Réussir ses TD - Droit des obligations - Paradigme

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sur la responsabilité médicale 2

Les critiques formulées contre l’arrêt « Perruche »

A.

Les raisons de ces critiques Si l’existence des fautes n’a jamais été contestée, tel ne fut pas le cas pour le dommage et le lien de causalité. D’abord, s’agissant de l’existence du lien de causalité entre les fautes des professionnels de la santé et le préjudice subi par l’enfant, la doctrine a fait valoir que celles-ci avaient conduit la mère à ne pas procéder à l’avortement, et non à transmettre la maladie. Les fautes n’ont pas entraîné le handicap mais la naissance de l’enfant qui, dès lors qu’il naissait, ne pouvait qu’être handicapé. La doctrine a ensuite fait valoir que, contrairement à ce qu’a semblé annoncer la Cour de cassation, dans une formule laconique, le préjudice de l’enfant n’était pas d’être né handicapé (puisqu’il ne po uvait naître sain) mais d’être né (puisque sa mère aurait pu avorter). L’enfant n’obtenait pas réparation pour être né handicapé mais, en réalité, pour être né. Cela revenait à dire qu’il valait mieux ne pas naître que de naître handicapé. Or, même si vivre handicapé peut présenter plus d’inconvénients que de ne pas vivre, même si l’avortement est autorisé, pour motif thérapeutique, dans des cas similaires à celui étudié, la majorité de la doctrine et de la société s’est insurgée contre l’idée que la vie pouvait constituer un préjudice. Beaucoup y ont vu un risque de dérive vers l’eugénisme. Les plus pessimistes avancèrent que les enfants handicapés allaient pouvoir reprocher à leur mère de ne pas avoir avorté, quand le handicap avait été détecté in utero. Les spécialistes de la médecine prénatale ont craint de voir leur re sponsabilité civile systématiquement engagée en cas de malformations fœtales non détectées. Leurs primes d’assurance ont considérablement augmenté. Toutes ces critiques ont eu d’i mportantes conséquences, et ce d’auta nt que la Cour

LARCIER

B.

Les conséquences de ces critiques Le législateur dut intervenir. Selon l’article 1 er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, codifié à l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. (…) » En 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France au motif que l’application immédiate de l’article 1 er de la loi de 2002 avait privé les familles d’enfants nés handicapés d’une espérance légitime d’indemnisation, sans motif légitime, et sans compensation effective par la solidarité nationale (CEDH, 6 octobre 2005, RJPF 2006-1/30). En conséquence, en 2006, dans des affaires où des parents d’enfants nés avec un grave handicap avaient entrepris une action, avant l’entrée en vigueur de la loi, pour demander au médecin ayant suivi la grossesse réparation de leur préjudice moral et du préjudice subi par l’enfant du fait de son handicap, la Cour de cassation a jugé que la loi de 2002 était incompatible avec une disposition de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Cass. 1re civ., 24 janvier 2006, Bull. civ., n° 29, 30 et 31 ; Cass. 1re civ., 8 juillet 2008, Bull. civ. I, n° 190). Malgré toutes les critiques dont il a fait l’objet, l’arrêt « Perruche » a indirectement permis, avec l’élaboration de la loi de 2002, d’éviter de laisser certains handicapés sans ressources.

Chapitre 3 • L’inexécution du contrat 177

Commentaire d’arrêt

L’arrêt « Perruche » a été critiqué pour différentes raisons (A), ce qui a entraîné de nombreuses conséquences (B).

de cassation a maintenu sa position en 2001 (voir par exemple : Cass. ass. plén., 13 juillet 2001, 3 arrêts, Bull. civ., n° 10).

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II.

Commentaire d’arrêt


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