Gresea Echos 86 L'Europe (néo)mercantile; la diplomatie économique de l'UE dévoilée

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ÉCLAIRAGES SUR LES ACCORDS DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE (APE) Cheikh Tidiane Dieye/ ENDA CACID/POSACO

Le Ministre des Finances du Sénégal a tenu les propos suivants sur les APE: «Le Sénégal va signer les APE...Le Président Macky Sall avait été chargé de négocier l’Accord au nom des États de la CEDEAO... l’APE est un accord important pour le Sénégal». Je voudrais ci-dessous:

apporter

les

clarifications

1/ Le Sénégal ne projette pas de signer l’APE, il l’a déjà fait, avec 12 autres des 15 pays que compte la CEDEAO. Ce qui n’est pas encore fait c’est la ratification par l’Assemblée nationale. J’espère que ce ne sera pas le cas, même si en vérité, je n’attends pas grand-chose de l’Assemblée Nationale, certains députés ayant déjà annoncé la couleur; 2/ Le Président Macky Sall n’a pas été choisi pour négocier au nom des autres pays de la CEDEAO mais pour faciliter la négociation. Il ne lui appartenait pas de décider de signer au nom ou à la place des autres, mais de faciliter l’obtention d’un compromis et laisser chaque pays se déterminer librement. 3/ Dire que l’APE est un important accord pour le Sénégal est une vue de l’esprit. Il ne l’est en aucun cas car en tant que PMA, le Sénégal n’a ni obligation légale ni intérêts économiques stratégiques pour le faire. La signature de l’APE par quelques pays ouest africains, sans le Nigéria, pourrait renforcer et consolider le problème que l’Accord était sensé résoudre. En 2014, pour justifier le paraphe de l’APE, le Sénégal, en tant que facilitateur, avait dit que si l’Afrique de l’Ouest ne signe pas, l’intégration

régionale pourrait voler en éclat à cause des engagements individuels de la Cote d’Ivoire et du Ghana à travers leurs accords intérimaires. C’est une analyse partiellement vraie. Partiellement seulement car la société civile ouest africaine avait proposé depuis 2011 la mise sur pied d’un «Fond régional de solidarité» pouvant être alimenté par un prélèvement léger sur les importations afin de compenser momentanément la Cote d’Ivoire et le Ghana dont les pertes, en cas de non signature, avaient été estimées. A charge pour ces derniers de travailler à accroitre leur compétitivité pour pouvoir exporter en Europe sans les préférences. Les dirigeants ont ignoré cette option, certes plus difficile, qui aurait pourtant pu permettre de desserrer l’étau sur la région et permis la poursuite de la construction des politiques sectorielles régionales. Certes, le paraphe par la CEDEAO et la signature de l’APE par quelques pays ont maintenu la CI et le GH dans le giron régional. Mais nous avons en même temps perdu le Nigeria et la Gambie qui sont sortis par la porte opposée, nous ramenant à la case départ du risque de dislocation de l’intégration régionale. Les PMA qui veulent se prendre pour plus importants qu’ils ne sont oublient que même l’Union européenne a plus besoin du marché du Nigeria que des 11 PMA réunis. C’est pourquoi sans le Nigeria, il n’y aura pas d’APE en Afrique de l’Ouest. Je dis à ceux qui pensent que la bataille est perdue que je n’arriverai à cette conclusion que le jour où le Nigeria aura à son tour signé. Et croyez-moi, de nombreux acteurs, agissent là où il faut, sans tambours ni trompettes, pour soutenir

Gresea Echos N°86


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