Gresea Echos 79 - La première Guerre coloniale mondiale

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sions espagnoles ; à l’est, portugaises. C’est le traité de Tordesillas1. Aussi Pedro Alvares Cabral vat-il s’emparer de ce qui est aujourd’hui le Brésil en 1500. Le reste sera laissé à l’Espagne. Hernan Cortes défait l’empire aztèque (1519-1521) et conquiert le Mexique. A sa suite, les frères Pizarro anéantissent le royaume inca et s’établissent au Pérou. Ils tombent sur les fabuleuses mines d’argent de Potosi, qui vont inonder l’Europe jusqu’à la fin du siècle. A leur suite, Hollandais, Français et Britanniques vont investir le continent. Les Provinces-Unies (ancien nom des Pays-Bas) créent à partir de 1614 la Nouvelle-Néerlande, qu’elles devront céder à Londres en 1674 par le traité de Westminster. Elles envoient des commerçants peupler ce qui deviendra le Suriname par la suite, dès la fin du XVIème siècle. Les Français s’implantent au Canada dès le début du XVIIème siècle. Ils fondent la colonie de Louisiane en 1682. Ils prennent les îles de la Martinique et de la Guadeloupe en 1635. Après plusieurs tentatives, ils s’installent en Guyane à la fin du siècle, ce qui sera confirmé par le traité d’Utrecht en 1713. Mais le grand vainqueur de cette période américaine est incontestablement les Britanniques. Arrivés dès 1607 en Virginie, ils vont conquérir progressivement les côtes nord-américaines, au détriment des Hollandais et des Français. Ils vont investir petit à petit les îles des Antilles : Saint-Kitts en 1623, Barbade en 1625, Nevis en 1628, les Bahamas en 1647, la Jamaïque reprise aux Espagnols en 1655, les îles Vierges en 1666, les îles Caïmans arrachées encore à Madrid en 1670, Grenade obtenue des Français en 1760, Tobago en 1762, Trinidad en 1797, ces deux dernières également accaparées sur le dos de l’Espagne. Ils 1 En fait, depuis le milieu du siècle, les papes successifs tentent d’éviter les conflits et définissent une ligne de démarcation.

s’emparent également en 1831d’un territoire devenu le Guyana aujourd’hui, après bien des démêlés avec les PaysBas et la France. Enfin, les Falkland (ou Malouines) deviennent propriété britannique définitivement en 1833. A chaque fois, ce sont des guerres de conquête, des actes d’extermination des populations locales, que l’on considère comme moins que rien, les accusant d’être des sauvages, des cannibales, de ne pas avoir d’âme, etc. A cela s’ajoutent des épidémies venues directement d’Europe, contre lesquelles ces êtres affaiblis par les conflits et la discrimination ont peu moyen de lutter. L’extension de la variole en 1525, 1558 et en 1589, celle du typhus en 1546, celle de grippe en 1558, celle de diphtérie en 1614 et celle de la rougeole en 1618 font des ravages. On estime que de 50 à 60% des autochtones disparaissent.

L'homme-marchandise (au Sud) C’est alors que pour remplacer cette main-d’œuvre qui disparaît, les Européens ont l’idée de faire ressurgir un système qu’ils n’utilisent plus que très peu chez eux et qui, à jamais, fait la honte de la civilisation occidentale : la traite des esclaves. Le principe en est simple : un navire (ou plusieurs) part d’un port européen (Liverpool, Londres, Amsterdam, Nantes…), chargé de produits de prestige ou d’alcool, destinés à payer les esclavagistes ; il s’arrête dans un port africain où il peut acheter une masse d’êtres humains ; ceux-ci viennent en majorité de l’Afrique profonde, où des circuits locaux se chargent de les capturer ; le navire rempli de cette marchandise particulière s’en va alors pour l’Amérique, pour l’une ou l’autre colonie européenne ; celle-ci fonde son économie sur la culture du tabac, de la canne à sucre, du coton, des secteurs demandant un important travail manuel exercé par

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ces migrants africains forcés ; le navire débarque ces esclaves et charge alors les produits fort demandés en Europe : sucre, tabac, coton, cacao… On estime que plus de onze millions d’Africains sont arrivés en Amérique, dont quatre pour le Brésil et 2,5 millions pour les colonies espagnoles et britanniques chacune2. Mais combien sont morts dans les soutes des bateaux ? Combien ont-ils été tués lors des opérations de capture ?

Tableau 1. La traite atlantique des esclaves originaires d’Afrique à travers les siècles (en milliers) Période 1519-1600

1601-1650 1651-1675 1676-1700 1701-1725 1726-1750 1751-1775 1776-1800 1801-1825 1826-1850 1851-1867 Total

Nombre d'esclaves 266,0 503,5 239,8 509,5 958,6 1 311,3 1 905,2 1 921,1 1 610,6 1 604,5 231,7 11 061,8

Source : Olivier Pétré-Grenouillau, Les traites négrières, éditions Gallimard, Paris, 2004, p.200, cité dans Henri Wesseling, Les empires coloniaux européens 1815-1919, éditions Gallimard, 2009, p.179.

En 1807, le parlement britannique décide l’interdiction de la traite. Puis, en 1834, il n’est plus permis d’employer des esclaves dans les colonies anglaises. Mais rien n’y fait. En 1830, il y a toujours 60.000 navires pratiquant ce trafic au départ de l’Afrique. « La traite commença à fléchir quand il fut plus rentable de garder les Noirs en Afrique, pour qu’ils y produisent notamment de l’huile de palme - une transformation qui prend 2 Christian Delacampagne, Histoire de l’esclavage, éditions Librairie Générale Française, Paris, 2002, p.302.


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