GreseaEchos N°89 Travailleurs en lutte dans l'économie mondialisée

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coordination des luttes menées dans chaque port européen. Si l’union internationale des travailleurs/ ses est un objectif reconnu comme essentiel pour la lutte, au moins depuis la formation de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT)1, les difficultés pour y parvenir sont nombreuses : différentes conditions socio-économiques, cultures politiques, langues, concurrence accrue entre travailleurs/ses (en réaction, entre autres, aux délocalisations qui mènent de plus en plus vers des revendications protectionnistes favorisant l’émergence des orientations politiques de droite), ... À ces difficultés s’ajoutent des transformations culturelles ayant un impact non négligeable sur la vie sociale et politique. La valorisation accrue de l’individu conduisant à la recherche du bonheur individuel et au repli sur soi, se traduit également dans une idéologie politique qui surestime les luttes « locales » et la micro-politique au détriment de la solidarité et de l’organisation internationale. Bien évidemment, les luttes locales ont toujours été centrales. Le problème surgit lorsqu’au nom de l’importance accordée à ces combats, on en vient à négliger la nécessité de coordonner ces luttes au niveau international. Mais une des limites principales aux tentatives de convergence internationale des luttes concerne les formes d’organisation de ces coordinations. Les institutions internationales ont été historiquement traversées par une tension entre le principe d’autonomie (des organisations qui l’intègrent) et de centralisation du pouvoir décisionnel. Au sommet de ces organisations et souvent éloignés des bases ouvrières, les représentants internationaux tendent à se concevoir comme étant des « dirigeants » (dont leur fonction consiste à prendre des décisions globales) et non pas comme des « porte-paroles », exprimant la volonté de leurs représentés/ées. Ils reproduisent ainsi des pratiques correspondantes à la démocratie capitaliste, qui fait des « citoyens » des électeurs passifs, soumis aux décisions prises par leurs élus. En d’autres mots, des millions de « bras »

qui exécutent les commandes de quelques « cerveaux ». Preuve de la manière dont la structure économique (dans laquelle la division du travail est indispensable à la « productivité ») domine nos sphères sociales et politiques. À ces difficultés s’ajoutent la concurrence entre organisations et la prépondérance de certaines d’entre-elles au détriment d’autres. Ceci est l’une des conséquences des conceptions qui considèrent que « représenter », c’est « diriger ». Cette vision opère comme moteur dans la dispute entre organisations pour « diriger » une coordination, oubliant parfois les objectifs du mouvement. Ces limites du mouvement ouvrier nous amènent, finalement, à réfléchir à la nécessité d’un combat permanent à l’intérieur des organisations pour une convergence des luttes, basée sur la coopération, la participation des organisations sur un pied d’égalité et le lien permanent entre luttes locales et internationale. Ce combat est aussi personnel, car c’est seulement par l’autoréflexion permanente sur nos pratiques que nous pouvons, au moins, prendre conscience des reproductions sociales qui nous inclinent à faire de nécessité vertu et à désirer l’inévitable. Les expériences retenues dans ce numéro du Gresea Echos, montrent que des alternatives existent et sont possibles dans un capitalisme mondialisé où les travailleurs/ses sont de plus en plus fragmenté-e-s et divisé-e-s. Elles nous offrent, également, de nouvelles pistes de réflexion pour le développement d’un véritable rapport de force capable de combattre ce modèle économique dominant en proposant la construction de pratiques solidaires, internationalistes et démocratiques qui soient en rupture avec les notions et les pratiques de démocratie, de division du travail et de mondialisation capitaliste.

1. Nom officiel de la Première Internationale, fondée le 28 septembre 1864.

Gresea Echos N°89


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