécessaires à la mise en œuvre de mesures circonstanciées. On peut donc se demander qui va mettre en œuvre ces « mesures circonstanciées ». Rien ne permet d’exclure que la BEAC peut y contribuer. Au contraire, telle que la disposition est rédigée, il est possible de penser que l’échange d’informations vise à donner à la BEAC la meilleure connaissance possible de la situation avant qu’elle ne prenne telle ou telle autre mesure qu’elle jugerait adéquate. Il ne faudrait pas non plus penser que l’intervention des pouvoirs publics se limiterait à celle de la banque centrale. En effet, il a déjà été dit ci-dessus que le FOGADAC a la possibilité d’intervenir de façon 39. Elle est connue sous le nom de la question du prêteur en dernier ressort (PDR). 40. Sur la question, il est possible de lire utilement, R. V O, « La transformation du rôle de l’État à l’égard des crises bancaires dans l’Union européenne et au Brésil », Revue juridique en ligne émis, p. 25 ; J. D et M.I. S, « Macroeconomic Impact and Policy Response », in W.E. A, J.M. D, L.P. E et C.J. L (éd.), Systemic Bank Restructuring and Macroeconomic Policy, 1997, p. 41 ; M. G, « Bank soundness in a global setting », publié dans l’ouvrage collectif de C. E et J.H. G (éd.), op. cit. ; P. D, « Supervisory role of the central bank », in C. E et J.H. G (éd.), Banking Soundness and Monetary Policy - Issues and Experiences in the Global Economy, p. 397 ; A. T, Risque bancaire, déréglementation financière et réglementation prudentielle - Une analyse en termes d’espérance variance, Limoges, PUF, 1996 ; H. T, « An enquiry into the nature and effects of the paper credit of Great Britain ». 41. Banque des États de l’Afrique centrale. 86

préventive(42). Telle que cette intervention est réglementée, elle apparaît comme permettant au fonds de jouer le rôle de PDR(43). Aux termes de l’article 53 du règlement COBAC R-2009/03 relatif à l’organisation et au fonctionnement du FOGADAC, celui-ci peut, sur saisine du secrétariat général de la COBAC, « apporter son concours pour permettre la réalisation d’un assainissement financier ou d’une reprise totale ou partielle des activités d’un établissement de crédit dont la bonne fin des engagements est compromise »(44). Pour cela, il faudrait qu’à l’unanimité, le comité de direction(45) soit d’avis que la situation de l’établissement laisse craindre dans les brefs délais une indisponibilité totale ou partielle des dépôts ou de tous les autres fonds remboursables ; qu’une telle intervention est moins onéreuse que toute autre intervention effectuée en cas d’indisponibilité de dépôts de l’établissement concerné ; qu’il est indiqué, dans l’intérêt général du système monétaire et financier de prévenir le risque de liquidation de l’établissement et qu’une telle intervention n’est de nature à obérer significativement les capacités d’intervention du fonds dans son action traditionnelle d’indemnisation des déposants en cas de survenance d’un cas d’indisponibilité des dépôts. Cette intervention peut être conditionnée à la présentation par les actionnaires et les dirigeants de l’établissement d’un plan de restructuration crédible intégrant un échéancier réaliste d’apurement de ses engagements.

42. V. ci-dessus. 43. D’ailleurs, au sujet de cette intervention, l’alinéa 2 de l’article 54 du règlement COBAC R-2009/03 parle d’intervention préventive faite en dernier ressort sous forme d’avance remboursable qui peut être mise à la charge des actionnaires de l’établissement concerné ou des autres établissements. 44. Cette intervention préventive est de nature à préserver la stabilité du système bancaire et celle des finances publiques, car du fait de la garantie publique due aux déposants, ce sont les États qui étaient amenés à intervenir. Ce qui était susceptible de mettre à mal les finances publiques. Avec cette intervention du FOGADAC dont les sources de financement proviennent essentiellement de la contribution des établissements assujettis, le coût supporté par les États en cas de défaillance des établissements de crédit pourra être allégé. 45. Aux termes de l’article 5 du règlement COBAC R-2009/03 cité ci-dessus, il s’agit de l’organe de décision du FOFADAC. Sa composition est régie par l’article 8 du règlement n 01/09/CEMAC/UMAC/COBAC portant création du FOGADAC qui indique qu’il comprend le gouverneur de la BEAC (président) et les présidents des APEC. Le secrétaire général de la COBAC assiste aux réunions du comité avec voix consultative. Lorsqu’il statue sur les interventions du fonds dans un État de la CEMAC, le comité est élargi à l’Autorité monétaire nationale et au directeur national de la BEAC, avec voix délibérative pour le premier et voix consultative pour le second.

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B. La restructuration Selon l’article 26, alinéa 1, du règlement, est considéré comme restructuration d’un établissement de crédit, l’ensemble des opérations visant un ou plusieurs des objectifs suivants : – le rétablissement d’une gestion conforme à la réglementation, lorsque les dirigeants sociaux ne sont plus en mesure d’exercer normalement leurs fonctions ou ne les exercent plus en vertu notamment d’une sanction disciplinaire de suspension, de démission d’office ou de retrait d’agrément ; – le rétablissement d’une administration conforme à la réglementation, lorsqu’il y a carence ou paralysie dans le fonctionnement normal des organes sociaux ; – le rétablissement des équilibres financiers fondamentaux et la mise en œuvre des règles et des procédures internes nécessaires au fonctionnement normal de l’établissement de crédit. L’alinéa 2 de cet article distingue deux types de restructuration : l’administration provisoire, que l’on peut qualifier de restructuration ordinaire (1), et la restructuration spéciale (2).

1. La restructuration ordinaire : la mise sous administration provisoire L’administration provisoire est une procédure applicable aux établissements de crédit lorsque ceux-ci rencontrent des difficultés telles qu’il apparaît nécessaire, pour le retour à des conditions normales d’exploitation, de procéder de manière provisoire à la substitution du conseil d’administration et de la direction générale par un dirigeant ad hoc. Il s’agit donc d’une mesure qui est assez grave(46). L’autorité compétente pour la prendre est la Commission bancaire(47) et celle-ci peut le faire sur saisine propre ou à l’initiative des dirigeants de l’établissement ou de l’Autorité monétaire. Pour accroître les chances d’efficacité de la procédure, le règlement l’a entourée d’un certain nombre de mesures en amont et en aval de la nomination de l’administrateur provisoire. Parmi les mesures en amont, le secrétaire général de la COBAC (ou son adjoint) doit proposer à celle-ci un panel comportant au minimum trois dossiers de candidatures. Si l’on s’en tient à l’article 29 du règlement, l’administrateur provi-

46. Elle fait l’objet d’une large publicité : notification à l’établissement de crédit, à l’Autorité monétaire avec ampliation à la FAPEC, à l’APEC concernée et à la direction nationale de la BEAC et publication du dispositif de la décision dans au moins un des principaux organes de la presse nationale ou dans tout support que la COBAC désigne. 47. En cas d’urgence, le président de la COBAC peut procéder à la désignation de l’administrateur provisoire, sous réserve de ratification par la Commission bancaire lors de sa prochaine session. 2014/4

soire devrait provenir d’une liste dressée par l’Autorité monétaire nationale ou, à défaut, de la propre initiative de la COBAC. Il doit s’agir d’une personne physique qui remplit certaines conditions positives et négatives exigées par la réglementation bancaire pour administrer, diriger ou gérer un établissement de crédit. Positivement, la personne doit réunir toutes les conditions d’expertise et d’honorabilité exigées en matière de délivrance d’agrément pour l’exercice des fonctions au sein de la direction générale d’un établissement de crédit(48). Négativement, elle ne doit faire l’objet d’aucune condamnation, incompatibilité, déchéance ou interdiction visées par la réglementation bancaire. En outre, elle ne doit pas, au cours des cinq années précédant sa désignation, avoir perçu à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rétribution ou un paiement de l’établissement de crédit ou d’une personne qui détient le contrôle de l’établissement de crédit, ni s’être trouvée en situation de subordination par rapport à l’établissement de crédit. Par ailleurs, elle ne doit avoir aucun intérêt dans l’établissement de crédit et ne pas être au nombre des anciens administrateurs ou dirigeants de droit ou de fait ayant fait l’objet d’une décision de révocation, de démission d’office ou de retrait d’agrément disciplinaire(49). Dès notification de la décision nommant l’administrateur provisoire à l’établissement de crédit, tous les pouvoirs d’administration, de direction et de représentation de la personne morale sont transférés à l’administrateur provisoire(50). Il les exerce dans la limite de l’objet social et sous réserve de ceux expressément attribués aux assemblées générales des actionnaires(51). Il est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au représentant légal de l’établissement de crédit. Il a seul qualité pour présenter le projet de plan de redressement de l’établissement de crédit à la COBAC.

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48. Selon l’annexe à la convention de 1992, il s’agit d’être titulaire d’au moins une licence dans certaines disciplines, de disposer de solides références et d’une expérience professionnelle de 5 ans au moins à des fonctions d’encadrement de haut niveau (en l’absence d’un diplôme de l’enseignement supérieur, l’expérience requise est de 10 ans au moins). 49. La personne choisie doit attester sur l’honneur qu’elle remplit toutes ces conditions. 50. Ce qui implique que, contrairement au droit commun où la décision de désignation de l’administrateur provisoire peut indiquer des organes de gestion, de direction ou d’administration qui restent en fonction en précisant les pouvoirs et les compétences qui leur sont maintenus (cf. art. 160-2 (3) 2), les pouvoirs du conseil d’administration et de la direction générale ici prennent fin. 51. Il peut, avec l’autorisation préalable du président de la COBAC, être assisté par une ou plusieurs personnes ou recourir à un ou plusieurs experts. En dépit du recours à ces personnes, l’administrateur provisoire est seul responsable de l’exécution des missions fixées dans la décision le nommant.

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De manière générale, dans le cadre de sa mission qui consiste à assurer la gestion et l’administration de l’établissement de crédit, il est habilité à prendre les mesures conservatoires et à accomplir les actes de gestion courante entrant dans l’activité habituelle de l’établissement de crédit, conformément aux usages de la profession. En principe, il ne peut poser des actes de disposition qu’avec l’autorisation de l’assemblée générale des actionnaires(52).

2. La restructuration spéciale

La responsabilité civile de l’administrateur provisoire à l’égard des tiers ne peut être engagée pour les opérations d’administration et de gestion exécutées conformément à sa mission qu’en cas de faute personnelle dûment

prouvée.

Parmi les mesures en aval de la nomination de l’administrateur provisoire visant à rendre cette procédure efficace, il convient de signaler l’obligation qui lui est imposée de faire un état des lieux dans le mois de sa nomination, celle de rendre compte périodiquement à la COBAC de l’exécution de sa mission et la circonscription de sa mission dans un délai(53). En contrepartie de ses missions, l’administrateur provisoire a droit à une rémunération mensuelle forfaitaire fixée par la COBAC, sur proposition de son président, en tenant compte du dernier salaire brut versé au directeur général sortant de l’établissement de crédit et des pratiques de la place. À cette rémunération, peuvent 52. Sauf dans le cadre de la restructuration spéciale (v. infra). 53. Celui-ci est en principe d’un an. Mais il peut être prorogé pour une période supplémentaire qui ne peut dépasser six mois que dans le cas d’une restructuration spéciale. 88

être ajoutés des avantages en nature qui étaient accordés au directeur général sortant, en fonction de la nature et du volume de l’activité ainsi que de la situation financière de l’établissement de crédit concerné. La responsabilité civile de l’administrateur provisoire à l’égard des tiers ne peut être engagée pour les opérations d’administration et de gestion exécutées conformément à sa mission qu’en cas de faute personnelle dûment prouvée.

Dans la zone CEMAC, la restructuration spéciale est une procédure réservée aux établissements de crédit d’importance systémique qui rencontrent des difficultés telles qu’il apparaît nécessaire, pour le retour à des conditions normales d’exploitation, d’imposer la mise en œuvre d’un plan de restructuration affectant les droits préexistants des actionnaires, afin de permettre la poursuite de l’activité, la préservation de l’intérêt public y compris celui des déposants et la stabilité du système bancaire et financier de la CEMAC(54). Cette procédure n’étant réservée qu’à certains établissements, cela implique une identification précise de ceux-ci. À ce sujet, après avoir énoncé que les établissements de crédit d’importance systémique sont identifiés sur la base notamment des indicateurs de taille, d’interdépendance de leur activité, de l’absence de substituts directs ou d’infrastructure financière pour leurs prestations de services, de leur activité à l’échelle sous-régionale, régionale ou mondiale et de leur complexité, le règlement ajoute que les critères de leur identification seront précisés par un règlement COBAC. En tout état de cause, pour les établissements concernés, la décision sera prononcée par arrêté de l’autorité monétaire pris après avis conforme de la COBAC(55). La procédure pourra être enclenchée à la demande du représentant légal de l’établissement de crédit dûment habilité par l’assemblée générale des actionnaires, formée auprès de l’Autorité monétaire ou sur saisine d’office de cette dernière. Le dossier, comprenant le plan de restructuration spéciale élaboré par le représentant légal de l’établissement(56), est transmis à la COBAC pour 54. Sur le traitement de tels établissements de manière générale, v. J.-F. L et T. D, rapport sur le thème « Prévention, traitement et résolution des crises bancaires », remis à Christine Lagarde le 10 février 2011 (www.ladocumentationfrançaise.fr/var/storage/ rapports-publics/114000080/0000.pdf) ; H.  V, « Traitement des banques en difficulté : une réponse européenne encore loin de l’union bancaire », Rev. Banque, n 750, juillet-août 2012, p. 79 ; M. E, « Le traitement de la faillite bancaire », Rev. proc. coll., n 747, avril 2012. 55. Aux termes de l’article 63 du règlement, cet arrêté est une mesure administrative d’ordre public. Il est publié suivant la procédure d’urgence puis inséré au Journal officiel de l’État d’implantation du siège social de l’établissement de crédit et dans un journal habilité à recevoir des annonces légales.

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solliciter son avis conforme. À compter de la réception du dossier, celle-ci dispose d’un délai de deux mois pour statuer ou, si le dossier est incomplet, à compter de la transmission des renseignements nécessaires à la prise de décision(57). En cas de besoin, elle peut rendre sa décision selon la procédure d’urgence de consultation à domicile. Aux termes de l’article 63 du règlement, dès la publication de l’arrêté de mise sous restructuration spéciale, les pouvoirs des assemblées générales des actionnaires sont transférés au représentant légal de l’établissement de crédit(58) pour l’exécution des opérations fixées dans le plan de restructuration spéciale(59). De même, les actionnaires ne peuvent cé56. Ce plan doit préciser l’ensemble des dispositions prises en vue de restaurer la solvabilité, la liquidité et la rentabilité de l’établissement de crédit ; les mesures de restructuration interne visant à améliorer le fonctionnement et l’organisation de l’établissement de crédit notamment en matière de gouvernance et de contrôle interne ; le délai d’exécution des opérations d’assainissement de la situation de l’établissement de crédit ; le cas échéant, les modalités de l’intervention préventive du FOGADAC ; ainsi que tout autre élément nécessaire à l’information de la COBAC. 57. L’absence de décision à l’expiration de ce délai vaut avis conforme. 58. En vertu de l’article 62, celui-ci peut être un administrateur provisoire désigné par la COBAC dans les mêmes conditions que ci-dessus. 59. Il s’agit notamment des pouvoirs d’imputation des pertes sur le capital et les réserves de l’établissement de crédit ; de fusion ou d’acquisition de l’établissement de crédit avec ou par un autre établissement de crédit ; de cession par l’établissement de crédit de tout ou partie de ses activités ou de son fonds de commerce ; de transfert de l’actif et du passif de l’établissement de crédit aux fins de réalisation ou de liquidation à un organisme

der les titres représentant leurs droits sociaux et toute action engagée à l’encontre de l’établissement de crédit ainsi que toute procédure d’exécution sur son patrimoine sont suspendues jusqu’à la date de publication de l’arrêté mettant fin aux opérations de restructuration spéciale(60). En ce qui concerne le contenu même des mesures susceptibles d’être prises dans ce cadre, l’article 65 dispose que l’arrêté de restructuration spéciale peut assujettir les dépôts publics et privés détenus par l’établissement de crédit ou ceux qui sont pris en charge par lui à des conditions et modalités de paiement, fixer les conditions et modalités de fusion, ou celles de cession de l’actif ou du passif ou de toute autre forme de restructuration. On peut noter qu’il y a une définition ouverte de ces mesures. La question que l’on peut se poser ici est de savoir si les autorités bancaires de la CEMAC n’ont pas, en amont, le pouvoir d’imposer aux établissements de crédit d’importance systémique une « surcharge systémique ». Il s’agit d’une solution qui est assez contestée aujourd’hui pour de nombreuses raisons(61).

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habilité ; de restructuration financière d’une partie de l’activité de l’établissement de crédit ; de décision de recours à une banque relais chargée de recevoir, à titre provisoire, tout ou partie des biens, droit et obligations de l’établissement en cause, en vue d’une cession dans les conditions fixées par l’Autorité monétaire après avis conforme de la COBAC ; d’imposition d’une réduction du capital, d’annulation des titres de capital ou des éléments de passif ou de la conversion des éléments de passif afin d’absorber le montant des dépréciations. 60. À la clôture de la restructuration spéciale, les créanciers recouvrent leurs droits de poursuite dans la limite fixée par l’alinéa 2 de l’article 72. 61. Cf. rapport sur le thème « Prévention, traitement et résolution des crises bancaires », cité ci-dessus.

LA PRÉVENTION DE L’INSOLVABILITÉ DES BANQUES PAR LE FOGADAC, AU REGARD DU DROIT DES PROCÉDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF

Henri Désiré M K B Agrégé des facultés françaises de droit Doyen de la Faculté des Sciences juridiques et politiques Université de Dschang De tous temps, les entreprises connaissent des situations de difficulté dont l’ampleur est variable. Dans de nombreux cas, leur disparition s’avère même inévitable. Les causes de cette défaillance sont parfois internes à l’entreprise. Mais la conjoncture économique de plus en 2014/4

plus difficile constitue aussi aujourd’hui un facteur aggravant. En effet, les entreprises doivent affronter une concurrence de plus en plus rude, et parfois sous une forte pression fiscale, sans pouvoir bénéficier du soutien traditionnel des pouvoirs publics, ni de certaines facilités de financement auprès des banques. La morosité de la conjoncture économique affecte également les établissements de crédit qui connaissent parfois de sérieuses difficultés. Les banques occidentales se relèvent à peine de la récente crise financière partie des États-Unis d’Amérique(1). Les systèmes bancaires de 1.

La crise économique et financière commencée aux ÉtatsUnis en 2008 avec la crise des subprimes, avait gagné en intensité en 2010-2011, avec des répercussions notables dans le monde, et particulièrement en Europe.

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l’Afrique centrale et de l’Ouest ont été moins durement touchés par cette grande crise financière « mondiale ». Le faible degré d’implication dans la finance mondiale n’est certainement pas l’unique explication de cette relative stabilité. C’est davantage dans la profonde restructuration de ces systèmes au début de la décennie 1990, qu’il faudrait rechercher leur stabilité actuelle. En effet, les mécanismes de prévention mis en place permettent aux organes de régulation et de contrôle des banques de résoudre par anticipation certaines crises naissantes. Dans le cas particulier de la sous-région de l’Afrique centrale, la Commission bancaire joue véritablement son rôle de gendarme. Le système de prévention et de traitement des défaillances des établissements de crédit, à travers l’intervention du Fonds de garantie des dépôts en Afrique centrale (FOGADAC), suscite néanmoins quelques interrogations quant à son articulation avec l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

La problématique de la soumission des banques, et des établissements de crédit en général au droit des procédures collectives est certes

ancienne.

La problématique de la soumission des banques, et des établissements de crédit en général au droit des procédures collectives est certes ancienne. La spécificité de l’activité bancaire, en lien très étroit avec les équilibres monétaires, d’une part, les répercussions possibles des faillites de banques sur l’économie, d’autre part, peut justifier les hésitations du législateur. Le droit des affaires de l’OHADA, dont l’impérialisme est très prononcé, au regard de la définition de son domaine par l’article 2 du Traité de Port-Louis(2), a ainsi du mal à

conquérir le secteur bancaire. Il semble même avoir capitulé face à la ferme résistance des banques centrales opposées à l’application d’une résolution du conseil des ministres prise au cours de la session des 22 et 23 mars 2001, en faveur de l’unification du droit bancaire dans les États membres de l’OHADA. Certains États, à l’instar du Cameroun, peuvent ainsi continuer de soumettre la restructuration des établissements de crédit à un régime dérogatoire, sous l’encadrement strict de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC)(3). Le Fonds de garantie des dépôts en Afrique centrale (FOGADAC) créé par le règlement n 01/09/CEMAC/ UMAC/COBAC du 20 avril 2009, est un établissement public à vocation sous-régionale, doté de la personnalité morale et jouissant d’une autonomie financière(4). L’article 1 du règlement susvisé lui assigne une double mission consistant, d’une part, à « apporter son concours à un établissement de crédit dont la situation laisse craindre dans les brefs délais une indisponibilité totale ou partielle des dépôts ou de tous les autres fonds remboursables », d’autre part, à « indemniser les épargnants d’un établissement de crédit, en cas d’indisponibilité de leurs dépôts ». La sécurité que l’existence d’une telle institution peut procurer à la clientèle des établissements de crédit est indéniable. Les mécanismes d’intervention du Fonds de garantie et son rôle dans la sécurisation du système bancaire de l’Afrique centrale ont fait l’objet d’études d’envergure qui le démontrent amplement(5). La fonction de garantie des dépôts occulte cependant une mission implicite du FOGADAC, et sans doute la plus importante, qui consiste à contribuer au redressement des établissements de crédit en difficulté, à travers la prévention de l’indisponibilité des dépôts. Cette fonction souterraine du Fonds mérite également d’être étudiée, au regard du droit des procédures collectives d’apurement du passif, dans la mesure où l’intervention préventive du FOGADAC a pour conséquence indirecte de soustraire les établissements de crédit desdites procédures de droit OHADA. En effet, l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif prévoit l’ouverture de trois procédures différentes selon l’ampleur des difficultés des entreprises(6). Il s’agit tout d’abord du règlement préventif destiné à éviter la cessation des paiements ou la cessation d’activité de l’entreprise et à permettre l’apurement du passif au moyen d’un concordat préventif. Il s’agit ensuite

3. 2.

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Aux termes de l’article 2 du Traité OHADA, « pour l’application du présent Traité, entrent dans le domaine du droit des affaires l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au

4. 5.

6.

droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le conseil des ministres déciderait, à l’unanimité d’y inclure, conformément à l’objet du présent Traité ». Ordonnance n 96/003 du 24 juin 1996 relative à la restructuration des établissements de crédit. Article 2 du règlement du 20 avril 2009 portant création du FOGADAC. V. notamment C. G. B, La sécurisation des relations banques-clients en zone CEMAC, thèse, Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, 2005. Article 2 de l’Acte uniforme susvisé.

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du redressement judiciaire destiné à la sauvegarde de l’entreprise et à l’apurement de son passif au moyen d’un concordat de redressement et, enfin, de la liquidation des biens ayant pour objet la réalisation de l’actif du débiteur en vue de l’apurement de son passif. Ces procédures ont vocation à s’appliquer à « toute personne physique ou morale commerçante » à « toute personne morale de droit privé non commerçante », et à « toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé connaissant une situation économique et financière difficile, mais non irrémédiablement compromise, et quelle que soit la nature de ses dettes »(7). Au vu du champ d’application très large de l’Acte uniforme, les procédures collectives d’apurement du passif sont susceptibles d’être ouvertes à l’encontre de tous les établissements de crédit répondant à la définition de personnes morales de droit privé. Ce d’autant plus que contrairement à l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique qui tolère l’existence de sociétés commerciales relevant d’un régime particulier de droit national(8), l’Acte uniforme régissant les procédures collectives ne fait aucune distinction de ce genre. Il s’applique aux personnes morales de droit privé exposées à la cessation des paiements ou dont la cessation des paiements est constatée. Les établissements de crédit soumis de jure aux procédures collectives y échapperont cependant de facto, grâce à l’intervention du FOGADAC visant à prévenir l’indisponibilité des dépôts. Par définition, la prévention de l’indisponibilité des dépôts est censée empêcher la cessation des paiements, et par voie de conséquence, éviter l’ouverture d’une procédure collective. Idéalement, une telle conséquence ne devrait soulever aucune objection de droit. Il peut cependant arriver que sous le noble prétexte d’une prévention, l’intervention du FOGADAC donne plutôt lieu au redressement d’un établissement de crédit en cessation des paiements (I). La prévention de l’indisponibilité des dépôts masquerait ainsi l’objectif peu perceptible d’une prévention de la liquidation des établissements de crédit en dehors des procédures collectives de l’OHADA (II).

I. Le prétexte de la prévention de l’indisponibilité des dépôts La réception des fonds du public est l’une des opérations caractéristiques de l’activité bancaire, à côté de l’octroi des crédits et la mise à disposition de la clientèle des moyens de paiement ainsi que leur gestion(9). Les fonds reçus du public sous forme de dépôts sont à la libre dis7. 8. 9.

Article 2 de l’Acte uniforme précité. Article 916 de l’Acte uniforme susvisé. Article 4, annexe à la Convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la réglementation bancaire dans les États de l’Afrique centrale.

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position de la banque, « mais à charge pour elle de les restituer »(10). La question de l’indisponibilité des dépôts est donc très étroitement liée à l’obligation qui pèse sur le banquier, comme sur tout dépositaire d’une somme d’argent au sens de l’article 1932 du Code civil, de restituer les dépôts reçus du public. La prévention de l’indisponibilité des dépôts pourrait se distinguer, de ce point de vue, de celle de la cessation des paiements dans la procédure judiciaire de règlement préventif de droit OHADA (A). Mais la spécificité de l’intervention préventive du FOGADAC réside surtout dans le rôle central joué par la COBAC dans sa mise en œuvre (B).

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A. La prise en compte d’une menace réelle d’indisponibilité des dépôts L’action préventive du FOGADAC ne peut être déclenchée qu’en présence d’une menace réelle d’indisponibilité des dépôts placés auprès d’une banque ou plus largement, auprès d’un établissement de crédit. La notion d’indisponibilité présente ainsi un intérêt particulier. Elle peut être rapprochée de celle de cessation des paiements, critère d’évaluation des difficultés des entreprises en droit des procédures collectives d’apurement du passif.

1. La notion d’indisponibilité des dépôts Aux termes de l’article 4 du règlement du 15 décembre 2009 relatif à l’organisation et au fonctionnement du FOGADAC, « il y a indisponibilité des dépôts lorsque les fonds placés auprès d’un établissement de crédit ne peuvent pas être restitués ou remboursés à leurs titulaires suivant les clauses du contrat liant les deux parties, en raison de la situation de cet établissement de crédit, et lorsque les circonstances ne permettent pas d’envisager un remboursement dans les meilleurs délais ». L’indisponibilité des dépôts ou des autres fonds remboursables par les banques s’entend donc principalement de la difficulté qu’éprouverait une banque à restituer aux déposants, c’est-à-dire à la clientèle, les sommes dont ils sollicitent le retrait à vue ou à terme, suivant les stipulations contractuelles. Selon l’article 4 du règlement susvisé, cette indisponibilité ne doit pas être appréciée au moment où la demande de retrait des fonds est faite par le client, mais au regard de la capacité de l’établissement de crédit à pouvoir satisfaire ou non, dans les meilleurs délais, la demande de retrait des fonds. L’appréciation de la capacité de mobiliser rapidement des fonds en vue de satisfaire la demande des clients relève de la compétence exclusive de la COBAC. Elle tient compte, le cas échéant, de la liquidité globale de l’ensemble des structures bancaires du réseau sousrégional auquel appartient l’établissement de crédit en 10. Article 5, annexe à la Convention du 17 janvier 1992.

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difficulté(11). De même, le temps de réaction de la banque sollicitée pour des retraits de fonds est un critère d’appréciation important. Il est évident que la fixation d’un délai quelconque en la matière serait arbitraire. En retenant l’expression « dans les meilleurs délais », parfois remplacée par celle de « brefs délais », les différents règlements de la COBAC régissant le Fonds de garantie des dépôts tiennent compte de l’urgence du remboursement des sommes déposées. L’objectif est certainement d’agir rapidement afin d’éviter d’alerter le public sur les difficultés de la banque. Ce qui provoquerait un mouvement de panique et des demandes de retraits massifs de fonds, difficilement contrôlables.

L’objectif est certainement d’agir rapidement afin d’éviter d’alerter le public sur les difficultés

de la banque.

Par ailleurs, en insistant sur le lien entre l’indisponibilité des dépôts et la situation de l’établissement de crédit, le règlement exclut la prise en compte, pour l’appréciation du défaut de remboursement des fonds déposés, des circonstances ne révélant pas une insuffisance de liquidité bancaire. Il en est ainsi notamment de l’indisponibilité des dépôts consécutive à la fermeture de l’établissement pour des raisons de sécurité, dans une situation insurrectionnelle ou de guerre, par exemple. En revanche, il importe peu que l’indisponibilité soit partielle ou totale. Il suffit que la situation de la banque « laisse craindre dans les brefs délais » une indisponibilité des avoirs des déposants(12).

2. L’indisponibilité des dépôts et la cessation des paiements La menace d’indisponibilité des dépôts est le critère justifiant l’intervention préventive du FOGADAC, au même titre qu’une menace de cessation des paiements justifierait l’ouverture d’un règlement préventif en droit des procédures collectives d’apurement du passif. Dans les deux cas, il est également question de l’éventualité d’une cessation d’activité de l’entreprise, soit du fait de l’indisponibilité des fonds(13), soit à cause de la perspective de la cessation des paiements(14). 11. Article 4, alinéa 2, du règlement du 15 décembre 2009. 12. Article 1 du règlement du 20 avril 2009, portant création du FOGADAC ; idem, article 2 du règlement du 21 février 2011, portant règlement intérieur du Fonds. 92

À première vue, l’indisponibilité des dépôts qui entraîne une impossibilité de restituer se distingue de la cessation des paiements ou de « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible »(15). En examinant de plus près les deux notions, on se rend cependant à l’évidence que dans les deux situations, la difficulté provient d’une insuffisance de liquidités, c’està-dire d’une tension ou d’une crise de trésorerie. Ces situations font également courir au créancier le même risque d’inexécution de l’obligation. Au surplus, la notion d’indisponibilité des dépôts doit s’interpréter à la lumière du « rapport de liquidité », tel que défini par l’article 1 du règlement de la COBAC du 19 avril 1993 relatif à la liquidité des établissements de crédit. En effet, ce texte met à la charge des établissements de crédit l’obligation de respecter « un rapport minimum entre leurs disponibilités et leurs exigibilités à moins d’un mois ». C’est ce même rapport entre l’exigibilité du passif et la disponibilité de l’actif qui sert à constater l’existence ou non d’une cessation des paiements en droit des procédures collectives. La question se poserait dès lors de savoir si le choix des termes est totalement innocent. En parlant de prévention de l’indisponibilité des dépôts, plutôt que de la cessation des paiements, l’objectif n’était-il pas de distinguer clairement l’intervention préventive du FOGADAC et le règlement préventif qui relève des procédures collectives d’apurement du passif du droit OHADA ?

B. Le rôle de la COBAC dans l’intervention préventive du FOGADAC La Commission bancaire de l’Afrique centrale joue un rôle capital dans la détection des menaces d’indisponibilité des dépôts conduisant à la saisine du Fonds de garanties des dépôts (1). Elle donne également son avis sur les conditions de l’intervention du Fonds (2).

1. La saisine du FOGADAC Les articles 5 et 7 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif réservent au débiteur exposé à une cessation des paiements, l’initiative de la saisine de la juridiction compétente et de la proposition d’un concordat préventif. Dans la prévention de l’indisponibilité des dépôts, procédure non judiciaire, l’initiative de la saisine du FOGADAC et la proposition d’un plan d’intervention reviennent à la COBAC. L’article 53 du règlement du 15 décembre 2009 prévoit à cet effet que le secrétariat général de la COBAC peut saisir le FOGADAC, en vue de solliciter une action préventive du Fonds permettant l’assainissement financier ou la reprise totale ou partielle d’activité d’un établissement de crédit. 13. Article 53 du règlement du 15 décembre 2009. 14. Article 2.1, alinéa 1, de l’AUPCAP. 15. Définition déduite de l’article 25 de l’AUPCAP.

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Mais le rôle de la COBAC va au-delà d’une simple mission d’alerte du FOGADAC, à travers sa saisine. En sa qualité d’organe de régulation et de contrôle de l’activité des établissements de crédit(16), la COBAC édicte des normes prudentielles auxquelles sont soumises les banques. Elle veille également à leur strict respect. Ainsi, en est-il du règlement qui fixe le ratio de liquidité ou le « rapport minimum entre leurs disponibilités et leurs exigibilités à moins d’un mois », c’est-à-dire à très court terme. Il en résulte, à la charge des banques, l’obligation de communiquer au secrétariat général de la COBAC, à la fin de chaque mois, le rapport de liquidité du mois à venir. Un contrôle régulier du respect de cette norme permet alors à la COBAC de détecter à temps toute menace d’indisponibilité des dépôts et de déclencher les mécanismes d’intervention préventive du FOGADAC. À l’instar de la requête aux fins de règlement préventif qui est suivie d’une offre de concordat préventif, la saisine du FOGADAC par la COBAC s’accompagne de propositions d’intervention. L’intervention préventive du Fonds sera cependant décidée par le comité de direction, conformément à la procédure prescrite par son règlement intérieur.

2. L’avis consultatif de la COBAC L’article 20 de son règlement intérieur prévoit qu’après sa saisine par le secrétariat général de la COBAC, le FOGADAC commet une mission d’audit auprès de la banque en difficulté. Les conclusions de la mission d’audit feront ensuite l’objet du rapport du secrétaire permanent du Fonds au comité de direction. Ce rapport contient notamment l’évaluation de la situation de la banque et des propositions de mesures d’assainissement financier. L’intervention de la COBAC faite en amont, se poursuit en aval, par son avis consultatif sur le plan d’action proposé, et dont le rapport du secrétaire permanent doit faire mention. Il est clairement mentionné dans l’article 20, alinéa 4, du règlement intérieur du Fonds que le comité de direction ne peut statuer qu’après avoir pris connaissance de cet avis, et que le président dudit comité informe la COBAC des modalités d’intervention définitivement arrêtées. La décision du comité arrêtant les conditions de l’intervention du Fonds est prise à l’unanimité de ses membres présents(17). Le règlement intérieur du FOGADAC est muet sur l’éventualité d’une décision de refus d’intervention préventive du FOGADAC. Cette éventualité n’est pas pour autant à exclure, comme le suggère l’interprétation de 16. Article 1 de la Convention du 16 octobre 1990 portant création de la Commission bancaire de l’Afrique centrale. 17. Il y a sur ce point une nuance de taille entre l’article 54, alinéa 1, du règlement du 15 décembre 2009 relatif à l’organisation et au fonctionnement du FODAC, qui requiert la simple unanimité des membres présents, et l’article 20 du règlement intérieur qui semble exiger l’unanimité des membres. 2014/4

l’article 54 du règlement du 15 décembre 2009. Ce texte prescrit aux membres du comité de direction, appelés à arrêter les modalités de l’intervention préventive du Fonds, de s’assurer préalablement de l’effectivité de la menace d’indisponibilité des dépôts, et de l’efficacité du plan d’action proposé, au regard de l’équilibre général du système monétaire et financier. Le comité doit aussi s’assurer que l’intervention projetée n’est pas de nature à hypothéquer les capacités d’intervention future du Fonds. Deux enseignements se dégagent de cette disposition. D’une part, le FOGADAC n’a pas de compétence liée du fait de sa saisine par la COBAC, dont l’avis en la matière est consultatif. D’autre part, le Fonds doit même s’abstenir de toute intervention préventive lorsque le coût d’une telle action est excessif, ou d’après la terminologie du droit des entreprises en difficulté, lorsque la situation de l’établissement de crédit est irrémédiablement compromise. Toutefois, il est à regretter que les différents textes régissant le FOGADAC n’encadrent pas son intervention préventive dans un délai de rigueur, compte tenu notamment de l’urgence et du risque de dégradation rapide de la situation. La disposition de l’article 7, alinéa 1, du règlement intérieur du Fonds n’intègre que partiellement cette considération lorsqu’il énonce « les membres du comité de direction sont convoqués par tout moyen, au moins quinze jours avant la date de la réunion, sauf en cas d’urgence ou lorsqu’il est appelé à statuer sur une proposition d’intervention préventive ». Pour une meilleure efficacité, il faudrait enfermer la mission d’audit du Fonds, le rapport du secrétaire permanent et la décision du comité de direction dans des délais assez courts, eu égard aux informations susceptibles d’être recueillies auprès de la COBAC.

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II. La prévention de la liquidation des banques, véritable mission du FOGADAC Dans la mission préventive du Fonds de garantie des dépôts en Afrique centrale, aussi bien les règlements portant création, ou organisation et fonctionnement du Fonds, que son règlement intérieur, lui assignent l’objectif d’éliminer la menace d’indisponibilité des dépôts. Cet objectif de prévention d’une simple difficulté de trésorerie ou de liquidité contraste beaucoup avec l’ampleur des mesures susceptibles d’être prises, et qui rappellent à plusieurs égards, non pas un règlement préventif destiné à prévenir une cessation des paiements, mais un redressement judiciaire d’une entreprise dont la cessation des paiements serait constatée. On passerait de la sorte d’une prévention de l’indisponibilité des dépôts à la prévention de la liquidation des établissements de crédit. Cela témoigne sans doute de la spécificité des difficultés auxquelles sont exposés les établissements de crédit et des solutions également spécifiques qu’elles né-

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cessiteraient (A). Mais cela traduit surtout une volonté de soustraire ces établissements des procédures collectives d’apurement du passif (B).

A. Au-delà de la prévention de l’indisponibilité des dépôts Les modalités de l’intervention préventive du Fonds de garantie des dépôts en Afrique centrale sont fixées par l’article 20 de son règlement intérieur, qu’il faut compléter par les articles 54 et 55 du règlement du 15 décembre 2009 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Fonds. L’énumération non exhaustive des mesures susceptibles d’être décidées par le comité de direction révèle leur portée véritable, au regard des solutions traditionnelles du droit des procédures collectives.

intégrant un échéancier réaliste d’apurement de ses engagements. De telles mesures qui entraîneraient une restructuration aussi profonde de l’entreprise, pouvant aller jusqu’à sa disparition, ne relèveraient plus de la prévention. En effet, la cession du fonds de commerce actif le plus important équivaudrait à une cession d’entreprise. Que resterait-il d’un établissement de crédit dont les principaux éléments du fonds de commerce, en l’occurrence la clientèle et le nom commercial ou l’enseigne sont cédés(18) ? De même, une formule telle qu’« un plan de restructuration crédible, intégrant un échéancier réaliste d’apurement de ses engagements » est suffisamment évocatrice d’une situation qu’on aurait qualifiée d’offre de concordat dans une procédure de redressement judiciaire

2. Une prévention déguisée de la faillite

La prétendue prévention de l’indisponibilité des dépôts bancaires est en réalité une prévention de la liquidation des établissements de crédit.

1. La disproportionnalité des mesures de prévention L’intervention préventive du FOGADAC peut porter à la fois sur l’administration des établissements de crédit et sur la cession d’éléments d’actif, y compris du fonds de commerce le cas échéant. Elle peut nécessiter une recapitalisation qui se ferait sous la condition d’une renonciation par les actionnaires à leur droit préférentiel de souscription. Les personnes auxquelles l’indisponibilité des dépôts est imputable pourraient également répondre de leurs agissements fautifs. Ces solutions contenues dans l’article 20 du règlement intérieur du Fonds peuvent être complétées par celles des articles 54 et 55 du règlement du 15 décembre 2009. Le premier texte mentionne une intervention préventive sous forme d’avance remboursable par les actionnaires. Le second prévoit que le comité de direction peut conditionner l’intervention préventive du Fonds à la présentation, par les actionnaires et dirigeants de l’établissement, d’un plan de restructuration crédible, 94

La disproportion constatée entre la volonté de supprimer une menace d’indisponibilité des dépôts et le plan d’intervention que pourrait mettre en œuvre le Fonds de garantie des dépôts en Afrique centrale montre que la prétendue prévention de l’indisponibilité des dépôts bancaires est en réalité une prévention de la liquidation des établissements de crédit. Cette considération n’est d’ailleurs pas totalement absente des textes régissant le FOGADAC. En effet, en adoptant, sans doute volontairement, la terminologie plus sécurisante de la prévention de l’indisponibilité des dépôts, les rédacteurs du règlement du 15 décembre 2009 n’ont pas perdu de vue dans l’article 53 de ce texte que la finalité de l’action préventive peut être, outre l’assainissement financier, « la reprise totale ou partielle des activités d’un établissement de crédit dont la bonne fin des engagements est compromise ». Dans le même esprit, et de manière plus explicite cependant, l’article 54 prescrit au comité directeur du FOGADAC qui décide d’une action préventive de s’assurer « qu’il est dans l’intérêt général du système monétaire et financier, de prévenir le risque de liquidation de l’établissement de crédit ». On ne saurait être plus clair sur la véritable portée de l’action préventive du Fonds de garantie des dépôts en Afrique centrale. Il reste néanmoins que ce choix doit être justifié.

18. L’article 136 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général en fait les éléments nécessaires du fonds de commerce.

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B. La volonté de soustraire les établissements de crédit des procédures collectives d’apurement du passif Les leçons tirées du passé récent(19) peuvent expliquer la volonté de la Commission bancaire de l’Afrique centrale et celle des Autorités monétaires de manière générale, de privilégier l’intervention du Fonds de garantie, et de soustraire ainsi les établissements de crédit des procédures collectives d’apurement du passif (1). Les textes régissant le FOGADAC n’excluent pas pour autant l’ouverture d’une procédure collective à l’égard des établissements éligibles aux concours du fonds (2).

1. La justification des procédures dérogatoires La volonté de soustraire les établissements de crédit des procédures collectives de droit OHADA traduirait une double nécessité d’anticipation et de confidentialité. En effet, les difficultés des banques doivent être « étouffées dans l’œuf », c’est-à-dire être prises en charge avant qu’elles ne deviennent perceptibles par une masse critique de clients. Par ailleurs, l’inconvénient majeur des procédures collectives d’apurement du passif pour les banques est sans doute aussi leur atout principal pour les créanciers, à savoir la publicité dont elles font l’objet. La publicité des procédures détruirait tous les efforts de redressement d’un établissement de crédit si le doute s’empare de la clientèle. L’ampleur des difficultés importe peu dans la stratégie retenue en Afrique centrale, dès lors qu’une petite tension de trésorerie d’une banque pourrait affecter l’ensemble du système, par une perte de confiance de la clientèle des banques. La volonté d’éviter les procédures collectives est également réelle lorsque le Fonds procède à l’indemnisation des déposants, à la suite de l’échec de la prévention de l’indisponibilité des dépôts(20). Un exemple tiré d’un droit étatique, camerounais en l’occurrence, révèle un souci identique à travers la lecture de l’article 3 de l’ordonnance du 24 juin 1996 relative à la restructuration des établissements de crédit. Ce texte confère le pouvoir à l’Autorité monétaire, après avis conforme de la COBAC, de « décider par arrêté de la restructuration » de l’établissement de crédit dont « les condi19. Il s’agit de la crise bancaire des années 1990 en Afrique centrale accentuée par l’indisponibilité des dépôts qui a provoqué un mouvement de panique des clients des banques et des demandes de retraits massifs de fonds déposés auprès de plusieurs banques de la sous-région. V. notamment, L. D T, Crises et faillites bancaires en Afriques subsaharienne : le cas du Cameroun, thèse, Bordeaux IV, 2001 ; D. P B, Le statut juridique des EMF en zone CEMAC, thèse en cotutelle Douala-Paris Dauphine, 2013. 20. La procédure, identique ici, est déclenchée par la constatation de l’indisponibilité des dépôts par la COBAC qui en saisit le secrétariat permanent du FOGADAC et sollicite son intervention (article 19 du règlement intérieur). 2014/4

tions normales d’exploitation ne sont plus réunies ». L’établissement concerné sera alors placé sous administration provisoire par la COBAC, si sa situation le justifie(21). De droit commun, l’impossibilité d’assurer les conditions normales d’exploitation dont les causes sont financières, traduit une situation de cessation des paiements ou de cessation d’activité, justifiant au mieux un redressement judiciaire, au pire, la liquidation des biens.

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2. L’ouverture probable d’une procédure de liquidation judiciaire L’hypothèse de l’ouverture des procédures collectives est prévue par les articles 44 à 46 du règlement du 15 décembre 2009 relatif à l’organisation et au fonctionnement du FODADAC, et par l’article 19.12 du règlement intérieur du FOGADAC. Ces textes envisagent l’ouverture d’une procédure de liquidation des biens et prévoient les diligences requises à la fois du Fonds luimême, et des déposants victimes de l’indisponibilité des dépôts. En cas d’ouverture de la liquidation des biens de l’établissement de crédit dont l’indisponibilité des dépôts a été préalablement constatée par la COBAC, le Fonds doit(22) suspendre l’indemnisation des déposants victimes de l’indisponibilité des dépôts jusqu’à « l’admission de la créance au passif de la liquidation bancaire ou judiciaire ». Il doit ensuite transmettre au liquidateur ou au représentant des créanciers le détail des créances indemnisées en vue d’être subrogé dans les droits des créanciers indemnisés. Quant aux déposants, ils sont tenus, sous peine de forclusion, de faire leur déclaration de créance dans les formes et délais prévus par les articles 78 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. Les procédures collectives d’apurement du passif apparaissent ainsi comme la conséquence inéluctable de l’échec des mécanismes d’intervention du FOGADAC. Elles se réduiraient à la seule liquidation des biens, dans la mesure où la prévention de l’indisponibilité des dé21. On note ici une autre particularité du régime des établissements de crédit quant à la désignation d’un administrateur provisoire, consécutive non pas à un blocage des organes sociaux, mais aux difficultés d’exploitation. En effet, l’article 160-1 nouveau de l’Acte uniforme révisé, relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, prévoit la désignation judiciaire de l’administrateur provisoire lorsque le fonctionnement normal de la société est rendu impossible du fait des organes sociaux ou des associés, et non du fait des difficultés d’exploitation (financières). 22. Il s’agirait d’une simple faculté au sens de l’article 44 du règlement du 15 décembre 2009. En réalité, pour pouvoir faire jouer la subrogation légale en cas d’ouverture de la liquidation des biens, le Fonds devrait s’assurer de la production effective de sa créance, par tout créancier sollicitant son indemnisation.

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pôts est un substitut des procédures de règlement préventif et de redressement judiciaire du droit OHADA. Par ailleurs, dès lors que l’indemnisation des déposants serait assurée par le FOGADAC, la liquidation judiciaire se limitera aux autres éléments du patrimoine des établissements de crédit.

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L’adoption d’un règlement spécifique au traitement des difficultés des établissements de crédit dans la CEMAC ne transformera pas profondément cette constatation. Au contraire, elle permettra de renforcer le système actuel par la mise en place du cadre juridique de l’administration provisoire et de la liquidation des banques, en marge des procédures collectives de l’OHADA.

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III. Régulation assurantielle Chronique sous la direction de Pauline P Professeur à l’Université de Reims

Avec la collaboration de

Jérôme C Maître de conférences à l’Université Paris II

&

Adrien T Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de Montpellier Centre du droit de l’entreprise

La régulation européenne assurantielle est en phase de transition. L’adoption de la directive « Omnibus II » en avril  était l’étape qui manquait à la mise en œuvre de la directive « Solvabilité II » : c’est désormais chose faite. Le régime des retraites professionnelles, avant la refonte de la directive IRP, fait également l’objet de plusieurs textes : on peut citer à cet égard le règlement d’exécution de la directive IRP concernant la transmission des dispositions nationales de nature prudentielle, adopté par la Commission le  juin , ainsi qu’un rapport du  juin  de l’EIOPA sur les situations préjudiciables aux membres et bénéficiaires de régimes de retraite professionnelle. Au plan international, les autorités européennes et américaines ont adopté, le  juillet , un projet d’accord bilatéral destiné à renforcer la surveillance, protéger les assurés et développer les relations d’affaires.

The European regulation framework of the insurance sector is facing a transition period. The Directive “Solvability II” can now be implemented since the adoption on  April  of Directive “Omnibus II”. Even though the new directive on the activities and supervision for occupational retirement provision is not yet issued, occupational pension plans are subject to several new regulations. Firstly, on  June , the European Commission adopted implementing regulation laying down implementing technical standards with regard to the reporting of national provisions of prudential nature relevant to the field of occupational pension schemes. Secondly, on  June , the EIOPA issued a Report on issues leading to detriment of occupational pension scheme members and beneficiaries. On an international level, on  July , European and American authorities agreed upon a draft of bilateral agreement aiming at enhancing understanding and cooperation for the benefit of insurance consumers, business opportunity and effective supervision.

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Chroniques

III. Régulation assurantielle

III.A. Régulation européenne LÉGISLATION

PUBLICATION DE LA DIRECTIVE « OMNIBUS II » : QUELLE PORTÉE SUR L’ÉLABORATION DE LA LÉGISLATION ASSURANTIELLE EUROPÉENNE ?

Pauline P Professeur à l’Université de Reims

Au terme d’un processus de discussion difficile(1), la directive « Omnibus II » a finalement été adoptée le 16 avril 2014 par le Parlement européen et le Conseil et publiée le 22 mai 2014 au Journal officiel de l’Union européenne(2). Prenant acte des dernières avancées réalisées au début 2014, elle vient modifier la directivecadre « Solvabilité II »(3), en réglant un certain nombre des questions qui étaient restées en suspens, concernant notamment le régime des garanties à long terme des assureurs(4). Dans cette perspective, elle revient notamment sur les pouvoirs de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, autrement désignée sous l’acronyme EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) et sur ceux de la Commission. En particulier, elle étend le domaine des actes non législatifs de niveau 2 et précise leur processus d’élaboration.

I. Le domaine des actes non législatifs Dans le cadre de la mise en œuvre de la directive « Solvabilité II », la directive « Omnibus II » renforce le domaine des actes non législatifs. Deux points retiendront notre attention ici : la place déterminante que prend l’EIOPA s’agissant de la question délicate du traitement des garanties à long terme des assureurs, ainsi que la question des décisions d’équivalence à l’égard des entreprises de pays tiers, qui constitue un enjeu stratégique essentiel.

Sur le plan de la collecte de données, l’EIOPA constitue désormais un organisme central dans

1.

2.

3.

4.

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V., P. P, « Les garanties à long terme des assureurs dans la proposition de directive “Omnibus II” adoptée par le Parlement européen », R.I.S.F., 2/2014, p. 93 ; « Accord d’étape sur la directive “Omnibus II” », R.I.S.F., 1/2014, p. 128. Directive 2014/51/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant les directives 2003/71/CE et 2009/138/CE et les règlements (CE) n 1060/2009, (UE) n 1094/2010 et (UE) n 1095/2010 en ce qui concerne les compétences de l’Autorité européenne des marchés financiers et de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (ci-après, directive « Omnibus II »). Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice. P. P, « Les garanties à long terme des assureurs dans la proposition de directive “Omnibus II” adoptée par le Parlement européen », préc.

la collecte, la publication et l’actualisation des informations techniques relatives à la courbe des taux d’intérêt sans risque.

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A. Informations techniques et rôle de l’EIOPA Sur le plan de la collecte de données, l’EIOPA constitue désormais un organisme central dans la collecte, la publication et l’actualisation des informations techniques relatives à la courbe des taux d’intérêt sans risque(5). Ces informations techniques, élaborées et publiées par l’EIOPA, serviront ensuite de base pour la Commission lorsqu’elle prendra position, par le biais d’actes délégués, sur la fixation des courbes des taux d’intérêt sans risques pertinents pour calculer la meilleure estimation, des marges de base pour le calcul de l’ajustement égalisateur et des corrections pour volatilité(6). C’est enfin à l’EIOPA qu’il reviendra, pour atténuer d’éventuels effets procycliques et autoriser une prolongation du délai de rétablissement en cas de non-respect du capital de solvabilité requis (CSR), de déclarer l’existence d’une situation défavorable exceptionnelle(7). Pour garantir l’harmonisation des données techniques nécessaires au calcul du CSR selon la formule standard, la directive « Omnibus II » souligne également la nécessité d’une collaboration avec l’ESMA (European Securities and Markets Authority), en matière d’utilisation de notations notamment : sur la question des agences de notation, l’EIOPA est invitée à faire un usage optimal des compétences et de l’expérience de l’ESMA et, afin d’organiser au mieux cette harmonisation, la directive souligne la nécessité de donner en ce domaine un rôle au comité mixte des autorités de surveillance(8).

B. Régime des décisions d’équivalence Outre les problèmes posés par la collecte et l’uniformisation des données techniques nécessaires à la mise en œuvre de la directive « Solvabilité II », une question essentielle consiste dans la détermination de l’équivalence des régimes prudentiels et des régimes de solvabilité des pays tiers, destinée à encourager la convergence internationale en faveur de régimes prudentiels et de solvabilité basés sur le risque. C’est à la Commission qu’il revient, par des actes délégués, de se prononcer sur l’équivalence des régimes des pays tiers(9). La directive « Omnibus II » rappelle que la Commission doit à cet égard tenir compte des évolutions internationales, et en particulier de l’élaboration en cours, par l’Association internationale des contrôleurs d’assurance, d’une norme mondiale basée sur le risque(10). Ces décisions d’équivalence constituent un 5. 6. 7. 8. 9. 10.

Directive « Omnibus II », cons. (29). Directive « Omnibus II », cons. (33). Directive « Omnibus II », cons. (35) et cons. (42). Directive « Omnibus II », cons. (40). Directive « Omnibus II », cons. (45). V., par ex., IAIS, Insurance Capital Standard (ICS) Principles, 12 septembre 2014 : http://www.iaisweb.org/db/ content/1/23178.pdf.

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enjeu important dans l’encadrement des entreprises d’assurance et de réassurance : elles signifient que des entreprises de pays tiers, qui relèvent de législations considérées comme équivalentes à la législation européenne, sont dispensées d’agrément et bénéficient d’un régime allégé. La Commission peut ainsi décider que le régime prudentiel ou de solvabilité d’un pays tiers est pleinement ou temporairement(11) équivalent(12). Le régime de ces décisions d’équivalence présente un enjeu stratégique non négligeable, puisqu’il s’agit d’ouvrir le marché européen de l’assurance aux entreprises de pays tiers(13). Or on peut noter que la directive « Solvabilité II », telle qu’elle résulte de la directive « Omnibus II », ne subordonne pas la décision d’équivalence à l’égard d’un pays tiers à une condition de réciprocité.

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L’un des objectifs de la directive « Omnibus II » est de faciliter la mise en œuvre de la directive « Solvabilité II », en simplifiant l’adoption de ses mesures d’encadrement.

11. V. article 227 nouveau de la directive « Solvabilité II ». Selon l’article 277, § 6, la période initiale d’équivalence provisoire est de dix ans. Elle suppose la réunion de critères cumulatifs visés à l’article 227, § 5 : « a) il peut être démontré qu’un régime de solvabilité susceptible d’être jugé équivalent est déjà en place ou peut être adopté et appliqué par le pays tiers ; b) le pays tiers a instauré un régime de solvabilité fondé sur les risques et défini des exigences de solvabilité quantitatives et qualitatives, ainsi que des exigences relatives à la communication d’informations aux fins du contrôle et à la transparence ; c) le droit du pays tiers permet, en principe, de collaborer et d’échanger des informations confidentielles en matière de contrôle avec l’EIOPA et les autorités de contrôle ; d) le pays tiers a instauré un système de contrôle indépendant ; et e) le pays tiers a prévu des obligations de secret professionnel pour toutes les personnes agissant au nom de ces autorités de contrôle ». 12. Directive « Omnibus II », cons. (45) à (48). V. article 227, § 5 nouveau, de la directive « Solvabilité II ». 13. T. B, « Les entreprises des États tiers et le marché européen bancaire et financier », R.D.B.F., 2013, étude 11.

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III. Régulation assurantielle

Au-delà du contenu, quelques remarques concernent le processus d’élaboration des actes non législatifs, précisé par la directive « Omnibus II ».

II. Le processus d’élaboration des actes non législatifs L’un des objectifs de la directive « Omnibus II » est de faciliter la mise en œuvre de la directive « Solvabilité II », en simplifiant l’adoption de ses mesures d’encadrement. À cette fin, elle renvoie aux actes législatifs de niveau 2 et précise leur articulation entre eux(14). Pour accélérer la mise en œuvre de la directive « Solvabilité II », elle précise notamment que la Commission européenne est autorisée, dans le cadre de cette directive et pour une période transitoire, à adopter les normes techniques de réglementation selon la procédure prévue pour l’adoption d’actes délégués(15). Pour rappel, les actes délégués, conformément à l’article 290 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE), sont définis comme « des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l’acte législatif ». S’agissant d’un acte délégué, la Commission européenne adopte son projet sans faire nécessairement appel à l’EIOPA : le projet est en effet préparé par la Commission européenne, à l’aide principalement d’experts et, éventuellement seulement, en sollicitant l’avis de l’autorité de régulation. La procédure est donc différente de celle prévue pour les normes techniques de réglementation, qui impose que le projet soit préparé conjointement par la Commission européenne et l’EIOPA. Qu’il s’agisse d’actes délégués ou de normes techniques de réglementation, le Parlement européen et le Conseil ont un droit de regard, puisqu’ils peuvent révoquer la délégation confiée à la Commission et ont en outre un droit d’objection à l’égard des actes adoptés sur le fondement de l’article 290 TFUE(16). 14. Sur la procédure d’adoption et l’articulation entre eux des actes non législatifs de niveau 2, v. la note très éclairante de R. V, « Les compétences de la Commission et de l’Autorité européenne des marchés financiers dans l’élaboration de la législation financière européenne », R.D.B.F., 2012, étude 12. 15. Directive « Omnibus II », cons. (16). 16. Pour les normes techniques de réglementation, articles 12 et 13 du règlement (UE) n 1094/2010.

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Une fois la période transitoire expirée, la Commission européenne devra procéder à nouveau par l’adoption de normes techniques de réglementation. La directive « Omnibus II » précise ensuite que ces actes délégués pourront être mis à jour par l’EIOPA, à l’issue d’une période transitoire de deux ans, sous la forme de normes techniques de réglementation, dès lors que ces mises à jour sont limitées aux aspects techniques des actes délégués concernés et n’impliquent pas de décisions stratégiques ou de choix politiques(17). Dans cette hypothèse, la Commission doit s’assurer d’une transmission simultanée, en temps utile et appropriée, au Parlement européen et au Conseil, des informations sur la portée de ces projets de normes techniques de réglementation. Outre cette modification temporaire dans le mode d’élaboration du droit, circonscrite à la mise en œuvre de la directive « Solvabilité II », la directive « Omnibus II » modifie l’article 13, paragraphe 1, alinéa 2, du règlement (UE) n 1094/2010, qui institue l’EIOPA, relatif aux objections à l’égard des normes techniques de réglementation, et étend le délai éventuel pendant lequel le Parlement européen et le Conseil peuvent les formuler. Selon la nouvelle rédaction du texte : « Si la Commission adopte une norme technique de réglementation qui est identique au projet de norme technique de réglementation soumis par l’Autorité, la période pendant laquelle le Parlement européen et le Conseil peuvent formuler des objections est d’un mois à compter de la date de notification. À l’initiative du Parlement européen et du Conseil, ce délai est prolongé d’un mois. Ce délai prolongé peut être de nouveau prolongé d’un mois à l’initiative du Parlement européen et du Conseil ». La nouvelle directive « Omnibus II » doit être transposée au plus tard le 31 mars 2015 et doit être appliquée à compter du 1 janvier 2016. La mise en œuvre de la directive « Solvabilité II » est donc bel et bien en marche.

17. Directive « Omnibus II », cons. (17). L’exclusion des choix stratégiques et politiques est conforme au domaine des normes techniques de réglementation. V. article 10, § 1, alinéa 2, du règlement (UE) n 1094/2010 : « Les normes techniques de réglementation sont de caractère technique, n’impliquent aucune décision stratégique ni aucun choix politique et leur contenu est délimité par des actes législatifs sur lesquels elles sont basées ». Sur la difficulté à circonscrire cette définition : R. V, « Instauration de l’Autorité européenne des marchés financiers et élaboration des normes techniques », R.T.D.F., 3/2010, p. 64, spéc. p. 65.

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III.A. Régulation européenne

RÉGIMES DE RETRAITE : ADOPTION D’UN RÈGLEMENT D’EXÉCUTION DE LA DIRECTIVE IRP CONCERNANT LA TRANSMISSION DES DISPOSITIONS NATIONALES DE NATURE PRUDENTIELLE RELATIVE AUX RÉGIMES DE RETRAITE

Chroniques

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PROFESSIONNELLE

Jérôme C Maître de conférences à l’Université Paris II

La Commission a adopté le 16 juin dernier un règlement d’exécution de la directive 2003/41/CE dite « IRP »(1) qui présente une importance certaine, compte tenu de son objet(2). Ce texte comprend, sous forme de tableau annexé aux dispositions du règlement, le modèle selon lequel les autorités compétentes doivent transmettre à l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) « les informations concernant les dispositions prudentielles nationales, la première fois dans les six mois suivant l’entrée en vigueur du présent règlement, puis, une fois par an, au plus tard le 30 juin de chaque année civile postérieure à l’année au cours de laquelle a pris fin cette période de six mois », aux termes de l’article 1, paragraphe 1. Les paragraphes 2 et 3 précisent que la première transmission porte sur les dispositions en vigueur à la date d’entrée en vigueur du règlement, tandis que les transmissions annuelles successives portent sur les dispositions prudentielles nationales en vigueur au 1 mars de chaque année civile, les autorités nationales restant libres de transmettre à l’AEAPP les informations mises à jour relatives aux dispositions en vigueur. Il était en effet revenu à l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2010/78/UE(3) d’ajouter à l’article 20 de la di1.

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Directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle J.O.C.E. n L 235 du 23 septembre 2003, p. 0010, modifiée en dernier lieu par l’article 62 de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n 1060/2009 et (UE) n 1095/2010. Règlement d’exécution 643/2014 du 16 juin 2014 définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne la transmission des dispositions nationales de nature prudentielle relatives aux régimes de retraite professionnelle conformément à la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil. Directive 2010/78/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 modifiant les directives 98/26/CE, 2002/87/CE, 2003/6/CE, 2003/41/CE,

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rective « IRP » un paragraphe 11 aux termes duquel : « Les États membres communiquent à l’AEAPP leurs dispositions nationales de nature prudentielle relatives aux régimes de retraite professionnelle qui ne sont pas couvertes par la référence aux dispositions nationales du droit social et du droit du travail figurant au paragraphe 1(4) ». Cet ajout comportait en outre une obligation à la charge des États de mettre à jour ces informations et donnait compétence à l’AEAPP pour élaborer les normes techniques d’exécution, qu’il appartenait à la commission d’adopter, conformément à l’article 15 du règlement (UE) n 1094/2010(5). On l’a dit, le règlement présente pour l’essentiel sous forme de tableau une présentation de l’ensemble des paramètres qui devront figurer au nombre des informations à transmettre par les autorités compétentes. Les différentes rubriques suivent ainsi l’ordre des principales dispositions de la directive « IRP » et concernent : les activités des institutions concernées (article de la directive) ; la séparation juridique entre les entreprises d’affiliation et les institutions de retraite professionnelle (article 8) ; les conditions de fonctionnement (article 9) ; les comptes et rapports annuels (article 10) ; les déclarations relatives aux principes fondant la politique de placement (article 12) ; les informations à fournir aux autorités compétentes (article 13) ; aux pouvoirs d’intervention et devoirs des autorités compétentes (article 14) ; aux provisions techniques et à leurs règles de placement (articles 15 et 16) ; aux fonds propres régle-

4.

5.

2003/71/CE, 2004/39/CE, 2004/109/CE, 2005/60/CE, 2006/48/CE, 2006/49/CE et 2009/65/CE en ce qui concerne les compétences de l’Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), l’Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) et l’Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers). Cette importante réserve faite à l’égard des règles de droit social et de droit du travail découle de la délimitation du domaine de compétence attribué à l’autorité de surveillance en vertu de l’article 1, § 4, du règlement (UE) n 1094/2010 aux termes duquel : « En ce qui concerne les institutions de retraite professionnelle, l’Autorité agit sans préjudice du droit national du travail et en matière sociale ». Règlement (UE) n 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), modifiant la décision n 716/2009/CE et abrogeant la décision n 2009/79/CE de la Commission.

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III. Régulation assurantielle

mentaires et règles de placement (articles 17 et 18), ainsi qu’aux règles applicables à la gestion et à la conservation des actifs (article 19). Les mentions à remplir sont identiques quelle que soit la rubrique. Il appartient ainsi à l’autorité compétente d’indiquer « intitulé et numéro officiels des actes ou autres instruments pertinents, y compris le titre et le numéro des articles et sections pertinents, le cas échéant » ainsi qu’un ou des « hyperlien(s) vers le texte intégral de la (des) disposition(s) » en cause. Le règlement comporte une « rubrique balai », en application de son article 2, paragraphe 2, qui vise les dispositions prudentielles non couvertes par la liste inscrite dans le tableau principal.

Du point de vue des institutions européennes, l’uniformité des modalités de transmission de l’information n’est jamais

une fin en soi.

La finalité du dispositif paraît en réalité double. À un premier niveau, explicité au considérant 2 du règlement, le texte fournit à l’AEAPP un instrument pour « mettre à disposition, sur son site internet, les informations transmises conformément au présent règlement, afin de créer au niveau de l’Union une source d’information centralisée sur les dispositions prudentielles nationales ». Si l’on conviendra que la mise en

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place d’une telle base de données européenne du droit des États membres peut être utile aux opérateurs, du point de vue des institutions européennes, l’uniformité des modalités de transmission de l’information n’est jamais une fin en soi. Une finalité plus lointaine ou, à tout le moins, une virtualité d’exploitation des données résultant de l’application du règlement, paraît être de faciliter la tâche du régulateur européen, dans sa mission de contrôle de la mise en œuvre des mesures adoptées dans les différents États. Il convient en effet de rappeler qu’il rentre dans la compétence de l’AEAPP de contribuer à la création de normes et de pratiques communes de grande qualité en matière de réglementation et de surveillance, notamment en fournissant des avis aux institutions de l’Union et en élaborant des orientations, des recommandations et des projets de normes techniques de réglementation et d’exécution, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement (UE) n 1094/2010. Modeste dans sa prétention uniformisatrice, qui semble se limiter à la mise en forme et en ordre de l’exposé des droits nationaux, le règlement constitue en lui-même un puissant outil de contrôle du niveau d’harmonisation effectif des droits des États membres et, à n’en pas douter, une inestimable base de données pour l’autorité de surveillance et, par voie de conséquence, pour le législateur européen, à l’heure d’un prochain examen par le Parlement d’une proposition de refonte de la directive IRP par la Commission le 27 mars dernier(6). Après la directive d’harmonisation maximale, le « règlement d’exécution d’uniformisation formelle » sera à n’en pas douter source d’informations utiles en cette fin d’année 2014 pour permettre au Parlement de nourrir un regard éclairé sur le texte de refonte des institutions de retraite professionnelle qui lui sera soumis. Il convient, en somme, de garder à l’esprit que, dans la construction permanente qu’est le droit européen des services financiers, même les mesures d’exécution peuvent contenir des éléments nécessaires à une évolution ultérieure du dispositif. 6.

27 mars 2014, COM(2014) 167 final, v. nos observations dans cette Revue, R.I.S.F., 3/2014, pp. 79-81.

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III.A. Régulation européenne

TRAVAUX DE L’EIOPA

RAPPORT DE L’AEAPP SUR LES SITUATIONS PRÉJUDICIABLES AUX MEMBRES ET BÉNÉFICIAIRES DE RÉGIME PROFESSIONNEL DE RETRAITE – ILLUSTRATION

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DE LA « SURVEILLANCE SECTORIELLE ACTIVE » DANS LE DOMAINE DES RÉGIMES DE RETRAITE

Jérôme C Maître de conférences à l’Université Paris II Au nombre des compétences énumérées par le règlement (UE) n 1094/2010(1), il appartient à l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP ou EIOPA) de favoriser la protection des assurés, des affiliés aux régimes de retraite et des bénéficiaires, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, h). De façon plus précise, l’autorité de surveillance est tenue d’accomplir certaines tâches relatives à la protection des consommateurs et aux activités financières dont la teneur est précisée à l’article 9 du règlement. Au titre de ces tâches, l’article 9 distingue l’activisme de la surveillance stricto sensu. D’une part, aux termes de l’article 9, paragraphe 1, l’autorité « assume un rôle prépondérant dans la promotion de la transparence, de la simplicité et de l’équité sur les marchés des produits et services, dans l’ensemble du marché intérieur, notamment en : a) recueillant, analysant et rapportant les tendances de consommation ; b) évaluant et coordonnant des initiatives d’éducation et d’initiation financières prises par les autorités compétentes ; […] d) contribuant au développement de règles communes en matière d’information ». Le paragraphe 2 poursuit, d’autre part, en énonçant que « l’Autorité exerce une surveillance sur les activités financières existantes et nouvelles et peut adopter des orientations et des recommandations en vue de promouvoir la sécurité et la santé des marchés et la convergence des pratiques réglementaires ». Le rapport de l’AEAPP du 27 juin 2014(2) s’inscrit au confluent de cette double compétence du superviseur européen. Mise en œuvre d’une sorte de principe 1.

2.

Règlement (UE) n 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), modifiant la décision 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/79/CE de la Commission. Accessible uniquement en anglais sous l’intitulé Report on issues leading to detriment of occupational pension scheme members and beneficiaries and potential scope of action of EIOPA, à l’adresse suivante : https://eiopa. europa.eu/fileadmin/tx_dam/files/publications/reports/ 8_1__EIOPA-BoS_-14-071_Report_on_Issues_leading_ to_detriment_of_pension_scheme_members.pdf.

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d’activisme dans la détermination de sa compétence ou de « compétence-compétence » au niveau des autorités de régulation, ce rapport constitue autant un état des lieux qu’une justification transparente par le régulateur de ses conditions d’intervention sur des questions nouvelles au regard du contexte d’application des régimes de retraite professionnelle.

Ce rapport constitue autant un état des lieux qu’une justification transparente par le régulateur de ses conditions d’intervention sur des questions nouvelles.

Le rapport tire d’abord le constat d’un paradoxe entre la prise de conscience par les salariés des difficultés économiques ayant une incidence sur la détermination de leur retraite et leur tendance à retarder toujours davantage les décisions sur le sujet. Les facteurs à l’origine d’une telle situation identifiés par l’AEAPP tiennent principalement à une insatisfaction relative à la gouvernance des institutions de retraite professionnelle, à la mauvaise qualité de l’information transmise aux souscripteurs, à un manque de convergence des législations au détriment des souscripteurs au titre de la reconnaissance des droits acquis à la retraite dans le cadre des activités professionnelles réalisées à l’étranger, ainsi que

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de leur manque d’éducation financière pour bien comprendre les régimes de retraite. Par ce rapport, l’AEAPP s’assigne donc comme objectif de permettre aux souscripteurs potentiels d’adopter des démarches actives dans le choix d’un régime de retraite et l’anticipation du montant de leur retraite, dans le cadre des règles définissant sa compétence qui ont été rappelées. En suivant l’ordre du texte, au détail duquel on renverra le lecteur, il faut souligner en premier lieu la place accordée à la gouvernance. Le rapport en souligne l’importance au triple égard de la détermination des cotisations, de la détermination du meilleur investissement possible aux affiliés (value for money) et de la formation et de la compétence des professionnels du secteur. Alors que la récente proposition de refonte de la directive « IRP »(3) révèle l’importance de la gouvernance du point de vue de l’institution, le rapport se place du point de vue de l’affilié. L’extension de son champ d’intervention par l’AEAPP concerne ainsi davantage la « gouvernance opérationnelle », en complément de l’amélioration de la « gouvernance structurelle », prise en charge dans la proposition par la Commission. En second lieu, l’AEAPP suggère de remédier au manque de convergence entre les droits des États sur le terrain de la reconnaissance des droits à la retraite acquis à l’étranger par l’élaboration d’un rapport sur les meilleures pratiques observées sur le marché et entre les États membres. Le benchmark réglementaire doit ainsi aboutir à déterminer un futur régime harmonisé de reconnaissance des droits à la retraite acquis à l’étranger au sein du marché intérieur. En troisième lieu, le rapport constate l’insuffisance de l’information communiquée aux affiliés, au triple égard de son contenu, de son mode de communication et des possibilités de comparaison offertes à l’employeur dans le choix du régime de retraite proposé. L’AEAPP entend, là encore, recourir à la méthode du benchmark des bonnes pratiques, mais anticipe, en outre, l’adoption de la future directive « IRP II » en suggérant d’être consultée dans le cadre de l’adoption des actes délégués sur le relevé des droits à la retraite qui relèveront de la compétence de la Commission en vertu de l’article 54. Enfin, au titre de l’éducation financière des affiliés actuels ou potentiels aux régimes de retraite, l’autorité de supervision suggère la mise à jour du site internet sur 3.

104

27 mars 2014, COM(2014) 167 final, v. nos observations dans cette Revue, R.I.S.F., 3/2014, pp. 79-81.

les initiatives d’éducation financière dans les différents pays avec des informations relatives aux régimes de retraite ainsi que l’inclusion dans son propre site consacré aux consommateurs(4) d’une entrée fournissant une information de base sur les régimes de retraite. Cette mise à jour des informations doit être complétée par une activité de collecte et d’analyse de données relatives au comportement des consommateurs et de surveillance des innovations financières.

Le rôle d’autorité de supervision paraît indissociable de celui d’agent de la promotion des bonnes pratiques.

En guise de conclusion, il apparaît que, sous des dehors modestes, le rapport de l’AEAPP contient des pistes d’évolution de la réglementation applicable aux régimes de retraite d’une grande richesse(5), qui invitent à s’interroger sur la nature de son intervention, au titre des missions qui sont les siennes. Le rôle d’autorité de supervision paraît indissociable de celui d’agent de la promotion des bonnes pratiques. Des constats d’insuffisance découlent les nécessités d’intervention. Dans le domaine de compétence qui lui est reconnu, l’autorité de supervision paraît vouée à déterminer ellemême les sujets qui en relèvent. Le système européen de surveillance financière fait des autorités sectorielles des acteurs essentiels de la politique juridique de l’Union, ce qui renforce la transparence des modes d’élaboration de la norme, mais accroît la confusion lorsqu’il s’agit d’embrasser l’ensemble des évolutions du droit positif. 4.

5.

Accessible à l’adresse suivante : https://eiopa.europa.eu/ activities/consumer-protection-and-financialinnovation/consumer-lounge/index.html. À l’exception, peut-être, de ce marronnier du dispositif relatif aux services financiers que constitue l’amélioration de l’éducation financière des investisseurs et souscripteurs…

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III.B. Régulation internationale DIALOGUE TRANSATLANTIQUE ET ASSURANCE Adrien T Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de Montpellier Centre du droit de l’entreprise

Le projet était d’améliorer la surveillance des entreprises

En janvier 2012, la Commission européenne et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA, selon l’acronyme anglais) se sont accordées avec des organisations américaines du secteur de l’assurance pour enrichir le dialogue transatlantique. Tirant les conséquences de la crise financière, qui a manifestement mis davantage encore en lumière l’importance de la coopération internationale entre régulateurs(1), et sur fond de révision de part et d’autre de l’Atlantique des exigences en matière de solvabilité des compagnies d’assurance, le projet était d’améliorer la surveillance des entreprises d’assurance et de réassurance, de renforcer la protection des assurés, mais aussi de favoriser les opportunités d’affaires, par exemple en assouplissant les conditions d’accès au marché américain pour les réassureurs européens. Le plan d’action quinquennal alors rédigé en complément d’un rapport publié en décembre 2012(2) a été mis à jour cet été(3). Il reprend en substance les sept sujets identifiés dès 2012 comme étant d’une particulière importance, à savoir (i) le secret professionnel et la confidentialité des informations échangées, (ii) la surveillance des groupes d’assurance, (iii) les exigences prudentielles, (iv) la question de la constitution de garanties dans les opérations de réassurance, (v) l’analyse de données communiquées par les assureurs sur leur situation financière, (vi) les revues par les pairs, et (vii) un dernier point relatif notamment aux contrôles sur place menés par les contrôleurs d’assurance. Dans sa version du 3 juillet 2014, le plan ajoute de nouveaux objectifs, dont il sera fait état plus loin, étant précisé que ces objectifs doivent être atteints avant la fin de l’année. Les quatre premiers points retiendront ici l’attention. 1.

2.

3.

En ce sens, la National Association of Insurance Commissioners aux États-Unis, qui regroupe les régulateurs nationaux des différents États fédérés, http://www.naic. org/cipr_topics/topic_euus_project.htm. EU-U.S. Dialogue Project. Technical Committee Reports. Comparing Certain Aspects of the Insurance Supervisory and Regulatory Regimes in the European Union and the United States, décembre 2012. https://eiopa.europa.eu/fixed-width/publications/ protocols/index.html.

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d’assurance et de réassurance, de renforcer la protection des assurés, mais aussi de favoriser les opportunités d’affaires.

Secret professionnel et confidentialité. Si l’échange international d’informations entre autorités de régulation est aujourd’hui crucial pour l’accomplissement des missions confiées à ces autorités, il s’agit également d’un exercice particulièrement sensible en raison des informations échangées. Les régulateurs doivent donc être autorisés à se communiquer des informations, sans que cela ne constitue une violation de dispositions relatives au secret professionnel ou sans que n’y fassent obstacle des textes nationaux spécifiques, comme la loi n 68-678 du 26 juillet 1968 en France, connue sous le nom évocateur de « loi de blocage ». Outre les dispositions législatives nationales et européennes qui permettent, voire imposent, une telle coopération, des accords internationaux d’échange d’informations, bilatéraux ou multilatéraux, sont souvent signés pour en faciliter la mise en œuvre concrète, ce qui évite de s’interroger sur les possibilités et conditions de coopération sans accord. C’est ce type d’accord que mentionne le plan ici commenté. Les différents régulateurs d’assurance américains et européens sont ainsi invités à faciliter la circulation d’informations d’une rive à l’autre de l’Atlantique, d’abord en signant tous l’accord d’échange d’informations rédigé sous l’égide de l’IAIS, l’association internationale des contrôleurs d’assurance, ensuite en s’assurant de l’efficacité des accords bilatéraux déjà en vigueur, enfin en réfléchis-

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sant d’ici à la fin de l’année 2014 à l’opportunité d’un traité bilatéral transatlantique qui favoriserait encore l’échange d’informations confidentielles.

Si l’objectif principal des règles d’ordre prudentiel – protéger les assurés – est partagé, il est constaté que le cadre réglementaire n’est pas défini dans les mêmes termes en Europe et aux États-Unis.

Surveillance des groupes d’assurance. La supervision des groupes d’assurance internationaux est un sujet de préoccupation des régulateurs comme en témoignent le présent document ainsi que les travaux en cours de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance sur l’élaboration d’un cadre commun pour la surveillance des groupes d’assurance internationaux. La surveillance de ces groupes présente en effet de réels défis, qui sont autant d’objectifs que se sont fixés l’Europe et les États-Unis : répartir clairement les tâches et les responsabilités entre régulateurs, élaborer des procédures efficaces de supervision ou encore adopter une approche d’ensemble, complémentaire d’une approche individuelle de chaque entité composant le groupe d’assurance. Si la coopération entre régulateurs est ici encore une des clés d’une surveillance efficace des groupes, l’idée est d’aller plus loin en harmonisant des règles substantielles applicables aux groupes d’assurance. Par exemple, la directive européenne 2009/138 dite « Solvabilité 2 » prévoit que les États membres exigent des sociétés holdings d’assurance qu’elles publient annuellement un rapport sur la solvabilité et la situation financière au niveau du groupe (article 256). Bien qu’une obligation similaire existe également en droit américain, en application des règles en vigueur dans les États fédérés, le document de décembre 2012 mentionné plus haut signale des différences dans la mise en œuvre de ces exigences. Aussi, dans le cadre du dialogue entrepris entre Europe et États-Unis, l’invitation à harmoniser le contenu de ces rapports, lancée en 2012, est maintenue. Toutefois, les parties au dialogue transatlantique sont invitées avant la fin de l’année 2014 à réfléchir à l’utilité de conclure 106

un covered agreement pour atteindre les objectifs plus généraux énoncés(4). Exigences prudentielles. Des difficultés similaires existent ici. S’il est souligné que l’objectif principal des règles d’ordre prudentiel – protéger les assurés – est partagé, il est constaté que le cadre réglementaire devant permettre aux assureurs de faire face aux risques auxquels ils peuvent être exposés, n’est pas défini dans les mêmes termes en Europe et aux États-Unis(5). Les travaux en cours de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance en matière d’exigences minimales de fonds propres ou de capacité d’absorption du risque(6) doivent servir à alimenter des échanges de vues entre les régulateurs. Ceux-ci doivent par ailleurs continuer de travailler ensemble pour affiner l’évaluation des risques et les exigences requises en termes de solvabilité pour faire face à ces risques, en harmonisant les approches européennes et américaines notamment quant au type et au niveau de risque pris en compte. Réassurance et garanties. Le sujet fait l’objet sur le site de la Commission européenne d’une fiche classée dans une rubrique concernant les barrières commerciales, transatlantiques ici(7). Il s’agit manifestement d’une question sensible à propos de laquelle le document commenté invite l’Europe et les États-Unis à entamer d’ici à la fin de l’année les premières discussions en vue de la conclusion d’un covered agreement. Pour le reste, la formulation des objectifs suggère que la balle est dans le camp des États-Unis. Il apparaît en effet que les lois en vigueur dans un certain nombre d’États fédérés prévoient que le transfert de risques d’assureurs américains à des réassureurs non américains ne sera pris en compte d’un point de vue prudentiel dans les comptes des assureurs que si les réassureurs étrangers constituent au profit de ceux-ci des garanties, qui peuvent représenter jusqu’à 100 % des engagements réassurés(8). Aussi est-il question de poursuivre les efforts faits par la National Association of Insurance Commissioners 4.

5. 6.

7. 8.

« e term “covered agreement” means a written bilateral or multilateral agreement regarding prudential measures with respect to the business of insurance or reinsurance that— (A) is entered into between the United States and one or more foreign governments, authorities, or regulatory entities ; and (B) relates to the recognition of prudential measures with respect to the business of insurance or reinsurance that achieves a level of protection for insurance or reinsurance consumers that is substantially equivalent to the level of protection achieved under State insurance or reinsurance regulation » (Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protect Act, 2010). EU-U.S. Dialogue Project. Technical Committee Reports, préc., pp. 47 et s. Par ex. IAIS, Basic Capital Requirements for Global Systemically Important Insurers, document mis en consultation le 9 juillet 2014, http://www.iaisweb.org/view/ element_href.cfm?src=1/22594.pdf. http://madb.europa.eu/madb/barriers_details.htm? barrier_id=060127&version=9. Site précité et EU-US EU-U.S. Dialogue Project. Technical Committee Reports, préc., p. 79.

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en 2011 afin que les États fédérés assouplissent leurs exigences en la matière et que soit préférée une approche basée sur les risques. Si la NAIC invite à ce jour ces États à déterminer le montant des garanties exigées en fonction du pays du réassureur et de la notation de ce dernier, et si le rapport annuel de l’Office fédéral de l’assurance, publié fin septembre, témoigne de l’intention du Trésor de conclure un covered agreement en s’appuyant sur les propositions de la NAIC(9), il n’est pas sûr que cela suffise à répondre aux attentes de la Commission européenne(10). 9.

Federal Insurance Office, U.S. Department of the Treasury, Annual Report on the Insurance Industry, septembre 2014, p. 47, http://www.treasury.gov/initiatives/ fio/reports-and-notices/Documents/2014_Annual_ Report.pdf. 10. « e elimination of the collateral requirement is a key request which the EU pursues in the regulatory dialogues with the US » peut-on lire sur le site précité mis à jour au mois de mai dernier.

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L’impression d’ensemble est finalement celle d’un plan très ambitieux qui va bien au-delà d’un simple échange d’expériences entre régulateurs du monde de l’assurance, même si un tel échange en fait naturellement partie intégrante. Il est aussi question, cela a été dit, de favoriser les opportunités d’affaires, d’harmoniser les approches, voire d’unifier le contenu de certaines règles applicables. Si la démarche est digne d’intérêt, les objectifs fixés seront-ils tous atteints avant la fin de l’année 2017, mentionnée dans le plan de 2012 et maintenue dans la mise à jour commentée ? Une comparaison du plan de décembre 2012 et de celui de juillet 2014 permet de constater que leurs contenus respectifs demeurent très similaires, signe peut-être de ce que les avancées ne sont pas significatives à ce jour. Fixer des objectifs intermédiaires avec pour échéance la fin de l’année 2014 laisse en tout cas penser qu’il y a une volonté d’accélérer les choses. Joindre le geste à la parole en somme.

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IV. Régulation intersectorielle Chronique sous la direction de Anne-Dominique M Maître de Conférences, HDR Directrice du Master 2 Droit pénal financier Université de Cergy-Pontoise

Avec la collaboration de

Martin H Étudiant en LL.M. à l’Université de Columbia

Une approche intersectorielle de la régulation en matière financière est désormais la règle : les différents domaines de la banque, de l’assurance et des activités de marché sont de moins en moins hermétiques les uns par rapport aux autres, ce qui a une incidence croissante sur les règles qui leur sont applicables. Trouvant leurs sources dans de nombreux horizons juridiques et professionnels, ces règles constituent un vaste ensemble de normes de régulation, dont la réglementation n’est que l’un des aspects. L’actualité est particulièrement foisonnante de projets de textes, mais aussi de décisions sur des aspects aussi variés que le gel des avoirs et des embargos…

Cross-sector based approach of financial regulation has become the rule: the various banking, insurance, and market activities are less and less hermetic from each other, which has an increasing impact on rules applicable to them. Those rules stem from diverse legal and professional sources, of which “pure” regulation is only one aspect. The last few months have been filled with draft legislations but also judicial decisions on many various issues such freezing of financial assets…

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IV.A. Intégrité du marché

IV.A. Intégrité du marché THE SAC CAPITAL AFFAIR: A USER MANUAL TO UNDERSTAND INSIDER TRADING PROSECUTION IN THE UNITED STATES Martin H LL.M. Candidate at Columbia Law School

On 8 September 2014, a former hedge fund manager was sentenced to nine years in jail and was ordered to pay a forfeiture penalty of $ 9.3 million for what the U.S. federal prosecutor in charge of the case called “the most lucrative insider trading scheme ever charged”.(1) is case is just part of a much broader and more complicated insider trading affair involving directly or indirectly his employer, SAC Capital. Studying it as a whole offers a very good illustration of means, tactics and strategies used by the U.S. Department of Justice (DOJ) and the Securities and Exchange Commission (SEC) to prosecute insider traders (I). Such a study provides valuable lessons, even for European companies and individuals (II).(2)

I. A “coercive encirclement strategy” On 17 November 2009, President Obama established a Financial Fraud Enforcement Task Force (FFETF) to “investigate and prosecute significant financial crimes and other violations relating to the current financial crisis and economic recovery efforts, recover the proceeds of such crimes and violations, and ensure just and effective punishment of those who perpetrate financial crimes and violations”. Chaired by the Attorney General, the FFETF is composed of U.S. federal attorneys, officials from federal agencies, etc.(3) Even though the 1.

2.

3.

Press release of the U.S. Attorney’s office for the Southern District of New York, SAC Capital Portfolio manager Mathew Martoma sentenced in Manhattan Federal Court to nine years for insider trading, 8 September 2014. is paper neither aims at explaining comprehensively all this affair’s facts, proceedings, and legal issues nor analyzing in detail insider trading American case law. For an exhaustive presentation of the latter, see E. R, “La définition fluctuante du manquement d’initié en droit américain”, Revue de Droit bancaire et financier, No. 3, Mai 2014, étude 13. White House – Office of the Press Secretary, Executive Order 13519, 17 November 2009.

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present case has little do with the financial crisis, the FFETF played a great role in its outcome. SAC Capital was a very important American hedge fund with $16 billion of assets under management in 2008(4). Its founder, Mr. Cohen, is one of the most famous hedge fund managers in the United States. Aer several years of joint-investigations led by the DOJ and the SEC with the help of the Federal Bureau of Investigation (FBI) – later coordinated by the FFETF –, the investigators were convinced that several employees of the company regularly traded or recommended to trade on the basis of inside information. But instead of directly prosecuting SAC Capital and its owner, the DOJ chose to prosecute eight of SAC Capital’s former or current portfolio managers on different counts, including insider trading. e DOJ’s objective was to offer them the opportunity to plead guilty for lower sentences and to make them cooperate in order to target the “big fishes”: SAC Capital itself, and Mr. Cohen. Between 2009 and 2012, six of them pleaded guilty while the two other, Mr. Steinberg and Mr. Martoma, refused to do so. By refusing to recognize their guilt and cooperate, they went to trial. On 19 July 2013, the SEC administratively charged Mr. Cohen alleging that he “failed reasonably to supervise two of his senior employees, who engaged in insider trading under his watch”.(5) On 25 July 2013, four management companies belonging to the SAC Capital group were charged on different counts including insider trading(6) and, at the same time, a civil complaint was brought to seek forfeiture of their assets allegedly involved in laundering the proceeds of insider trading offences.(7) e U.S. federal prosecutor in charge of the case, Mr. Bharara, stated: “the SAC Hedge Fund operated as a collection of dozens of individual trading portfolios that covered nearly every trading sector of the economy. Each portfolio was headed up by a portfolio manager (PMs) (…) SAC PMs had substantial discretion in managing the investments in their own portfolios, and were required by the SAC Companies to share the investment recommendations in which they had the greatest confi4. 5. 6. 7.

Bloomberg – Business Week, Why SAC Capital’s Steven Cohen isn’t in jail, 2 January 2014. S. A. C, Investment Advisers Act Release, No. 3634, Admin. Proc. File No. 3-15382 (19 July 2013). Indictment, United States v. S.A.C. Capital Advisors, L.P. et al., 13 Crim 541 (S.D.N.Y. 25 July 2013). Forfeiture complaint, United States v. S.A.C. Capital Advisors, L.P. et al., 13 Civ 5182 (S.D.N.Y. 25 July 2013).

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dence with the owner of the SAC Companies. e SAC Owner managed the largest trading portfolio at SAC (…). From 1999 through at least 2010, numerous employees of the SAC Companies obtained and traded on Inside Information, or recommended trades based on such information to SAC PMs or the SAC Owner”.(8) On 1st November 2013, the four SAC Capital management companies entered guilty pleas and the civil forfeiture action was settled. e Southern District Court of New York accepted both agreements on 10 April 2014.(9) As a consequence of this acceptance, they agreed to pay a financial penalty of $ 1.184 billion in addition to a $ 616 million penalty that they had already agreed to pay in order to settle a civil action brought by the Securities and Exchanges Commission for the same facts.(10) In the meantime, Mr. Steinberg was convicted – amongst others – on four counts of insider trading on 18 December 2013. He was sentenced to three and a half years in jail and on 15 May 2014 was ordered to pay $ 2.365 million in financial and forfeiture penalties.(11) Mr. Martoma was convicted – amongst others – on two counts of insider trading on 6 February 2014. He was sentenced to nine years in jail and was ordered to pay a forfeiture penalty of $ 9.3 million, on 8 September 2014.(12) Yet the final and biggest target of the US federal prosecutor, Mr. Cohen – who is not protected by the plea of guilt entered by SAC Capital(13) – has not been criminally prosecuted. In fact, it is very likely that the DOJ believed that it did not have strong enough evidence to demonstrate beyond a reasonable doubt that he was criminally liable.(14) Nevertheless, he will still have to face the administrative proceeding brought against him by the SEC.

8.

9.

10.

11. 12. 13. 14.

110

Press release of the U.S. Attorney’s office for the Southern District of New York, Manhattan U.S. Attorney And FBI Assistant Director-In-Charge Announce Insider Trading Charges Against Four SAC Capital Management Companies And SAC Portfolio Manager, 25 July 2013. Plea agreement, U.S. v. SAC Capital Advisors LLP, 13 Crim 541, & Stipulation, 1st November 2013 and Order of Settlement, U.S. v. SAC Capital Advisors LLP, 13 Civ 5182, 1st November 2013. Press release of the U.S. Attorney’s office for the Southern District of New York, SAC Capital Management Companies Sentenced In Manhattan Federal Court For Insider Trading, 10 April 2014. United States v. Steinberg, 12 Crim 121 (S.D.N.Y. 15 May 2014). United States v. Martoma, 12 Crim 273 (S.D.N.Y. 8 September 2014). Plea agreement, U.S. v. SAC Capital Advisors LLP, 13 Crim 541, p. 3. W. A. H, “e Martoma Verdict and e Perils of Insider Trading Cases”, e Champion – White collar crime columns, March 2014.

II. Key lessons from the SAC Capital affair At the end of the day, thanks to this prosecution strategy mixing initial prosecution and cooperation of employees, joint-investigations coordinated by the FFETF, and concomitant civil forfeiture action, the DOJ and the SEC managed to make SAC Capital recognize its guilt and pay the greatest financial penalty ever imposed on a management company. Moreover, the two former employees who chose not to cooperate were very heavily sentenced unlike those who cooperated. In a word, this “coercive encirclement strategy” led by the DOJ and the SEC, has been quite efficient even if they did not manage to charge their principal target (Mr. Cohen), who could still be prevented from managing outside investment by the SEC.(15)

Even though this affair is absolutely exceptional, the DOJ and the SEC managed to establish very tough prosecution standards.

e first extremely clear lesson to take away is the aggressiveness of the prosecution. Even though this affair is absolutely exceptional, the DOJ and the SEC managed to establish very tough prosecution standards. It is now clear that all serious insider trading cases will be prosecuted exactly this way. Moreover it is important to bear in mind the fact that it is quite common in the U.S. to have different professional lives, as a lawyer, as a prosecutor, or even as a judge. As a result, the temptation to make a name by prosecuting high-level individuals can be important for US federal prosecutors – whether to get a promotion or to become a successful lawyer – which reinforces the likelihood of being heavily prosecuted. Secondly, securing guilty pleas from four management companies of the SAC Capital as opposed to a deferred prosecution agreement is a change of paradigm in itself.(16) e reputation of the firm and its owner 15. S. A. C, Investment Advisers Act Release, No. 3634, Admin. Proc. File No. 3-15382 (19 July 2013). 16. For more details, see C. E. G and A. D. L, “e ‘Too Big to Jail’ Effect and the Impact on the Justice

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within the industry is now ruined. Yet, some commentators outlined that this observation should be moderated since the affair was exceptional, SAC Capital “only” had 1,000 employees and had few outside investors (most of the assets under management belonged directly or indirectly to Mr. Cohen).(17) erefore the risk of bad collateral effect was limited. irdly, the very tough sentences imposed on Messrs. Steinberg and Martoma – who had no criminal records – can be explained by one factor i.e. the Southern District Court of New York relied upon the U.S. Sentencing Guidelines(18) to compute the sentences even if it is not mandatory anymore(19). e computation of the imprisonment sentences and the pecuniary sentences is therefore clearly motivated, which makes it harder to get lower sentences on appeal. As a consequence, these very tough sanctions combined with the U.S. government’s ability to offer reduced charges completely discourage defendants from going to trial. is deterrent effect favors the government’s objective to try

Department’s Corporate Charging Policy”, Hastings Law Journal, Vol. 65, No. 5, June 2014, 32-34. 17. Ibid. 18. Regarding insider trading, see 18 USCS Appx § 2B1.4. 19. United States v. Brady, 417 F.3d 326, 332 (2d Cir. 2005).

only very serious cases and thus reinforces the legitimacy of its “coercive encirclement strategy” (which could be deemed disproportionate in less important cases). It also reduces the possibilities of moving American insider trading laws forward. Finally, from a European perspective, this affair could have two different kinds of consequences. First, it could encourage European regulators and prosecutors to imitate the American “coercive encirclement strategy” and ask for tougher sentences to be imposed on insider traders (obviously within the boundaries of national and European law). Such a movement would be greatly fostered by the European new legal framework against market abuses that significantly reinforced applicable sentences to insider traders, and prosecuting authorities’ powers. Second, in the case of an American insider trading proceeding involving a European company or individual, the implementation of the “coercive encirclement strategy” by a U.S. federal prosecutor to this person would undoubtedly trigger huge legal conflicts, since it directly contravenes common principles governing the protection of the defendant’s rights within the European Union.(20)

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20. For more details on this particular topic, see A. G et P. S-S (dir. by), Deals de justice – Le marché américain de l’obéissance mondialisée, PUF, 2013.

LES RISQUES LIÉS AUX MESURES DE SANCTIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES PAR LA RÉGLEMENTATION AMÉRICAINE

Anne-Dominique M Maître de conférences, HDR Directrice du Master 2 Droit pénal financier Université de Cergy-Pontoise En matière de gels des avoirs et embargos, les établissements financiers sont soumis directement à un risque de sanction par les autorités américaines. L’OFAC(1) qui est une autorité du Département du Trésor américain rattachée à l’Office of Terrorism and Financial Intelligence(2) assure la mise en œuvre de programmes de sanctions américains décidés par le Congrès et le président des États-Unis. Une acception extensive du champ d’application desdits programmes par l’OFAC peut entraîner la sanction des établissements français. Le pouvoir de réglementer le commerce avec les États étrangers est détenu, selon la Constitution des États1. 2.

Treasury’s Office of Foreign Assets Control. L’OFTI.

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Unis, par le Congrès des États-Unis. Ainsi, les programmes de sanctions américains sont édictés par des acts, c’est-à-dire des lois dudit Congrès. Le président des États-Unis dispose également d’un tel pouvoir. Ces lois peuvent être de nature spécifique lorsqu’elles sont adoptées du fait de circonstances particulières ou de l’orientation momentanée de la politique étrangère. Elles peuvent également être de nature générale lorsqu’elles visent à contrer une menace contre les États-Unis. L’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) de 1977 ainsi que le National Emergencies Act (NEA) de 1976 autorisent le président des États-Unis à réglementer, lui aussi, les relations commerciales américaines dès lors qu’il décrète une urgence nationale du fait d’une menace inhabituelle et extraordinaire de la sécurité nationale, de la politique étrangère ou de l’économie dès lors que cette menace est d’origine étrangère. Ce pouvoir de réglementer les relations commerciales permet au président des États-Unis, via un executive order, c’est-à-dire un acte réglementaire, de prendre des mesures de gel des avoirs ainsi que des mesures de blocage des transactions à l’encontre d’un État, d’une organisation et d’une personne phy-

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IV. Régulation intersectorielle

sique. Si, au même titre que les mesures restrictives du Conseil de l’Union européenne, lesdits programmes de sanctions sont souvent pris conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, certains programmes, à l’instar du programme à l’encontre de Cuba, sont spécifiques aux États-Unis.

Ces programmes de conformité doivent être adaptés aux besoins et à la structure de chaque établissement

financier.

Ainsi existe-t-il des mesures d’embargos dits « lourds » et des mesures d’embargos « allégés » qui font varier les obligations pour les établissements assujettis. L’embargo économique sur Cuba est un embargo lourd qui a été autorisé par le Foreign Assistance Act de 1961. L’ensemble des sanctions économiques à l’encontre de Cuba a été codifié dans le Cuban Liberty and Democratic Solidarity Libertad Act ou loi Helms-Burton. Les avoirs cubains, publics ou privés, aux États-Unis sont totalement gelés et les transactions financières avec Cuba sont interdites. Dès lors, lorsque l’établissement assujetti reçoit un ordre de virement non autorisé et lié à des intérêts cubains ou un instrument lié à des intérêts cubains, il doit geler les fonds ou bloquer l’instrument, et ce quelles que soient l’origine et la destination desdits fonds. En outre, les établissements financiers assujettis ont l’interdiction de confirmer une lettre de crédit impliquant Cuba ou un citoyen cubain. En revanche, l’embargo économique sur le Zimbabwe est un embargo allégé qui a été autorisé par un executive order du président des États-Unis en date du 7 mars 2003. Dès lors, seuls les avoirs de certaines personnes spécifiquement désignées sont bloqués. Dans sa réglementation à l’égard de la communauté financière, l’OFAC consacre une partie aux obligations devant être mises en œuvre par les établissements financiers pour se mettre en conformité avec la réglementation américaine s’agissant des programmes de sanctions. Ainsi, les banques ont-elles l’obligation de rendre compte à l’OFAC de toutes les opérations bloquées, et ce dans un délai de dix jours. Des programmes de conformité doivent être mis en œuvre par les établissements financiers. Ces programmes de conformité doivent être adaptés aux besoins et à la structure de chaque établissement financier. L’établissement finan112

cier peut utiliser un logiciel qui détecte les transferts de fonds contraires à la réglementation et les bloque automatiquement. Les établissements financiers sont également invités par l’OFAC à désigner un responsable de la conformité assigné au contrôle de la conformité des programmes en matière de gel des avoirs et d’embargo. En outre, l’OFAC recommande aux établissements financiers de mettre en œuvre des programmes de formation afin d’expliquer aux salariés les enjeux et les obligations liés aux programmes de sanctions. La mise en œuvre des programmes de sanctions américains est effectuée par l’OFAC. L’autorité a pour mission d’administrer et de mettre en œuvre les différents programmes de sanctions américains précitées. Dans certaines situations, le Bureau of Industry and Security(3) peut se substituer ou agir de concert avec l’OFAC. Les pouvoirs de l’OFAC sont donc de quatre ordres. Tout d’abord, l’OFAC dispose d’un pouvoir normatif par lequel il publie, par exemple, des lignes directrices ou des textes spécifiques aux établissements financiers étayant les obligations relatives aux programmes de sanctions américains. Ensuite, l’OFAC dispose, dans le cadre de sa mission de mise en œuvre des programmes de sanctions américains, d’un pouvoir d’investigation et de poursuite puisque, d’une part, il recherche les éventuelles violations à la réglementation américaine en matière de programmes de sanctions, d’autre part, il est habilité à poursuivre les personnes susceptibles d’avoir violé ladite réglementation. Enfin, l’OFAC dispose d’un pouvoir de sanction pécuniaire d’ordre civil. L’OFAC peut délivrer des licences, à caractère spécial ou général, qui sont des autorisations octroyées au cas par cas pour effectuer des opérations en principe prohibées vers les États faisant l’objet d’un programme de sanction. Dans le cadre de sa mission de mise en œuvre des mesures de sanctions économiques et commerciales, l’OFAC publie une liste : la Specially Designated National List (la liste SDN) qui recense les personnes physiques et morales détenues ou contrôlées par, ou agissant pour ou pour le compte des États ayant fait l’objet d’un programme de sanctions. Elle recense également les groupes et entités désignés dans le cadre de programmes de sanctions tels que les programmes de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupéfiants. Cette liste actualisée est disponible sur le site internet de l’OFAC(4). Pour permettre une application efficace des programmes de sanctions, l’OFAC publie également des lignes directrices ainsi que des réponses aux questions fréquemment posées pour chaque programme de sanctions afin de clarifier des situations complexes. Ainsi, s’agissant du programme de sanctions à l’encontre de l’Iran, l’OFAC a publié un document intitulé « What you need to know about U.S. Economic Sanctions » qui donne un aperçu détaillé de la réglementation de l’OFAC en matière de sanctions contre l’Iran.

3. 4.

BIS. http://www.treasury.gov/ofac/downloads/t11sdn.pdf.

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IV.A. Intégrité du marché

I. Le champ d’application des programmes de sanctions américains Si les programmes de sanctions américains ne doivent pas être ignorés par les banques françaises c’est parce qu’elles ne s’appliquent pas uniquement aux US persons, dans la mesure où, du fait d’une doctrine extensive de l’OFAC, elles ont également un impact sur certaines non-US persons.

A. Les personnes concernées par les programmes de sanctions américains Le terme de US person, défini par le Code of Federal Regulations, s’entend de tout citoyen américain, qu’il soit résident permanent ou non, de toute entité organisée selon les lois américaines ou d’une juridiction américaine, ce qui inclut les filiales étrangères, ainsi que de toute personne présente sur le territoire américain. Cependant, la doctrine extensive développée par l’OFAC a permis d’atteindre des sociétés ou des personnes qui sont des non-US persons, mais qui ont un lien de rattachement avec les États-Unis. Ainsi, certaines nonUS persons peuvent être assujetties au respect des programmes de sanctions précitées en vertu de leur caractère extraterritorial. Ainsi en est-il, notamment, des entités organisées selon les lois étrangères ayant un lien de rattachement fort avec une entité organisée selon les lois américaines ou d’une juridiction américaine, des personnes réalisant certaines opérations ainsi que des personnes qui ont causé, par leur action, la violation par des US persons des programmes de sanctions américains. Par exemple, en dissimulant sur les messages de paiement les comptes des bénéficiaires de transactions afin d’empêcher la US person d’identifier et de bloquer les paiements effectués avec une partie sanctionnée par l’OFAC.

B. Les opérations concernées par les programmes de sanctions américains Certaines opérations font entrer les non-US persons qui les effectuent dans le champ d’application des programmes de sanctions américains. Ainsi en est-il, notamment, des opérations effectuées à partir du territoire américain, et ce quelle que soit la nationalité de la personne qui les effectue et des opérations incluant des instruments financiers inscrits sur un marché réglementé américain. Les premières incluent tous les paiements effectués en United States Dollars quels que soient la nationalité de la personne qui les effectue et le lieu où elle se trouve. Lorsque la présence de l’entité aux États-Unis prend la forme d’une filiale, l’entreprise mère étrangère ne sera probablement pas mise en cause par la juridic2014/4

tion américaine. En revanche, lorsque cette présence prend la forme d’une succursale ou d’une agence alors, le groupe peut être mis en cause par celle-ci. Dès lors qu’un établissement financier français opère en dollars, toute transaction en dollars doit être compensée sur le sol américain et passer par une chambre de compensation qui valide sa régularité. En l’occurrence le fait d’opérer en dollars rend l’OFAC compétente quand bien même les transactions ne sont pas faites sur le territoire américain.

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II. Le non-respect des programmes de sanctions américains Les investigations mises en œuvre par l’OFAC peuvent conduire l’autorité à conduire à différentes catégories d’actions et plusieurs exemples d’accords transactionnels mettent en évidence leur efficacité.

A. Les sanctions encourues en cas de non-respect Tout d’abord, lorsqu’elle détermine qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure à une violation des programmes de sanctions, l’OFAC peut décider de ne plus mener aucune action supplémentaire. Ensuite, si tel n’est pas le cas et si elle l’estime nécessaire, l’OFAC peut demander des informations complémentaires à l’établissement assujetti. Lorsque l’OFAC considère qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure à une violation des programmes de sanctions américains, mais qu’elle estime que le comportement de l’établissement assujetti pourrait mener à une telle violation, l’OFAC peut lui adresser une lettre de mise en garde. En revanche, lorsque l’OFAC considère qu’il y a suffisamment de preuves pour conclure à une violation des programmes de sanctions américains, l’autorité adresse une finding of violation, c’est-à-dire une constatation de violation, à l’établissement assujetti et l’informe de la nécessité de prendre de nouvelles mesures de mise en conformité. L’établissement assujetti dispose alors d’un droit de réponse et ce n’est qu’après réception et analyse de ladite réponse que l’OFAC prononcera sa décision définitive. Si l’OFAC confirme la violation des programmes de sanctions américains, elle peut prononcer une civil monetary penalty, c’est-à-dire une sanction pécuniaire d’ordre civil calculée selon une grille tarifaire, transmettre aux autorités compétentes aux fins de mise en œuvre de poursuites pénales devant le ministère de la Justice américain ou prendre d’autres mesures administratives. Parmi les mesures administratives, l’OFAC peut prononcer des sanctions administratives telles que le rejet, la suspension, la modification ou la révocation des licences générales ou spécifiques de l’établissement assujetti ou donner à l’établissement

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assujetti l’ordre de se mettre en conformité. Cependant, la jurisprudence de l’OFAC depuis 2004 révèle que les sanctions sont rares. En effet, l’autorité a, dans la grande majorité des situations, recours à des négociations qui conduisent à des Settlement Agreements c’està-dire des accords transactionnels. Les accords transactionnels conclus entre l’OFAC et un établissement assujetti ne valent pas reconnaissance de faute ou de responsabilité pour ce dernier et emportent l’abandon des poursuites pénales devant le ministère de la Justice américain. Le montant décidé dans le cadre de l’accord transactionnel est versé au Trésor américain. Afin d’évaluer les établissements assujettis, l’OFAC prend en compte un certain nombre de critères déterminants et listés en annexe de la partie 501 du titre 31 du Code of Federal Regulations, à savoir, notamment : – le caractère intentionnel et imprudent de la violation ; – la dissimulation de la violation ; – la conscience et la connaissance de la violation ; – le préjudice causé aux objectifs du programme de sanctions violé ; – les caractéristiques individuelles telles que la taille et le volume des opérations en cause, ainsi que la réitération des manquements ; – l’existence d’un dispositif de conformité ; – la mise en œuvre de nouvelles mesures destinées à améliorer ledit dispositif de conformité ; – la coopération avec l’OFAC ; – le délai séparant l’entrée en vigueur du programme de sanction et sa violation.

B. Des exemples d’accords transactionnels De nombreuses banques européennes et américaines ont accepté de conclure des accords transactionnels avec l’OFAC. Les montants de ces accords s’élèvent à plusieurs millions de dollars. Ainsi, le Crédit suisse a conclu avec l’OFAC, le 16 décembre 2009, un accord transactionnel de 536 millions de dollars ; la Lloyds TSB Bank a conclu avec l’OFAC, le 22 décembre 2009, un accord transactionnel de 217 millions de dollars ; ING Bank NV a conclu avec l’OFAC, le 11 juin 2012, un accord transactionnel de 619 millions de dollars et la Standard Chartered a conclu avec l’OFAC, le 21 septembre 2012, un accord transactionnel de 240 millions de dollars. Plus récemment, BNP Paribas SA a conclu avec l’OFAC, le 30 juin 2014, un accord transactionnel de 963 millions de dollars. L’accord transactionnel conclu entre l’établissement français BNP Paribas SA (ci-après « BNPP ») et l’OFAC en date du 30 juin 2014 rappelle également en premier lieu les faits. Ainsi, est-il affirmé que, pendant un certain nombre d’années, BNPP a effectué des milliers de transactions vers ou via des institutions financières américaines impliquant des pays, entités ou des personnes soumises aux programmes de sanctions 114

de l’OFAC. Cette affirmation permet ainsi de souligner la compétence américaine. Il est également affirmé que plusieurs succursales de BNPP ont dissimulé, retiré, supprimé ou caché les références ou la présence d’intérêts de parties sanctionnées par l’OFAC dans des paiements SWIFT en dollars. Les pratiques précitées impliquaient l’omission de la référence aux parties sanctionnées par l’OFAC, leur remplacement par des noms de code de BNPP ou par la structuration des paiements de façon à rendre impossible l’identification de la partie sanctionnée. Ces agissements ont été principalement conduits par deux filiales : BNP Genève et BNP Paris. L’accord transactionnel relève également les éléments permettant de constater que BNPP a sciemment entendu contourner la réglementation américaine. En effet, l’accord précise que BNPP a édicté des procédures internes afin d’expliquer la dissimulation de l’implication de parties sanctionnées par l’OFAC dans des transactions transitant par les ÉtatsUnis aux salariés de la banque. En outre, il est affirmé que BNPP avait recours à des messages de paiement transparents, tels que les SWIFT, mais principalement pour les transactions n’impliquant pas des pays ou des entités sanctionnées.

L’accord transactionnel révèle en outre les éléments permettant de constater que BNPP n’ignorait pas les obligations issues de la réglementation américaine en matière de sanctions économiques et financières.

L’accord transactionnel révèle en outre les éléments permettant de constater que BNPP n’ignorait pas les obligations issues de la réglementation américaine en matière de sanctions économiques et financières. En effet, l’accord dispose que BNPP avait, depuis 2003, été prévenue par des avocats spécialisés des risques de sanction de l’OFAC, mais elle a continué à effectuer des tran-

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IV.A. Intégrité du marché

sactions présumées en violation avec les programmes de sanctions décidés à l’encontre du Soudan, de l’Iran, de Cuba et de la Birmanie. L’accord précise qu’en 2004, BNPP Suisse a transféré ses activités de compensation à une banque américaine afin de se protéger de la mise en cause de sa responsabilité pour non-respect de la réglementation américaine relative aux sanctions. Par ailleurs, il est relaté que des banques régionales ont été utilisées pour faciliter les transactions vers certains pays sanctionnés par l’OFAC. De plus, l’accord précise que le non-respect des sanctions économiques et financières américaines a fait l’objet de plusieurs alertes en interne et de la part de tiers. Ainsi, en 2005, un membre de la fonction conformité a averti le front office sur le fait que les pratiques de BNPP pouvaient être vues comme des contournements de la réglementation américaine, mais ses recommandations n’ont pas été suivies et BNPP a poursuivi ces activités. En 2006, ses avocats américains l’ont avertie des risques de sanctions du régulateur et du procureur qu’elle encourait et, en 2007, BNPP a également reçu une alerte préventive de l’OFAC. L’OFAC insiste donc sur l’absence d’effet de surprise de la sanction et du fait qu’elle communiquait déjà avec l’établissement sur ces sujets. Enfin, après les faits et la procédure, l’accord met en évidence les éléments déterminants. Ainsi, l’accord transactionnel retient que la banque n’a pas volontairement divulgué ses propres agissements à l’OFAC. En revanche, il fait également état du fait que la banque a mis en œuvre des moyens tels que la formation des salariés,

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la hausse des budgets alloués à la conformité, le renforcement des procédures d’audit interne, la mise en place d’une analyse de la conformité plus significative, le renforcement du contrôle interne et l’implication du toplevel management au sein de la conformité. En outre, BNPP a délocalisé le groupe responsable du développement et du renforcement des politiques de sanctions à New York. Aux termes de l’accord transactionnel, BNPP s’engage au maintien des politiques et des procédures de sanction qui interdisent les violations précitées ainsi qu’au paiement de la somme de 963.619.900 dollars. Cet accord rend impossible toute mise en cause de la responsabilité civile de BNPP. Toutefois, l’OFAC affirme la possibilité qui lui est accordée de mener une action à l’encontre de la BNPP pour des faits postérieurs à ceux précités. Il convient de préciser qu’au montant de cet accord transactionnel s’ajoute, à titre d’exemple, celui de deux sanctions pécuniaires d’ordre civil de 508.000.000 dollars et de 2.243.400.000 dollars. Le montant de l’accord transactionnel ainsi que de l’ensemble des sanctions pécuniaires d’ordre civil s’élève à 8.833.600.000 dollars. Ainsi tous les établissements financiers doivent reconnaître la réalité du risque de poursuites pénales, réglementaires et civiles par les autorités américaines. Ces établissements financiers doivent désormais intégrer dans leurs procédures de conformité le risque de sanction par les autorités américaines et étrangères, car ce risque constitue un élément important de l’organisation des procédures de gestion des risques.

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V. Fiscalité des services financiers Chronique sous la direction de Régis V

&

Professeur à l’Université de Bourgogne

Georges C Maître de conférences à l’Université de Lyon

Avec la contribution de

Tarek A

&

Sabrina L N-C

Doctorant contractuel Université Paris V René Descartes

Maître de conférences à l’Université d’Orléans

Patrice D

Avocat – Associée Landwell & Associés

Chargé de conférences à l’Executive Master en Gestion Fiscale de la Solvay Brussels School of Economics and Management

Dr. Oliver V. S

Virginie L-L

Attorney (Germany & New York), German tax advisor at PwC

La règle de l’unanimité des États membres de l’Union européenne est un frein considérable à la construction européenne en matière fiscale. En autorisant une coopération renforcée en ce domaine, le Conseil permet l’évitement de cette règle, en dépit du recours exercé par le Royaume-Uni devant la Cour de justice de l’Union européenne. Néanmoins, tant que l’harmonisation européenne dans le domaine fiscal sera limitée, l’analyse des règles étrangères demeurera nécessaire. Avec la nouvelle Directive Épargne, l’information en provenance de l’étranger sera au cœur des dispositifs de contrôle mis en place. De même, la Cour de justice de l’Union européenne a récemment rejeté une interprétation littérale de la directive TVA et s’est rangée du côté de l’administration fiscale espagnole, confortant ainsi la règle nationale. Enfin, l’organisation de coopération et de développement économiques a dévoilé, le  septembre , des mesures choc à mettre en place en  et  pour lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales. Il y a aujourd’hui en effet un divorce entre le lieu de leurs activités et celui où elles sont imposées. Pour ce faire, la prise en compte de la règle fiscale étrangère est là encore primordiale. C’est dire si – plus encore qu’avant – la vision du fiscaliste comparatiste est indispensable pour apprécier les évolutions passées et celles à venir.

The unanimity rule within EU Members States is a considerable obstacle to European tax integration. By authorizing enhanced cooperation in this domain, the EU Council enables Member States to circumvent this rule. So does the European Union Court of Justice when it did not uphold the appeal brought by the United Kingdom. Nevertheless, as long as European tax harmonization will be limited, analysis of the foreign rules will remain a necessity. With the new Savings Directive, information from foreign countries will be central to the control procedures put in place. In the meantime, the European Union Court of Justice recently rejected a literal interpretation of the VAT directive and sided with the Spanish tax authorities, consolidating its domestic rule. Most recently, on September , , the Organization for Economic Cooperation and Development revealed drastic measures to be implemented in  and  to combat tax avoidance by multinationals. Indeed, there seems to currently be a mis-match between multinationals’ place of activities and place of taxation. With all this in mind, consideration for the foreign tax position is again of paramount importance. Even more than before, the comparative tax approach is essential to manage the past evolutions and those to come.

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V.A. Fiscalité directe (Libertés au sein du marché intérieur)

V.A. Fiscalité directe (Libertés au sein du marché intérieur) LA NOUVELLE DIRECTIVE ÉPARGNE Patrice D Chargé de conférences à l’Executive Master en gestion fiscale de la Solvay Brussels School of Economics and Management

investissements en créances, compte tenu de leur profil de risque et de la prévisibilité de leur rendement notamment. Un level playing field est également créé en ce qui concerne les fonds de placement, sans égard à leur forme juridique ni aux modalités de leur commercialisation.

I. Contexte international Introduction Après de longues négociations, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 24 mars 2014, la directive 2014/48/UE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts(1). Cette nouvelle directive Épargne vise à donner au mécanisme d’échange d’informations les moyens de ses ambitions en comblant certaines lacunes de la directive Épargne actuelle identifiées par la Commission.

L’objectif est de rendre impossible le contournement de l’obligation d’échange d’informations.

L’objectif de la nouvelle directive Épargne est notamment de rendre impossible le contournement de l’obligation d’échange d’informations par l’interposition d’entités ou de constructions juridiques ou par le transit de paiements via des agents payeurs non européens. De même, la nouvelle directive Épargne couvrira certains instruments financiers qui s’apparentent à des 1.

La présente contribution était sous presse lorsque le Conseil d’Ecofin a annoncé avoir trouvé un accord, en date du 14 octobre 2014, quant à l’adoption du « Common Reporting Standard » (« CRS ») au niveau européen, abrogeant ainsi probablement de facto dans un avenir proche la directive Épargne. Nous reviendrons dans une prochaine contribution sur cette décision et le CRS.

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Cette nouvelle directive Épargne n’est cependant qu’une étape de plus dans la course à l’échange automatique d’informations à des fins fiscales, et ce tant au niveau européen qu’au niveau mondial (avec la réglementation FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act – aux États-Unis, et l’adoption du CRS – Common Reporting Standard – au niveau de l’OCDE. Cette organisation a dévoilé le 13 février 2014 ce qu’elle présente comme étant « la nouvelle norme mondiale unique d’échange automatique de renseignements entre autorités fiscales »). Au niveau européen, la nouvelle directive Épargne n’est toutefois pas la seule avancée en matière d’échanges de renseignements et de coopération administrative à des fins fiscales. En effet, en parallèle aux discussions entourant la directive Épargne, deux changements majeurs sont intervenus récemment. D’une part, la directive dite de « coopération administrative » de 1977 a été remplacée par une nouvelle directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011. Cette directive prévoit trois types d’échanges d’information dont l’échange automatique « de toute information disponible relative aux périodes imposables à partir du 1 janvier 2014 au sujet des personnes résidant dans un autre pays de l’Union européenne ». Cet échange concerne cinq catégories de revenus et de capitaux : les revenus professionnels, les jetons de présence, les produits d’assurance sur la vie non couverts par d’autres actes juridiques de l’Union européenne, les pensions, et enfin la propriété et les revenus de biens immobiliers. D’autre part, une proposition de modification de la directive 2011/16/UE a été présentée le 12 juin 2013 en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal (COM(2013) 348 final – 2013/0188 (CNS)). L’objectif de cette proposition – clairement inspirée de FATCA et du CRS afin d’assurer une harmonisation des systèmes d’échange d’informations au niveau international – est d’élargir le champ d’application de l’échange automa-

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tique d’informations dans l’Union européenne au-delà de ce que prévoit le système actuel (c’est-à-dire au-delà de ce qui est déjà prévu par la directive Coopération administrative récemment modifiée, mais également audelà de ce qu’envisage la directive Épargne, en ce compris la nouvelle directive Épargne). Cette proposition de directive intègre donc de nouveaux éléments dans le champ d’application de l’échange automatique d’informations : dividendes, plus-values, autres revenus financiers (soit « tout autre revenu provenant d’actifs détenus sur un compte financier et tout montant pour lequel l’établissement financier est l’obligé ou le débiteur, y compris les rachats ») et soldes des comptes. À notre connaissance, il n’y a pas encore de consensus sur le texte de cette nouvelle proposition de directive et celui-ci va encore certainement évoluer en fonction des développements internationaux en la matière. Il fait cependant peu de doutes que cette modification de la directive Coopération administrative aboutira à court ou à moyen terme sous l’une ou l’autre forme. Cette profusion d’initiatives et de textes législatifs afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales est tout à fait louable et légitime. Il nécessiterait idéalement de synthétiser l’ensemble de ces règles dans une seule réglementation afin que l’ensemble des parties prenantes – secteur financier censé contribuer au système, administrations fiscales et contribuables – puissent s’y retrouver. Ces nouvelles règles clés issues de la nouvelle directive Épargne, sont, pour l’essentiel, des mesures visant l’interposition de personnes (A) et d’autres étendant les produits financiers couverts (B).

A. Mesures visant l’interposition de personnes Comme souligné par la Commission dans un rapport de 2008(2), il était relativement aisé de contourner la directive Épargne par l’interposition d’une entité ou une construction juridique ou d’un agent payeur établi hors du territoire couvert par la directive Épargne. Tenant compte du fait que l’agent payeur est l’opérateur économique établi dans l’Union européenne qui paie au profit immédiat du bénéficiaire effectif défini comme étant une personne physique, il était aisé de contourner l’application de la directive : il était parfois procédé à l’interposition, entre l’agent payeur (européen) et le bénéficiaire effectif (résidant dans un autre État européen), d’une structure établie hors de l’Union européenne (qui ne répond pas à la qualification de bénéficiaire effectif et ne peut être considérée comme agent 2.

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Rapport de la Commission au Conseil conformément à l’article 18 de la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts, 15 septembre 2008, COM(2008) 552 final.

payeur en raison de sa localisation) ou un opérateur économique également établi hors de l’Union européenne (qui n’est dès lors pas « agent payeur » au sens de la directive Épargne). En effet, aucun de ces « intermédiaires » n’était tenu d’une quelconque obligation d’échange d’informations en vertu de l’ancienne directive. Par conséquent, la nouvelle directive Épargne vise à étendre l’échange d’informations en cas d’interposition d’une entité (ou construction juridique) établie hors du territoire de l’Union européenne, d’une entité (ou construction juridique) établie dans le territoire de l’Union européenne et d’un agent payeur établi hors de l’Union européenne. Techniquement, la première hypothèse est couverte par une extension de la définition de bénéficiaire effectif (au sens de la directive Épargne) aux bénéficiaires effectifs de l’entité ou de la construction juridique. Le véhicule interposé se situant par hypothèse hors du champ d’application territorial de la directive, il n’aurait pas été possible de lui imposer des obligations dans le cadre de la directive. Une approche par transparence est donc privilégiée. À cette fin, les agents payeurs établis dans un État membre de l’Union européenne doivent identifier les éventuelles personnes physiques résidentes dans un autre État membre qui sont les bénéficiaires effectifs de cette entité ou construction juridique. La directive 2014/48/UE ne définit pas en tant que tel ce qu’il y a lieu d’entendre par « entités ou constructions juridiques » et se limite à en définir deux caractéristiques essentielles. La première est que l’entité ou la construction juridique doit être établie en dehors du territoire de l’Union européenne. La seconde est que celle-ci ne doit pas être effectivement imposée. De telle sorte que l’approche par transparence se limite donc aux entités défiscalisées, ce qui ne surprend pas, s’agissant d’un instrument de lutte contre la fraude fiscale. Afin de réduire la charge administrative des agents payeurs, une nouvelle annexe à la directive Épargne reprend une liste indicative de ces entités et constructions juridiques non imposées. On y retrouve notamment la société à responsabilité limitée du Delaware, l’International Business Company au Panama, la Stiung et l’Anstalt du Liechtenstein, la fondation en Suisse ainsi que le trust de Jersey. Afin de couvrir la seconde hypothèse, le Conseil a opté pour une extension et une clarification de la définition de l’agent payeur à la réception. L’entité ou la construction juridique sera elle-même agent payeur, en sa qualité « d’opérateur économique ». Nous ne nous attarderons pas sur ce second cas complexe dans le cadre de cette contribution. Dans la troisième hypothèse, la nouvelle directive Épargne aménage le principe général qui consiste à imposer des obligations au dernier agent payeur intervenant dans la chaîne des paiements. L’objectif est de prévenir le transit artificiel de paiements d’intérêts par le biais d’institutions établies hors

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V.A. Fiscalité directe (Libertés au sein du marché intérieur)

de l’Union européenne (et donc non soumises à la directive). Pour ce faire, la nouvelle directive Épargne prévoit que tout opérateur économique européen sera tenu de procéder à l’échange d’informations lorsqu’il (i) effectue un paiement d’intérêts au profit d’un autre opérateur économique établi en dehors de l’Union européenne et (ii) qu’il a des raisons de penser, sur la base des informations dont il dispose, que le second opérateur économique paiera les revenus ou attribuera ce paiement au profit immédiat d’un bénéficiaire effectif personne physique dont l’opérateur économique européen sait qu’il est résident d’un autre État membre. Cette mesure devrait permettre, selon la Commission, de « contribuer à lutter contre une éventuelle utilisation abusive du réseau international des établissements financiers, à savoir de succursales, filiales, sociétés associées ou holdings aux fins du contournement de la directive 2003/48/CE ».

B. Mesures visant les produits financiers couverts Une des lacunes de la directive 2003/48/CE tenait à la possibilité d’éviter son application en investissant dans certains produits financiers non visés. La directive pouvait en effet « être contournée par l’utilisation d’instruments financiers qui, compte tenu de leur niveau de risque, de leur souplesse et de leur rendement défini à l’avance, équivalent à des créances. Il [était] donc nécessaire de faire en sorte qu’elle ne couvre plus uniquement les intérêts, mais aussi d’autres revenus sensiblement équivalents. De même, les contrats d’assurance vie comportant une garantie de revenu ou dont la performance est liée à plus de 40 % à des revenus provenant de créances ou à des revenus équivalents couverts par la directive 2003/48/CE devraient être inclus dans le champ d’application de ladite directive »(3). La nouvelle directive Épargne inclut ainsi une nouvelle catégorie d’intérêts se rapportant aux produits financiers dits « innovants », lesquels sont définis par rapport à la protection totale ou quasi totale (95 %) du capital investi et à leur rendement déterminé à l’avance. 3.

Rapport de la Commission au Conseil conformément à l’article 18 de la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts, 15 septembre 2008, COM(2008) 552 final.

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Elle étend également son champ d’application aux revenus de contrats d’assurance vie dont la performance est liée à des revenus de créances ou équivalents au sens de la directive Épargne ou dont le contrat prévoit une garantie de revenus. Sont ainsi incluses dans la définition du paiement d’intérêt les « prestations versées au titre d’un contrat d’assurance vie », si le contrat comporte une garantie de revenu ou si sa performance effective est liée à plus de 40 % (25 % à partir du 1 janvier 2016) à des intérêts ou revenus visés. Enfin, la directive actuelle ne s’appliquait, en ce qui concerne des fonds d’investissements établis dans l’Union européenne, qu’aux fonds dits « OPCVM », c’est-à-dire ceux bénéficiant du passeport européen. Les revenus des autres organismes de placement collectif, communément appelés « fonds non coordonnés », n’étaient couverts que si ces fonds étaient dépourvus de la personnalité juridique (par exemple des FCP), ces derniers étant susceptibles d’agir en tant qu’agents payeurs à la réception. Cette situation était à l’origine de discriminations entre les fonds selon leur forme juridique (avec ou sans personnalité juridique) et les modalités de leur commercialisation (fonds avec passeport européen ou non). La nouvelle directive Épargne prévoit une nouvelle définition des fonds inclus dans son champ d’application afin de permettre d’appliquer les mêmes règles à tous les fonds. Désormais, qu’il s’agisse de fonds européens ou de fonds établis dans un État tiers, les nouvelles règles s’appliquent « indépendamment de la forme juridique de ces (organismes) fonds et indépendamment de toute restriction à un groupe limité d’investisseurs en ce qui concerne l’achat, la cession ou le rachat de leurs parts ou unités »(4).

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II. Mesures transitoires et entrée en vigueur La directive 2014/48/UE est entrée en vigueur au jour de sa publication au Journal officie, soit le 15 avril 2014. Il appartient aux États membres de transposer la directive au plus tard le 1 janvier 2016. Les dispositions en résultant seront appliquées « à compter du premier jour de la troisième année civile suivant l’année civile au cours de laquelle la (...) directive entre en vigueur », soit à partir du 1 janvier 2017. 4.

Article 6, paragraphe 1, a), iii) (nouveau) introduit par la directive 2014/48/UE.

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V. Fiscalité des services financiers

LE PROLOGUE D’UN LONG DÉBAT SUR LA LÉGALITÉ DE LA FUTURE TAXE EUROPÉENNE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES(1)

Tarek A

Virginie L-L

&

Doctorant contractuel Université Paris V René Descartes

Panacées politiques pour les uns et cauchemars institutionnels pour les autres, les coopérations renforcées n’en finissent pas d’alimenter le débat public européen. À l’heure où s’engage une véritable volonté politique d’application généralisée des coopérations renforcées dans les domaines clés de l’intégration européenne, cette procédure continue de nourrir inlassablement les discussions juridiques.

Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus

d’intégration.

Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration. La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent pas être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble. Elle est adoptée par le Conseil, sur la base d’une proposition de la Commission et après approbation du Parlement. Quatorze États membres, dont la France, ont mis en œuvre une première coopération renforcée sur l’adoption de règles communes concernant la loi applicable aux divorces des couples binationaux. Une deuxième 120

Avocat – Associée Landwell & Associés

coopération concernant le brevet de l’Union européenne a été initiée à partir de 2014 par 25 États(2). Cette seconde procédure a d’ailleurs été l’occasion pour la Cour de justice de s’interroger pour la première fois sur la légalité d’une décision autorisant une coopération renforcée(3). Adoptant une attitude relativement pondérée la Cour a semblé prioritairement soucieuse de respecter la marge de manœuvre attribuée aux États participants afin d’éviter la perspective paralysante de recours trop fréquents contre les procédures de coopération renforcées futures(4). Rompant avec la logique unitaire et apparaissant comme un mode dérogatoire d’exercice des compétences européennes, sa philosophie est claire : il s’agit de permettre à un certain nombre d’États membres d’aller plus vite et plus loin dans l’intégration sans porter atteinte au marché intérieur ni à la cohésion économique et sociale de l’Union. Présentée par ses détracteurs comme un facteur d’hétérogénéité et, au-delà de risque pendant d’une forme d’Europe à la carte, l’Union a retenu pragmatiquement une procédure spécifique autorisant les États à progresser solidairement, mais à des rythmes décalés dans un cadre organisé et contrôlé. L’affaire soumise à notre étude offre une nouvelle occasion pour la Cour de justice d’examiner les conditions 1. 2. 3.

4.

Note sous C.J.U.E., 30 avril 2014, aff. C-209/13. Tous les États membres sauf l’Italie et l’Espagne. C.J.U.E., affaires jointes n C-274/11 et C-295/11, 16 avril 2013. L’épilogue de cette affaire n’est pas encore intervenu, car à la suite du rejet du recours contre la décision d’autorisation de la coopération renforcée, l’Espagne a introduit un recours le 22 mars 2013 afin de déclarer juridiquement inexistant le règlement (UE) n 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2012, mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet (aff. n C-146/13). V. G. C et A. J, « Point d’étape sur le futur brevet unitaire européen », Propr. ind., n 3, mars 2014, étude n 8 ; C. J. B, D. D-B et C. N, « Cour de justice et Tribunal de l’Union européenne », J.D.I., n 2, avril 2014, chron. 4.

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gouvernant le recours à cette procédure dérogatoire du droit de l’Union européenne, cette fois-ci dans le domaine fiscal. Le 28 septembre 2011, la Commission a adopté une proposition(5) de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières (TTF). Au cours des sept réunions consécutives du groupe « Questions fiscales – Fiscalité indirecte (TTF) » du Conseil, il est apparu clairement qu’il ne serait pas possible de dégager au sein des États membres un soutien unanime en faveur d’un système commun de TTF(6). Lors de ces discussions le Royaume-Uni et la Suède, dont les modèles économiques et fiscaux répondent pourtant à des logiques différentes, se sont montrés particulièrement hostiles à l’égard du projet de la Commission. Il ne fait nul doute que l’échec de la tentative suédoise d’introduire un tel prélèvement au milieu des années quatre-vingts explique pour partie le scepticisme de Stockholm. Le Royaume-Uni quant à lui souhaite principalement défendre la City qu’elle estime menacée par l’introduction d’une telle taxe. Il existe, à ses yeux, un risque majeur de délocalisation des transactions vers d’autres places financières, américaine ou asiatiques, voire européennes (Suisse, îles anglo-normandes). À l’inverse, d’autres États membres ont vu dans ce dispositif un moyen efficace de lutter contre le comportement spéculatif de certains acteurs financiers, qu’ils jugent notamment responsables de leurs difficultés sur les marchés financiers. En dépit de ces divergences fondamentales et afin de ne pas abandonner totalement ce projet, certains ont tout de même fait part de leur intention de demander l’autorisation d’établir entre eux la première coopération renforcée de l’histoire de la construction européenne en matière de fiscalité(7). Onze États membres(8) ont donc sollicité fin 2012 une demande tendant à instaurer entre eux cette procédure en vue de fournir le cadre juridique nécessaire pour la création d’une taxe européenne sur les transactions financières. Le 22 janvier 2013, le Conseil a, sur proposition de la Commission, adopté la décision autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la TTF(9).

Suite à cette décision et malgré un climat empreint d’une certaine tension juridique(10) et politique(11), la Commission européenne a adopté le 14 février 2013 une nouvelle proposition de directive mettant en œuvre une coopération renforcée dans ce domaine(12). Au regard du peu d’expérience en la matière, les contours fondamentaux de la procédure de coopération renforcée demeurent encore relativement incertains. Inédit en matière fiscale, à l’évidence, l’initiative d’une telle procédure soulève encore bon nombre d’incertitudes juridiques auxquelles la Cour devra indubitablement remédier. Pour l’heure, la Cour n’aura pas eu à se prononcer sur le fond, considérant que les deux arguments avancés par le Royaume-Uni visent uniquement des éléments d’une éventuelle et future TTF et non l’autorisation d’établir une coopération renforcée. Soulignant que, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une décision autorisant une coopération renforcée(13), le contrôle de la Cour ne porte que sur la validité de l’octroi d’une telle autorisation et non pas sur la proposition de directive elle-même, la Cour rejette donc le recours du Royaume-Uni qu’elle considère comme prématuré. Pour autant, la Cour aura néanmoins eu l’occasion dans cette affaire de repréciser les moyens susceptibles d’être utilement invoqués pour contester la légalité d’une décision d’autorisation de création d’une coopération renforcée. À cet égard, la Cour indique que seule la violation des conditions procédurales et de forme(14) auxquelles est subordonnée la création d’une coopération renforcée peut affecter la validité d’un tel acte.

5.

12.

6.

7. 8.

COM(2011) 594 du 28 septembre 2011, « Directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE ». Cf. document de travail des services de la Commission, SWD(2013) 29 final, accompagnant la proposition de directive du Conseil mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières. Sur le fondement des articles 20 du TUE et 329 du TFUE. La Belgique, l’Allemagne, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie.

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9.

10.

11.

13.

14.

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Décision du Conseil du 22 janvier 2013 autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières (2013/52/UE). Le 10 septembre 2013, l’agence de presse Reuters a publié des extraits d’un document interne, rédigé par les juristes du Conseil européen, qui remet en cause la légalité de la taxe sur les transactions financières, telle qu’elle est envisagée dans la proposition de directive. V. en ce sens, M. C, « Christian Noyer critique vivement la taxe sur les transactions financières », Le Monde, 28 octobre 2013 ; A. G, « La Bundesbank monte au créneau contre la TTF », Agefi, 26 avril 2013. Proposition de directive du Conseil mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières, COM(2013) 71 final du 14 février 2013. Le recours en annulation vise à faire annuler des actes des institutions de l’Union contraires au droit de l’Union. Sous certaines conditions, les États membres, les institutions européennes et les particuliers peuvent saisir la Cour de justice ou le Tribunal d’un recours en annulation. Si le recours est fondé, l’acte est annulé. L’institution concernée doit remédier à un éventuel vide juridique créé par l’annulation de l’acte. Articles 326 à 334 du TFUE, et article 20 du TUE.

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Certes aujourd’hui, il est certain que les arguments tirés, d’une part, de la violation de l’article 327 TFUE et du droit international coutumier (I), d’autre part, afférents aux coûts pour les États non participants (II) feront de nouveau surface lors de l’adoption ultérieur des actes d’exécution de la future TTF.

I. Vers des effets extraterritoriaux ? On peut dire qu’il y a extraterritorialité de l’application d’une norme si tout ou partie du processus d’application se déroule en dehors du territoire de l’État qui l’a émise(15). Comme le rappelle fort justement le professeur Stern, l’application d’une norme étant une opération complexe – dont la première étape est l’édiction même de la norme –, il y a bien des façons pour celleci d’être extraterritoriale : c’est ainsi qu’on trouve des éléments d’extraterritorialité quand une norme est mise en œuvre par une autorité extérieure au territoire, ou encore lorsqu’il est tenu compte dans la mise en œuvre d’une norme d’éléments extérieurs au territoire, ou encore lorsque l’application de la norme implique des effets juridiques à l’extérieur du territoire. En l’espèce, les arguments soulevés par le RoyaumeUni font référence à la dernière hypothèse d’extraterritorialité précitée, arguant qu’en autorisant l’adoption d’une TTF ayant des effets extraterritoriaux en raison du « principe de la contrepartie » et du « principe du lieu d’émission » la décision attaquée a violé l’article 327 du TFUE. La proposition de directive prévoit dans sa version actuelle(16) la taxation par un État participant de l’ensemble des transactions effectuées avec des institutions financières situées dans des États non participants ou tiers et considérées comme établies sur son territoire selon le « principe de la contrepartie » ou « résidence élargie ». Il en résulte selon le Royaume-Uni que ladite décision permettrait l’instauration d’une TTF applicable, en raison des deux principes d’imposition susmentionnés, à des établissements, à des personnes ou à des opérations localisés sur le territoire d’États membres non participants, ce qui porterait atteinte aux compétences et aux droits de ces derniers. Or, en vertu de l’article 327 du TFUE, « les coopérations renforcées respectent les compétences, droits et obligations des États membres qui n’y participent pas ».

15. V. en ce sens, B. S, « Une tentative d’élucidation du concept d’application extraterritoriale », R.Q.D.I., vol. 3, p. 49, 1986. 16. « Principe de la contrepartie » consacré à l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la proposition COM(2011) 594, et du « principe du lieu d’émission » énoncé à l’article 4, paragraphes 1, sous g), et 2, sous c), de la proposition COM(2013) 71. 122

De même, le droit international coutumier, que l’Union européenne doit respecter(17), subordonnerait les effets extraterritoriaux d’une réglementation à l’existence d’un élément de rattachement entre les faits ou les sujets en cause et l’État qui exerce sa compétence à leur égard(18). La Cour a déjà eu l’occasion de rappeler qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 5, TUE, que l’Union contribue au strict respect et au développement du droit international(19).

Lorsque l’Union adopte un acte, elle est tenue de respecter le droit international dans son ensemble, y compris le droit international coutumier.

Ainsi, lorsque l’Union adopte un acte, elle est tenue de respecter le droit international dans son ensemble, y compris le droit international coutumier qui lie l’ensemble des institutions de l’Union. Dans cette perspective, la C.J.U.E. a reconnu l’existence d’un principe de territorialité comme l’un des facteurs de rattachement les plus importants concernant l’exercice de la compétence normative – en général et en matière fiscale en particulier – des États. Il n’en demeure pas moins que la caractérisation de ce critère n’implique pas nécessairement une compétence absolue et exclusive de l’État sur les faits ou les sujets en cause. On admet généralement que l’exercice de cette compétence doit être « raisonnable », qu’il doit exister un lien entre le critère de rattachement utilisé et l’objectif/la raison d’être de la loi. Pour autant et de manière attendue la Cour ne s’aventure pas à s’exprimer sur la validité des principes 17. V. sur ce sujet, C.J.C.E., 24 novembre 1992, n C-286/90, Poulsen et Diva Navigation. 18. Article 3 TUE : « Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue […] au strict respect et au développement du droit international […] ». 19. C.J.C.E., 21 décembre 2011, n C-366/10, Air Transport Association of America.

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d’imposition prévus par le projet de taxe sur les transactions financières, considérant que la décision attaquée se borne uniquement à autoriser l’établissement d’une coopération renforcée, sans contenir un quelconque élément substantiel sur la future taxe elle-même. Ce faisant, la Cour indique uniquement que « ce contrôle ne saurait se confondre avec celui qui est susceptible d’être exercé, dans le cadre d’un recours en annulation ultérieur, à l’égard d’un acte adopté au titre de la mise en œuvre de la coopération renforcée autorisée(20) ».

II. Des coûts indus pour les États membres non participants Le gouvernement requérant soutient en outre que, combinée à d’autres directives sur l’assistance mutuelle et la coopération administrative dans le domaine fiscal(21), cette taxe impliquera nécessairement des coûts pour les États membres non participants. Cette situation serait contraire aux dispositions de l’article 332 TFUE qui indiquent que « les dépenses résultant de la mise en œuvre d’une coopération renforcée, autres que les coûts administratifs occasionnés pour les institutions, sont [...] à la charge des États membres qui y participent ». La Cour indique cependant « qu’il convient de relever que la décision attaquée ne comporte aucune disposition en relation avec la question des dépenses liées à la mise en œuvre de la coopération renforcée qu’elle autorise »(22).

20. Arrêt commenté, point 34. 21. Directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (J.O. n L 84, p. 1) et directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (J.O. n L 64, p. 1). 22. Arrêt commenté, point 37.

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En effet, elle rappelle que les éventuels coûts administratifs que pourrait impliquer la procédure de coopération renforcée pour les États membres non participants « est tributaire de l’adoption du principe de la contrepartie et du principe du lieu d’émission », lesquels ne sont toutefois pas des éléments constitutifs de la décision attaquée ». Dans ces conditions, c’est sans surprise que la Cour considère ce moyen d’illégalité mal fondé ayant trait uniquement au système d’imposition envisagé et non à l’autorisation d’établir la coopération renforcée ellemême. À l’évidence le débat juridique autour de la question de la licéité de la taxe sur les transactions financières ne s’arrêtera pas à cette initiative. Il est fort à parier que les arguments relatifs à la conformité des principes d’imposition au droit international coutumier ou la question des coûts induits pour les États non participants reviendront à l’avant plan du débat européen. Un recours en annulation ultérieur contre la directive, une fois adoptée dans sa version définitive, sera l’occasion d’aborder les nombreuses questions toujours en suspens telles que l’existence d’une entrave fiscale, d’une distorsion de concurrence voire le cas échant d’un traitement discriminatoire. Dans ses Mémoires, Jean Monnet estimait qu’« envisager la forme définitive de la Communauté européenne que nous avons voulue comme un processus de changement est une contradiction dans les termes. Anticiper les résultats bloque l’esprit d’innovation. C’est au fur et à mesure que nous découvrirons de nouveaux horizons »(23). Les coopérations renforcées participent pleinement de ce dynamisme et devraient favoriser à terme l’intégration européenne. Pourtant, la question de l’intégration différenciée se pose avec d’autant plus d’acuité que le nombre d’États membres augmente, la mise en œuvre de la procédure de coopération renforcée en matière fiscale s’avère être un exercice redoutablement délicat, mais pourtant nécessaire afin de maîtriser les effets d’une hétérogénéité liée à l’augmentation constante du nombre des États membres ainsi qu’à l’extension continue des compétences de l’Union européenne.

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23. J. M, Mémoires, Livre de poche, Paris, Fayard, 1976.

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V. Fiscalité des services financiers

LES RECOMMANDATIONS BEPS DE SEPTEMBRE 2014 : UN ABOUTISSEMENT OU UN COMMENCEMENT (PREMIÈRE PARTIE) ? Georges C Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon III

Les initiales BEPS renvoient à un acronyme anglais que l’on traduit volontiers par « érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices »(1). L’idée défendue par le projet BEPS est l’adoption d’une approche internationale coordonnée de la lutte contre l’évasion fiscale émanant des entreprises multinationales. Pourtant, assortir la vision très nationaliste de l’impôt avec la mondialité de certaines entreprises relève de la gageure. Il faut en effet composer avec deux principes du droit fiscal international. Le premier enferme le juge de l’impôt dans l’éteau de sa loi nationale. Contrairement à ce qui prévaut en droit privé, où depuis Savigny le juge français peut être amené à appliquer une loi étrangère, le Conseil d’État ne peut faire respecter que la prérogative régalienne française de perception de l’impôt : il affiche une indifférence de principe à la loi fiscale étrangère. Le deuxième principe ambitionne l’élimination des doubles impositions, c’est-à-dire le fait, pour un même revenu, d’être imposé deux fois. Juridiquement, au niveau international, la double imposition est l’application d’impôts comparables dans deux (ou plusieurs) États au même contribuable, pour le même fait générateur et pour des périodes identiques. La Société des Nations avait entrepris des travaux menant à l’élaboration, dès 1928, de modèles de conventions bilatérales visant à supprimer les doubles impositions. Or les entreprises multinationales ont depuis développé une planification fiscale agressive révélant les failles de ces principes et conventions. Les spécialistes n’ignoraient pas que des grands établissements financiers, tels BNP Paribas, avaient des filiales à Panama et aux Bahamas. Mais lorsque le grand public découvre que Google, Starbuck ou Amazon ne payent pratiquement pas d’impôt en Europe malgré le chiffre d’affaires élevé qu’elles y réalisent, une certaine émotion saisit alors le citoyen. Ce dernier a l’impression de quitter un sol ferme recouvert de grandes dalles rassurantes où est écrit en lettres d’or le principe d’égalité devant la loi et de poser le pied sur une mosaïque où de riches multinationales seraient plus égales que d’autres. Pourquoi le géant d’internet Google rapatriait-il ses profits via une filiale localisée aux Bermudes ? Comment Starbucks parvenait-elle à déclarer des pertes 1. 124

au fisc britannique pendant treize ans sans interruption, alors que cette filiale était l’une des plus rentables du groupe ? Il semble que l’élimination de la double imposition a bel et bien laissé place à une double non-imposition. On observe alors une désunion entre l’endroit où les profits sont enregistrés et celui où ils sont taxés. L’objectif largement relayé par les politiques est aujourd’hui de mettre fin à ce phénomène en réalignant le lieu où sont réalisées les activités sur celui où sont taxés les bénéfices. Il fallait renforcer les règles destinées à prévenir l’abus des conventions fiscales, revoir celles gouvernant les prix de transfert notamment dans le domaine des actifs incorporels, ou encore obliger les sociétés à déclarer leur activité pays par pays de manière à améliorer la transparence. Tel est le plan d’action ambitieux confié à l’OCDE. Cette organisation a publié à la mi-septembre 2014 ses premières recommandations(2). Pour autant, celles-ci laissent une large marge de manœuvre aux États. Une comparaison de certaines mesures françaises se revendiquant de la démarche BEPS révèle que la marche pour la conquête des paradis fiscaux est en route. Mais il y a souvent un écart entre les objectifs assignés et les réalisations obtenues. La comparaison révèle que les mesures BEPS sont à la fois un aboutissement (I) et un commencement (II).

I. Un aboutissement Saisir en quoi les recommandations de l’OCDE sont un aboutissement nécessite de remonter à leur genèse. Celle-ci peut être située au sommet de Pittsburgh, tenu un peu plus de deux ans après le déclenchement de la crise financière de l’été 2007. Les dirigeants des vingt pays les plus riches de la planète se retrouvent en septembre 2009 pour mettre en œuvre les engagements tenus à Londres en avril de la même année, sur la régulation du système financier. En marge du sommet, la guerre contre les paradis fiscaux est ouverte. Car la crise devenue économique contracte sérieusement les budgets des États. Et les pays seuls ne peuvent résoudre ce problème, les règles unilatérales étant souvent porteuses d’insécurité juridique. C’est naturellement dans le cadre de l’OCDE que s’épanouit le projet BEPS. Et si l’on voulait le résumer à une devise, celle-ci pourrait être « cohérence, substance, transparence ».

Base Erosion and Profit Shiing. Revue internationale des services financiers/International review of financial services

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V.A. Fiscalité directe (Libertés au sein du marché intérieur)

A. Cohérence

C. Transparence

La cohérence internationale de la fiscalité des entreprises, d’abord, est l’un des sept premiers éléments du plan d’action BEPS. Est-il en effet souhaitable qu’un revenu soit exonéré dans l’État du bénéficiaire, alors même qu’il procure une déduction dans celui du payeur ? L’action 2 du plan d’action vise donc à ériger de nouvelles dispositions conventionnelles types destinées à neutraliser les effets des montages hybrides. La France n’a pas attendu ces recommandations : ainsi, la possibilité de déduire les intérêts d’emprunts versés à des sociétés liées est subordonnée à la condition que la société emprunteuse démontre, à la demande de l’administration, que ces intérêts ont été assujettis à une imposition minimale au niveau de la société prêteuse, que cette dernière soit résidente ou non de France(3).

La transparence au profit des administrations fiscales est enfin l’objet de l’action 13 du plan d’action. D’ailleurs, en s’exprimant lors de la clôture de la réunion des ministres des Finances des vingt pays les plus industrialisés à Cairns en Australie, fin septembre 2014, le ministre français des Finances et des comptes publics a annoncé que 47 États ont d’ores et déjà accepté d’échanger leurs informations à partir de 2017, et que huit membres du G20 et la Nouvelle-Zélande se joindront à eux en 2018. Derrière cette transparence favorisée, le contribuable bénéficierait davantage de certitude et de lisibilité. L’exemple de l’amélioration de la documentation des prix de transfert et l’élaboration d’un modèle type de communication d’informations pays par pays illustre cette tendance. Là encore, on sait que la France est en ligne avec cette recommandation de l’OCDE, puisque le jour même de la publication de cette dernière, la direction générale des finances publiques mettait en ligne un formulaire CERFA n 2257 devant en principe être déposé par les sociétés avant le 20 novembre 2014 au titre d’une nouvelle obligation déclarative en matière de prix de transfert(5). Cette déclaration vise deux séries d’information : des informations générales sur le groupe d’entreprises associées, où il est présenté les principales activités du groupe tout en faisant mention de la nature et de la localisation des droits incorporels exploités, ainsi qu’une description générale de la ou des méthodologie(s) de fixation de prix de transfert. La seconde série d’information concerne l’entreprise déclarante : ses transactions doivent être ventilées par nature (par exemple, ventes, services, commissions reçues, achats, services achetés, commissions payées), et un montant doit être mentionné pour chaque transaction, sous réserve que celle-ci soit supérieure à 100 000 EUR.

B. Substance La substance économique doit ensuite servir de base aux règles d’imposition. C’est l’objet de l’action 6, qui vise à rétablir les avantages escomptés des normes internationales et empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales. De même, l’action 8 fait en sorte que les prix de transfert calculés soient conformes à la création de valeur. Or, dans le domaine fondamental des actifs incorporels qu’il est facile de déplacer au gré des taux d’imposition, le lieu où sont utilisés ces actifs est parfois éloigné de celui où ils sont détenus. Comment relever les défis posés par l’économie numérique (action 1) et prévenir qu’une société – Amazon – se voit réclamer 198 millions d’euros d’arriérés d’impôts par le fisc français ? Dans son rapport de janvier 2013, la mission d’expertise Colin-Collin appelait déjà à de nouvelles règles fiscales dans cette matière. En effet, le constat d’une croissance de l’économie numérique tirée par de grands écosystèmes optimisés du point de vue de la fiscalité, doublé de celui d’une fiscalité ayant peine à évoluer au rythme des mutations de l’économie numérique, interpelle(4). Il interroge sur les graves conséquences pour l’économie nationale de ce cadre fiscal inadapté. C’est pourquoi le rapport propose de rétablir l’harmonie entre imposition des bénéfices et économie numérique. Il n’est toutefois pas sans susciter d’autres interrogations : si les données, issues du « travail gratuit » des utilisateurs d’applications, sont au cœur de la création de la valeur, peut-on en dire autant des services financiers ? À supposer qu’une valeur soit créée dans la simple mise à disposition de fonds, où celle-ci devraitelle être considérée comme avoir été réalisée ? 2. 3. 4.

V. http://www.oecd.org/FR/. Loi de finances 2014, n 2013-1278, 29 décembre 2013, article 22. V. http://www.economie.gouv.fr/rapport-sur-la- fiscalite-du-secteur-numerique.

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Les contribuables français sont invités à davantage de transparence.

Ce rapide examen comparé aboutit à la conclusion suivante : au-delà d’être un point d’arrivée, ces mesures posent sans doute les jalons d’une piste de décollage. Elles constituent donc non seulement un aboutissement, mais aussi un commencement. (à suivre)

5.

LPF, article L. 13 AA.

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V.B. Fiscalité indirecte(Taxe sur la valeur ajoutée) C.J.U.E., 10 JUILLET 2014, FAZENDA PUBLICA C. BANCO MAIS, AFF. C-183/13 Sabrina L NC Maître de conférences à l’Université d’Orléans

Le droit à déduction de la TVA prévue par la sixième directive engendre toujours un abondant contentieux, notamment en présence de redevable partiel. À l’occasion d’un arrêt du 10 juillet 2014, la Cour de justice de l’Union européenne est revenue sur les conditions de déduction de la taxe payée en amont s’agissant d’opérations de crédit-bail de biens et de services à usage mixte. Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle directive TVA, les entreprises utilisant des biens à usage mixte(1) recouraient en effet à la technique du prorata, nommé aujourd’hui « coefficient de taxation »(2). Ce pourcentage permettait de déterminer, parmi les opérations imposables, celles ouvrant droit à déduction. En l’espèce, une banque, la société Banco Maïs, réalisait pour le secteur de l’automobile des opérations de crédit-bail, ouvrant droit à déduction et exerçait, dans le même temps, d’autres activités financières, celles-ci exclues du droit à déduction. À ces fins, elle utilisait des biens et services affectés à l’une ou l’autre de ces catégories ainsi que des biens et services à usage mixte. Au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, elle revêtait ainsi le statut de redevable partiel. La banque avait intégralement déduit la taxe payée lors de l’acquisition de biens et de services utilisés exclusivement aux fins de réaliser des opérations ouvrant droit à déduction. Parmi ces opérations figuraient des acquisitions de véhicules pour les besoins de l’activité de crédit-bail. S’agissant des biens à usage mixte, la banque a calculé son prorata sur la base d’une fraction. Au numérateur figuraient les rémunérations perçues à l’occasion des opérations financières ouvrant droit à déduction, auxquelles a été ajouté le chiffre d’affaires réalisé par les opérations de crédit-bail ouvrant droit à déduction. Au dénominateur, figuraient les rémunérations perçues à l’occasion de l’ensemble des opérations financières, auxquelles a été ajouté le chiffre d’affaires engendré par l’ensemble des opérations de crédit-bail. En pratique, cette méthode a conduit la société Banco Maïs à déduire à 39 % la taxe due ou acquittée sur ses biens à usage mixte. 1. 2. 126

C’est-à-dire ceux utilisés simultanément pour l’activité effectivement imposable et l’activité exonérée. CGI, annexe II, article 206-III.

À la suite d’un contrôle, l’administration fiscale portugaise a contesté la méthode ainsi employée pour déterminer le droit à déduction. Selon elle, cette méthode conduirait à une distorsion importante dans la détermination de la taxe due. L’administration fiscale avait en effet estimé, s’agissant des opérations de crédit-bail, « que le fait d’avoir utilisé comme critère la part du chiffre d’affaires engendrée par des opérations ouvrant droit, sans exclure de ce chiffre d’affaires la part des loyers perçus compensant le coût d’acquisition des véhicules, avait eu pour effet de fausser le calcul du prorata de déduction ». La société Banco Maïs a contesté cette décision et a introduit un recours devant le tribunal administratif portugais. Celui-ci a fait droit à son recours au motif que l’administration fiscale aurait fait une interprétation contra legem de l’article 23, paragraphe 4, du CIVA. Ce texte prévoyait, sans faire état d’une exception s’agissant des opérations de crédit-bail, que le prorata à utiliser pour les biens et services à usage mixte devait être calculé par référence à la part du chiffre d’affaires afférente aux opérations ouvrant droit à déduction. Conformément à ce texte, la société aurait dû, selon le tribunal, être autorisée à tenir compte de l’intégralité des loyers versés par les crédits-preneurs. L’administration fiscale portugaise a interjeté appel. Selon elle, le litige se serait déplacé. Il ne porterait pas sur l’interprétation de l’article 23, paragraphe 4, du CIVA, mais sur la possibilité pour l’administration fiscale d’exiger d’un assujetti qu’il détermine l’étendue de son droit à déduction selon l’affectation réelle des biens et des services en cause. Selon l’administration fiscale, la méthode suivie par la société consistant à faire figurer tant au numérateur qu’au dénominateur l’intégralité des loyers versés par les clients dans le cadre de contrat de crédit-bail aboutirait à une distorsion de concurrence au motif que « la part des loyers qui compense l’acquisition des véhicules ne refléterait pas la part réelle des dépenses afférentes aux biens et aux services à usage mixte qui peut être imputée à des opérations taxées ». Saisie d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a dû répondre si la sixième directive, en son article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, sous c)(3), s’opposait à ce qu’un État membre oblige une banque, exerçant des activités de crédit-bail, à faire figurer, tant au numérateur qu’au dénominateur du prorata de déduction pour les biens à usage mixte, la seule part des loyers que versent les clients dans le cadre du contrat, limitée ainsi aux seuls intérêts. Cette question était importante, car, dans le cadre d’un contrat de crédit-bail, le loyer que verse le client se compose 3.

Directive 2006/112/CE, article 173.

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de l’amortissement financier, des intérêts et d’autres charges. Or seuls les intérêts constituent stricto sensu la rémunération ou le bénéfice obtenu dans le cadre de l’activité au titre du contrat de crédit-bail. Selon la Cour, la directive ne s’oppose pas à ce qu’un État membre « oblige une banque, qui exerce notamment des activités de crédit-bail, à faire figurer, au numérateur et au dénominateur de la fraction qui sert à établir un seul et même prorata de déduction pour l’ensemble de ses biens et services à usage mixte, la seule part des loyers que versent les clients dans le cadre de leurs contrats de crédit-bail, qui correspond aux intérêts, lorsque l’utilisation de ces biens et de ces services est avant tout occasionnée par le financement et la gestion de ces contrats ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ». Pour rendre sa décision, la Cour a dû interpréter l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, sous c) de la sixième directive, disposition dérogatoire par rapport aux articles 17, paragraphe 5, premier alinéa, et 19, paragraphe 1, de la directive. Lors de cet arrêt, la C.J.U.E. réaffirme qu’il « y a lieu de tenir compte, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, des termes de celle-ci ainsi que de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie »(4). Conformément à sa jurisprudence traditionnelle(5), la Cour prescrit ainsi une interprétation conforme aux objectifs poursuivis. Si chaque règle de la directive doit être interprétée en considération de son propre objectif, il convient également de s’en tenir à l’objectif d’application très large de la sixième directive et de la directive 2006/112/CE. Dans cet arrêt, la Cour opte ainsi pour une lecture littérale ou exégétique de l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, sous c) de la sixième directive. Il convient de prendre en compte les termes, le contexte et les finalités poursuivies par la directive(6). Partant, le juge européen procède en deux temps. 4. 5.

Arrêt SGAE, C-306/05, EU, aff. C : 2006 : 764, point 34. C.J.C.E., 6 ch., 9 mars 2006, aff. C-114/05, Gillan Beach Ltd, Dr. fiscal, 2006, n 48, comm. 749 ; R.J.F., 6/2006, n 805 ; C.J.U.E., 1 ch., 26 janvier 2012, aff. C-218/10, ADV Allround Vermittlungs AG, Dr. fisc., 2012, n 5, act. 68 ; R.J.F., 4/2012, n 434 ; C.J.C.E., 3 ch., 28 juin 2007, aff. C-363/05, JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust plc, e Association of Investment Trust Companies plc, Dr. fisc., 2008, n 11, comm. 212 ; R.J.F., 2007, n 1366.

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D’une part, il s’attache à l’objectif poursuivi par le texte litigieux. Celui-ci offre la possibilité pour les États membres d’autoriser ou d’obliger un assujetti à opérer la déduction de la TVA suivant l’affectation de tout ou partie des biens et des services. Les États membres ont ainsi toute latitude pour prévoir que le régime de déduction de la TVA tienne compte de l’affectation des biens. La Cour a ainsi relevé que la sixième directive ne renvoie qu’au prorata de déduction et ne fixe une règle de calcul détaillée de calcul que pour l’article 17, paragraphe 5, premier alinéa. Elle relève ensuite que l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa de la sixième directive commence par le terme « toutefois », introduisant ainsi une exception au principe énoncé à l’article 17, paragraphe 5, premier alinéa. D’autre part, la Cour veille à ce que l’État membre ait respecté en l’espèce la finalité et l’économie de la directive, notamment le principe de neutralité du système TVA. Ce principe exige d’éviter toute distorsion de concurrence entre les opérateurs économiques. Ainsi, lors d’un arrêt de 2008, Securenta, la Cour a rappelé que toute la TVA d’amont liée aux activités économiques est déductible, mais seulement en proportion des opérations imposables(7). Ainsi, les modalités de calcul du prorata doivent refléter, pour respecter le principe de neutralité, la part réelle des dépenses occasionnées par l’acquisition des biens et services à usage mixte. En l’espèce, la Cour a ainsi jugé que la clé de répartition fondée sur l’affectation réelle des biens à usage mixte est plus précise que celle assise sur le chiffre d’affaires. Elle valide ainsi la détermination de la clé de répartition en fonction de l’affectation réelle des biens. Seuls les intérêts seront pris en compte pour le calcul du prorata lorsque notamment l’utilisation des biens et de services est avant tout occasionnée par le financement et la gestion des contrats de crédit-bail.

6.

7.

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C.J.C.E., 4 ch., 6 mars 2008, aff. C-98/07, Nordania Finans A/S et BG Factoring A/S, pt 17, Dr. fisc., 2008, n 11, comm. 2016 ; R.J.F., 5/2008, n 625 ; C.J.U.E., 2 ch., 10 novembre 2011, aff. C-444/10, Allemagne c. Schriever, Dr. fisc., 2011, n 45, act. 342. Cette jurisprudence a été appliquée récemment par le Conseil d’État : C.E., 21 mai 2014, n 365172, Sté Ait France - KLM et n 365173, Sté Brit Air, R.J.F., 8-9/2014, n 778 et 779. C.J.C.E., 13 mars 2008, aff C-437/06, Securenta AG c. Finanzamt Göttingen, Europe, 2008, comm. 164, obs. A.-L. M.

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V.C. Fiscalité comparée THE GERMAN PERSPECTIVE ON FOREIGN FINANCIAL TRANSACTION TAXES(1) Dr. Oliver V. S Attorney (Germany & New York), German tax advisor at PwC e German banking system is composed of three “pillars. ese are (1) the public sector banks, (2) the cooperative banks and (3) the private commercial banks, each of the three groups distinguished by ownership structure and business orientation.(2) (1) Public sector banks are the savings banks, state development banks, the federal development bank and State Banks (“Landesbanken”). e public body responsible for the administration of savings banks are German municipalities. Although savings banks are normally held directly or indirectly by municipalities, not all savings banks are wholly publicly owned. A number of Federal States (“Bundesländer”) are also major stakeholders in their respective State bank (“Landesbank”), which can take the form of a company divided by shares (stock company) or public institution. (2) Cooperative banks are owned by their members who, in turn, are usually their account-holders. e key role of the former is to support their members. e public and cooperative banking pillars are focussed on the German retail market (while maintaining overseas representations for global clients). Both the public and the cooperative banking pillars maintain central institutions for joint tasks (such as asset management products). (3) Private commercial banks. All three pillars of the German banking system must decide how to respond to foreign Financial Transaction Taxes (hereinaer “FTT”) legislation. At this point in time, only the French and the Italian FTT regimes have had a measureable effect on the operations of the German banking system. e EU FTT-proposal(3) by the

European Commission is still being discussed within the EU Council. e French FTT-regime applies to purchases of certain French equities and does not differentiate as to the place the transaction occurs or the type of (foreign or French) institution subject to taxation. Even the smallest foreign institutions are expected to fully comply. Fortunately, trading in French “blue-chips” (i.e., only trading in shares of French companies whose marketcapitalisation is in excess of one billion euros as of January 1 of the taxable year are subject to French FTT) remains the only relevant aspect of the French FTT regime for German financial institutions. e other two taxes applicable to financial transactions,(4) a tax on high-frequency trading (more precisely the cancellation of high-frequency orders) and a tax on “naked” (i.e., without investment in the underlying asset) EU sovereign debt credit default swaps (CDS),(5) are limited to market participants acting within France. Consider the example of a small German savings bank confronted with French legislation imposing a financial transaction tax. e savings bank does not do any “proprietary trading” (dealing on its own account) in French shares and its customers rarely purchase French “bluechip” stocks. Whether or not France may impose a FTT on German financial institutions at all has been subject to substantial debate within the German banking industry. e German banking federations have jointly raised the issue of extraterritorial application with the German Finance Ministry. e German Finance Ministry has referred the case to the German Foreign Ministry. In that case, the German Foreign Ministry determined that “the introduction of rules – including tax laws – with an intended effect abroad is not illegal per se”. A complaint in this matter is still to be decided by the EU Commission.(6)

3.

4. 1.

2.

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Many thanks to Dr. Hans Lauermann (PwC-Germany), Maud Poncelet (Landwell-France), Peter Churchill (PwC-UK) and Alfonso Vaiana (PwC-Italy) for their valuable advice and support. Reinhard H. S, Ein Plädoyer für Banken-Vielfalt, May 2011 Policy Letter, House of Finance http://safefrankfurt.de/uploads/media/Schmidt_Ein_Plaedoyer_ fuer_Banken_Vielfalt.pdf; also FAZ 27.5.2011, p. 25.

5. 6.

Proposal for a Council Directive implementing enhanced cooperation in the area of financial transaction tax, 14.2.2013 COM(2013), 2013/0045(CNS) http: //ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/ taxation/com_2013_71_en.pdf. Bulletin officiel des impôts, Direction Générale des Finances Publiques, No. 3A (French General Tax Code (“CGI”), Art. 235ter ZD, 235ter ZDbis and 235ter ZDter; Annex III to the CGI, Art. 58 Q and 58 R): https://www.tresor.economie.gouv.fr/File/372171. Article 235ter ZDter CGI: http://www.legifrance.gouv.fr/. Claus H and Stefan K, Spiegel Online, Complaint to the EU: German Banks try to Torpedo Transaction Taxes, Dec. 16, 2013, http://www.spiegel.de/

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According to the French FTT legislation, a bank has to be licensed as an “investment services provider” (ISP) and authorized to execute orders on behalf of third parties in order to qualify as a “taxpayer”. However, if a bank is only authorized to execute and transmit orders, that alone would not be sufficient.(7) A German savings bank would, however, normally hold a “full” banking license from BaFin (the German banking supervisory body), and would also benefit from a plethora of local BaFin licenses, including those related to advising on securities and discretionary portfolio management.(8) Normally, the savings bank in the above example would be classified as an ISP (setting aside the issue of the extraterritorial application of French FTT legislation).

Practical difficulties

for compliance.

In order to comply with French FTT legislation, IT systems would need to gather information on customers with respect to French FTT taxpayer status as some statuses would exempt transactions from the payment of the tax. If the savings bank takes the view that imposition of the tax in Germany would be contrary to principles of international law,(9) it may also consider filing a protective claim with the French tax authorities regarding the French tax aer payment has been made. One would hope that the advisers of the bank would have provided the bank with an English translation of the FTT provisions. Nonetheless, for German institutions, references to the original French legislation would be difficult to obtain. Furthermore, IT and operational de-

7.

8.

9.

international/europe/german-banks-complain-aboutfrench-and-italian-transactions-tax-a-939345.html. For a list of services that define “investment services provider”, cf. article L. 321-1 Code monétaire et financier: http://www.legifrance.gouv.fr. For a list of admitted credit-institutions, see http: //www.bafin.de/SharedDocs/Downloads/DE/Liste/ Unternehmensdatenbank/dl_li_ki_gesamt.html; to research on the level of individual institutions, please search via: https://portal.mvp.bafin.de/database/ InstInfo/. For example, even smaller institutions such as “Sparkasse Celle” and “Sparkasse Allgäu” each hold 28 various licenses granted by BaFin, including licenses relating to securities advice and portfolio management. Cf. for the discussions on extra-territorial application of the EU-FTT and on the requirements for a “reasonable link” to respect the principle of “comity” under international law, Joachim E, John V, Anzhela Y, “e Financial Transaction Tax Proposal Under the Enhanced Cooperation Procedure: Legal and Practical Considerations”, British Tax Review, Nr. 2/2013, pp. 223-259.

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partments within the bank may struggle with the provisions of French FTT law, assuming that bank management had decided to implement the tax in the first place. Given the current financial climate, the vast majority of German banking customers rarely invest in the stock market. In fact, only about 9.4m Germans are reported to have invested into stock, with the relative proportion of cash investment into stock being less than 10 percent.(10) When one considers these facts and historical trends, the cost of implementation may prove to be disproportionate. While French FTT legislation allows delegation of the execution of the compliance function to another entity, there is no assurance regarding the length of time the delegation mechanism would remain valid. e EU FTT proposal is supposed to replace any national financial transaction tax already in place.(11) us, the willingness to allocate resources to the implementation of such a foreign tax would be mediocre at best. From a market infrastructure perspective, most German banks are reliant on WM Datenservice, the German International Securities Identification Number (ISIN)-provider (such as Reuters in the UK or SIX in Switzerland). WM Datenservice offers firms a repository of market data while adding certain “regulatory features” to the collected data (e.g., information on the origin of an issuer, whether or not a payment is taxable or reportable, etc.). Most German banks rely on WM Datenservice to track financial instruments that are subject to the French FTT. However, WM Datenservice only allows the “abstract” tracking of financial instruments. Internal systems within the bank are responsible for tracing individual trades back to customers.(12) e following example illustrates this point: Oen, shares are not traded in their original form but through so-called “depository receipts”. A “depository receipt” is typically issued by an “international central securities depository”, usually a large bank, to facilitate trading in third markets outside the country of the issuer of the original instrument (to save costs in crossborder settlement and custody).

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10. Arne S, Die Nimmermüden, Das Deutsche Aktieninstitut wirbt seit Jahrzehnten für die Aktie. Warum gibt es nicht auf?, Die Zeit, 24. Oct. 2013, referring to data from Deutsches Aktieninstitut. 11. Revised Proposal for a Council Directive implementing enhanced cooperation in the area of financial transaction tax, 14 February 2013 (COM(2013) 0045 (CNS), Art. 15: “e participating Member States shall not maintain or introduce taxes on financial transactions other than the FTT object to this Directive or value-added tax as provided for in Council Directive 2006/112/EC”. 12. Just for clarification purposes: Proprietary purchases in French blue-chips would also be payable by German credit institutions that qualify as “ISP”.

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V. Fiscalité des services financiers

e French FTT-guidance specifies that the FTT should also apply to “depository receipts”.(13) Banks using WM Datenservice would be able to recognize the purchases in depository receipts as subject to French FTT, but it would be up to the bank’s internal IT systems to track the trade back to an individual account, deduct the applicable FTT, wire the amounts due (via German/Luxemburg Clearstream Banking) to French Euroclear or to exempt a trade due to customer’s circumstances (e.g. pension funds). e general tax rate under the French FTT is 0,2 % of the purchase price.(14) As the payable amounts are small by comparison and most of the internationally active German institutions have some connection to the French market, legal action against the French Tax Authorities has been rare. As a result, despite continuing reluctance, major provisions of the French regime have been implemented by most German financial institutions. As FTT data has yet to be made available to the general public, it is very difficult to measure the effective contribution made by the German financial industry. e French Budget Act for 2013, which amended the prior Budget Act, stated that government receipts from the new FTT would be reduced by EUR 850m,(15) thereby decreasing the total amount of tax revenue from an estimated EUR 1,54bn(16) for 2013 to a more modest EUR 690m. Furthermore, the revenue data did not indi13. “Unofficial” English tax guidance released by the French Ministry of Finance: “3. e tax applies to investment certificates [certificats d’investissement (CI)], voting right certificates [certificats de droit de vote (CDV)] and depository receipts [certificats représentatifs d’actions (CRA)] issued by an entity regardless of its place of establishment. Example: “American depository receipts issued by a US financial institution are subject to the tax when they represent an equity security whose issuer has its registered office in France”. It is heavily disputed in the context of trading in US depository receipts, whether France has the power to introduce such tax. In effect, the US/French tax treaty contains the following provision, cf. Article 29 (4) US/French Tax Treaty: “4. Notwithstanding the provisions of Article 2 (Taxes Covered), any transaction in which an order for the purchase, sale, or exchange of stocks or securities originates in one Contracting State and is executed through a stock exchange in the other Contracting State shall be exempt in the first-mentioned State from stamp or like tax otherwise arising with respect to such transaction”. A consultation procedure under the US/French Convention for the Avoidance of Double Taxation has been raised by the “Securities Industry and Financial Markets Association” (SIFMA) with the US Treasury department to request clarification”. 14. Art. 235ter ZD CGI. 15. Item line 1797, ORF n 0303, du 30 décembre 2013, page 21910, texte n 2, loi n 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, NOR: EFIX1327237L; http://www.legifrance.gouv.fr/. 16. Act Nr. 2012-1509 of 29 December 2012 for finances of 2013, NOR: EFIX1234869L. http://www.legifrance.gouv.fr. 130

cate how much of the revenue was derived from foreign sources, let alone from Germany. On an informal basis, French tax authorities have indicated that more than half of the tax revenue has been paid by non-French institutions. Given the negative side-effects of the tax, it has not been shown that the FTT has created net positive tax revenue for the French Finance Ministry. While the political debate for finding a consensus amongst the Enhanced Cooperation Countries lingers on, the German financial industry is waiting and carrying out whatever preliminary solution was implemented by each domestic institution. Trading has oen shied to more promising markets or financial products outside the scope of the new tax (in particular equity swaps and contracts for difference(17)). Recent studies have suggested that financial transaction taxes impact trading volumes.(18) Since the introduction of the Italian FTT, trading in Italian stocks through major banks has fallen sharply amid a wider fall in volumes since Italy introduced the tax.(19) Trading volumes were down by as much as 40 percent between January and March 2013.(20) For the small German savings bank in the example above, the bank would most likely be part of a larger “transaction-bank” framework. A “transaction-bank” is a “bank for banks” that specializes in securities settlement. In Germany, that would typically be “dwpbank”,(21) a joint venture between the cooperative and savings banking segments, but it may also be a Landesbank or other operator. Until recently, a small savings bank without its own settlement operations would almost always have been considered a “taxpayer” in a “chain of intermediaries” responsible for filing a tax form with Euroclear (the institution charged with wiring the outstanding tax and collecting relevant tax forms). Defining the first “investment services provider (ISP)” as a “taxpayer” in the “chain of intermediaries” was theoretically convincing, but largely impractical. On August 1, 2014, however, the French rules regarding the definition of a “taxpayer” were amended with 17. Tom N, “French transaction tax loophole could prompt tougher European regimes”, Risk Magazine, January 10, 2013, http://www.risk.net/risk-magazine/ feature/2234499/french-transaction-tax-loopholecould-prompt-tougher-european-regimes. 18. Gunther C-B and Olena H, e Impact of the French Securities Transaction Tax on Market Liquidity and Volatility, http://www.labexrefi.com/wp-content/uploads/2013/04/Working-papere-Impact-of-the-French-Securities-TransactionTax-on-Market-Liquidity-and-Volatility-CapelleBlancard.pdf. 19. See Dennis O, GBST Capital Markets Media and ASX Releases, Do we really understand the FTT headache?, http://gbst.com/news-events/gbst-in-thenews/do-we-really-understand-the-t-headache. 20. Id. 21. Dwpbank operates on behalf of 1,500 banks, http://www.dwpbank.de/english/.

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respect to “chains of intermediaries”. According to the amended rules, the second ISP shall be considered a “taxpayer” if the following four conditions are met:(22) 1. e first ISP is not part of the settlement chain; 2. e first ISP does not issue a trade confirmation (“compte rendu d’execution”) as defined by Article 31486 of the AMF General Regulation(23) or defined in other equivalent legislation referring to the transaction; 3. e first ISP must not be a member of a regulated market, on which the securities are traded, for which acquisitions are likely to be subject to French FTT; 4. e first ISP must act as agent (“mandataire”(24)) for the end purchaser with a second ISP being authorised to perform the services or the execution of orders on behalf of third-parties. us, it would seem that the savings-bank in the example above might have transferred its implementation responsibility to the detriment of the transaction bank/broker through which it orders/settles its trades. However, a closer reading of the four-pronged test may be required to determine who is the taxpayer. is example demonstrates the practical difficulties of tracking and implementing legal amendments in other jurisdic22. Bulletin officiel des impôts, BOI-TCA-FIN-10-3020140801, Second Annotation; http: //bofip.impots.gouv.fr/bofip/7575-PGP/version/41. 23. Autorité des Marchés Financiers, General Regulation, Art. 314-86 – English translation: “Investment services providers that transmit or execute an order, other than for portfolio management, on behalf of a client, shall take the following measures in respect of that order: 1 e investment services provider must promptly provide the client, in a durable medium, with the essential information concerning the execution of that order; 2 In the case of a retail client, the investment services provider must send the client a notice in a durable medium confirming execution of the order as soon as possible and no later than the first business day following execution or, if the confirmation is received by the investment services provider from a third party, no later than the first business day following receipt of the confirmation from the third party. Points 1 and 2 shall not apply where the confirmation from the investment services provider contains the same information as a confirmation that is to be promptly dispatched to the client by another person”; http://amf-france.org. 24. While there is no further guidance on the definition of the French “mandataire” concept, the prevailing view seems to be that this requires the agent to act “in the name of ” the beneficiary, rather than on his or her behalf. As an open agency relationship is relatively rare, no transfer to the second ISP normally takes place. is gives the agent a choice when processing through the 1st/2nd ISP to disclose the ultimate beneficiary, potentially resulting in a transfer of payment responsibility. e argument in favor of requiring such disclosure for the transfer of legal responsibility to occur is that only aer such disclosure can the second ISP assess the taxliability of the beneficiary, an undisclosed agency relationship would therefore be insufficient. 2014/4

tions, let alone to analyse whether or not the bank has been affected by them.

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UK stamp duty is more

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efficient.

Another general issue with foreign financial transaction taxes, using the French and the Italian examples, are the individual filing requirements. By contrast, the vast majority of UK Stamp Duty Reserve Tax (SDRT) is deducted, paid and reported through CREST, the settlement system for most transactions involving UK equities. Contact with UK tax authorities (“Her Majesty’s Revenue and Customs”) is generally required only in limited circumstances (e.g., tax refund claims in the case of overpaid taxes or applications for intermediary relief from UK SDRT). e streamlined SDRT procedures make it a much more efficient payment system than the French or the Italian FTT regimes. Moreover, in the Italian case, a registration with the Italian tax authorities is generally required in order to obtain an Italian Tax-Identification Number.(25) To complicate matters further, the recent amendments to the definition of a “taxpayer” in chain of intermediary scenarios under French law has not been mirrored by Italian tax authorities. As a result, compliance with both regimes may require different compliance structures. e current EU FTT proposal is only supported by 11 Member States: Austria, Belgium, Estonia, France, Germany, Greece, Italy, Portugal, Slovakia, Slovenia and Spain. As a result, any FTT harmonization would be regionally limited at best. e above-mentioned Member States are using the “Enhanced Cooperation Procedure” to harmonize FTTregulations amongst themselves. If the EU-11 reaches a consensus on a harmonized FTT-regime, it should be based on the UK SDRT model, thus avoiding the difficulties linked to individual registration and filing by financial institutions under the French and Italian FTT regimes. In addition, as not all trades are settled centrally, processing of FTT relevant transactions through the central securities depository based on the net settlement position would need to be complemented via a payment process for OTC-trades(26) that are not cen25. Italian tax authorities not only require the submission of a commercial register excerpt but also a copy of the signatories’ identity card. e latter contains private information (marital status, picture, personal address, etc.). As a result, some German banks have refused to register, citing privacy issues. 26. e phrase OTC (“over-the-counter”) is used to refer to stocks that trade via a dealer network as opposed to on a centralized exchange. See http://www.investopedia.com/terms/o/otc.asp.

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trally cleared.(27) Following the Italian example, to enhance compliance, the tax rate could be adjusted for on-exchange or centrally cleared transactions.(28) In any case, an efficient and harmonized FTT would still 27. Cf. Helene S and Stephan S, Settlement Systems and Financial Transactions Taxes, Austrian Institute for Economic Research, Sept. 2011, http://www.wifo.ac.at/.

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be better than a patchwork of divergent national FTT regimes. 28. Cf. Sec. 491, “Unofficial Translation” of the Italian FTTlaw: “e tax rate is reduced by half for transfers that take place in regulated markets and multilateral trading facilities”. See also, http://www.agenziaentrate.gov.it/ wps/content/Nsilib/Nsi/Home/CosaDeviFare/Versare/ Imposta+sulle+transazioni+finanziarie/.

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Prix de thèse 2014 L’Association Européenne pour le Droit Bancaire et Financier-France (AEDBF-France) décernera à nouveau un prix de thèse 2014 doté d’un montant global de 3 000 euros.

a) Le premier prix sera doté de 2 000 euros. b) Le second prix recevra 1 000 euros. c) Le cas échéant, en cas de premier prix ex æquo, chaque lauréat recevra 1 500 euros.

Ce prix est destiné à récompenser un travail de recherche approfondi et original sur un thème intéressant le droit bancaire et financier. Seules sont admises à concourir les thèses soutenues entre le 1 août 2012 et le 31 décembre 2014 et rédigées en langue française.

Les candidatures seront reçues jusqu'au 31 janvier 2015. Elles devront être adressées à : AEDBF-France c/o Madame Anne LAMBERT HUGHES HUBBARD & REED 8, rue de Presbourg 75016 Paris lamberta@hugheshubbard.com Tél. : +33 (01) 44 05 76 17

Tous les renseignements figurent sur le site de l’AEDBF-France : www.aedbf.fr.

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